Revoir le globe
|
La Pêche au Cormoran à Gifu
(Préfecture de Gifu, Japon) |
|
Vendredi 22 juin 2012
Que diriez-vous d'une partie de pêche? Je vous convie aujourd'hui à la pêche au cormoran à Gifu (Japon). Cette méthode de pêche traditionnelle utilise en effet les oiseaux pour pêcher en eau douce. La pêche au cormoran est pratiquée au Japon depuis 1300 ans, mais, faute d'être rentable, est désormais devenue une activité purement touristique et saisonnière (de mai à octobre). Les cormorans de Temminck utilisés sont des oiseaux sauvages , capturés en mer, puis formés pour la pêche. Ces oiseaux proviennent de la ville de Hitachi sur la côte d'Ibaraki. Un lien fort entre le pêcheur et le cormoran est indispensable afin d'obtenir un résultat et d'ailleurs, les maitres de pêche considèrent souvent leurs oiseaux comme des membres de leurs familles. Durant sa formation, le maitre va jusqu'à masser la tête ou le ventre de l'oiseau et le traite avec douceur. Puis il l'emmène tous les jours durant deux semaines pour se baigner afin que l'oiseau s'acclimate à l'eau douce. Les animaux sont à ce moment-là nourris à la main par le pêcheur car ils ne se nourrissent pas naturellement dans l'eau douce. La survie moyenne de ces cormorans va de 14 à 15 ans ( mais le record de longévité a déjà atteint 26 ans).
Je me mets en route en début de soirée pour me rendre au centre de pêche au cormoran, situé au bord de la rivière Nagara. J'emprunte le bus et me retrouve, quinze minutes plus tard à l'arrêt Nagara Bashi (pont de Nagara). J'achète mon billet puis rejoins une salle d'attente où un film est projeté aux visiteurs. Il explique (en japonais uniquement) en quoi consiste la pêche au cormoran. A l'heure dite, c'est à dire 19h00, nous embarquons sur le « Gifu Maru » qui va nous transporter sur la rivière. Je ne m'attends pas à cette importante flottille d'une vingtaine de bateaux imposants (ci-dessous). Cette pêche traditionnelle est réellement devenue un gagne-pain pour beaucoup de monde. Et les bateaux se remplissent les uns après les autres. En embarquant, chacun est prié de se déchausser puis on nous fait asseoir sur des petits coussins et on nous offre du thé japonais. Un quart d'heure plus tard, le bateau quitte son lieu d'amarrage et nous partons en direction de la rivière Nagara.
La pêche au cormoran (appelée aussi Ukai) a longtemps joué un rôle important dans le préfecture de Gifu. Elle procurait en effet aux habitants un moyen de survie, une industrie qui fut autrefois rentable et qui s'est aujourd'hui transformée en...industrie touristique saisonnière ( de mai à octobre, sauf lorsque le niveau de la rivière est trop élevé et lors de la lune des moissons). Cela fait 1300 ans que des pêcheurs (Usho) utilisent des oiseaux pour attraper les poissons. Pour contrôler les cormorans, ils posent une ligature à la base du cou des animaux, qui les empêche d'avaler les gros poissons. Seuls les plus petits sont avalés. De plus, les pêcheurs attachent les pattes des oiseaux à une corde, pour les récupérer facilement. La barque utilisée pour cette pêche traditionnelle est une ubune. Elle mesure treize mètres de long. Le maitre de pêche (c'est ainsi qu'on appelle les pêcheurs) embarque avec deux hommes. (le nakanori et le tomonori). Ces deux hommes ont pour rôle d'attraper le poisson rapporté par les cormorans. Cette équipage pêche le ayu (poisson appelé sweet fish, car il descend le cours de la rivière). Petit en mai, il grossit pour les mois de septembre et octobre, la pleine saison.
Il y avait autrefois 21 maitres de cormorans qui détenaient plusieurs droits sur la rivière Nagara. Depuis l'ère Meiji (1867), ce privilège a décliné et beaucoup de pêcheurs ont laissé tomber cet artisanat. En 1890, les maitres survivants furent rassemblés sous l'égide de la maison impériale (qui est encore d'actualité aujourd'hui). Le titre de maître de pêche est détenu de façon héréditaire et on en compte de nos jours six dans la région de Nagara. Les 122 outils qu'ils utilisent pour cette pêche font partie intégrante du patrimoine culturel traditionnel japonais. La pêche au cormoran elle-même est reconnue comme bien important culturel de la ville de Gifu.
La technique de pêche, elle, est surnommé sougarami. Cette technique consiste à se servir de six barques disposées en ligne de façon à capturer le ayu plus facilement. Au cri de « Hou hou », pêcheurs et cormorans ne forment qu'un lorsqu'il s'agit de traquer le poisson. Le maître de pêche possède une tenue vestimentaire particulière (photo ci-dessous): Il porte sur la tête un bonnet (kazaorieboshi) en lin de couleur bleue ou noire. Cette coiffure est destinée à les protéger des braises qui s'échappent des torches utilisées pour la pêche la nuit. Son torse est revêtu d'un ryofuku, sorte de kimono fait de toile de coton noire ou bleu marine. Le muneate est porté par-dessus ce vêtement pour servir de protection contre d'éventuelles étincelles. Cette pièce vestimentaire peut aussi servir de poche. Le koshimino est une sorte de robe faite de paille et destinée à protéger le pêcheur des éclaboussures et donc du froid. Enfin, la maitre pêcheur porte des ashinaka, des demi-sandales uniquement prévues pour éviter aux hommes de glisser.
Lorsqu'on observe les hommes et les barques de pêche, on distingue plusieurs choses (ci-dessous): Le matsuwariki est constitué de morceaux de bois de pin embrasé servant de torche pour éclairer autour de l'embarcation. Ces morceaux de bois sont à l'intérieur d'un récipient en fer appelé kagari. Le kagaribo est le support soutenant le kagari. Les tanawa sont ces cordes utilisées pour manipuler les cormorans. Le pêcheur utilise entre dix et douze de ces cordes à la fois. Le Tomonori est l'homme responsable de la conduite de l'embarcation. Tandis que le nakanori prête main forte au maître de pêche et au tomonori. Le maître de pêche, lui, manipule les oiseaux.
Je me rends au village des cormorans qui se trouve le long de la rivière Nagara, de l'autre côté du pont. Là, se trouve un café qui abrite les cormorans. Ceux-ci se déplacent en liberté dans le jardin qui est agrémenté d'un bassin destiné à la baignade des grands oiseaux. Comme je m'approche d'eux, les cormorans font le beau et ouvrent leurs ailes comme s'ils voulaient poser pour la photo(ci-dessous). C'est très drôle!
J'aperçois une barque traditionnelle sur la rivière (première photo ci-dessous), puis une réserve de bois de pin, combustible essentielle pour alimenter les torches permettant aux pêcheurs d'éclairer autour de leur barque durant la pêche de nuit (deuxième photo). Au café, je découvre enfin les grands paniers servant à transporter les cormorans de leur lieu de résidence jusqu'aux barques de pêche (troisième photo).
INFOS PRATIQUES:
|
