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Le Rocher du Lion
(Sigiriya, Province Centrale, Sri Lanka)
Heure locale

 

Jeudi 8 novembre 2018

 

Sigiriya abrite le site archéologique du Rocher du lion, une ancienne citadelle abandonnée puis redécouverte au début du 20è siècle par des archéologues britanniques. L'endroit est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1982, et est l'un des lieux touristiques incontournables du Sri Lanka. Le bloc de gneiss rougeâtre qui affleure ainsi de la jungle environnante culmine à 200 mètres et a été aménagé afin de permettre son ascension. Il me faudra une fois de plus faire preuve d'imagination afin de concevoir cette ancien palais royal médiéval dont il ne reste désormais que des vestiges.

Cette année, la mousson a débuté plus tôt que prévu et a donné lieu hier soir à des pluies torrentielles. Ce matin, le ciel s'est apaisé mais reste encore plombé et menace de gâcher notre journée. Une demi-heure de route sépare Dambulla de Sigiriya et c'est en début de matinée que nous arrivons sur le lieu de notre visite. Plusieurs cars de tourisme ont déjà déversé leurs flots de passagers et quelques gouttes de pluie tombent ici et là. Chaminda me suggère de débuter la visite par le musée de Sigiriya, qui restitue l'histoire du rocher du lion, avec la présentation de maquettes et des objets issus des fouilles réalisées (céramiques et statues), sans oublier la reproduction des célèbres fresques des demoiselles. Sur place, il est malheureusement interdit de prendre des photos mais cela vaut la peine de s'attarder devant les nombreux panneaux d'information disposés dans les salles et de prendre le temps de regarder une courte vidéo reconstituant en images 3D l'ancien palais tel qu'il était du temps du règne Kassapa, le fondateur de Sigiriya.


 

L'engouement pour ce rocher ne date pas d'hier puisque, dès le 3è siècle avant JC, une communauté de moines ermites vivait déjà dans les cavités naturelles situées à la base de l'énorme bloc de pierre. Deux siècles plus tard, l'endroit va prendre toute sa place dans l'histoire du pays grâce à Kassapa, roi parricide, qui fera de ce rocher difficile d'accès, un paradis sur terre avec la construction d'un palais raffiné équipé d'élégants pavillons, de jardins et de bassins féeriques. Et le roi, à la fois courageux et brillant, d'avoir l'idée d'ajouter une tête faite de briques et des pattes de lion en pierre pour métamorphoser le rocher en un redoutable félin. De nos jours, seuls les pattes de l'animal subsistent encore (ci-dessous).


 

Le règne de Kassapa ne durera que 18 ans (de 477 à 495) mais quel destin tragique ! A la fois, courageux, intelligent et sanguinaire, Kassapa (fils de Dhatusena, le roi d'Anuradhapura) est issu d'une union morganatique, et devient fou de rage lorsqu'il apprend que son jeune demi-frère Mogallana (fils d'une princesse) a été proclamé héritier de Dhatusena. Il s'empare du trône, enferme le père de Mogallana en prison avant de le livrer à une mort certaine en l'emmurant dans sa cellule. Dans l'intervalle, Mogallana s'enfuit en Inde en attendant de lever une armée et de revenir pour s'emparer du trône. Kassapa, anticipant une probable invasion, quitte sa capitale d'Anuradhapura et fonde une nouvelle cité à Sigiriya, au sommet d'un rocher imprenable. Notre homme ne se contente pas de bâtir une forteresse, il veut aussi donner naissance à un palais qui soit à l'image de la mythique résidence céleste de Kubera, le dieu de la richesse. Ainsi son nid d'aigle sera t-il agrémenté de superbes jardins (dont on aperçoit l'apparence sur la photo ci-dessous, depuis le rocher) dignes de Versailles : les jardins d'Eau offrent en effet des pelouses à la française soigneusement entretenues tout en étant ponctuées de bassins symétriques, de canaux et de fontaines minuscules (deuxième photo). La première partie des jardins comprend un ilot central entouré de quatre bassins en forme de L. Jadis, cet ilot était occupé par un pavillon et les bassins semblent avoir servi de bains, avec leurs murs polis, leurs marches et leurs terrasses qui rappellent les piscines actuelles. La seconde partie, appelée Jardin de la Fontaine, offre un ensemble de jeux d'eau, avec un cours d'eau miniature, des canaux et des bassins bordés de marbre, et deux anciennes fontaines qui ont depuis conservé leurs bouches originelles. Le système fonctionnait grâce à la pression exercée par les tuyaux d'alimentation. Lors des périodes de fortes pluies, on peut encore observer de timides jets d'eau.

 

Sept ans de travaux suffiront à venir à bout de ce projet pharaonique : d'ingénieuses constructions vinrent renforcer les défenses naturelles du fameux rocher, comme de larges douves (ci-dessous en photo) et des murs d'enceinte en pierre. Une douve supplémentaire futt même conçue pour inonder toute la zone en cas d'intrusion. Et des catapultes sous la forme d'immenses blocs de rocher (deuxième photo) de venir compléter le système de défense. Malgré toutes ces précautions, Kassapa vit toujours dans la crainte de voir son demi-frère Magallana débarquer avec son armée. Saisi d'une folie suicidaire, il décide un jour de quitter son nid d'aigle pour aller affronter, à dos d'éléphant, les troupes massées dans la plaine. La légende prétend qu'au plus fort de la bataille, l'éléphant fera volte-face, laissant croire aux troupes du souverain à un signal de retraite. Et les soldats de Kassapa de se replier en laissant leur roi seul, désormais promis à une capture certaine. Conscient de sa mauvaise position, le souverain dégainera son épée et se l'enfoncera dans la gorge, préférant mourir honorifiquement. Triomphant, Mogallana massacrera un bon millier de ses ennemis puis quittera l'endroit pour partir se réinstaller à Anuradhapura, abandonnant ainsi Sigiriya aux moines, les premiers occupants du rocher des siècles durant.


 

Le site archéologique offre également ses jardins de pierre, en totale opposition avec la symétrie des précédents jardins d'eau. Il suffit de se promener dans la charmante parcelle boisée pour apercevoir le long des sentiers sinueux d'énormes rochers et des arches naturelles. On pense que les encoches marquant ces pierres devaient permettre de soutenir des pavillons miniatures en bois qui coiffaient chacun de ces gros rochers. Avant, et après le passage de Kassapa, les moines de Sigiriya occuperont ces jardins de pierre, laissant encore aujourd'hui de multiples traces de leur passage. Ainsi, plusieurs de ces grottes étaient peintes ou stuquées mais les quelques fragments de motifs colorés et abstraits encore visibles ici et là ne sont pas prêts à livrer leurs secrets. La plus étonnante de ces grottes semble être celle du capuchon du cobra (en photo ci-dessous). Celle-ci fut utilisée par les moines bouddhistes dès le 3è siècle avant JC et son plafond peint remonte au règne de Kassapa. Un autre rocher, décapité celui-ci, abritait la salle d'audience. La légende prétend que Kassapa y aurait tenu conseil, bien que ce lieu semble avoir plutôt occupé une fonction religieuse, avec son trône sculpté dans la pierre. Depuis le sommet des jardins de pierre, des marches en pierre conduisent aux Jardins en terrasses, formés d'une série de terrasses abruptes retenues par des murs en terre.


 

La pluie intermittente gâche bientôt la fête, tout comme l'étroitesse de certains escaliers où l'on se croise avec difficulté. Les marches serrées et abruptes, sans parler de l'absence de rampes par endroits, rendent l'ascension du rocher encore plus pénible. Une fois au sommet de l'escalier qui remonte des Jardins en terrasses, nous sommes invités, après le troisième contrôle de notre billet d'entrée, à emprunter un étrange escalier en colimaçon qui va nous conduire jusqu'aux demoiselles de Sigiriya (en photo ci-dessous). Homme de goût, Kassapa commanda 500 fresques (il n'en reste désormais que 21) qui formèrent le plus gigantesque décor mural jamais peint et qui couvre encore aujourd'hui la paroi à pic. 21 femmes aux seins nus, nimbées de vapeur ouatées des pieds à la taille sèment ainsi des pétales de fleurs ou offrent des plateaux de fruits. Ces femmes furent longtemps prises pour le portrait des concubines du souverain ou de jeunes beautés de la cour, alors qu'on pense aujourd'hui qu'il s'agirait plutôt d'apsaras (nymphes célestes de la mythologie hindoue) accompagnées de servantes, image répandue dans les statuaires indienne ou kmère. D'autres y voient tantôt des images de Tara, déesse du bouddhisme Mahayana, tantôt le symbole des nuages et de la foudre qui enveloppent le mont Kailasa, dans l'Himalaya. Quoiqu'il en soit, que tant de grâce ait traversé tant de siècles en demeurant en si bon état semble miraculeux. Chaminda me confie que les artistes qui ont réalisé ces fresques peignirent d'un seul tenant sur du plâtre humide, s'interdisant le droit à l'erreur puisque tout pigment appliqué sur ce genre de plâtre restait à jamais gravé, d'où les petits défauts parfois relevés sur certaines fresques et dissimulés avec plus ou moins d'adresse par les peintres d'alors.

 

Tout comme au musée de Sigiriya, il nous est interdit de photographier ces jolies demoiselles (la photo ci-dessus a été récupérée sur internet) et nous redescendons l'escalier en colimaçon pour longer bientôt la paroi du rocher du lion et son mur du miroir (ci-dessous), un mur recouvert d'un mélange de chaux fumée, de blanc d'oeuf, de cire d'abeille et de miel sauvage qui donne un poli sans égal à cette paroi souvent recouverte de graffitis, dont les plus anciens datent du 7è siècle et sont écrits en sinhala ancien, en tamoul ou en sanskrit.

Revenons quelques instants sur la plate-forme du lion, esplanade du flanc nord du rocher qui marque le début de l'ascension du dernier escalier raide avant d'atteindre le sommet. Le fameux lion était fait de brique et gardait l'accès au rocher, seule issue possible. Il n'en reste désormais que les pattes (deuxième photo).


 

En ce qui nous concerne, l'arrivée au sommet se fera dans...la brume. D'une superficie de deux hectares, l'endroit était jadis couvert d'édifices dont il ne reste aujourd'hui que les fondations, limitant l'intérêt de la visite. Le Palais occupait alors la partie supérieure du rocher et la partie inférieure abritait les quartiers d'habitations des soldats et des serviteurs. Chaminda et moi déambulons sur le site et apercevons bientôt la piscine royale (ci-dessous), dont l'eau était apportée au sommet grâce à un ingénieux système hydraulique actionné par des moulins à vent. A l'extrémité basse du rocher, on peut admirer en contrebas, et par beau temps, les eaux du Sigiriya Wewa, un lac artificiel qui alimentait jadis tout Sigiriya, depuis les bassins, les fontaines et les jeux d'eau jusqu'au réservoir aménagé au sommet du rocher du lion.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Le Rocher du Lion, à Sigiriya. Ouvert tous les jours de 7h00 à 17h00. Entrée : 5300 roupies (cartes de credit non acceptées). Le même billet donne accès au musée de Sigiriya (ouvert tous les jours de 7H30 à 17h30) et au site archéologique. Gardez-le accessible car on vous le contrôlera trois fois. Photos interdite à l'intérieur du musée et dans la galerie N°1.
  • Je vous conseille de vous rendre sur ce site (en anglais) extrêmement détaillé afin de compléter vos connaissance sur le Rocher du Lion : https://www.srilankaview.com/sigiriya.htm

  • Visite virtuelle du Rocher du Lion : https://www.p4panorama.com/panos/sigiriya/

  • La visite de ce site archéologique requiert de la patience. De plus en plus de touristes s'y rendent, y compris hors saison. Renseignez-vous sur la météo locale avant de débourser une somme conséquente pour rien (pluie ou brouillard au sommet). Portez des chaussures avec semelles antidérapantes car certains escaliers peuvent être glissants et ne comportent aucune rampe. Ne comptez pas faire de photos lors de l'ascension en cas de forte affluence car les gens vous suivent et vous ne disposerez pas d'endroit pour vous ranger sur le côté.

  • L'ascension du Rocher du Lion n'est pas accessible aux personnes handicapées. Celles-ci pourront admirer une reconstitution des fresques des demoiselles dans le musée de Sigiriya.

  • Des porteurs assistent si besoin les personnes ayant des difficultés à monter (ou descendre) les escaliers. Compter 2000 roupies minimum.








 



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