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Colombo et le quartier de Pettah
(Colombo, Province de l'Ouest, Sri Lanka)
Heure locale

 

Jeudi 1er novembre 2018

 

C'est aujourd'hui jour de pluie et ma visite du quartier de Pettah s'annonce bien grise : un Sri-lankais qui s'imposera à moi comme guide, un motard qui manquera de me renverser en pleine rue, et un accident de tuk-tuk heureusement sans gravité. Colombo s'avère décidément inhospitalière pour le piéton que je suis. L'absence de trottoirs m'oblige bien souvent à déambuler sur la chaussée et à mes risques et périls. Sans parler des flaques d'eau présentes un peu partout sur la route et qui n'arrangent rien. J'ai pour l'occasion enfilé ma tenue de pluie et je quitte mon hébergement en direction de ce quartier populaire qu'est Pettah, un quartier coloré mais chaotique, signifiant « petit village » en langue tamoul, et entièrement dédié au commerce. Malgré le temps pluvieux, l'effervescence est à son comble lorsque je débarque près de la mosquée Jami-ul-Alfar (en photo ci-dessous). Celle qu'on surnomme également la mosquée rouge reste la mosquée historique de Colombo. Elle fut construite en 1909, à l'initiative de la communauté musulmane du quartier et par un certain Habibu Labbe Saibu Labbe, d'après des images architecturales venues d'Asie du Sud-Est. La construction est un mélange de style indo-islamique et indien combiné avec des touches architecturales néo-classiques. L'endroit originellement prévu pour accueillir 1500 fidèles fut agrandi en 1975 pour abriter jusqu'à 10000 personnes. L'ensemble est coiffé d'une tour horloge, qui rappelle un peu la mosquée Jamek de Kuala Lumpur (Malaisie). On prétend qu'avant l'urbanisation actuelle, les marins repéraient Colombo depuis le large grâce à la mosquée Jami-ul-Alfar. Je demande l'autorisation de prendre une photo à l'intérieur et ma demande est bien accueillie. Il est même possible de visiter le lieu après s'être préalablement déchaussé, mais un programme chargé m'attend et je ne m'attarderai pas sur place.

 

Dans une rue voisine se dresse la mosquée Hanafi, plus traditionnelle. Celle-ci est la principale mosquée memon (communauté de commerçants musulmans d'Asie du Sud) du pays. L'islam sri-lankais, bien que minoritaire, fait partie des religions pratiquées ici. Et ce culte de s'imposer dans le pays depuis l'arrivée des marchands arabes au 7 siècle, qui furent les premiers à professer leur foi sur place. Un siècle plus tard, ces mêmes marchands avaient la main mise sur le commerce dans l'océan indien, jusqu'au moment où les Portugais débarquèrent sur l'île et persécutèrent les descendants de ces arabes, surnommés « Sri Lankan Moor », et spécialisés dans le commerce des épices. Un regain de la population musulmane surviendra au Sri Lanka durant les 18è et 19è siècles, grâce à l'arrivée de musulmans javanais et malaisiens, tandis que les 19è et 20è siècles verront l'arrivée de musulmans indiens. Et les musulmans de l'Inde du Sud et du Pakistan d'avoir permis l'introduction de la doctrine shafi'i et Hanafi au Sri Lanka.

Le quartier de Pettah bruisse d'activité : la population est ici majoritairement musulmane et tamoule, malgré la coexistence de différentes ethnies et religions. Cela explique la présence de mosquées mais aussi de temples hindous et d'églises. Les boutiques, elles, sont agencées comme à l'intérieur d'un bazar, chaque rue étant dédiée à un type particulier de commerce. Front Street s'est par exemple spécialisée dans la vente de sacs, de valises et de chaussures tandis que 2nd Cross Street, elle, se consacre au textile. Gabo's Lane, qui a choisi de se tourner vers le commerce d'ingrédients ayurvédiques, offre d'impressionnants étals garnis de brindilles, d'écorces, de racines et de feuilles stockés dans de grands sacs. C'est que l'ayurvéda, à savoir la science de la vie et médecine traditionnelle du Sri Lanka, reste très bien implantée ici. Celle-ci soigne les maux à l'aide de plantes et d'huiles tout en s'appuyant sur le principe des trois dosha (humeurs) : vata (l'air), pitta (la bile ou feu) et kapha (l'eau ou la terre). Ces doshas, parfois déséquilibrés par un manque de sommeil, une mauvaise alimentation ou un excès de stress entrainent des problèmes de santé résolus par les soins ayurvédiques.


 

Je me dirige maintenant vers l'ancien hôtel de ville (en photo ci-dessous) qui domine le quartier de Kayman's Gate. Cette construction, de style mauresque fut bâtie en 1873 et accueillit 65 années durant les séances du conseil municipal de la ville, jusqu'à ce que l'édifice soit abandonné un laps de temps, puis restauré en 1994 après avoir servi momentanément de marché. Je grimpe au premier étage par un vieil escalier en bois puis tourne à droite et pénètre dans la salle du conseil municipal, reconstituée pour l'occasion avec des mannequins et désormais devenue un musée. La séance de conseil municipal ainsi figée dans le temps date de l'époque coloniale et une photo en noir et blanc montré d'ailleurs la dernière séance de ce conseil en 1906. Sur le côte ouest de l'édifice se trouvent de charmants étals de fruits et de légumes tandis que les halles voisines, en fer forgé, abritent la première bibliothèque mobile de l'île, et divers matériels municipaux dont un rouleau compresseur et autres anciens panneaux de signalisation.

 

Non loin de là s'élèvent plusieurs temples hindous dont le Old Kathiresan Kovil (ci-dessous) et le New Kathiresan Kovil, une centaine de mètres plus loin et dans la même rue. L'hindouisme fut importé à Ceylan (actuel Sri Lanka) dès le 3è siècle par les souverains tamouls et leurs suites, mais cette religion ne s'imposera vraiment dans le pays qu'à partir du 5è siècle. De nos jours, les kovils, c'est à dire les temples hindous, souvent de tailles différentes, parsèment ici et là le paysage de la capitale sri-lankaise. Les deux temples cités plus haut ne manquent pas d'attraits, avec leurs statues ouvragées et colorées qui représentent des divinités hindoues. Celles-ci ornent l'entrée (gopuram) de ces temples dédiés à Murugan (Skanda), dieu hindou de la guerre et fils de Shiva. Ces deux édifices servent par ailleurs de point de départ pour la procession qui accompagne le char doré lors de la fête annuelle du Vel, qui se déroule en juillet à la fois à Colombo et à Jaffna (au nord du pays).


 

Un peu excentré, le temple Sri Ponnambalam Vanesar (ci-dessous) dans le quartier voisin de Kotahena, fut quant à lui érigé au milieu du 19è siècle avait du granit qui aurait été importé d'Inde du Sud. De construction plus basique que les autres temples hindous, celui-ci se distingue par son gopuram de pierre grise qui change des riches contrastes colorés habituellement rencontrés pour ce genre de construction. Souvent fermés le matin, ces temples peuvent être visités l'après midi ou en fin de journée, au moment de la prière (puja). Pour pénétrer dans l'enceinte de ce temple, ne serait-ce que pour en faire simplement le tour extérieurement, il faut se déchausser. J'y renoncerai car le temps pluvieux a détrempé le sol et ce n'est vraiment pas « le pied ». Tant pis, je me contenterai des seules photos réalisées depuis l'entrée. C'est en face du temple Old Kathiresan qu'un jeune garçon ne m'a plus lâché pour me servir de guide (forcé) pour le reste de ma balade. Courtois de nature, je n'ai pas osé le chasser et l'ai finalement laissé m'accompagner. L'homme, prétendant être de confession musulmane, disait travailler sur le port, mais avait tout de même dans sa poche arrière de son pantalon un dépliant sur lequel figuraient les principaux lieux touristiques de Colombo. Tout au long de ma promenade, je restais tout de même sur mes gardes et le lascar fut déçu lorsque je pris congé de lui pour me rendre au musée hollandais, en lui donnant un dollar en guise de pourboire (l'équivalent de 200 roupies sri-lankaises), lui qui voulait s'acheter une bière (vous avez dit musulman?). J'ai horreur de ces situations ambiguës et ne les souhaite à personne. Aussi, je ne saurais trop vous conseiller de vous débarrasser rapidement des gêneurs, même s'ils vous abordent gentiment.


 

Sur le chemin du retour, je fais une halte à l'église Wolvendaal (en photo ci-dessous), construite en 1749 sur le site d'une précédente église portugaise qui dominait à l'époque la colline Wolfendahl. La construction de cette église réformée consacrée au culte protestant de Colombo durera huit années et reste à ce jour le plus ancien lieu de culte de cette religion en ville. Bâtie en forme de croix grecque, l'édifice imposant est aisément repérable grâce à sa façade néo-classique rouge et blanche. L'intérieur devenu un peu désuet à mon goût, abrite une belle chaire en bois, un lutrin et de grands bancs en bois, ainsi qu'un petit orgue aux tuyaux décorés. Le sol est garni de pierres tombales, tout particulièrement dans le transept sud qui abrite les sépultures de gouverneurs et de fonctionnaires hollandais ayant oeuvré au Sri Lanka au 18è siècle. Les tombes les plus anciennes peuvent être observées le long du mur nord-est, à l'extérieur.

 

Alors que je regagne à pied le quartier de Pettah pour me rendre au Musée hollandais, une forte bousculade manque de me faire tomber. Il s'agit d'un motocycliste qui m'a frôlé de trop près et m'a accroché au passage. Je récupère mon guide tombé au sol et m'adresse à ce jeune homme qui s'est arrêté quelques mètres plus loin. Il est évident que l'absence de trottoirs dans cette ville et l'affluence de la circulation doivent souvent contribuer à ce genre d'incident. Heureusement, j'ai eu plus de peur que de mal et je poursuis ma route en direction du musée. Ce dernier a trouvé refuge à l'intérieur d'une imposante demeure hollandaise à deux étages, dont la façade est garnie d'imposantes colonnes. Les quelques gravas se trouvant à l'entrée n'augurent rien de bon, et un homme m'annonce que le musée est fermé...pour cause de travaux. La bâtisse fut érigée lors de l'occupation hollandaise afin de servir de résidence au gouverneur hollandais alors en place de 1692 à 1697. L'édifice servira ensuite de centre de formation du corps professoral, puis de centre d'instruction pour le clergé, avant d'être provisoirement habité par le comte August Carl Fredrick Von Ranzow. L'endroit sera converti en hôpital militaire du temps des Britanniques, en 1846, avant de devenir un bureau de poste en 1932. Ce n'est qu'en 1981 que l'actuel musée prendra possession de l'endroit pour se consacrer à l'histoire de la période hollandaise sur l'île. On peut ainsi découvrir des pierres tombales, d'anciennes pièces de monnaie, des objets militaires et autres produits fabriqués à Kandy. A l'étage, on trouve lettres, documents et meubles coloniaux, dont des lits et des bureaux en bois d'ébène. La demeure à elle seule vaut le déplacement, avec son jardin.

Je regagne mes pénates et monte dans un tuk-tuk. La circulation est à nouveau très dense et ponctuée de coups de klaxon. Soudain, le conducteur de l'engin tente d'éviter un autre tuk-tuk, en vain. Badaboum ! Et les deux véhicules de se garer d'eux-mêmes en bord de route pour procéder au constat, sous l'oeil bienveillant d'un agent de police présent sur place. Alors que je poireaute depuis dix minutes, je remarque que le compteur du tuk-tuk continue à tourner (lentement) bien que le véhicule soit à l'arrêt. Je prendrai un autre véhicule après que le conducteur m'ait annoncé qu'il doit attendre la visite de son assureur. Quelle journée !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Mosquée Jami-ul-Alfar, 228, 2nd Cross Street à Colombo. Ouverte tous les jours. https://youtu.be/RBVAhIeoMF4
  • Ancien hôtel de ville, Kayman's Gate, Pettah, Colombo. Ouvert tous les jours. Musée municipal au premier étage. Entrée gratuite.

  • Temple Old Kathiresan Kovil, Sea Street, à Colombo. Ouvert quotidiennement. Se déchausser avant de pénétrer à l'intérieur.

  • Eglise Wolvendaal, Wolfendahl Lane, à Colombo. Le lieu de culte est accessible par la porte arrière, du mardi au dimanche. http://www.crcsl.org/

  • Musée hollandais, 95 Prince Street, Pettah, à Colombo. http://www.museum.gov.lk/web/index.php?option=com_regionalm&task=regionalmuseum&id=1&Itemid=76&lang=en

  • En cas d'accident, demandez au conducteur de tuk-tuk qu(il coupe son compteur car celui-ci continue de tourner. N'utilisez que des tricycles avec compteur (celui-ci se trouve au plafond à gauche du véhicule ou sur le guidon, sous la forme d'un smartphone.

     











 



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