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Le Festival du Bonsaï à Azabu Juban
(Tokyo, Japon)
Heure locale

 

Lundi 9 septembre 2013

 

La fête du bonsaï se tient chaque année à cette époque dans le quartier d'Azabu Juban à Tokyo. Curieux de nature, je profite de mon passage dans la capitale nippone pour m'y rendre en compagnie de Shohei, un ami japonais. Azabu fait partie de l'arrondissement de Minato à Tokyo et fut jadis construit sur des collines marécageuses au sud de la grande cité. Ce quartier haut de gamme rassemble à la fois artistes, hommes d'affaires et célébrités. Cette région vivait autrefois de l'agriculture. Des découvertes archéologiques montrent que l'endroit fut jadis habité dès la période Jomon. D'ailleurs, le sanctuaire d'Inari Juban y fut bâti en 712 après J.C, tout comme ce temple de Zenpuku-ji (en 824) et plus tard le sanctuaire Hikawa (en 939).

La zone fut urbanisée dans les années 1600, lorsque Tokugawa Ieyasu y établit le siège de son gouvernement près de Edo. Et Azabu de devenir à cette époque le plus grand marché du cheval de la capitale ! En 1859, c'est dans ce quartier que la première délégation américaine s'installa dans un temple. De 1878 à 1947, Azabu fut un quartier de Tokyo. Sous la période Meiji, durant l'industrialisation, Azabu était relié à la capitale grâce à des tramways tirés par des chevaux. Le bas des collines se transforma alors en petites zones commerciales tandis que des zones résidentielles prirent forme sur le haut de ces mêmes collines. Durant la période Taisho, Azabu vit apparaître de nombreux théâtres, des magasins, des maisons de plaisir jusqu'à devenir l'un des lieux de divertissement les plus courus du pays. Une grande partie du quartier sera détruite par des bombardements en 1945 et les zones commerciales ne seront jamais reconstruites : Seules persistent les zones résidentielles. Azabu fusionna deux ans plus tard avec Minato et l'endroit accueillit de nombreuses ambassades (Russie, Chine, Allemagne, Australie, Suisse, Taïwan, Norvège, Finlande, Corée du sud, Iran, France et Grèce), mais aussi plusieurs célébrités, comme par exemple le mangaka Naoko Takeuchi, ou la chanteuse Ayumi Hamasaki.


 

La fête du bonsaï attire chaque année un nombre important de visiteurs dont des centaines d'expatriés. Les familles s'y rendent histoire de se faire la main (verte) sur une plante exceptionnelle. On a tous une bonne raison de se rendre sur place : Simple curiosité mais aussi l'envie de se perfectionner dans l'élagage ou tout bonnement le désir d'en savoir plus sur cette tradition qui maintint une certaine prospérité pour les gens d'Angyo et de Kawaguchi, lesquels apportent leur savoir-faire. On ne devient cependant pas expert en bonsaï aussi facilement. Certes, les conseils de base glanés dans les allées de ce festival pourront aider mais il vous faudra en apprendre davantage encore. Sachez d'abord que le mot bonsaï provient du chinois et signifie « planter, prendre soin des plantes ». On entend ainsi par « bonsaï » un arbre ou arbuste cultivé en pot, qui offre également un aspect paysager. Cet arbre est miniaturisé grâce à des techniques très complexes, et en en ligaturant les branches. L'arbuste doit être rempoté régulièrement pour tailler ses racines internes tout comme celles qui joignent la surface du pot. L'objectif étant d'en faire une œuvre d'art esthétique qui ressemblera le plus possible à l'arbre dans la nature.


 

Le saviez-vous ? La culture des plantes dans des pots ne date pas d'aujourd'hui et débuta en Egypte il y a 4000 ans. Grecs, Babyloniens, Perses et Indiens en copièrent les techniques mais les Chinois furent les premiers à concevoir la culture en pots dans un but esthétique, sous la dynastie des Han. On ne parlait pas encore de bonsaï mais de « penjing »(représentation d'un paysage miniaturisé dans une coupe).

La codification des bonsaïs la plus connue en Occident est celle du Japon. Un événement marquant se produisit à la fin du XI ème siècle dans ce pays avec l'arrivée du bouddhisme zen. La Chine influença le Japon, tout particulièrement les classes aisées. Durant la période Kamakura, on assimilait déjà les bonsaïs à des œuvres d'art car ils représentaient un signe de grandeur pour les seigneurs de l'époque. Les petits arbres devinrent rapidement des objets de luxe en suggérant un nouvel état d'être dont on poussait le raffinement à l'extrême. Un siècle plus tard, au XII ème siècle, le zen joua un rôle primordial dans l'art des jardins nippons. Le moine bouddhiste Honen Shonin alignait déjà des petits arbres dans des coupes,dans son célèbre rouleau. Et l'on peut dire que l'art du bonsaï est apparu au Japon en l'an 800.

Le XVI ème siècle vit l'essor important de la bourgeoisie. Cette dernière s'intéressa à son tour à l'art du bonsaï. A cette époque, les arbres étaient relativement grands, pouvaient atteindre 1,40 mètre et étaient souvent taillés en forme de pyramide. Durant la dynastie des Yuan, ministres et marchands japonais rapportèrent de Chine des arbres mais c'est Chu Shun-sui, un fonctionnaire chinois, qui initia véritablement les Japonais à la culture de ces arbres en pot, à partir de 1644.

 

Le XVII ème siècle vit l'apparition de grandes créations : L'art du bonsaï gagna en popularité, popularité qui se confirmera le siècle suivant. Les styles artistiques étaient déjà connus et on choisissait surtout des conifères et des arbrisseaux communs. Les bonsaïs étaient placés dans de grands vases en céramique finement travaillés, et aux couleurs vives et brillantes, renforçant l'aspect esthétique de la plante. Le XIX ème siècle, lui, vit le Japon se tourner vers l'Occident. Les échanges commerciaux entre le Japon et l'extérieur se développèrent, et les voyageurs puis les grands collectionneurs ramenèrent plantes et arbustes encore peu connus de leurs périples. A son tour, le bonsaï fit son apparition en Europe et l'on commença à transmettre ces arbres souvent centenaires voire plus, en héritage comme bien précieux, le meilleur ambassadeur nippon du raffinement. Les bonsaïs restaient toutefois encore réservés aux classes aisées, classes féodales et religieuses, qui appréciaient les bonsaïs colorés. Depuis, ce type d'arbres s'est popularisé et de nombreux Japonais s'adonnent à leur culture, d'où le succès de manifestation comme celle d'aujourd'hui. La première exposition nationale de bonsaïs à Tokyo se tint en 1914 mais la culture de l'arbre ne fut reconnue comme art au Japon que vingt ans plus tard. Pour les amateurs, sachez qu'une exposition annuelle de bonsaïs se tient depuis dans la capitale au musée d'Art. L'Europe, elle, découvrit le bonsaï pour la première fois à l'occasion de la troisième Exposition Universelle de Paris, en 1878. C'est Paul Sédille, qui fit le premier allusion aux bonsaïs dans la Gazette des Beaux-Arts, en 1878, tandis qu'Albert Maumené publiait son premier essai sur ces arbres en 1902. Les Etats-Unis découvrirent de leur côté les bonsaïs pendant et après la seconde guerre mondiale lorsque les Américains importèrent les plantes depuis le Japon.

 

Les bonsaïs sont en général classés en trois catégories calculées en nombre de mains : Le bonsaï à une main (une main suffit pour le déplacer) appelé Mame ou Shohin, mesure de 13 à 23 cms. Il s'agit des mini-bonsaïs dont la culture est plus délicate à cause notamment de la petitesse du pot et des arrosages fréquents qu'ils nécessitent. Les kotake-mochi ou komono sont des bonsaïs à deux main et mesurent de 15 cm à 1,30 mètre. Leur taille autorise un travail avec plus de finesse et offre plus de liberté créatrice au bonsaïka (celui qui pratique l'art du bonsaï). Enfin, l'omono est un bonsaï à quatre mains (deux personnes sont en effet nécessaires pour le bouger) qui mesure entre 60 cm et 1,20 mètre voire plus. Autrefois, il représentait pour le propriétaire un signe de prospérité et reste de nos jours un arbre imposant et souvent vénérable à cause de l'âge qu'il atteint.

Le festival du bonsaï d'Azabu Juban offre non seulement des conseils de culture mais aussi la possibilité d'acquérir le précieux arbre : Les prix sont très élastiques (à partir de 500 yens) et peuvent aller de 10000 et 50000 yens si vous recherchez quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Comme en photo, il n'y a pas de limite de prix puisque des collectionneurs peuvent dépenser des milliers de dollars pour l'achat d'une seule plante.

 

Le Patio de Juban accueille cette manifestation très courue dont l'accès est libre. Il s'agit de parcourir les ruelles du quartier pour tomber sur les stands de la foire. Un grand nombre de plantes proviennent de Kawaguchi (Préfecture de Saitama), ville située près de Tokyo et fondée en 1933. Cette cité, très connue pour la culture des plantes entretient un lien avec les bonsaïs que les habitants, heureux propriétaires des arbres, durent déplacer pour les sauver du gigantesque incendie de Edo en 1657. L'industrie des plantes à Angyo date d'il y a 380 ans. Le site naturel de l'endroit explique le développement de cette industrie locale : D'une part, la ville de Kawaguchi est proche de l'énorme marché de la capitale japonaise qui offre depuis fort longtemps de nombreux débouchés commerciaux. La culture à la demande de certaines plantes permet aussi de mieux coller à la demande des consommateurs. Dès le début de l'ère Meiji, Angyo imprima des catalogues, développa les publipostages et la vente directe. Angyo participa aussi entre 1982 et 1992 au Festival international Floriad aux Pays-Bas, ce qui lui permit d'accroitre ses contacts. Le plateau de la région d'Angyo est situé à une vingtaine de mètres au-dessus du niveau de la mer et son relief est constitué d'ondulations alluviales, de pentes et de terres marécageuses. La bonne circulation des eaux souterraines et sa terre rouge sont bien adaptées à la culture des arbres. Le climat favorable convient aux arbres des régions froides et des régions chaudes. Côté festival d'Azabu Juban, celui-ci accueille aussi des participants étrangers (américains, ukrainiens, vénézuéliens, et Français) qui contribuent à assouvir la curiosité de nos amis nippons. On y comptait en 2012 plus de 2000 participants.

 

Ma promenade dans Azabu Juban fut donc pour moi l'occasion de m'informer sur une prochaine manifestation de « taille » concernant les bonsaïs : Il s'agit du festival d'automne d'Angyo, qui se tiendra les 12, 13 et 14 octobre prochains à Kawaguchi (Préfecture de Saitama). Des navettes gratuites feront pour l'occasion des aller-retours entre la gare d'Araijuku (toute proche) et le salon (voir parcours ci-dessous). Les visiteurs pourront admirer plus de 770 variétés végétales (soit 35000 plantes, objets, fleurs et bonsaïs) durant les trois jours d'exposition. Au programme, une exposition de bonsaïs, mais aussi une démonstration réservée aux enfants (le samedi 12 octobre à 14h00), des conseils d'entretien dispensés au public (le dimanche 13 octobre de 9h00 à midi et de 13h00 à 16h00) , des conseils de jardinage seront également offerts aux amateurs.


 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Foire du bonsaï d'Azabu Juban, les dimanche 8 et lundi 9 septembre 2013, de 11h00 à 17h00. A trois minutes de la station Azabu Juban (sortir par la sortie 4) (ligne de métro Namboku). Plus de 2400 plantes exposées. Conseils de soins à 13h30.

  • Article sur l'horticulture japonaise : http://sciences.gloubik.info//spip.php?article618

  • Article sur le jardin japonais de l'exposition universelle de 1889 : http://sciences.gloubik.info//spip.php?article877

  • Ville de Kawaguchi : http://www.city.kawaguchi.saitama.jp/

  • Festival d'automne des bonsaïs à Angyo, les 12, 13 et 14 octobre 2013, de 9h00 à 17h00. Site internet (en japonais uniquement) : www.jurian.or.jp

    Kawaguchi Ryokka Center Road station, Kawaguchi Angyo, Angyo-Ryoke 844-2, à Kawaguchi. Navette gratuite tous les trente minutes, au départ de la gare Tozuka-Angyo (sortie 3), sur la ligne de train Saitama Railways, depuis la Namboku line : http://www.s-rail.co.jp/english/









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