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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Nihonbashi et Shinagawa
(Tokyo, Japon)
Heure locale


Samedi 24 janvier 2015

 

Il existe au Japon une route plus célèbre que les autres : Tokaïdo ou la route de la mer de l'est. Envisageant de parcourir cette route mythique prochainement, je me rends aujourd'hui à Nihonbashi (Tokyo), sur le pont du même nom marquant le départ de cette route.

Le Tokaïdo était une circonscription administrative de l'Antiquité, circonscription qui regroupait plusieurs provinces entre ce qui allait plus tard former les deux plus importantes régions du Japon, le Kanto et le Kansai. Le mot Tokaïdo désigne aussi l'itinéraire passant par ces provinces. L'installation du shogunat à Kamakura (à 50 kilomètres au sud-ouest de Tokyo) va être à l'origine du fort développement que connaitra cette route reliant Edo (l'actuelle Tokyo) à Kyoto. Historiquement, Kyoto, qu'on surnommait d'ailleurs la « ville-capitale » fut la capitale impériale du pays de 794 à 1868 sous le nom de Heian-kyo, Capitale de la paix et de la prospérité. Ce n'est que plus tard qu'Edo deviendra à son tour la capitale nippone qu'on connait aujourd'hui. Et la route de la mer de l'est de relier les deux villes.


 

Nihonbashi (qui signifie littéralement le Pont du Japon) était à l'origine le point des cinq routes majeures qui furent construites à l'époque d'Edo, au XVIIè siècle. Je l'ai constaté hier, l'endroit porte toujours la marque indiquant le point d'origine des routes du Japon (ci-dessous), en fait, le kilomètre zéro. C'est à partir de ce point que sont calculées les distances routières. Le quartier est alors connu comme simple quartier marchand. Nihonbashi, tout comme le quartier voisin de Ginza, est toujours un centre de commerces important de la capitale avec, notamment le grand magasin Misukoshi (deuxième photo ci-dessous) qui se dresse en face du célèbre pont. D'autres entreprises nippones, comme par exemple le groupe Mitsui (qui sera à l'origine de la création de la première banque privée du Japon, en 1876) ou encore la Bourse de Tokyo (qui ouvrira pour la première fois ses portes le 15 mai 1878 sous le nom de Tokyo Kabushiki Torihikijo). Dans le même quartier se trouve le célèbre grand magasin Takashimaya, mais aussi la Banque du Japon, et la librairie Maruzen.


 

Le Pont Nihonbashi était donc le point de départ des cinq routes d'Edo, durant l'époque d'Edo : Tokaïdo, la route de la mer de l'est (qui nous intéresse aujourd'hui), Nakasendo (reliant Tokyo à Kyoto, en passant par les montagnes), Koshu Kaido (qui relie Edo à la province de Kai, aujourd'hui la préfecture de Yamanashi), Oshu Kaido (reliant Edo à la province de Mutsu, c'est à dire la préfecture de Fukushima) et Nikko Kaido (qui relie Edo à Nikko). Le pont franchit la rivière Nihonbashi à cet endroit depuis le XVIIè siècle. Le premier pont était en bois et sera achevé en 1603. Le pont sera plus tard reconstruit en pierre puis inauguré en 1911. L'endroit fut très tôt un lieu de commerce, rapidement dynamisé par la famille Mitsui, elle-même commerçante. C'est là que s'installera également le marché au poisson (l'ancêtre en quelque sorte de l'actuel marché tokyoite de Tsukiji), avant de devenir, bien plus tard, un centre financier. Le clan Mitsui est toujours aujourd'hui l'une des familles les plus puissantes et les plus influentes du pays. Les Mitsui débutèrent leurs activités en 1673 lorsque Takatoshi Mitsui (le fils d'un brasseur de saké) s'installa chez Echigo-ya, une entreprise commercialisant alors des aliments déshydratés à Edo et à Kyoto. Devant le succès de l'entreprise, Takatoshi décida de se lancer dans le change et l'octroi de prêts. En 1691, les Mitsui furent déclarés officiellement marchands de référence par le shogunat des Tokugawa. A la fin de la période Edo, la famille était déjà devenue la plus riche et la plus influente famille du Japon. Elle prêtera allégeance au nouveau gouvernement Meiji quelques temps plus tard. En 1909, le clan représentait un conglomérat de quelques 150 sociétés exerçant dans le monde financier, industriel et commercial.

Ce pont s'appellera d'abord le pont d'Edo, durant le XVIIè siècle (avant de prendre son nom actuel plus tard). On peut d'ailleurs toujours admirer une réplique de cet ancien pont au musée Edo-Tokyo. L'urbanisme n'épargnera pas l'endroit en 1964 : cette année-là fut celle des Jeux olympiques de Tokyo mais aussi l'année de la construction d'une autoroute surplombant le célèbre pont (ci-dessous). Adieu donc à la vue du Mont-Fuji que l'on pouvait apercevoir jadis, du temps où Edo n'était encore qu'une ville naissante. Les Tokyoites auront beau signer des pétitions suggérant d'enterrer la maudite autoroute, rien n'y fera! Le coût de cette opération était trop prohibitif. Nous continuerons donc à franchir ce pont Nihonbashi coincé entre tours et échangeur.


 

Après être parti du pont Nihonbashi, le voyageur d'antan se rendant à Kyoto effectuait sa première étape à la station Shinagawa (ci-dessous). Désormais l'un des 23 arrondissements spéciaux de Tokyo, le lieu a bien changé. De nombreuses terres situées à l'est du Palais impérial, furent gagnées sur la mer, en particulier durant la période d'Edo. La préfecture de Shinagawa naquit quant à elle en 1869, à la suite de la restauration Meiji. Préalablement, Shinagawa constitua la première étape de la route Tokaîdo en direction de Kyoto. A cet endroit s'élèvent désormais une gare importante, entourée de plusieurs hôtels totalisant plus de 6000 chambres. C'est la plus grande concentration hôtelière de la capitale, sans doute en souvenir des modestes auberges de l'étape d'autrefois. Shinagawa est plus tristement célèbre à cause du lieu d'exécution de Suzugamori : du temps du shogunat Tokugawa, c'est là qu'étaient exécutés criminels, conspirateurs et Chrétiens. D'autres lieux similaires existaient bien sûr dans les environs mais on estime tout de même à 100 000 personnes le nombre de condamnés passés de vie à trépas à cet endroit, durant les 220 années de présence de ce petit camp d'exécution, entre 1651 et 1871. L'endroit mesurait 74 mètres de long par 16 mètres de large et était situé le long de la route Tokaido qui nous intéresse aujourd'hui. Les criminels étaient ainsi exécutés à l'écart de la capitale, pour ne pas «entacher la spiritualité» de celle-ci. Un mémorial est visible, qui symbolise le lieu exact du camp. Il est situé au croisement de l'avenue Kyu-Tokaido et de la rue Dai-Ichi Keihin, le long de la route N°15 (autoroute Keihin N°1). Le premier prisonnier exécuté fut Marubashi Chuya, leader d'une tentative de coup d'Etat de Keian, fomentée contre le shogunat Tokugawa en 1651 par plusieurs rônin (samouraïs sans maitre). Il semble que le condamné avait certes déjà été tué, mais aurait été noyé à Suzugamori à tire d'exemple. Tenichi-bo et Yaoya Oshichi firent aussi partie des condamnés exécutés à cet endroit. Yaoya Oshichi, fille de Tarobei, un marchand de quatre saisons, naquit probablement en 1666. Elle s'amouracha d'un page d'un temple en 1682 lors du grand incendie d'Edo, durant la période Tenna, à Shosen-in. Un an plus tard, elle déclencha un incendie volontaire, pensant pouvoir revoir le page dont elle était tombée amoureuse. Arrêtée par la police, elle sera brûlée à Suzugamori. Elle n'avait que seize ans. Or, durant son procès, le magistrat, lui, affirma qu'elle en avait quinze (à cette époque, on était considéré comme mineur jusqu'à quinze ans inclus, et on échappait à la peine de mort). Honnête, Yaoya Oshichi confirma qu'elle avait bien seize ans, ce qui lui valut le bûcher. On peut encore observer sur place un puits, un bûcher et un lieu où l'on dressait des croix servant à crucifier certains condamnés.

 

 

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