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De Tocopilla à Mejillones
(Région d'Antofagasta, Chili)
Heure locale

 

Jeudi 7 mars 2019

 

Après un solide petit-déjeuner, nous quittons Tocopilla qui nous hébergeait depuis deux jours, non sans avoir parcouru un peu quelques-unes de ses rues, parfois ornées de jolies peintures murales (en photo ci-dessous). Je n'ai pas réellement pris le temps de découvrir cette ville de 35000 habitants pourtant bien sympathique, mais ai pu rapidement juger de la qualité d'accueil de ses habitants. Me promenant dans la principale rue commerçante, je fus interpellé par un fermier qui vendait des œufs et m'en proposa. Je lui répondis gentiment que je n'étais qu'un touriste de passage. Il me demanda d'où je venais et je répondis que j'étais Français. L'homme ne tarit pas alors d'éloges sur mon pays, et je sentais que cela venait du cœur. Je suis toujours surpris par l'image que la France offre encore aujourd'hui malgré nos grèves à répétition et notre accueil parfois défaillant.

Peut-être son enthousiasme était-il lié à l'histoire de Tocopilla : la ville fut en effet créée en 1843 par le Français Dominique Latrille Loustaneau, alors consul de France à Cobija et originaire de Pau (64). L'homme fondera le port de Tocopilla, un an après avoir créé la petit ville de Mejillones, où nous allons nous rendre ensuite. C'est lui qui découvrira également du salpêtre au Salar del Carmen (au sud de la rivière Loa) en 1857. Ce compatriote repose désormais au cimetière du petit village de Guatacondo.

Celle que les Boliviens surnommeront « Petit port » exportera depuis son port ses premiers chargements de salpêtre du gisement Toco dès 1870. L'essor de l'industrie du salpêtre entrainera une croissance incroyable de Tocopilla, qui sera alors dotée d'un chemin de fer la reliant à Toco dès 1890 pour faciliter le transport des cargaisons de salpêtre jusqu'au port. La ville découvrira aussi quelques années plus tard l'électricité. Y vivre n'est toutefois pas de tout repos: le séisme de 2007, qui affectera gravement la cité et ses habitants, nous rappelle que la région est sujette à des tremblements de terre qui peuvent être plus ou moins violents.


 

En poursuivant notre route en direction d'Antofagasta sur la ruta 1, Jean-Sébastien et moi nous rendons à Mejillones, où j'ai dans l'idée de visiter le musée historique de l'endroit. Nous sommes cordialement accueillis par les personnels du musée et Felipe Catalan se déplacera même pour nous conter l'histoire de la petite ville (le musée ne dispose en effet d'aucun panneau d'information à ce sujet). Je découvre ainsi que l'existence de Mejillones se décompose en trois phases : le Mejillones archéologique, celle que la petite ville connut au 19è siècle, et l'autre qu'elle vécut au siècle suivant. Il y a 10000 ans de cela, les premiers hommes à avoir fréquentés ce littoral furent les Changos (ou peuple camanchaco), un peuple à la fois nomade et sédentaire, selon les circonstances, qui vivait de la pêche aux crustacées sur les côtes nord-chiliennes et sud-péruviennes. 5500 ans avant JC, ces peuplades innovèrent en matière de technique de pêche grâce à l'utilisation de coquille et d'épines en guise d'hameçon. Suivra ensuit le poisson séché, plus facile à conserver et à transporter pour les caravanes qui se déplaçaient dans le désert. Les Changos s'intéresseront également à l'agriculture, à la poterie et au tissage.

Quant au nom de « Mejillones », il tire ses origines d'un mollusque bivalve abondant sur le littoral nord chilien et qui faisait jadis partie de l'alimentation de base des Indigènes vivant le long des côtes, bien avant que la ville elle-même ne soit officiellement fondée un certain 24 décembre 1862, lorsque le gouvernement chilien accordera des terrains à la société d'exploitation du guano dirigée par Juan Chango Lopez (découvreur du guano rouge fossilisé), Matias Torres et Juan Garday. En 1841, Dominique Latrille avait déjà découvert et exploité le guano blanc sur les îlots voisins de la Pointe Angamos. Cette découverte sera d'ailleurs à l'origine de la publication d'une loi chilienne de 1842 rappelant l'établissement de la frontière nord du pays au niveau du parallèle 23. Ces premiers gisements s'épuiseront vite, d'où l'importance de la découverte du nouveau gisement de Juan Chango Lopez, effectuée en 1862, qui entrainera l'installation d'un premier campement de 150 ouvriers, puis un deuxième, au pied du Mont San Cerrano. Ce dernier camp prendra tant d'ampleur qu'on lui donnera le nom de « Mejillones » à cause des grandes quantités de mollusques disponibles à proximité.

Le premier port de la région sera celui de Cobija, dont Simon Bolivar se servira pour donner à la Bolivie un accès direct sur l'océan Pacifique. Mejillones était alors une simple escale pour les voiliers de passage qui acheminaient le salpêtre dans le monde, mais aussi un port refuge en cas de tempête. La localité ne parviendra pas à se développer aussi rapidement qu'elle l'aurait souhaité et sa population stagnera jusqu'au début de la Guerre du Pacifique, lorsque Mejillones reviendra malgré elle sur le devant de la scène, lors de cet événement remarquable : la bataille navale d'Angamos (au large de la Pointe d'Angamos, près de Mejillones), qui eut lieu le 8 octobre 1879, entre le Chili et le Pérou. Il s'agit là d'un épisode de la Guerre du Pacifique qui débuta cette même année, et qui aboutit à la capture du navire péruvien « Huascar » par la marine chilienne. Le « Huascar », qui avait entamé quelques jours plus tôt sa quatrième campagne le long des côtes chiliennes se trouvera successivement face aux bâtiments chiliens « Cochrane » et « Blanco Encalada » (qui en viendra finalement à bout) et sa capture marquera un tournant dans le conflit naissant avec la disparition des actions belliqueuses du « Huascar » qui consistait à courser systématiquement les navires chiliens, avec, à sa tête, l'Amiral Grau, surnommé « Chevalier des mers ». Celui-ci décèdera lors de la bataille d'Angamos. On dit aussi que cette prise de mer, qui s'ajouta aux effectifs de la flotte chilienne, permit une fois pour toutes l'hégémonie maritime du Chili dans les eaux régionales, mais pas seulement, car le Chili annexera à son profit l'actuelle région d'Antofagasta (alors sous domination bolivienne) et les régions d'Arica et d'Iquique (anciennes possessions péruviennes).


 

Le premier plan de la ville sera tracé par Ramon Gonzalez et comprendra 35 maisons. De son côté, le Français Henri Guillaume Marie Arnous-Rivière découvrira un gisement d'argent entre 1860 et 1864 et participera à la construction d'un premier port à Mejillones. Malheureusement, un tsunami détruira la ville dix ans plus tard et il ne restera alors que deux familles de pêcheurs sur place. Quant au port, il fermera en 1888 sur injonction du gouvernement chilien.

L'année 1904 verra l'achat de terrains par la société de chemins de fer FCAB (Compania de Ferrocarril Antofagasta Bolivia) agissant dans le cadre d'un plan global de modernisation de l'infrastructure urbaine. Deux ans plus tard, la nouvelle ville de Mejillones, dont les plans seront confiés à l'ingénieur Emilio de Vidts, prendra forme en conservant toutefois la répartition initiale et les noms de ses rues. Petit à petit, Mejillones s'équipa de bâtiments publics comme le théâtre municipal. D'autres édifices s'offrent encore aux yeux du public comme la capitainerie du port (ci-dessous), dont la construction remonte à 1910 et qui fait partie intégrante du plan de construction de la nouvelle ville. Les plans de cette réalisation furent l'oeuvre de l'architecte Leonello Bottacci. Un petit tour en ville nous permettra d'apercevoir l'église du Cœur de Marie (deuxième photo), bâtie elle aussi dans la même période, en 1907. L'édifice religieux fut entièrement construit en pin d'Oregon. L'ensemble s'articule autour d'un corps principal auquel on a rajouté sur les côtés les bureaux paroissiaux et la maison paroissiale.


 

L'ex-bâtiment des Douanes, qui abrite désormais le Musée d'Histoire de la ville fut, lui aussi bâti entièrement en pin d'Oregon et en 1909. Seule la construction du cimetière municipal sera plus tardive puisque les travaux s'achèveront en...1916. L'entrée monumentale de ce cimetière (en photo ci-dessous) est particulièrement remarquable et fut réalisée en béton. Une coupole sphérique de style néo-classique coiffe le sommet de la porte d'entrée. Ici repose le célèbre musicien et troubadour chilien, Gamelin Guerra (deuxième photo). Cet enfant du pays naquit en 1906 dans la oficina de salpêtre Pepita (dans le nord chilien, entre Antofagasta et Tal-Tal). Il sera machiniste aux chemins de fer FCAB puis chauffeur de bus cinq années durant avant de devenir célèbre grâce à sa chanson « En Mejillones yo tuve el Amor » (j'ai trouvé l'amour à Mejillones) qu'il composa en 1940 et qui deviendra un classique de la chanson populaire chilienne.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée historique, Francisco Antonio Pinto 110, à Mejillones. Entrée gratuite.
  • Office de tourisme (situé dans le même bâtiment que ce musée), ouvert tous les jours de 8h30 à 14h00 et de 15h00 à 17h30. Bureau touristique également ouvert sur la place centrale de Mejillones les samedi et dimanche. Tél : 552 62 12 89. http://www.turismomejillones.cl

  • Le livre « El Baron de la Rivière » de Patricio Espejo Leupin (478 pages, Editions RiL Editores, 2016) raconte l'épopée chilienne de ce Français aventurier au nord du Chili durant le 19è siècle.









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