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Eté à Shirakawa-go
(Préfecture de Gifu, Japon)
Heure locale

 

Dimanche 10 juillet 2011


 

Il était une fois un joli petit village dont un collègue de travail, épris comme moi du Japon, m'avait un jour parlé sur un vol. « Ce village figure sur la liste des biens protégés par l'Unesco » me dit-il. Ça devait valoir le coup de s'y rendre mais voilà, il me fallait le temps d'y aller et puis savoir comment m'y rendre. Me trouvant dans les alpes japonaises, avec un dimanche de libre, je décidais d'embarquer à destination de Shirakawa-go, depuis la ville de Takayama. J'emprunte le bus direct de 8h50 qui me conduira, quarante minutes plus tard à Shirakawa-go, après avoir franchi une succession de tunnels (dont le plus long mesure 11 kilomètres!) et différents ouvrages routiers impressionnants, le tout en pleine montagne. Shirakawa-go signifie « Rivière blanche » en japonais. C'est une commune située dans le centre du Japon, plus exactement dans la vallée de Shokawa, au nord de la ville de Nagoya, dans le nord de la Préfecture de Gifu.

De nombreux touriste se rendent à cet endroit chaque année afin d'admirer le paysage mais aussi les maisons de Shirakawa-go , surnommées Gassho-zukuri (littéralement: construction aux paumes des mains jointes) qui possèdent des toits de chaume extrêmement pentus à cause des chutes de neige très abondantes dans cette région durant l'hiver. Ces maisons appartiennent à la catégorie des Minka (maison du peuple), résidences japonaises de type traditionnel. A l'époque Edo, ces Minka constituaient le foyer des paysans ,des artisans et des marchands. Il en existe différents types qui varient en fonction de leur position géographique et la richesse de leurs propriétaires. On peut cependant les diviser en deux catégories: Les Noka ( fermes) et les Machiyas (maisons de bourg). Certaines Minka possèdent des caractéristiques historiques et sont alors protégées par les autorités locales ou le gouvernement japonais. C'est le cas des Gassho-zukuri (structures aux mains jointes) de Shirakawa-go mais aussi de Gokayama ( un autre village signifiant la montagne aux cinq parties).


 

Je m'aperçois, sur ma route pour Shirakawa-go, que la région est extrêmement isolée, que l'homme a du percer de nombreux tunnels (90% de notre trajet passe par des tunnels) et construire de nombreux ouvrages routiers pour permettre une liaison jusqu'à ce village. Autrefois, les habitants de Shirakawa-go vivaient principalement de la culture du mûrier et de l'élevage du ver à soie. Ces maison Gassho-zukuri avec un large toit de chaume pentu sont uniques au Japon. Ce village ( ainsi que quelques autres des environs) ont réussi à préserver un habitat et une façon de vivre malgré les bouleversements économiques considérables de ces dernières décennies. Au VIII ème siècle après J.C, cet endroit devint le centre de pratique du culte ascétique (combinaison d'anciennes croyances pré-bouddhiques et de bouddhisme ésotérique). Au XIII ème siècle, il subit l'influence de la secte ésotérique Tendai puis de la secte Jodo Shinshu (toujours influente dans cette zone). Ces sectes enseignaient comment survivre en coopération mutuelle et entre groupes familiaux voisins. Au début de la période Edo, Shirakawa-go faisait partie du territoire du clan de Takayama, puis passa sous le contrôle du gouvernement militaire Edo-Bakufu de la fin du XVII ème jusqu'à 1868 (restauration Meiji).


 

Compte tenu du terrain très accidenté, la production de riz extensive n'était pas envisageable à cet endroit. En effet, les montagnes et les forêts occupent 96% du territoire dans cette région ne laissant que 4% des terres disponibles pour les cultures. Les paysans développèrent donc d'autres cultures, comme celle du sarrasin ou du millet, sur de petites parcelles. Il ne s'agissait alors que de cultures de subsistance. Quelques produits étaient toutefois commercialisés par le village: Le papier japonais (fabriqué avec les fibres du mûrier), le nitrate de calcium (entrant dans la fabrication de la poudre à canon), et le fil de ver à soie. Le papier japonais déclina au XIX ème siècle ainsi que le nitrate de calcium qui fut progressivement remplacé par le salpêtre européen bien meilleur marché. L'industrie de la soie dura jusqu'aux années 1970. Et la construction de grands espaces fermés pour l'élevage des vers à soie et le stockage des feuilles de mûrier contribua à la construction des maisons Gassho-zukuri. La plupart de ces maisons sont situées sur des lots individuels séparés par des parcelles de terre cultivées ( comme des rizières par exemple, ou des petits jardins). Les limites de propriété sont marquées par des rues ou par des canaux d'irrigation (il y en a beaucoup, si bien que l'eau coule, parfaitement canalisée, sous vos pieds ou à l'air libre (voir photo ci-dessous). On ne distingue aucun mur ni aucune haie de séparation ce qui permet la création d'un paysage ouvert. De nombreux lots sont équipés d'entrepôts aux parois de bois (donc hautement inflammables) qui sont isolés un peu à l'écart des maisons afin d'éviter une contagion en cas d'incendie. Ces annexes servent au séchage des grains ou des chaumes (photo ci-dessous).


 

Le village de Shirakawa-go possède deux temples: Le Myozen-ji (photo ci dessous) et le Honkaku-ji. Au VIII ème siècle, la région de Shirakawa-go était une zone ouverte à la prière et à l'ascèse , avec pour centre principal le Mont Hakusan. Des documents anciens confirment que le nom de Shirakawa-go était bien celui de la région dès le milieu du XII ème siècle. J'effectuerai ma première visite au Temple Myozen-ji. Celui-ci fut construit en 1806 et est connu pour sa porte au toit de chaume appelée « Shoro-mon ». Selon des documents anciens, des troncs de zelcova ont été utilisés dans la construction de ce temple qui se poursuivit durant vingt années. 9191 personnes assistèrent le maitre charpentier, Usuke Mizuma, dans l'érection du bâtiment. Derrière ce temple se trouve un superbe if, considéré comme un bien remarquable par la Préfecture de Gifu. A l'intérieur, un musée permet aux visiteurs d'admirer des outils et des ustensiles utilisés autrefois par les paysans (photo)


 

Un autre musée, uniquement ouvert une partie de l'année (voir infos pratiques) permet de découvrir le Doburoku Festival. Celui-ci a lieu les 14 et 15 octobre de chaque année. Une reconstitution historique surnommée « Kami-no-idemashi » (arrivée des dieux) a lieu dans les rues accompagnée de musique sacrée, de la danse du lion, et de drapeaux. La parade regagne ensuite le sanctuaire voisin de Hachiman où le saké de Doburoku ( que j'ai eu l'occasion de goûter gracieusement en fin de visite!), consacré aux dieux (et donc non disponible à la vente) est alors offerte aux habitants et aux pratiquants. Le Festival Doburoku est une survivance des temps anciens, qui se tient à l'automne au moment où les arbres se parent de magnifiques couleurs. C'est l'occasion pour les villageois de remercier les dieux pour les récoltes abondantes.


 

Tout proche du musée de Doburoku se trouve le sanctuaire Hachiman (ci-dessus). Celui-ci a été érigé durant la période Wado (708-->715) et est l'endroit où les pèlerins venaient prier. Là, les ancêtre brassaient les fruits de la récolte et en offraient le saké aux dieux du sanctuaire. A l'origine, le sanctuaire Hachiman était localisé à un autre endroit, plus isolé dans la forêt, mais une avalanche imposa de le reconstruire il y a 800 ans à l'endroit où il se trouve aujourd'hui.

Ma promenade se poursuit sous le rude soleil d'été. Je croise un grand nombre de fleurs de montagne (ci-dessous) qui viennent embellir les abords des rues et des maisons gassho-zukuri. Le dépaysement est total mais ne me prendra que quelques heures. Je reprendrai en effet l'autobus pour Takayama à 13h00. Auparavant, je serai monté à l'observatoire d'où on peut admirer le village dans sa totalité. Cet observatoire n'est pas accessible pendant l'hiver. Partout, l'eau est omniprésente et sort du sol, plus fraiche que jamais. Des commerçants s'en servent même comme moyen de rafraichir les bouteilles d'eau qu'ils vendent aux touristes (photo ci-dessous). Les canaux d'irrigation font aussi le bonheur des truites qui s'y complaisent (photo) et nous offrent le bruissement rassurant du précieux liquide.


 

Loin d'avoir tout visité ( ce n'était pas mon but!), je m'arrêterai tout de même à la maison Wada. Cette maison a été désignée comme bien culturel remarquable en 1995. La même année, l'UNESCO classa Shirakawa-go comme patrimoine mondial. La maison Wada est représentative du style très particulier de la maison Gassho-kuzuri , au double toit de chaume très pentu. Elle fut construite au milieu de la période Edo. Et la lignée familiale date de 1573. Depuis cette date, chaque génération de la famille Wada dirigea le village sous la période Edo. A l'époque, il existait des guérites appelées « Kuchidome Bansho » placées aux endroits stratégiques de Shirakawa-go et qui jouaient le rôle de postes de police et de bureaux de douane. Le chef de la famille Wada fut le responsable officiel de la guérite Ushikubi durant les ères Tenmei et Kansei, au XVIII ème siècle. A l'époque, les habitants de Shirakawa-go tiraient leurs ressources de la poudre à canon (nitrate de calcium) et la famille Wada s'enrichit en en faisant la production et le commerce depuis l'ère Genroku (fin du XVII ème siècle) jusqu'à la période Meiji. Sous cette période Meiji, le chef de la famille Wada fut aussi choisi comme maire du village.


 

La maison Wada est construite avec des murs de pierre en guise de protection, incluant un brise vent. La structure est constituée d'un bâtiment unique de trois étages. Au rez de chaussée se trouve le salon, un large hall, une petite pièce pour accueillir l'altar de la famille (photo), des chambres pour les invités et pour les membres de la famille. Les deuxième et troisième étages servaient à la culture du ver à soie. La fumée venant du feu du rez de chaussée était amenée au troisième étage de façon à ce que la suie imprègne les cordages et le chaume du toit. Les poutres et autres pièces de bois entrant dans la construction de la maison gassho étaient assemblées à l'aide de cordages (photo ci-dessous). Aucune pièce en métal n'était utilisée. Le toit était refait périodiquement grâce au concours de 150 à 200 villageois volontaires, système toujours en vigueur de nos jours (photo). Au rez-de-chaussée, les pièces sont prévues pour permettre la vie quotidienne. La pièce « okunodei »(photo ci-dessous) est une chambre pour invité. Un feu est entretenu en permanence. Le deuxième étage servait à accueillir les vers à soie. La lumière pénétrait par les ouvertures situées des deux côtés de la maison. La bonne température était maintenue par la circulation d'air générée grâce à la fumée provenant du foyer du rez-de-chaussée.


La maison Wada offre aux visiteurs de découvrir différents objets de la vie quotidienne comme cette vaisselle qui fut utilisée 200 années durant par la famille lors des grandes occasions (photo ci-dessous). On observe aussi dans les étages supérieurs des outils qui servaient autrefois à l'élevage du ver à soie. Mais aussi des outils utilisés pour la réparation des toits de chaume, ou des objets quotidiens comme des paires de semelles pour marcher dans la neige appelées « kanjiki ».


 

Je quitte la maison Wada pour prendre le chemin du retour. J'échange quelques mots avec une habitante qui a les bras chargés de concombres. « Tenez, c'est pour vous », me dit-elle en m'en offrant un. « Goûtez mes tomates » rajoute t-elle. Je m'approche alors des plants de tomates naines et en goûte une. Les habitants me paraissent chaleureux et accueillants bien que vivant isolés du reste du monde. Et malgré l'affluence touristique énorme qui déferle sur le petit village tout au long de l'année. C'est pour permettre une meilleure cohabitation que des panneaux rappellent le comportement à observer par les visiteurs: Respect des lieux, maintien de l'endroit propre, éviter les risques d'incendie en ne fumant par exemple que dans les zones réservées, demander l'autorisation au propriétaire avant de pénétrer sur ses terres...des conseils de bon sens! Je franchirai à nouveau le pont suspendu qui relie la station d'autobus au village de Shirakawa-go. Celui-ci passe au-dessus de la rivière blanche dont les eaux se reflètent dans le ciel intensément bleu. Je reviendrai à Shirakawa-go, en d'autres saisons car le village offre ses attraits tout au long de l'année.


 

N'oubliez pas! D'autres photos de Shirakawa-go vous attendent dans la section Médiathèque --> Album Asie
 

INFOS PRATIQUES:


  • Comment s'y rendre? Depuis Takayama, emprunter un bus depuis la gare routière (située juste à côté de la gare ferroviaire). Acheter son ticket (4300 yens l'aller retour en cash uniquement!)(cette ligne d'autobus n'est pas une ligne JR et ne fonctionne donc malheureusement pas avec le JR Pass) au comptoir (ouvert de 6h00 à 19h00) puis prendre le bus express (direct) sur le quai N°4. Durée du trajet: 40 mn environ. Horaire des bus au départ de Takayama: 8h50 (arrivée à Shirakawa-go à 9h40), 9h50 (10h40),10h50 (11h40), 11h50 (12h50), 12h50 sur réservation uniquement (13h40), 13h50 (14h50), 15h50 sur réservation uniquement (16h40).

    Départ de Shirakawa-go à 6h53 (arrivée à Takayama à 7h53), 10h45 sur réservation uniquement (11h45), 12h00 (12h50), 13h00 (13h50), 14h00 sur réservation uniquement (14h50), 15h00 (15h50), 16h00 (17h00), 17h20 sur réservation uniquement (18h10).

    Compagnie de bus: Nohi Bus Center au 0577 32 1688

    La réservation de votre bus se fait au comptoir de départ à Takayama (Gare routière) ou à Shirakawa-go (petit bureau de l'office de tourisme situé à côté de l'arrêt des bus).

    Pour ceux qui n'auraient pas visité avec moi Kanazawa, possibilité de poursuivre le trajet (sur certains horaires) de Shirakawa-go jusqu'à cette ville. Renseignez-vous au comptoir.

    Depuis Takayama, trains express fréquents pour vous rendre à Nagoya (durée du trajet: 2h30). Ensuite, prendre le shinkansen pour Tokyo (environ 2h30) ou pour Osaka (environ une heure).

    Vous pouvez déposer vos bagages dans une consigne mise à disposition à Takayama (face gare routière): de 300 à 500 yens le coffre selon dimension. Même chose à Shirakawa-go: Les coffres sont alors situés au bureau de l'office de tourisme. Très pratique!

     

  • Habitat japonais: http://fr.wikipedia.org/wiki/Habitat_japonais

  • Office de tourisme de Shirakawa-go: 0576 96 1013. http://shirakawa-go.org:

     

  • Shirakawa-go (en anglais): http://shirakawa-go.org/english/index.html

  • Site de l'office du tourisme japonais: http://www.tourisme-japon.fr/Decouvrez-le-Japon/Destinations/Chubu/Voyages-dans-le-Chubu/Shirakawa-go-et-Gokayama

     

  • Comment y trouver un hébergement? Vous pouvez contacter cette association touristique (Shirakawa-go tourist association, 501-56 Ogimachi Ohno-District Gifu Prefecture, ouverte de 9h à 17h. Tel: +81 576 96 1013) mais sachez qu'il est indispensable de réserver à l'avance.

  • Musée du Doburoku – Shirakawa Hachiman Shrine, Ogi-machi. Tel: 0576 96 1655. Ouvert du 1er avril au 30 novembre, de 9h00 à 16h00. Entrée adulte: 300 yens. Se déchausser avant d'entrée. Photos autorisées. Dégustation du saké en fin de visite. Festival du Doburoku les 14 et 15 octobre (au programme: à 8h00, rites du festival célébrés au sanctuaire, à 9h00, parade dans les rues, à 14h30, danse du lion, de 15h30 à 16h30, dégustation de saké au sanctuaire, à 16h00, Hogeiden ou spectacle d'arts locaux (jeux et danses dédiés aux dieux), à 19h30, danse du lion offerte dans l'enceinte du sanctuaire, à 21h00, spectacle d'arts locaux).

  • Calendrier des rites et festivals de Shirakawa-go:

    - 1er janvier: Cérémonie du Nouvel An (Saitan-sai)

    -15 janvier: Cérémonie du nouvel an lunaire (Sagicho-matsuri)

    -17 janvier: Cérémonie marquant le début de la production annuelle de saké

    -3 février: Cérémonie du commencement du printemps (Setsubun-sai)

    -3ème dimanche d'avril: Festival du printemps (Kinen-sai)

    -10 avril: Festival annuel du sanctuaire d'Akiba (Akiba Shrine Reisai)

    -30 juin: Cérémonie de purification Shinto à travers du cercle végétal (Ocharae-shiki)

    -11 juillet: Cérémonie pour calmer le vent (Fuchin-sai)

    -25 juillet: Festival des dieux de la montagne (Tenryugu-reisai)

    -14 octobre: Festival annuel (Shigaku-sai)

    -15 octobre: Festival annuel (Hongaku-sai)

    -3ème dimanche de novembre: Festival d'automne (Shinjo-sai)

    -30 novembre: Cérémonie de l'échange de clés

    -31 décembre: Cérémonie de purification Shinto (Ocharae-shiki) et cérémonie de veille du nouvel an (Joya-sai)

  • Sanctuaire Hachiman: 559, Ogi-machi à Shirakawa. Tel: 0576 96 1624.

 

 











 

  • Maison Wada, 997 Ogi-machi à Shirakawa village. Tel: 0576 96 1058. Ouverte de 9h00 à 17h00. Entrée adulte: 300 yens.



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