Revoir le globe
Top


Le Musée d'Histoire et de la Nature d'Otaru
(Hokkaido, Japon)
Heure locale


Vendredi 19 septembre 2014

 

La ville d'Otaru possède un musée d'histoire et de la nature, fort intéressant. Je m'y rends aujourd'hui afin d'en savoir davantage sur cette cité. On apprend ainsi que l'île Hokkaido était autrefois peuplée par les Aïnous. Ces derniers succédèrent aux peuples Jomon et Satsumon. La culture Aïnou serait l'aboutissement de la culture Satsumon (similitudes dans la nourriture à base de saumon, et dans les outils utilisés, et retrouvés à Kaminokuni , ville du sud de Hokkaido). On situe la culture Aïnou à partir des 12è-13è siècles. On sait que ce peuple vivait de la pêche , de la chasse et de la cueillette, et qu'il commerçait aussi avec d'autres peuples. Les Aïnous étaient les producteurs directs et indirects des biens vendus à Honshu (dont la saumon séché). Les Japonais commencèrent leur incursion sur Hokkaido au XVIII è siècle, pour la développer le siècle suivant, notamment à Otaru. Les Aïnous cohabitèrent ainsi de plus en plus avec les Waiin (nom donné , avant l'ère Meiji, aux gens qui émigrèrent depuis Honshu sur l'île de Hokkaido) ce qui posa parfois des problèmes (discordes politiques et commerciales). Des échanges économiques s'intensifièrent petit à petit entre les îles d'Hokkaido et de Honshu. Par voie de conséquence, et compte tenu de la domination grandissante des Wajin dans la région d'Otaru, l'influence aïnou diminua considérablement et il est difficile de retrouver de nos jours des traces de cette culture. De nombreux noms de lieux de la cité dérivent malgré tout de ce peuple ancien, et des restes archéologiques retrouvés sur place confirment bien la présence des Aïnou dans la région. Dans la culture aïnou, le nom d'Otaru signifie d'ailleurs « Ota-oru-nai », c'est à dire « rivière sablonneuse ».


 

A partir de la seconde partie du XVIII è siècle, on observa l'arrivée de navires de commerce, partis depuis Osaka à destination d' Hokkaido, dès le début du printemps (les vents étaient plus favorables à cette époque de l'année). Parmi eux, on trouve le « Kitamae-Bune » (en photo ci-dessous) et le « Benzaï-Sen ». Au départ, ces navires ne transportaient pas de passagers mais uniquement des marchandises (sel, riz, vin, vêtements, papier et bougies...) souvent destinées aux Wajin tout droit venus de l'île d'Honshu. Certains autres produits étaient quant à eux vendus au peuple aïnou. En retour, ces bateaux repartaient avec d'importantes cargaisons de poisson, d'algues et de fourrures produites à Hokkaido même ou dans des îles plus au nord. On considère habituellement que le navire de commerce « Kitamae-Bune » fut à l'origine du développement du commerce à Otaru et plus largement à Hokkaido. Cette route maritime ouverte entre Otaru et l’île d'Honshu, associa jadis également la ville d'Esashi (à 200 kilomètres d'Otaru) à ce commerce naissant. A l'époque Edo, Osaka passait pour la « cuisine du Japon » grâce sans doute à l'abondance des mets qu'on y trouvait. On pouvait alors compter un grand nombre de boutiques vendant ces algues (kombu) venues d'Hokkaido. Les bateaux Kitamae (mot signifiant sol en japonais) passaient par la Mer du Japon pour acheminer leurs cargaisons jusqu'à Kyoto puis Osaka (ces deux villes étaient alors connues sous le nom de Kamigata). Le même terme Kitamae était alors utilisé pour désigner les villes (Niigata, Ishikawa, Toyama et Fukui) situées sur la Mer du Japon. On peut penser que les navires Kitamae provenaient de cette région. Si le centre politique se trouvait bien alors à Edo (l'actuelle Tokyo), le centre économique du pays, lui, était situé dans la région d'Osaka et de Kyoto. Un trafic de marchandises s'était donc développé entre Hokkaido et ces deux villes, via les ports de Tsuruga et Obama. Les biens, une fois débarqués, étaient convoyés en passant par le lac Biwa, une fois chargés sur le navire » Maruko ». De là, les marchandises repartaient vers Kyoto et Osaka. Les coûts de transport restaient cependant élevés à cause des accidents et de la durée du transport (la traversée prenait environ 50 à 60 jours), et on tenta à un moment de trouver un meilleur itinéraire. Les patrons des navires, eux, débutaient souvent leur carrière en tant que simples matelots à bord des navires de commerce appartenant à des marchands de Shiga et d'Ohmi, un siècle plus tôt. On prétend d'ailleurs que les marchands d'Ohmi auraient été les premiers à atteindre l'île d'Hokkaido. Ces derniers embauchaient des marins de Wakasa, Echizen et Kaga. Au fil du temps, ces marins développèrent un sérieux savoir-faire maritime, passant peu à peu du simple transport cargo au transport de marchandises nouvelles acquises à bas prix dans le port de départ puis revendues plus chères à l'arrivée, c'est à dire du simple au double, amassant ainsi de généreux profits. Des profits si importants qu'un seul voyage annuel suffisait généralement à la survie des marchands, d'où les coffre-forts résistants (deuxième photo ci-dessous) utilisés pour le transport de valeurs. Ces traversées n'étaient pourtant pas sans risques car on connaissait peu la Mer du Japon et ses dangers à cette époque. Progressivement, les navires Kitamae se mirent à transporter des passagers, lesquels véhiculèrent avec eux leur propre culture sur l'île d'Hokkaido.


 

Ce commerce maritime permit à la ville d'Otaru de se développer rapidement. Simple village de pêcheurs de mille habitants en 1865, alors situé près de l'actuelle gare Minami Otaru, l'endroit fut dopé quatre ans plus tard par l'ouverture de la ligne de chemin de fer Temiya en 1869. Le mouillage et le commerce était libre à Otaru, ce qui encouragea toujours davantage de nouveaux bateaux à venir commercer dans ce qui allait devenir une ville. Les infrastructures ferroviaires aidèrent considérablement au développement des échanges avec l'arrivée du chemin de fer en 1880. Qui dit marchandises dit entrepôts : bon nombre d'entre eux furent bientôt construits. L'asséchement de l'estuaire de la rivière Okobachi permit l'établissement d'une zone urbaine sur le côté ouest de la ville, achevé vers 1887, tandis que les marchands, déjà présents à Otaru depuis 1880, installèrent leurs affaires sur la façade maritime à la même époque. Les entrepôts servaient au stockage des marchandises en partance pour l'île d'Honshu ou en attente d'être écoulées localement. Par sécurité, ces constructions étaient supposées résister au feu, car bâties en pierre avec toutefois une charpente en bois. En 1907, 75% des entrepôts étaient ainsi construits et servaient déjà de référence pour la construction des maisons à Otaru. On déplorera toutefois une centaine d'incendies d'entrepôts aura entre 1880 et 1910 souvent à cause des vents secs du printemps. La Compagnie d'entrepôts d'Otaru qui abrite ce musée, fut pour sa part bâtie en pierre tendre d'Hokkaido avec une charpente en bois, par l'Union des entrepôts d'Otaru fondée par Nishide Magozaemon et Nishiya Shohachi en 1893.

 

Le hareng, lui aussi, tint une place importante dans l'histoire d'Otaru. Sa pêche prospéra dans cette ville à partir du XVI è siècle puis se déplaça peu à peu dans la banlieue ouest, à Oshoro et Takashima. Les prises de harengs restèrent toujours aussi importantes durant les XIX è et XX è siècles et enrichirent Otaru. Il est incontestable que l'apparition du filet et de la mécanisation jouèrent un rôle non négligeable dans ce type de pêche. Toute bonne chose ayant une fin, on notera une décrue de celle-ci à partir de 1953. Durant tout ce temps, 90% des prises de hareng ne furent pas seulement utilisés comme aliment mais également comme fertilisant jusque dans les années 1940. Ainsi le fertilisant « Nishin-Kasu » faisait-il partie des produits disponibles de grande qualité, produit à partir du pressage de harengs cuits, et était vendu assez cher. Ce fertilisant finissait ensuite épandu dans les champs de coton et d'indigo dans l'ouest du Japon.

 

Bientôt, Otaru vit l'apparition d'une classe moyenne prospère. L'économie de cette ville, qui incluait bien sûr celle des îles Sakhaline, atteignit son âge d'or entre la fin du XIX è siècle et le milieu du XX è siècle. Cette période correspond à l'ouverture de nouvelles routes maritimes, entrainant ainsi un développement culturel important. La société des loisirs apparaît avec la bicyclette et les divertissements (comme le théâtre). De riches hommes d'affaires introduisent quant à eux la photo et le cinéma avec un premier film tourné en 9,5 mm. Dans le district d'Otamoi (à l'ouest de la ville), on observa en 1933 l'apparition d'élégants restaurants japonais, comme celui qui sera bâti, comme par enchantement, au sommet d'une falaise (en photo ci-dessous). Cette construction, baptisée Ryukugaku consistait en un bâtiment de trois étages érigé par Kato Akitaro, qui était également l'heureux propriétaire du restaurant de sushi « Janomu » à Otaru. On prétend que cette construction avait quelque chose de surnaturel. L'endroit brûla malheureusement en 1952 et seuls les pierres d'angle subsistèrent.


 

Je ne reviendrai pas sur le canal d'Otaru qui a fait l'objet d'un autre article mais celui-ci fait désormais partie des symboles de cette cité. Rappelons toutefois que ce canal fut menacé de destruction dans les années soixante-dix car la ville souhaitait son comblement afin d'utiliser l'espace pour y faire passer une nouvelle route, au moment où la circulation automobile augmentait drastiquement. La réaction à ce projet fut immédiate : un comité de soutien, d'abord constitué de seulement quatre personnes, va ensuite rallier de nombreux autres citoyens. A l'issue d'un combat qui durera dix ans, le projet de destruction du canal tombera définitivement à l'eau.

Le musée d'histoire offre enfin d'admirer d'anciens commerces d'Otaru (ci-dessous), reconstitués tels qu'ils étaient au début du XX è siècle, alors que la ville connaissait la prospérité. Le visiteur pourra ainsi facilement se replonger dans ce passé qui fit la gloire de cette ville côtière.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Musée d'histoire et de la nature d'Otaru, 2-1-20 Ironai, à Otaru. Tel : 0134 22 1258. Entrée : 400 yens. Ouvert tous les jours de 9h30 à 17h00.











Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile