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Du côté de Tokyo
(Tokyo, Kanto, Japon)
Heure locale

Samedi 9 novembre 2013

Je me rends cette fois à Tokyo en compagnie de Lionel. Nous avons décidé de nous promener dans la capitale et je lui ai concocté un programme de visite pour l'occasion. Nous allons pour commencer nous rendre à la Sky Tree Tokyo Tower afin de contempler la ville à 450 mètres d'altitude. Il nous faut faire la queue assez tôt car je sais par expérience qu'il y a affluence dès le début de la journée.

Après cette première visite, j'ai pensé conduire Lionel au Temple d'Asakusa, le temple Senso-Ji, le plus ancien temple bouddhiste de Tokyo.

Midi approche et il est temps de faire une pause : Nous partons dans le quartier de Kagurazaka, pour déguster des crêpes. Cette crêperie bien française se trouve dans un quartier typique de Tokyo, qui ressemble davantage à un village qu'à une mégapole : Ce quartier, qui se trouve près de la station Iidabashi, est articulé autour d'une artère principale qui offre de nombreux cafés et restaurants. Autrefois, cette rue se situait à l'extérieur du château d'Edo, face au pont Ushigome près des douves. Au début du XX ème siècle, l'endroit était réputé pour ses maisons de geisha (certaines subsistent encore de nos jours). Les visiteurs apprécient l'atmosphère traditionnelle de Kagurazaka et c'est peut être ce qui explique que de nombreux français ont choisi de s'y installer. On note, non loin de là, la présence de l'Institut Franco-Japonais de Tokyo et de la section primaire du lycée franco-japonais. C'est là qu'on trouve le plus grand nombre de restaurants français dans la capitale nippone. Le quartier est aussi considéré comme un lieu important de la cuisine du Kanto : On y trouve de fameux restaurants ryotei , synonymes d'une cuisine kaiseki, délicieuse mais onéreuse. Dans le ryitei, il est possible de diner en invitant des geisha qui offriront le divertissement nocturne. A ne pas manquer non plus, le sanctuaire Akagi, autrefois construit sur les hauteurs du quartier, mais aujourd'hui rebâti grâce au talent d'un architecte de renommée mondiale, Kengo Kuma. Le nouveau sanctuaire est ouvert au public depuis 2010. Kagurazaka est enfin le lieu d'un festival annuel qui a lieu en juillet : Le Kagurazaka Awa Odori.

En guise de promenade digestive, nous décidons d'aller au musée Ota, spécialisé de longue date dans les ukiyo-e. Ce musée ouvrit en effet ses portes en 1980, dans l'arrondissement de Shibuya, non loin de la station de métro d'Harajuku et présente des expositions tournantes d'ukiyo-e tirés de la collection Ota Seizo V de plus de 12000 pièces. L'ukiyo-e , qui signifie image du monde flottant en japonais, fut d'abord un mouvement artistique japonais de l'époque Edo qui développa non seulement une peinture populaire et narrative originale mais aussi des estampes japonaises gravées sur bois. Le shogunat Tokugawa offre au Japon une période de paix et de prospérité après plusieurs guerres civiles. L'aristocratique école de peinture Kano fait place à l'ukiyo-e et à ses estampes peu coûteuses. Les thèmes sont nombreux : jolies femmes et courtisanes, scènes érotiques, théâtre kabuki, lutteurs de sumo, le fantastique, calendriers et cartes de vœux, spectacles de la nature et lieux célèbres.


 

Monsieur Seizo Ota V déplora qu'un grand nombre d'estampes parte à l'étranger au début de l'ère Meiji, à la faveur de l'ouverture du Japon au monde. Au cours de la période Showa, il passa cinquante années de son existence à rassembler plus de 14000 pièces d'ukiyo-e pour sa collection personnelle. A sa mort, ses proches perpétuèrent son œuvre en offrant au public un lieu dédié aux célèbres estampes : Le Musée d'art Ota. L'endroit est remarquable car il présente des œuvres rares datant de la naissance de cet art, merveilleusement préservées. Le souhait de Monsieur Ota était que ces dessins permettent de cultiver le goût de la beauté auprès d'un large public.

Actuellement, et durant tout le mois de novembre, le musée présente une exposition sur les ukiyo-e comiques : du temps d'Edo, on s'aimait rire et s'amuser. On assista ainsi à l'apparition de pièces de théâtre kabuki, à une nouvelle littérature, et au rakugo (une façon traditionnelle de raconter des histoires drôles). L'ukiyo-e créa aussi de nouvelles estampes à l'humour raffiné, notamment à la fin de la période Edo, grâce à Utagawa Kuniyoshi, grand maitre de l'ukiyo-e. Né le 1er janvier 1797, il était le fils de Yanagiya Kichiyemon, artisan dans la soie. Il aurait,dit-on, été impressionné à l'âge de sept ans par une estampe représentant un guerrier, puis aurait montré des dispositions pour le dessin cinq ans plus tard. D'abord apprenti dans un atelier jusqu'en 1814, il prend son envol sous son nom d'artiste, Kuniyoshi. Malgré des débuts difficiles, il s'illustre bientôt dans la reproduction de soldats dans un style bien à lui. Les réformes Tenpo (de 1841 à 1843) tendant à contrôler l'affichage public, contraignit notre artiste à dissimuler ses personnages ( dont les courtisanes et les acteurs dont la reproduction étaient interdites à cette époque) par des représentations caricaturales appelées « giga ». Ces dessins comiques se livraient à une critique du shogunat mais devinrent extrêmement populaires auprès du public. En réalité, la censure imposée par le gouvernement d'alors permit à l'ukiyo-e de se lancer dans un défi artistique où l'ingéniosité créatrice était reine. Dans les années qui suivirent la réforme, Kuniyoshi dessina des paysages, mais aussi des animaux, des oiseaux et des poissons en imitant les peintures traditionnelles japonaise et chinoise. A la fin des années 1840, il utilisa l'écriture enfantine pour tracer des kana sous les visages des acteurs qu'il reproduisait. Amoureux des félins, il se mit à tracer les hommes en forme de chats dans des gravures satiriques, grossissant de manière exagérée les traits du visage de ses personnages. A partir de 1856, Kuniyoshi souffrira de paralysie mais assistera cinq ans plus tard (juste avant son décès) à l'ouverture de Yokohama aux étrangers. Deux de ses œuvres représentent d'ailleurs les Occidentaux dans cette ville.


 

Kuniyoshi fut un excellent professeur et enseigna son art à de nombreux élèves qui lui succédèrent : Yoshitoshi fut son meilleur élève et est considéré comme le dernier maitre de l'estampe japonaise. L'exposition d'aujourd'hui offre d'admirer des chats et des plantes personnifiées , mais aussi la cupidité de l'homme au travers de caricatures. On devine, à l'intérieur des ukiyo-e le sens caché des œuvres, les détails révélateurs, les indices fournis par l'auteur, jusqu'à sourire voire rire de la représentation qui est faite. L'humour des bandes dessinées des temps modernes provient de cette dérision de l'ukiyo-e née durant la période Edo. Et c'est à cet humour que le visiteur est convié lors de cette exposition pour le moins surprenante.


 

 

 

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