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Le site archéologique de Polonnaruwa
(Polonnaruwa, Province Centrale, Sri Lanka)
Heure locale

 

Vendredi 9 novembre 2018

 

C'est sous la pluie battante que Chaminda et moi prenons la route tôt ce matin en direction de Polonnaruwa, jadis capitale des Chola, des envahisseurs du sud de l'Inde. La ville ne prendra son essor qu'après que Vijayabahu 1er les en eut chassés, en 1070. Et de connaître son âge d'or sous le règne de son successeur, Parakramabahu 1er, qui commanda de nombreux monastères et temples et qui fit creuser la Parakrama Samudra (la mer de Parakrama), un gigantesque réservoir formé de trois lacs reliés par des canaux. La cité connut un troisième grand roi, Nissanka Malla, et plongera dans le chaos au décès de ce dernier, à cause de la médiocrité de ses successeurs et d'invasions continues. Polonnaruwa tombera alors dans l'oubli, abandonnée à la jungle en 1293. Il faudra attendre des travaux de fouilles et de restauration effectués au 20è siècle pour (re)découvrir la beauté exceptionnelle de ce site archéologique qui fut inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1982.

Chaminda emprunte une petite route qui traverse le Parc national de Minneriya où des safaris sont organisés pour observer les éléphants. C'est de l'avis de mon guide, le meilleur endroit pour admirer des troupeaux de plusieurs centaines de ces pachydermes. Il arrive aussi que des éléphants sauvages, nombreux dans la région, traversent la chaussée, et des panneaux de mise en garde sont régulièrement installés en bord de route. Au fil du voyage, la pluie se calme et s'arrête même lorsque nous arrivons à Polonnaruwa.


 

C'est de Polonnaruwa que les souverains dirigèrent le pays entre les 11è et 13è siècle, période certes courte mais prospère grâce à un épanouissement exceptionnel des arts et de l'architectures bouddhiques sous l'influence évidente des cultures d'Inde du Sud. A son apogée, la cité s'étirait sur plusieurs kilomètres sur la façade orientale de l’immense réservoir Parakrama Samudra, et six kilomètres de puissantes enceintes protégeaient monastères, palais et temples bouddhiques et hindous. Il faut remonter à 993 pour voir les armées tamoules des Chola piller Anuradhapura et installer la capitale de l'île à Polonnaruwa jusqu'en 1214. La ville est alors habitée par une population cosmopolite constituée d'Indiens du Sud (hindous) et de Cinghalais (bouddhistes). Mais en 1073, le roi Vijayabahu 1er chasse les Chola hors du Sri-Lanka et conserve Polonnaruwa comme capitale, tout en faisant venir des moines de Birmanie, à qui il confie le soin de former un nouveau clergé dans le but de favoriser la résurgence du bouddhisme dans le pays. La mort de ce premier grand roi sera tragique pour le Sri-Lanka car le pays va connaître une guerre civile sanglante les quarante années qui suivront sa disparition. C'est en 1153 que Parakramabahu 1er s'emparera de la cité avant de prendre plus tard le contrôle de tout le territoire. Notre homme est encore aujourd'hui considéré comme le dernier grand souverain du pays, probablement grâce aux nombreux grands travaux qu'il lancera pour redorer l'image de la capitale. Son successeur (et neveu), Nissanka Malla, marchera dans les pas de son oncle et poursuivra les travaux d’agrandissement et d'embellissement de Polonnaruwa tout en prenant soin de soigner son image personnelle. Vers 1293, des mercenaires venus d'Inde du Sud envahiront à nouveau l'île, et la cité sera alors livrée à la jungle des siècles durant.


 

Nous débutons notre visite par un petit tour au musée d'archéologie, afin de comprendre ce qu'était la vie quotidienne dans cette ancienne ville médiévale tout en admirant de jolis bronzes chola dégagés du site lors des fouilles. L'ensemble des ruines de Polonnaruwa est rassemblé au sein du site archéologique situé au nord de la ville actuelle et il faut s'acquitter d'un droit d'entrée avant de pouvoir y pénétrer. Seules quelques parties comme l'Island Garden sont librement accessibles. Cet endroit se trouve à deux minutes à pied du musée et permet d'observer les ruines du palais que le roi Nissanka Malla se fera construire au bord du lac, à l'emplacement du jardin d'agrément de Parakramabahu. Chaminda me conduit à l'ancienne salle du Conseil (en photo ci-dessus), qui conserve encore son socle et ses piliers ainsi que le lion qui marquait l'emplacement du trône du défunt roi. Ce lieu de vie était fort bien conçu puisqu'un réseau de canalisations souterraines alimentaient les bains royaux en contrebas.

Nous nous rendons maintenant à la citadelle intérieure, là où se dressent toujours les vestiges du palais royal de Parakramabahu 1er (ci-dessous) constitués de puissants murs de briques. Il faut ici imaginer la forme de ce palais : une construction en bois de sept étages (dont les deux premiers niveaux étaient bâtis en brique). Pas moins de trente piliers soutenaient alors le toit de cet imposant édifice qui aurait possédé pas moins de mille pièces. On peut encore distinguer les entailles dans lesquelles les grosses poutres venaient s'encastrer. Chaminda me conduit bientôt jusqu'aux bains royaux (où se baignaient les membres de la cour), aussi appelés « Kumara Pokuna », avant de me montrer la salle d'audience (deuxième photo) où le roi Parakramabahu recevait ses conseillers, administrateurs et courtisans. On distingue encore la terrasse avec ses colonnes, qui fut édifiée au sommet d'un immense piédestal soutenu par des éléphants sculptés en bas relief. Des nombreux animaux mythologiques enrichissent l'édifice comme ces bêtes mi-poisson, mi-lion, crocodile et éléphant.

 

Le site autorise la visite en voiture tandis que d'autres ont choisi de parcourir l'endroit à vélo, c'est selon. Et Chaminda de se diriger vers le Quadrilatère, terrasse de la relique de la Dent sacrée, ou « Dalada Maluwa », au cœur de la cité historique. Là s'élevait le quartier le plus sacré de la ville car il abritait la relique de la Dent ainsi que les plus importants sanctuaires religieux : le plus imposant d'entre eux reste le Vatadage (ci-dessous), érigé sous le règne de Parakramabahu puis embelli par Nissanka Malla. Ce bâtiment circulaire est peut être celui qui est le plus richement décoré du Sri-Lanka avec ses murs extérieurs garnis de frises de lions, de génies et de lotus, pendant que pierres de lune et gardiens de pierre matérialisent chacune des quatre entrées. Des marches conduisent au sanctuaire central présidé par quatre bouddhas, là où la Dent a peut être été déposée pour un temps.

 

Juste en face de ce premier sanctuaire se dresse le Hatadage (ci-dessous), construction plus modeste qui a toutefois conservé une paire d'inscriptions datant du règne de Nissanka Malla, et un trio de bouddhas, dont la statue centrale s'aligne parfaitement sur l'entrée du Vatadage. Le livre de pierre (deuxième photo), bloc de pierre de huit mètres de long, qui est situé à deux pas du Hatadage vante en 4500 caractères et sur trois pages les mérites et hauts faits du vaniteux roi Nissanka Malla (qui fit transporter jusqu'ici ce bloc de granit depuis Minhintale à 100 km de là!)


 

Celui qu'on surnomme l'édifice aux sept niveaux s'appelle en réalité Sathmahal Pasada (ci-dessous) et n'a rien encore livré de ses secrets bien qu'il attire l'oeil grâce à ses niches qui abritent les restes d'images sculptées. On pense que cette construction serait l'oeuvre d'architectes khmers. De l'autre côté du Hatadage, se trouvent les restes de l'Atadage ou « sanctuaire des huit reliques » (deuxième photo), qui fut construit par le roi Vijayabu au 11è siècle et qui servit de première demeure pour la dent sacrée lorsqu'elle arriva à Polonnaruwa. Ses 54 colonnes supportaient jadis un étage en bois où la relique était gardée. Un peu plus loin, se dresse le dernier grand monument du Quadrilatère : le Thuparama, actuellement en cours de rénovation (et ci-dessous, troisième photo). Son architecture offrant des niches abondamment sculptées est typique du style de travail que les artisans tamouls introduisirent dans la capitale. L'influence indienne est encore plus criante dans le Shiva Devale N°1 (lui aussi en cours de restauration). Ce petit sanctuaire hindou date de l'occupation pandyenne, au 13è siècle.


 

Nous quittons le Quadrilatère pour franchir les limites de l'enceinte et faire une courte halte au Shiva Devale N°2 (en photo ci-dessous). Ce petit temple possède un dôme très bien conservé, ce qui est étonnant car il fut érigé sous les Chola, au 11è siècle. Il s'agit là du plus vieil édifice de Polonnaruwa, qui porte sur ses murs des inscriptions en tamoul.

Une série de grands monastères et de temples (ou tout au moins de ce qu'il en reste) nous attend désormais une fois franchie la porte nord de la ville. Le premier, Menik Vihara (deuxième photo), présente un petit dagoba en brique dressé sur une terrasse sculptée de lions en terre cuite, pendant qu'une salle des images et son couple de bouddhas debout campent à proximité.


 

Le Rankot Vihara (en photo ci-dessous), lui, écrase le côté nord du Ménik Vihara, du haut de ses 55 mètres de hauteur.

Cet immense dagoba fut bâti sous le règne de Nissanka Malla et est entièrement fait de brique rouge. Il est le seul dagoba de Polonnaruwa à pouvoir rivaliser avec les dagobas d'Anuradhapura. Non loin de là s'étend le secteur du monastère d'Alahana Parivena et du dagoba crématoire royal. Ce dernier abrite Le Buddha Sima Pasada. Cette vaste maison capitulaire aurait possédé onze étages.

Autre vihara de poids, le Kiri Vihara (deuxième photo), surnommé aussi « dagoba de lait » car cette construction est recouverte d'un stuc blanc laiteux. De style semblable au Rankot Vihara, l'édifice aurait été dédié à Subhadra, l'épouse de Parakramabahu. Quant aux petits édifices situés autour du temple, ils servaient de chambres funéraires pour les prêtres de haut rang et pour les membres de la famille royale.


 

Je note, juste à côté, la présence d'une haute bâtisse, dont les murs se dressent à seize mètres de hauteur. Il s'agit là du Lankatikala (ci-dessous), qui abrite encore de nos jours un énorme bouddha debout (deuxième photo) et sans tête, qui remplit l'étroit espace qui lui est affecté au fond du sanctuaire.


 

Les murs extérieurs du Lankatikala offrent aussi de délicats reliefs sculptés (ci-dessous) représentant d'extravagantes maisons à étages coiffées de dômes, qui ne correspondent pas à une illustration de ce qu'était jadis Polonnaruwa, comme certains le prétendent, mais à une représentation imaginaire des vimana, les demeures célestes des dieux.


 

Pour terminer cette visite passionnante, nous nous rendons jusqu'au Gal Vihara, le sommet de la sculpture rupestre du Lanka, avec ses quatre stupéfiants bouddhas taillés dans une falaise en granit par des artistes restés anonymes. Renonçant à me déchausser pour la énième fois, Chaminda me propose d'endosser le rôle de photographe (et il fait très bien!) pour prendre les clichés des fameux bouddhas : le bouddha couché de 14 mètres de long (en photo ci-dessous) est une œuvre remplie de délicatesse, de finesse et de sérénité. A ses côtés, un autre personnage se tient sur un piédestal (deuxième photo) les bras croisés et les yeux mi-clos. Certains y voient Ananda, le plus fidèle disciple de Bouddha mais il s'agirait en fait de Bouddha lui-même durant les semaines qui suivirent son éveil.


 

Plus tardivement, deux autres statues seront ajoutées aux premières : sous le règne de Parakramabahu, un bouddha assis en méditation (ci-dessous), avec les jambes croisées, et devant une série de vimana (demeures célestes) en relief fut taillé dans la falaise, tout comme un autre bouddha (deuxième photo) assis au creux d'une niche taillée dans la roche, entouré cette fois de serviteurs agitant des chasse-mouches.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Le site archéologique de Polonnaruwa, à Polonnaruwa est ouvert tous les jours de 7h30 à 18h00. Musée archéologique ouvert tous les jours de 9h30 à 17h30. Il est interdit d'y prendre des photos.
  • Le billet d'entrée s'achète au musée, au prix de 4400 roupies, et donne accès au musée et au site archéologique.

  • De (trop) nombreux marchands ambulants tentent de vous vendre cartes postales et souvenirs, sur tous les sites de ce grand parc archéologique qui est également un lieu de pèlerinage.

  • Un dépliant (rédigé en anglais) et un plan du site sont disponibles gratuitement à l'accueil du musée. Chaque monument est doté d'un panneau d'information (en langues cinghalaise, tamoule et anglaise) et le musée offre aussi une riche documentation.

  • Cliquez sur l’icône « images disponibles » (en haut et à droite de cet article) afin de visualiser toutes les photos de cette sortie.









 



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