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Le Quartier Balvanera-Congreso
(Buenos Aires, Argentine)
Heure locale


Vendredi 7 août 2015

 

C'est l'hiver austral dans la capitale argentine et le temps est aujourd'hui brumeux, mais sans pluie. Parmi les nombreux quartiers qui constituent Buenos Aires, celui de Balvanera se situe à proximité du centre politique et financier de la ville. Ce quartier est très actif, bien peuplé et largement desservi par les transports en commun. Lors de mon passage, j'y verrai plusieurs édifices historiques dont certains inspirèrent écrivains et poètes argentins. Le quartier de Balvanera est en grande majorité occupé par une communauté juive qui développa une activité commerciale importante depuis le début du XX ème siècle, tout particulièrement dans le district de Once. Depuis le Coréens ont rejoint ces premiers occupants et Balvanera conserve plus que jamais sa réputation de quartier de commerce en gros et de bonnes occasions, avec ses airs de marché turc mais une ambiance complètement latino-américaine.

Balvanera tire son nom de l'église Nuestra Senora de Balvanera, laquelle fut bâtie en 1831 (ci-dessous). Ce nom provient en effet du Monastère de Valvanera, situé dans la Rioja (Espagne), dont on trouve la référence écrite de val veneto dans un document de 1016. Il y a une certaine affluence autour de cette église rebaptisée San Expedito. A l'intérieur, nombreuses sont les dévotions des visiteurs locaux pour ce saint vénéré par l'église catholique et qui fut béatifié en 1629 par le Pape Urbain VIII. La paroisse sera érigée en l'honneur de la Vierge de Valvanera (deuxième photo ci-dessous), patronne de la région de la Rioja et la légende de cette Vierge remonte au IX ème siècle : un brigand repenti de ses crimes, Nuno Onez, l'implora pour l'aider à changer d'existence. Un ange lui serait alors apparu en lui indiquant où se trouvait l'image de la Vierge, dans la vallée de Valvanera. L'homme, accompagné d'un prêtre, se mit à la recherche de celle-ci, qu'il retrouvera au pied d'un chêne. Et les deux hommes d'entreprendre la construction du Monastère de Valvanera, qui existe encore de nos jours. Au XIX ème siècle, Balvanera était considéré comme faubourg de la capitale argentine et un recensement de 1836 estimait alors sa population à 3625 habitants, occupants qui vivaient presque tous exclusivement dans des quintas (petites propriétés) au moins dans la zone connue sous le nom de Las Quintas . L'avenue principale de l'endroit s'appelait autrefois Camino Real (route Royale), mais a depuis été rebaptisée Avenida Rivadavia. On y construisit la gare terminus du chemin de fer de l'ouest. Le quartier se forgea au fil des ans une forte identité politique avec la présence des leaders de l'UCR (Union Civica Radical), en passant par Leandro Alem, et Hipolito Yrigoyen (qui deviendra Président de l'Argentine). Dans les années 1900, le nom de Balvanera sera lié à de violents contestations et protestations électorales, mais sa réputation était également liée aux maisons closes des rues Junin et Lavalle. C'est dans cette zone que le tango acquerra ses connotations érotiques les plus notoires. Parallèlement, la démographie augmentait, Balvanera se peuplait et le chemin de fer permit son développement en tant que quartier à part entière.


 

Le quartier est composé de plusieurs parties, dont le micro quartier de Congreso : Outre la paroisse de Balvanera, celui-ci abrite le Palais du Congrès de la Nation argentine (ci-dessous), édifice où se déroulent les activités du pouvoir législatif de la république. C'est une loi de 1894 qui autorisa la construction de ce Palais, pour six millions de pesos de l'époque. 28 projets furent présentés deux ans plus tard et c'est celui de l'architecte Vittorio Meano qui remporta le concours. Les travaux du Palais débutèrent en 1897 et l'édifice sera inauguré en 1906 par le Président argentin José Figueroa Alcorta, bien que l'ouvrage, toujours en cours de finition, ne sera terminé qu'en...1946 ! Le budget initial (six millions de pesos) explosera aussi à...plus de 31,4 millions de pesos en 1914, d'où le surnom de Palais d'or, donné ironiquement au bâtiment par les Portègnes. L'édifice est de style Beaux-Arts et appartient à l'académicisme italien, l'une des caractéristiques de l'architecte Meano. On reconnaît le bâtiment par son dôme, qui franchit allègrement les 80 mètres de haut. Ce dôme impliqua d'énormes travaux compte tenu des 30 000 tonnes de la superstructure de la coupole centrale, impliquant quatre piliers de 300 m2 de section chacun pour supporter le tout. Au fil du temps, sa couverture en cuivre va devenir verdâtre, sa couleur actuelle. L'entrée principale, utilisée pour les grandes occasions, est quant à elle située sur la rue Entre Rios. Cette entrée est précédée d'un atrium central décoré de six colonnes de style corinthien supportant un fronton triangulaire, tandis que la porte est entourée de deux cariatides de marbre. Les députés de la nation, eux, accèdent au bâtiment par l 'Avenida Rivadavia, et les sénateurs, par l'Avenida H.Yrigoyen. Le fronton triangulaire est pour sa part orné d'une sculpture de pierre portant l'écusson de l'Argentine. Derrière ce fronton, se trouve une plate-forme ornementée sur laquelle s'élève un quadrige, une œuvre de bronze de huit mètres de hauteur et d'un poids de vingt tonnes, réalisée par le sculpteur Victor de Pol. On peut ainsi admirer un char tiré par quatre chevaux, char représentant la République triomphante et conduit par la Victoire ailée.


 

Je poursuis ma balade en me rendant à l'ancienne Confiteria del Molino, toute proche, puisque située face au Congrès (ci-dessous). Cette ancienne confiserie est un édifice remarquable offrant une architecture à la fois de style néoclassique et Art nouveau, style très emblématique du Buenos Aires de l'âge d'or. Inauguré en 1821, sous le nom de Confiteria del Centro, l'édifice fut un lieu de rencontres et de passage pour un nombre impressionnant de personnalités comme Carlos Gardel, Juan Domingo, Evita Peron, Nini Marshall, le Prince de Galles ou encore Isabelle de Bourbon...la confiserie est alors située à l'intersection de l'Avenue Rivadavia et de la rue Rodriguez Pena. Quelques années plus tard, on rebaptisera la confiserie du nom de Confiteria del Molino, à cause du moulin (molino) qui se trouvait à proximité, sur la Place Lorea. Cayetano Brenna, la jeune propriétaire, décidera ensuite de transférer son affaire sur un petit terrain face au Congrès alors en cours de construction. Et fit alors bâtir l'un des édifices les plus hauts de la ville pour l'époque, avec en son sommet une tour en forme d'aiguille, de somptueux vitraux et des ornements, pour y établir sa confiserie dès 1916. Celle-ci fermera malheureusement ses portes en 1997, et seul le bâtiment plus ou moins à l'abandon s'élève toujours sur cet emplacement.


 

Un coup d'oeil s'impose au passage sur la Casa de los Lirios (ci-dessous) : au 2031, Avenida Rivadavia, s'élève en effet un édifice typiquement Art nouveau datant de 1903. Sa façade est ondulée, et offre de voir des fleurs de lys sculptées en ciment donnant l'impression de supporter des balcons pour en former les barreaux. Formes et motifs végétaux, mais aussi mosaïques colorées et modernistes complètent ornementation de l'endroit. La coupole de l'immeuble offre l'apparence d'écailles de poisson et rappelle Gaudi. Corniches et moulures de figures inspirées de la botanique, de divinités et de monstres décorent cet édifice qui fait désormais partie intégrante du patrimoine historique de la ville.


 

Le Café de los Angelitos, lui, fut jadis un bar typique et célèbre. Situé au niveau de l'Avenida Rivadavia et de la rue Rincon, il fut créé à partir d'un bar déjà existant (depuis 1890, sous le nom de Bar Rivadavia) grâce à un espagnol, Angel Salgueiro, en 1920. Le café reçut le nom de Angelitos car le commissaire du quartier se référait à l'époque aux petits anges (angelitos), c'est à dire les malfrats du secteur qui fréquentaient alors l'endroit. Et Angel Salgueiro de faire installer deux petits anges au-dessus de l’enseigne de l'établissement pour symboliser le lieu. Quelques années plus tard, le bar accueillera de nombreux tangueros (amateurs de tango), dont Carlos Gardel (qui habitait alors dans la rue Rincon) et José Razzano. Ce dernier, un habitué de l'endroit, y composera d'ailleurs un tango intitulé « Café de los Angelitos ». Le bar n'avait pourtant rien d'original du point de vue architectural, mais l'ambiance qui y régnait en faisait un lieu unique. L'établissement fermera en 1992 suite à une tempête qui emportera sa toiture, restera vide durant quelques temps, mais ses amis avaient pris l'habitude de se rassembler chaque mercredi à proximité pour y danser le tango. C'est alors que des entrepreneurs réinvestiront l'endroit en 2007 pour en faire le nouveau Café de Los Angelitos, un bar restaurant de trois étages de style années trente, un lieu où l'on danse chaque soir le tango, comme autrefois.


 

Je m'arrête quelques instants à la Place Primero de Mayo, délimitée par les rues Hipolito Yrigoyen, Pasco, Alsina et Pichincha. C'est l'une des rares places du quartier Balvanera, et elle est issue d'un ancien cimetière qui était connu jadis sous le nom de Cementerio de Victoria (Victoria était l'appellation de l'actuelle rue Hipolito Irigoyen, jusqu'en 1947) ou encore sous le nom de Hueco de los Olivos (hueco signifiant le creux, en référence aux friches et terrains vagues qui étaient à l'époque transformés en places dans la capitale). La municipalité ferma le cimetière en 1892 et le transféra au Cementerio de la Chacarita, avant d'entreprendre la construction de l'actuelle Plaza Primero de Mayo. On retrouva lors des travaux, en 2006, des pierres tombales et des ossements, ce qui donna lieu depuis à des recherches archéologiques. Rappelons qu'à l'époque, on ne pouvait être inhumé que dans l'église de sa propre confession, mais le quartier Balvanera étant alors dominé par les communautés juives et protestantes (anglais et allemands), et les Catholiques n'avaient pour ressource que l'ancien Cementerio de Victoria (inauguré en 1833), d'où la présence de tombes de défunts restées sur place, faute, pour les familles, de disposer des ressources nécessaires pour le transfert de leurs morts. On estime ainsi à plusieurs milliers, le nombre de corps restés enfouis sous l'actuelle place qui fut inaugurée le 14 avril 1925 et reçut le nom du 1er mai, jour de la fête du travail. Le jour de l'inauguration, il fut mis à jour un monument consacré au travail et représentant un vieil homme portant sur son épaule une énorme charge, oeuvre du sculpteur Ernesto Soto Avendano.


 

Institution fondée en 1907 pour aider les Espagnols de Galice, le Centre Gallego (ci-dessous) possédait un bureau de l'emploi et de l'immigration ainsi qu'une assistance sociale associée. Aujourd'hui située au 2199 de l'Avenue Belgrano, c'est à dire au sud de la Place Primero de Mayo, cette institution changera plusieurs fois de place avant de s'établir définitivement à cet endroit dès 1920, et en s'agrandissant au passage. Devant l'afflux d'Espagnols quittant l'Espagne franquiste, 1936 verra la création du Sanatorio del Centro Gallego (Clinique du Centre Gallego) au coin de la rue Belgrano et de la rue Pasco. De nos jours, ce centre offre une bibliothèque, une salle d'exposition, un théâtre (Téatro Castelao) et édite la revue Galicia.

 

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