Revoir le globe
Top


Origamis et Mises en Plis
(Tokyo, Japon)
Heure locale

Lundi 18 février 2013

 

Lors de mon escale à Tokyo, je fais cette fois-ci une halte à Origami Kaikan, une vieille maison tokyoite qui exerce l'art de l'origami. Car l'origami est un art. Un art originaire de l'un des plus anciens arts populaires chinois au VI ème siècle. Venu de la dynastie des Han de l'ouest ( en l'an -202), on l'appelait à l'époque zhézhi et ce sont des moines bouddhistes qui auraient apporté le zhézhi au Japon, en passant par Koguryo ( les actuelles Corée du nord et du sud). Cet art de papier va de pair avec le jianzhi (l'art du papier découpé). Ce jeu de papier se serait développé vers 1200 lors des rituels bouddhistes et aurait connu un rapide succès. La découpe et la création de fleurs seraient ensuite apparues à travers un art, celui du bushi. Bushi est un terme d'origine chinoise qui signifie « guerrier gentilhomme » en japonais.

Le mot origami, lui, provient du verbe japonais « oru » (plier), caractère venant du chinois zhé, et du nom « kami »(papier, du chinois zhi). On pense que cette technique est arrivée au Japon au moment de l'ère Edo (1603- 1867). Au pays du soleil levant, on parle de kirigami en ce qui concerne la technique du papier découpé : du verbe kiru (découper) et du nom kami (papier, en japonais). Et les différents arts du papier, d'être rassemblés sous le nom de chiyogami (papier de 10000 ans, ou façonnage de papier). Plus récemment, on parle aussi de pepakura ( de l'anglais papercraft, signifiant l’artisanat du papier). Le pepakura consiste en des volumes fixes ou animés faits de papier, qui, contrairement à l'origami, peuvent être découpés et collés. L'origami japonais tient probablement ses origines dans les cérémonies où la papier ainsi plié permettait de décorer les tables ( et les cruches de saké).


 

Je descends à la station de métro Ochanomizu, puis enjambe la rivière en franchissant le pont voisin Hijiribashi Bridge. Je marche ensuite tout droit jusqu'à franchir un deuxième feu puis tourne à gauche. Origami Kaikan se trouve à deux cents mètres de là: Il consiste en un bâtiment à six étages qui abrite toutes les activités de ce centre d'origami qui existe depuis...1859! Je suis gentiment accueilli par une hôtesse au rez-de-chaussée. Cette pièce présente de nombreux origamis permettant de se faire une idée de la difficulté de cet art. A gauche, une grande table accueille parfois parents et enfants pour un cours d'initiation. Sur la droite, de grandes feuilles de papier témoignent du large choix disponible pour les clients. Le quatrième étage est d'ailleurs l'endroit (photo ci-dessous) où sont produits les différents papiers servant à l'origami. Un jeune homme peint les feuilles à l'aide d'un large pinceau puis les fait sécher en hauteur.


 

En religion, le plus ancien usage de l'origami connu à ce jour, est le katashiro. Celui-ci représente une divinité qui est utilisée lors des cérémonies Shinto du temple Ise. L'histoire nous a permis de découvrir récemment le modèle perdu du « Tamatebako (boite de Pandore), objet tiré d'un conte folklorique japonais comprenant le personnage d'Urashima Taro (Je vous en ai déjà parlé dans mes récits, Urashima Taro est ce pêcheur qui sauva un jour une tortue se faisant malmener par des enfants, tortue qui représentait en réalité la fille du roi de l'océan). Ce Tamatebako fut retrouvé dans un livre publié en 1734, le « Ranma-Zushiki ». Livre qui contient deux images identifiées en 1993 par Yasuo Koyanagi comme modèles de Tamatebako. Masao Okamura, un historien de l'origami, réussit a récréer ce modèle, lequel implique découpage et collage.

 

Dès le début des années 1800, Friedrich Fröbel (le père des jardins d'enfants) admettait que l'assemblage, le tressage, le pliage et le découpage pouvaient s'avérer être une précieuse aide pour le développement des enfants. En 1890, un autre ouvrage, « Le livre des amusettes », contient entre autre 104 amusettes, figurines de papier déjà surnommées « origamis ». Dans les années 1920, c'est au tour de Joseph Albers (le père de la théorie moderne des couleurs et de l'art minimaliste) d'enseigner l'origami et le pliage du papier, en utilisant des feuilles de papier rondes pliées selon des spirales ou des courbes. J'achèterai pour ma part un livre d'initiation à l'origami conçu par le propriétaire de la maison, âgé de 72 ans, mais dont les doigts toujours agiles créent des origamis avec une facilité déconcertante. Un peu en retrait, son père ( 99 ans seulement!) observe le talent de son fils (photo ci-dessous). Ce savoir-faire de l'origami influencera aussi des artistes modernes japonais comme Kunihiko Kasahara. Akira Yoshizawa reste toutefois le créateur le plus prolifique de modèles d'origamis et l'auteur de différents livres sur cet art. Et l'origami moderne d'attirer des amateurs du monde entier, engendrant à chaque fois conceptions toujours plus complexes et techniques nouvelles. Le pliage humide ( qui permet au modèle de mieux conserver sa forme, une fois terminé) ou encore le « kusudama (origami modulaire qui consiste à assembler plusieurs pièces pour former un ensemble décoratif) font partie de ces évolutions.


 

En France, en 1978, on découvre le « Mouvement français des plieurs de papier » créé par Jean-Claude Correia. Ainsi que le travail de Didier Boursin, qui poursuit son travail éducatif en mélangeant la poésie de l'origami et l'apprentissage des mathématiques. Et développe ses travaux sur les avions en papier et les pliages de serviettes. Il faut toutefois attendre le 7 décembre 2010 pour admirer une girafe de 4,38 mètres de haut, au Centre national d'Amsterdam. Celle-ci est l'œuvre d'un groupe de trente étudiants.


 

Une des représentations d'origami les plus célèbres reste la grue du Japon. Cet oiseau est un animal important pour ce pays et une légende prétend même que quiconque plie mille grues de papier verra son vœu exaucé. Cette grue d'origami symbolise la paix à cause de cette légende et est aussi associée à une jeune fille japonaise, Sadako Sasaki. Celle-ci aimait courir vite et fut un jour touchée par le rayonnement du bombardement atomique d'Hiroshima. Elle devint alors « hibakusha » (survivante de la bombe), puis plia mille grues de papier dans l'espoir d'une guérison. Mais elle mourra de leucémie, à l'âge de douze ans, en 1955, après avoir plié ...644 grues ! Ses camarades plièrent le restant des grues et Sadako fut enterrée avec une guirlande de mille grues. Puis érigèrent une statue en granit la représentant dans le parc de la paix d'Hiroshima : Une jeune fille tenant les mains ouvertes, un vol de grues de papier au bout des doigts. Chaque année, cette statue est ornée de milliers de guirlandes de mille grues (Sembatsuru). C'est de là que vient la tradition nippone de plier mille grues en papier lorsqu'un proche ou un ami souffre de maladie. Superstition mise à part, cet acte procure courage et volonté au malade. Et explique aussi que pour un Japonais, l'origami est plus qu'un art : Une culture vivante.

 

Et maintenant, quelques principes de base : En origami, de nombreux pliages commencent par une même succession de plis ( appelées bases). Il y a la base préliminaire avec deux plis montagne. Cette base préliminaire est elle-même la base d'autres bases comme la bombe à eau que l'on a souvent réaliser dans notre enfance, ou encore la base de l'oiseau, ou de la grenouille. En résumé, les plis (pli vallée, pli montagne, pli zig-zag, pli crimp, pli renversé intérieur ou extérieur, pli oreille de lapin, pli pétale, pli aplati, pli double oreille de lapin, pli enfoncé ouvert, (ou fermé, ou aplati), et retournement de papier) permettent de construire des bases ( base préliminaire, base de la bombe à eau, base du poisson, base de l'oiseau, de la grenouille, du moulin,du cerf-volant, du diamant, bases étirables). Il s'agit ensuite de suivre la suite du diagramme, c'est à dire le schéma détaillant par une succession de figures chacun des plis à exécuter pour parvenir au modèle final. En partant des plis élémentaires décrits ci-dessus, un « solfège » de pliage répertorie les figures dites de base (décrites également ci-dessus). L'origami peut prendre des formes simples comme celles d'un chapeau ou d'un avion en papier, et plus complexes comme une représentation de la Tour Eiffel ou de la Sky Tree Tower de Tokyo. Ces représentations peuvent demander plusieurs heures de travail et de concentration. Heureusement, un grand nombre de livres proposent les diagrammes de toutes ces réalisations. Mais malgré les descriptions détaillées, il n'est pas toujours aisé de réaliser un modèle. Cependant, le diagramme n'est pas le seul moyen de décrire ce modèle. Le canevas de pli en est un autre : Celui-ci consiste à représenter le carré de départ, puis l'ensemble des plis servant à constituer la base départ du modèle. Il est toutefois destiné aux plieurs aguerris qui devront ensuite faire preuve d'imagination et de créativité pour achever leur modèle.

 

En origami, on utilise plusieurs papiers différents : Des papiers ordinaires joliment décorés (ou pas), mais aussi du papier sandwich (papier métallisé) qui permet de faire plus de plis avant que le support ne soit trop abimé pour être plié une nouvelle fois. La technique du papier mouillé permet quant à elle la création de reliefs et de courbes intéressantes. L'origami peut représenter un animal, une plante, ou un objet mais aussi des formes géométriques simples ou complexes, comme les origamis modulaires ou les « rings ». Ils sont alors généralement formés du même pliage de base appelé module puis plié en plusieurs exemplaires qu'on imbrique les uns dans les autres pour donner la forme finale au modèle. On trouve ainsi plusieurs formes dans l'origami : L'aerogami (branche de l'origami spécialisée dans l'aérodynamisme des pliages, comme par exemple les avions en papier), le box pleating (technique visant à créer des modèles à partir de bases très géométriques et beaucoup d'angles à 45 et 90°), le kirigami (branche de l'origami basée sur le découpage, le jeu d'ombre et de lumière), l'origami modulaire (consistant à créer des modèles en pliant plusieurs éléments souvent identiques, puis en les assemblant), le kusudama (forme d'origami modulaire), l'origami minimaliste (branche de l'origami permettant de créer des modèles parfaitement reconnaissables en un minimum de plis), le pornogami (branche de l'origami représentant des scènes sexuelles), et le pureland (regroupant les pliages faits uniquement à partir de pliages simples).

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


 












Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile