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La Presqu'île de Jaffna
(Province du Nord, Sri Lanka)
Heure locale

 

Jeudi 15 novembre 2018

 

La péninsule de Jaffna prolonge la pointe la plus septentrionale du Sri Lanka. Cette zone fertile, qui constitue une presqu'île, a toujours été peuplée et est abondamment cultivée : on y récolte manioc, piments, bananes, papayes, riz.... Dans les temps anciens, on vantait déjà le côté luxuriant de ses jardins et la qualité de ses mangues. Il est vrai que nous traversons de nombreuses rizières devenues verdoyantes après les fortes pluies tombées ici ces dernières semaines. Mais la zone côtière porte encore les traces de la guerre civile d'une part, et du tsunami de 2004 d'autre part. Ce dernier emporta au total plus de 225 000 personnes et le Sri Lanka figura parmi les pays les plus touchés. En quelques heures, en ce 26 décembre 2004, le raz-de-marée emporta des villages entiers situés sur le littoral en laissant des milliers de personnes de sans-abri, voire de nombreux morts dans le pire des cas. Nous croiserons des tas de gravas, des habitations encore à l'abandon au cours de notre visite, même si plusieurs familles ont depuis tenté de se réinstaller après ce drame.


 

Notre première halte s'effectue à Kantharodai, à environ dix kilomètres au nord de Jaffna et près de la petite ville de Chunnakam : des dagobas miniatures (en photo ci-dessous) se dressent en effet à cet endroit, sur une hauteur maximale de quelques mètres seulement, ici et là à l'intérieur d'une clairière. Curieusement, ce site ne ressemble à aucun autre rencontré dans le pays et date probablement du début de l'ère chrétienne. Toutefois, il nous est impossible de connaître la fonction religieuse de ces petits dagobas. Peut être ont-ils été érigés pour abriter les dépouilles de moins bouddhistes, ou en témoignage de gratitude après des prières exaucées ? Des recherches ont confirmé que cet endroit fut utilisé comme lieu de culte par les Tamouls hindous et les dagobas de prouver l'apparition du bouddhisme dans cette région du Sri Lanka qui est la seule à offrir de telles sépultures, excepté à Andhra Pradesh (Inde). On sait par ailleurs que le nom de Kantharodai est mentionné dès le 15è siècle dans des textes cinghalais, et que celui-ci signifierait « camp militaire ». Sur place, des fouilles archéologiques ont déjà permis de mettre à jour de la vaisselle de couleur noire et rouge et des manuscrits tamouls (datant de 300 ans avant JC), des pièces romaines, de la monnaie remontant aux dynasties Pandyan et Chera et des images de la déesse hindoue Lackshmi (500 ans avant JC)...autant de témoignages du passé prouvant l'existence d'importants échanges commerciaux transocéaniques entre les Tamouls de Jaffna et d'autres royaumes dès la Préhistoire.


 

Chaminda et moi nous arrêtons ensuite au temple hindou Naguleswaram, après être passé tout près de celui de Maviddapuram. Ces deux temples sont proches l'un de l'autre et sont situés au nord de Kantharodai. Ils subirent également d'importants dommages lors de la guerre civile et de gros travaux de restauration durent y être réalisés. Concernant le temple Naguleswaram, l'édifice avait déjà souffert de l'arrivée des missionnaires jésuites après l'arrivée des Portugais dans le royaume de Jaffna. Il sera ensuite restauré par Arumuka Navalar en 1894 avant d'être occupé par les forces sri-lankaises en 1983. Le temple Naguleswaram est l'un des plus anciens de la région et est le lieu de culte dédié à Shiva qui est situé le plus au nord de l'île. Quant aux bains de Keerimalai (deuxième photo) à côté desquels il s'élève, les Hindous pensent que son eau a des vertus curatives compte tenu de la haute teneur de l'eau en minéraux et son histoire tient à une légende : le terme Keerimalai signifie la colline des mangoustes, en langue tamoule. Jadis, le sage Nagula Muni atteint par l'âge et la pauvreté aurait eu l'apparence du petit animal très présent à cet endroit. Un jour, l'homme eut l'idée de se baigner dans la source et aurait ainsi retrouvé son véritable visage. C'est en remerciement de ce miracle que le sage aurait érigé un petit sanctuaire à cet endroit, plus tard devenu le temple Naguleswaram. L'autre temple, Maviddapuram, aujourd'hui à l'abandon, fut jadis bâti à deux kilomètres d'ici, par la princesse Maruthapura Veeravalli (de la dynastie Pandyan-Chola) après qu'elle eut été elle aussi soulagée de ses problèmes de santé lors d'une baignade dans les mêmes sources de Keerimalai. Celle-ci épousera quelques temps plus tard le roi Ukkira Singhan, à l'endroit même des célèbres sources.


 

Juste à côté du temple Naguleswaram, nous tombons par hasard sur le temple Keerimalai Kasie Wisvanathar. Un panneau indique que d'anciens manuscrits rédigés sur des feuilles de palmier parlaientt jadis d'un temple qui abritait 108 lingams (en photo ci-dessous), objets dressés, souvent d'apparence phallique et représentant Shiva en tant que Brahman (âme universelle).Ce symbole représente à la fois l'ambivalence de Dieu, ascète et renonçant, mais aussi la figure majeure du tantrisme représentée par un phallus. En un mot, le lingam représente à la fois le phallus (masculinité) et la vulve (féminité). Toujours dressé, il est toujours créateur et souvent associé au yoni (lieu) le symbole de la déesse Shakti et de l'énergie féminine. Il est aussi de taille et d'aspect différents, et est arrosé de lait et de miel durant la puja (rituel). A cette occasion, fleurs, fruits et sucreries lui sont offerts.

 

La visite d'aujourd'hui est laborieuse car les distances sont importantes d'une attraction à une autre et il faut emprunter de petites routes cantonales certes bitumées mais cabossées. Notre prochaine étape sera Point Pedro, une petite ville postée à l'extrême pointe nord de la presqu'île de Jaffna, bien que le point le plus au nord du Sri Lanka est indiqué sur notre route comme étant le cap Sakkotai. A point Pedro, le phare (ci-dessous) marque naturellement cet emplacement symbolique situé à exactement 430 km de son opposé, le phare Dondra, point le plus au sud de l'île. Erigé en 1916, l'édifice fait apparemment partie des sites les plus visités. Fermé au moment de notre passage, je remarque simplement la mention sur sa base de la date du tsunami dévastateur : 26 décembre 2004. J'apprendrai aussi que quatre ans après ce drame, la bataille de Point Pedro verra la victoire des forces armées sri-lankaises sur la marine des Tigres tamouls. C'est peut être par précaution que le phare est entouré d'une base militaire (je n'apercevrai pourtant aucune sentinelle dans les environs mais uniquement deux chèvres désarmées faisant des rondes!). Non loin de là se dressent des villages de pêcheurs, qui traquent tout particulièrement la raie, une espèce reine à Point Pedro. Nous ne nous y arrêtons pas cette fois mais l'un de ces villages, Valvedditurai, fut le lieu de naissance du fondateur et idéologue des LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul), Velupillai Prabhakaran, mais sa maison a de toute façon été détruite en 2010. Notre homme sera le dirigeant des LTTE, à l'époque la principale organisation de combat pour l'indépendance des Tamouls dans la province Nord-Est du Sri Lanka. Enfant timide, élevé par des parents hindouistes, il sera friand de lectures de biographies de grands conquérants admirera Subhash Chandra Bose, un indépendantiste indien partisan de la lutte armée. Il commencera sa guerre armée contre le pays en 1973 par l'attaque armée d'un commissariat et en faisant exploser une Jeep de l'armée sri-lankaise. Il récidivera deux ans plus tard en assassinant le maire de Jaffna.


 

Non loin de San Pedro, s'élève le temple Vallipuram (ci-dessous), consacré au dieu hindou Vishnou. Le lieu de culte est le plus important temple de par sa taille, après le temple Nallur Kandaswany de Jaffna. Et d'accueillir quotidiennement, et surtout le dimanche, une foule de pèlerins dans cette cité qui fut jadis la capitale de la région de Jaffna, et désormais un centre touristique précisément grâce à son temple. Bâti vers le 13è siècle, l'édifice, qui abrita autrefois sans problème les deux communautés bouddhiste et hindoue, reçut le nom de Vallipuram (ville des sables) à cause des nombreuses dunes locales. Chaminda prend justement la direction des dunes du désert de Manalkadu (deuxième photo). Nom grandiloquent quand on sait que l'endroit n'est constitué que d'une bande de sable le long de la côte. L'oeuvre du temps a depuis noyé sous le sable blanc la petite église Saint Antoine datant du 20è siècle. Quant aux tombes présentes sur la dune, elles remontent pour la plupart au tsunami de 2004, tout comme d'ailleurs les maisons récentes qui ont été construites à proximité.


 

Sur le chemin du retour vers Jaffna, nous nous attarderons un instant sur le puits de Nilavarai (ci-dessous), un puits dont on prétend qu'il n'a pas de fond. L'endroit fait l'objet de plusieurs légendes bouddhistes et hindoues, dont celle du roi indien Rama, héros de Ramayana. Ce dernier aurait planté une simple flèche dans le sol pour créer ce puits afin d'étancher sa soif. Plus sérieusement, la marine sri-lankaise y effectua une plongée à l'aide d'un engin télécommandé, et a trouvé le fond du puits à 52,5 mètres de profondeur, mais aussi l'entrée de plusieurs tunnels dont un pourrait bien relier l'endroit aux bains de Keerilamai. La même expédition révéla que l'eau du puits était douce jusqu'à une profondeur de 18,3 mètres, puis devient salée au-delà.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Cette promenade semble bien laborieuse et je vous conseille de vous munir d'un GPS pour trouver votre route jusqu'aux diverses attractions mentionnées dans cet article.
  • En face du temple Keerimalai Kasie Wisvanathar, se trouve un petit hôtel pour héberger les pèlerins de passage. Au même endroit, vous pouvez visiter une exposition de photos et d'objets consacrée à la culture hindoue (tous les jours de 9h00 à 17h00. Entrée : 20 roupies)

  • Pour accéder dans l'enceinte des temples hindous, il vous faut vous déchausser et retirer votre (éventuel) couvre-chef. Pour pénétrer au choeur de ces temples, les hommes doivent se mettre torse nu.

  • Puits de Nilavarai : parking payant à 50 roupies (+ 10 roupies par personne).

  • Stationnement payant (50 roupies) pour stationner près des bains de Keerimalai.

 




 



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