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Le Musée d'Histoire de la Ville de Naha
(Naha, Okinawa, Préfecture d'Okinawa, Japon)
Heure locale


Jeudi 30 janvier 2014

Nous voici aujourd'hui au musée de la ville de Naha. Avant que la Préfecture d'Okinawa n'apparaisse, régnait le Royaume de Ryukyu. Cette nation était tributaire de la Chine, mais entretenait aussi des liens avec le régime féodal japonais, appelé système Bakuhan. Ce système, en vigueur au Japon pendant la période Edo, représentait le shogunat. Les vassaux tenaient alors leurs terres par succession, et devaient armes et respect à leurs seigneurs. Le Bakuhan Taisei divisait le pouvoir féodal entre le shogunat d'Edo et les domaines provinciaux dans le reste du pays. Les provinces exerçaient une certaine souveraineté et étaient autorisées à administrer leur han de façon indépendante en échange de leur loyauté au shogun, qui était responsable des relations extérieures et de la sécurité nationale. Les shoguns et les seigneurs étaient tous deux des daimyo, des seigneurs féodaux possédant leur propre bureaucratie, leur politique et leur territoire. Le shogun administrait aussi le daimyo le plus puissant, le fief héréditaire de la Maison Tokugawa. Chaque niveau du gouvernement gérait son propre système de taxation.

 

Le Royaume de Ryukyu règna sur l'archipel d'Okinawa 450 ans durant, de 1429 à 1879. Et commerçait avec l'Asie par voie maritime. La première dynastie Sho unifia les trois royaumes en un seul et fit d'abord de Shuri la capitale. Il y avait deux classes dans ce nouveau royaume : les samouraïs et les paysans. Les samouraïs, tenus de vivre dans les zones urbaines, administraient le royaume et devaient présenter leurs comptes annuels. Les paysans vivaient dans les magiri des zones rurales et versaient chaque année l'impôt. Les zones rurales abritaient également de nombreux artisans (brasseurs ou fabricants de tofu), mais aussi des capitaines de navires, des marins et des dockers (considérés comme des paysans des zones urbaines). Puis Naha devint la capitale de ce royaume, et concentra les pouvoirs politiques, commerciaux ainsi que les relations extérieures et les échanges culturels. Selon le Irosetsuden, le nom de Naha viendrait de Naba, qui signifie « pierre en forme de champignon ». Peu à peu et avec le temps, la pierre disparut, enterrée, et la prononciation du kanji correspondant changea. C'est ainsi que la ville construisit sa propre culture, fortement influencée par la Chine et le Japon.

On retrouva à Naha des reliques archéologiques datant de l'âge de pierre. On trouva en effet, à l'intérieur d'un monticule de coquillages, remontant à la période Jomon, des pièces de monnaie chinoises. Les archéologues mirent aussi à jour des restes de poteries, laissant penser qu'à cet endroit existait déjà à l'époque, une intense activité économique tant avec l'archipel nippon qu'avec la Corée, au moins depuis le XII è siècle. Bien qu'on ne commença à parler de Naha que lorsqu'elle devint pour la première fois une ville portuaire, cette ville prit toute son importance au XV è siècle, lors de l'unification des royaumes de Ryukyu. Nara ne tarda pas à « intégrer » la cité royale de Shuri (qui était alors le lieu où de culture rassemblant étudiants, bureaucrates et diplomates du moment) et les autres villages environnants, mais elle restait une petite ville ne tirant son influence que de son port actif, et ne possédant pas de centre de décision politique.

A l'époque médiévale, la ville de Naha se trouvait sur un petit îlot , Ukishima, relié à l'île d'Okinawa par une simple chaussée appelée Chokotei, qui conduisait à Shuri. Le port de Naha était alors divisé en deux districts est et ouest, et se situait dans la partie sud d'Ukishima. Un vaste marché en plein air existait alors en face de l'entité royale gouvernementale du commerce, appelée oyamise. A cet endroit, se trouvaient aussi de nombreux temples et sanctuaires, ainsi qu'une ambassade et sa résidence, connue sous le nom de Tenshikan, réservée aux officiels chinois de passage. Deux forts, Mie Gusuku et Yazaramori Gusuku, défendaient le port tandis qu'un îlot, situé dans le port même, hébergeait un entrepôt (Omono Gusuku) pour stocker les marchandises.


 

Tomari, située sur l'île d'Okinawa, et au nord-est d'Ukushima, jouait le rôle de port de commerce vers les autres îles du royaume de Ryukyu. Les gérants de ce port étaient chargés de collecter puis de verser les taxes payées par les îles Amami (un archipel des îles Satsunan, faisant partie du Royaume des Ryukyu, en photo ci-dessus) au Royaume. A Ukushima, existait une grande avenue, Kume-Odori, qui courait du sud-est au nord-ouest, formant la communauté Kumemura , qui joua durant des siècles le rôle d'épicentre de la culture chinoise dans le royaume. On dit que cette communauté aurait été fondée par 36 familles Min, envoyées à l'époque par l'empereur Ming, afin de peupler les îles Ryukyu. L'historien Uezato Takashi, lui, pense cependant qu'il est probable, que Naha étant un port de commerce, d'autres chinois arrivèrent simplement du Fujian ou d'autres endroits de la Chine du sud bénéficiant d'un accès maritime.

La communauté Kumemura possédait plusieurs sites majeurs, dont le temple taoïste Tensonbyo (à la fin de l'avenue Kume-Odori, au nord) et deux sanctuaires appelés le bas et le haut Tenpigu, et dédiés à la déesse de la mer taoïste Tenpi, connue aussi sous le nom de Matsu. Un temple de Confucius, cadeau de l'empereur Kangxi, sera érigé dans les années 1670. Et une école d'enseignement du confucianisme, Mereindo, sera également construite en 1718. Cette école, mais aussi le temple confucianiste et les deux sanctuaires seront détruits durant la seconde guerre mondiale mais seront reconstruits plus tard sur le site de Tensonbyo.

Sur le versant nord-ouest d'Ukushima, se trouvait Wakasamachi, une communauté soi-disant fondée par des Japonais. Celle-ci était concentrée autour de la Wakasamachi-Odori (l'avenue de Wakasamachi), une avenue qui croisait l'avenue Kume-Odori, et rejoignait les vasières de marée situées à l'est d'Ukushima. On trouvait dans cette ville plusieurs sanctuaires et temples dont le sanctuaire Naminoue, le temple zen Koganji, ainsi que des temples dédiés à Ebisu et à Jizo. Cette communauté avait pour coutume d'héberger des marchands et des voyageurs des îles Tokara. Une autre colonie de peuplement, Izumizaki, s'établit aussi sur l'île d'Okinawa, le long de la rivière Kumoji. Izumizaki n'offrait pas de réel accès portuaire et l'on pense qu'elle ne fut qu'une extension de la communauté résidentielle de Naha.


 

L'escadron expéditionnaire du Commodore Matthew Perry s'arrêta à Naha alors qu'il se dirigeait vers Tokyo en 1853. Les navires américains y furent remarqués à plusieurs reprises par la suite. Les lithographies tracées à partir de croquis effectués par le dessinateur de l'expédition américaine serviront de base aux futurs ouvrages consacrés à la géographie et aux peuples des Ryukyus au XIX è siècle. En 1872, le royaume des Ryukyu sera provisoirement remplacé par le Domaine Ryukyu et Naha en devint la capitale. Ce domaine ressemblait à l'actuelle Préfecture d'Okinawa et fit autorité de 1872 à 1879. Venant alors remplacer l'ancien système féodal, il modifia l'ancienne mesure de superficie des terres , le kokudaka, jusqu'ici calculée en volumes de riz (koku). Le domaine sera aboli en 1879 et il en fut fini du Royaume des Ryukyu. Le Japon annexa définitivement cette terre et en fit la Préfecture d'Okinawa (dont Naha resta la capitale, puisque les villes de Shuri et autre municipalités alentours furent absorbées par elle). Un décret impérial de juillet 1899 décréta Naha en tant que port ouvert pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Durant la bataille d'Okinawa, lors de la seconde guerre mondiale, Naha souffrira beaucoup de la guerre. Et le centre-ville devra être reconstruit dans sa totalité. Le 1er avril 2013, Naha devint une ville noyau (la première ville de ce type sur l'île d'Okinawa), une de ces villes japonaises soumises à la loi d'autonomie locale. Naha est désormais indépendante dans de nombreux domaines, dont la santé publique, domaine habituellement réservé aux instances préfectorales.

 

Le musée où je vous emmène aujourd'hui est tout petit et ne vous apprendra pas beaucoup sur l'histoire de Naha car tout (ou presque) est rédigé en langue japonaise. On y trouve surtout des collections d'objets et des documents ayant appartenu à la Famille Sho, classés en tant que trésors nationaux, et quelques autres, comme ceux de la la Famille Yokuchi. L'histoire de la famille Sho débute avec le règne de Sho Hashi, qui prend le pouvoir au XV è siècle. Sept rois de cette première branche de la dynastie l'occuperont de 1406 à 1469. Puis, une deuxième branche prendra le pas sur la première, avec Sho En et 19 rois de cette branche règneront de 1470 à 1879. Tous ces rois maintiendront le commerce tributaire avec la Chine des empereurs Ming et Ching. Sho-Ten (en photo ci-dessus) sera le dernier prince héritier du Royaume de Ryukyu. Il perdra ce titre lors de l'abolition du royaume et l'abdication du roi, son père, Sho Tai, en 1879. Il prendra plus tard le titre de marquis dans le système nobiliaire kazoku après la mort de son père en 1901. Né à Shuri, et prince héritier de fait, il passe sa cérémonie de majorité en 1878 et se marie la même année. Sur l'ordre du gouvernement Meiji, son père abdique en mars 1879, abolissant ainsi le royaume des Ryukyu. Les fonctionnaires sont alors désormais nommés par Tokyo. Ayant reçu l'ordre de se présenter en personne à Tokyo, l'ancien roi feint d'être malade et trouve refuge temporairement au palais de Sho-Ten, son fils. Ce dernier sera envoyé à la capitale nippone en tant qu'otage et pour apaiser le gouvernement Meiji alors que parallèlement, les fonctionnaires de Ryukyu chercheront à retarder le départ de l'ancien roi. Au décès de son père, en 1901, Sho-Ten abandonne les signes extérieurs de vie traditionnelle de la cour royale de Ryukyu, les costumes de cour, la langue de cour ainsi que son rituel, pour adopter ceux de la paierie japonaise. En tant que marquis, Sho-Ten occupera en effet un siège héréditaire à la Chambre des pairs de la Diète impériale. Il sera rejoint, dans sa représentation d'Okinawa, par un résident japonais nommé afin de représenter les contribuables les plus aisés de la Préfecture pour la première fois en 1918. Deux ans plus tard, le marquis meurt dans sa résidence de Shuri puis est inhumé six jours plus tard à Tamaudun, un mausolée édifié en 1501 pour les membres de la famille royale du royaume de Ryukyu, par Sho Shin, troisième roi de la seconde dynastie Sho, tout près du Château de Shuri. Son fils ainé, Sho Sho, lui succèdera en tant que chef de famille, suivi par Hiroshi Sho.

Les objets visibles au musée d'histoire de la ville sont d'autant plus précieux qu'ils survécurent à la seconde guerre mondiale. La collection de la famille Sho est tout particulièrement remarquable. Elle fut confiée à la ville de Naha de 1994 à 1996 par Hiroshi Sho, 22è génération de la famille. Le musée fut créé afin de célébrer le 85è anniversaire de l'incorporation de Naha City, dans le but de préserver et de présenter ces anciens trésors des Ryukyu. Le thème de l'exposition est « la culture dynastique et l »histoire de la ville».

Parmi les objets qu'on peut admirer dans cette exposition se trouvent une robe royale, de précieux sabres, des objets de cérémonie (ci-dessous), des laques, des poteries et des vêtements (deuxième photo ci-dessous). Les documents sont quant à eux classés en plusieurs groupes : documents de la famille Sho, documents en rapport avec le bateau tributaire, avec le bateau de commerce, et avec les relations entre le Royaume de Ryukyu et Satsuma. D'autres documents concernent également le gouvernement de l'époque et les finances, les visites des bateaux étrangers... au total, 1166 document écrits et 85 objets d'art furent classés en tant que trésors nationaux le 8 juin 2006.


 

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Musée de la ville de Naha, Palette Kumoji 4F, 1-1-1 Kumoji, à Naha City. Tel : 098 869 5266. Ouvert tous les jours ( sauf le jeudi) de 10h00 à 19h00. Entrée : 300 yens (billet valable pour la journée).

  • Site officiel de la ville de Naha : http://www.city.naha.okinawa.jp/

 












 



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