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Le Thé de Ceylan et son histoire
(Musée du Thé de Ceylan, Kandy, Province Centrale, Sri Lanka)
Heure locale



 

Vendredi 23 novembre 2018

 

On doit la découverte du thé au héros civilisateur chinois Shennong, il y a 5000 ans, par le plus grand des hasards, alors que des feuilles d'un buisson sauvage tombèrent dans le récipient qui bouillait devant lui. Notre homme gouta l'eau pour voir quel goût elle avait et il trouva cela très revigorant. La saga du thé allait ainsi voir le jour. Au Sri Lanka, c'est encore le hasard qui s'imposa : l'effondrement des prix du marché dans les années 1850, l'essor de la production brésilienne puis une terrible épidémie qui ravagea les plantations de caféiers de l'île au cours des années 1860 auront raison de la culture du café et les propriétaires anglais de la première génération, ruinés, se replieront sur la culture du thé. Ainsi naquirent les premières plantations de théiers en terre de Ceylan, sous l'impulsion d'investisseurs avisés qui feront venir des plants d'Inde du Nord. Et les théiers de s'épanouir merveilleusement à l'air frais et humide des hautes terres, si bien qu'une seconde vague de colons britanniques débarquera bientôt pour profiter de « l'or vert » de Ceylan. Ces colons défricheront des milliers d'hectares de collines jusqu'ici recouvertes de forêt, afin de planter les plants de thé et de faire parfois fortune (mais pas toujours) grâce à cette nouvelle culture. A ce train là, deux décennies suffiront à bouleverser complètement les paysages des hautes terres, aux dépens de la jungle, pour imposer à la place un immense tapis émeraude. Quant aux premières manufactures, qui ressemblaient alors à des granges blanches et ouvertes, elles seront le plus souvent construites en Angleterre puis importées en kit sur l'île. Certaines d'entre elles, véritables témoignages architecturaux de l'époque victorienne, fonctionnent encore plus d'un siècle plus tard.


 

Le thé, il faut le savoir, est le fruit d'un dur et long labeur effectué par des petites mains tamoules qui cueillent les feuilles du matin au soir dans les plantations, et ce, pour un salaire dérisoire (5US $ par jour pour...20 kilos de feuilles de thé récoltés). Leur panier attaché dans le dos, ces cueilleuses se fraient un passage à l'intérieur des théiers pour collecter les précieuses feuilles. Les feuilles ainsi cueillies (seul le bourgeon supérieur et les deux feuilles suivantes sont détachées) partent vers la manufacture la plus proche pour être séchées à l'air chaud afin d'éliminer toute humidité. Puis elles sont roulées et écrasées afin de livrer leur sève et de déclencher la fermentation. A l'issue d'un processus savamment calculé, les feuilles sont soumises au feu d' énormes fours pour produire du thé noir, puis filtrées en fragments de différentes tailles. L'ensemble de ces opérations ne doit pas excéder 24 heures. Reste ensuite à donner un nom au différents « crus » obtenus, selon la taille du fragment de feuille (pekoe, orange pekoe, broken orange pekoe, fannings ou dust utilisés dans les sachets). Un autre classement est aussi réalisé, selon leur lieu (et l'altitude) d'origine : high-grown (qui rassemble les arômes les plus délicats cultivés en altitude, dans les environs de Nuwara Eliya), et mid-grown ou low-grown (plus corsés mais assez bruts de goût, produits sur les contreforts).


 

Les connaisseurs qualifient ensuite le thé de malté, pointu, brioché, épais, cuivré, mat ou lumineux selon sa force, son arôme et sa couleur, avant son passage en salle de ventes. Les meilleurs crus sont généralement destinés à l'exportation bien que supermarchés et magasins locaux commencent à proposer un choix plus vaste devant la demande croissante des touristes.

C'est un écossais, James Taylor, en photo ci-dessus, qui aura le premier l'idée en 1867 de défricher quelques hectares de forêt dans le district du Bas-Hewaheta et de repiquer des plants de thé qu'il avait ramenés de Tien Tsin (Chine). L'homme arrivera à Ceylan, sous influence britannique, en 1852, alors âgé de 17 ans seulement. Et de s'installer à Loolecondera Estate, la première plantation de thé créée par lui en 1867 sur plusieurs hectares de terres. Judicieux, James Taylor était parti en Inde l'année précédente pour apprendre les bases de la culture du thé, puis s'entoura ensuite de spécialistes comme un certain Mr Noble, planteur de théiers en Inde du Nord, W.J Jenkins ou encore Mr Baker, ce qui lui permettra de faire de sa première plantation un véritable succès (les première exportations de feuilles, de seulement 23 livres la première année, passeront rapidement à 81 tonnes, puis...à 22900 Tonnes en 1890!) et d'ouvrir sa première manufacture dès 1872. L'expédition de sa première récolte de thé (de 23 livres) prendra la direction des ventes aux enchères de Londres cette même année. Ces deux premiers petits paquets de thé furent alors adjugés pour ...58 roupies de l'époque. Et James Taylor, célibataire et féru de travail (il ne prendra qu'une seule fois des vacances en 40 ans d'existence au Sri Lanka) de se consacrer entièrement à la culture du thé, jusqu'à son décès suite à une dysenterie en 1892 et à l'âge de 57 ans.

C'est durant les années 1890 que James Taylor rencontrera pour la première fois l'anglais Thomas Lipton (ci-dessus), fils d'un petit épicier irlandais et millionnaire, alors de passage sur l'île de Ceylan sur son chemin pour l'Australie. Les deux hommes parlèrent d'exportation de thé et signèrent un contrat à l'issue duquel la compagnie Lipton achètait du thé de Ceylan. Self-made man, Thomas Lipton fit fortune dans le commerce en utilisant largement la publicité et en vendant les meilleurs produits le moins cher possible à l'intérieur de ses magasins. Né à Glasgow en 1850, il créera son empire dès l'âge de 21 ans avec l'ouverture d'un premier commerce. En 1890, il détenait déjà 300 magasins au Royaume-Uni. Issu d'un milieu modeste, l'homme n'avait rien à perdre et entreprenait sans craindre l'échec. Soignant son carnet d'adresses, il comptera notamment le roi Edouard VII parmi ses amis, ce qui lui permettra d'obtenir sans difficultés l'agrément des monarchies britannique, italienne et espagnole pour son thé. Thomas Lipton sera moins heureux comme skipper, alors qu'il concourra à cinq reprises mais sans succès à l'America's Cup, se forgeant tout de même une notoriété auprès du peuple américain à force de ténacité. Un public qui lui décernera affectueusement en 1930 la coupe du « meilleur perdant ». L'homme d'affaires mourra en octobre 1931 à l'âge de 83 ans.


 

De passage à Kandy, je m'arrête au Musée du Thé de Ceylan (ci-dessus), qui est consacré au fameux breuvage et qui a trouvé refuge dans une ancienne usine de fabrication du thé qui ferma ses portes en 1986. Chaminda et moi rejoignons le groupe pour une visite complète des lieux sur quatre niveaux : exposition d'anciennes machines utilisées dans le processus de fabrication du thé (roulage et cassage des feuilles, tables de fermentation, séchoirs, fumoirs...tout y passe), des machines toutes originaires du Sri Lanka, tout comme la superbe maquette en état de fonctionnement d'une usine à thé, un vrai petit bijou. Une autre exposition, aux deuxième et troisième étages, nous invite à en apprendre davantage sur l'histoire du thé sri-lankais avec de nombreux panneaux d'information (en langue anglaise), des photos et de jolies affiches anciennes. J'y apprendrai en autres que les ventes aux enchères des récoltes de thé au Sri Lanka seront calquées sur celles pratiquées à Londres depuis 1837. 80 à 90% des récoltes étaient vendues par ce biais tandis que la première vente effectuée sur l'île eut lieu le 30 juillet 1883 à l'intérieur des locaux de Somerville & Co., sous les auspices de la chambre de commerce de Ceylan. Et le prix du thé d'atteindre en 1894 le prix record de £36.15 la livre sur le marché londonien. A Colombo, les acheteurs sont nombreux et les ventes aux enchères offrent un très large choix de thés, faisant de la capitale sri-lankaise le principal marché de thé au monde des années durant.

La production de thé sri-lankaise, avait explosé dans les années 1880 jusqu'à dépasser celle de café en 1888. Une manufacture fut d'abord érigée à Fairyland Estate, à Nuwara Eliya, puis d'autres usines apparurent plus tard dans les alentours. Dans le même temps, de nouvelles machines permirent la mécanisation du processus de traitement de la plante. A retenir enfin qu'il existe trois types de thé : le noir, le blanc et le vert. Le thé noir est cuit, ou oxydé, de couleur foncée ce qui lui donne son goût fort. Il est plus chargé en théine que les deux autres. Le thé blanc, lui, ou thé argenté, est fait à partir du bourgeon de la plante (ci-dessous en photo) qui est cueilli en début de saison alors qu'il est de couleur blanc argenté. Couleur qui demeure même une fois les feuilles séchées via un processus de séchage plus court. Son goût est très subtil bien qu'il conserve les mêmes propriétés que les autres thés et qu'il contienne beaucoup plus d'antioxydants, ou polyphénols. Le thé vert ne subit pas le même traitement, car il est juste séché dans sa jolie couleur verte, et son odeur de nous rappeler parfois l'herbe tondue. Il possède aussi de nombreux polyphénols.


 

Depuis Haputale, je me rends à Lipton's Seat, un point de vue panoramique sans égal situé en haut de la colline de Poonagala qui domine plusieurs provinces sri-lankaises (ci-dessous). Le nom de l'endroit est ainsi appelé car Thomas Lipton aimait y venir à cheval pour y contempler ses plantations de thé. Nous profitons d'une éclaircie pour faire des photos des champs de thé et des cueilleuses qui y officient, car la météo n'est pas au beau fixe depuis ce matin et un épais brouillard recouvre Haputale en contrebas. Soma et moi empruntons un tuk-tuk pour parcourir les 15 kilomètres depuis Haputale car la route, déjà étroite, se rétrécit au fur et à mesure que nous nous rapprochons du sommet. Les paysages donnent un aperçu de la vie rurale sri-lankaise et nous croiserons plusieurs habitants affairés en ce matin brumeux.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Site officiel Lipton : https://www.facebook.com/LiptonSriLanka/?brand_redir=200106643364694
  • Musée du thé de Ceylan, à 6 kilomètres de la ville, sur Uduwela Road, 179, Hantane à Kandy. Tél:+94 81 494 67 37. Ouvert du mardi au samedi, de 8h30 à 15h45 et le dimanche de 8h30 à 15h00. Entrée : 800 roupies (incluant une dégustation de thé en fin de visite, au dernier étage de l'édifice + remise de 10% sur les achats effectués en boutique). Site internet : http://www.ceylonteamuseum.com/index.html

  • Lipton's Seat, à 15 km d'Haputale. Ouvert tous les jours de 5h30 à 17h30. Entrée : 100 roupies par personne(+ 100 roupies par voiture, ou 50 roupies par tuk-tuk). La route qui y conduit est extrêmement étroite et je vous déconseille d'y aller en voiture. Prenez plutôt un tuk-tuk.

  • Vous pouvez vous adresser en toute confiance à Mr K. Thiyagarajah qui vous conduira en tuk-tuk à Lipton's Seat pour 1500 roupies l'aller et retour (soit 30 km) au départ d'Haputale. Tél : +94 072 32 97 879 ou +94 077 408 64 93

  • Manufacture de thé Dambatenne, Haputale-Dambethanna Rd, Haputale. Tèl : +94 575 670 595.

 



 



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