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Lu Xun
(Musée de Lu Xun, Pékin, Chine)
Heure locale


Vendredi 10 avril 2015

 

J'étais parti pour visiter un temple mais celui-ci est en rénovation jusqu'à 2017 et je dus me rabattre sur le musée de Lu Xun, que la providence plaça sur mon chemin. Mais qu'était-ce que ce nom ? Ne pratiquant pas la langue chinoise, je me contentais de suivre la direction indiquée par un panneau routier à mon retour du temple. J'atteignais quelques instant plus tard une grande porte ouvrant sur une cour agrémentée d'arbres en fleurs (ci-dessous). Une charmante dame me gratifia alors d'un billet gratuit qui me permit d'accéder au fameux musée. En fait, le lieu rend hommage à un célèbre écrivain chinois dont le nom de plume est Lu Xun.


 

L'enfance de Lu Xun

Celui qui naitra le 25 septembre 1881 à Shaoxing (Chine) s'appellera Zhou Shuren, et deviendra plus tard non seulement un célèbre écrivain mais également l'un des fondateurs de la littérature chinoise contemporaine. Notre héros appartient à une famille de lettrés sur le déclin. Le père de Lu Xun, Zhou Boyi (ci-dessous en photo) échoue aux examens provinciaux et reste sans emploi le restant de son existence, ne vivant que des revenus tirés de la location des terres familiales. Quant au grand père, Zhou Fuqin, il passe avec succès le plus haut degré des examens impériaux jusqu'à obtenir une place d'étudiant à l'Académie impériale de Hanlin de la dynastie des Qing mais sa carrière restera médiocre. Sous la Chine impériale, ces examens servaient à déterminer qui de la population pouvait faire partie de la bureaucratie de l'Etat. Ce système persistera durant 1300 ans, depuis sa création en 605 et jusqu'à sa disparition en 1905 (qui correspond à la fin de la dynastie des Qing).

Lu Xun est alors l'ainé de trois frères : Lu Xun lui-même (né en 1881), Zhou Zuoren (1885) et Zhou Jianren (1888). Il sera élevé par une gouvernante qui lui lira légendes et histoires populaires, puis lui offrira son premier livre, une édition illustrée du Livre des Monts et des Mers. Et les représentations de monstres contenues dans cet ouvrage de beaucoup impressionner Lu Xun. Notre futur écrivain s'intéressera aussi très vite aux représentations théâtrales données à l'occasion de fêtes.

A l'âge de douze ans, Lu Xun entre à l'école privée le Cabinet des trois senteurs, et reçoit une éducation traditionnelle basée principalement sur les entretiens de Confucius, le Classique des vers, les Quatre livres et les Cinq classiques. L'année suivante, son grand-père sera condamné à mort pour trafic d'influence avant d'être finalement gracié en 1901. Son père, lui, sombrera dans la dépression, tombera malade et décédera en 1896. Lu Xun gardera alors de cette époque un sombre souvenir des médecins traditionnels ignorants et cupides. L'emprisonnement du grand-père et la maladie du père auront considérablement appauvri sa famille.

 

Lu Xun et les idées occidentales

Dès 1898, Lu Xun fréquente l'Ecole des Mines et des Chemins de Fer rattachée à l'Ecole militaire de Nankin. Il y apprendra la chimie, la géologie et la langue allemande. Son ouverture sur le monde occidental lui fera découvrir le peu de compétences des praticiens de la médecine de son pays. Et lui permettra d'aborder pour la première fois la théorie de l'évolution de Darwin, puis le darwinisme social à travers l'ouvrage de Thomas Henry Huxley, Evolution and Ethics, dont la traduction réalisée par Yan Fu est alors assortie de commentaires sur la situation chinoise de l'époque. Lu Xun découvrira également la littérature occidentale à travers des traductions faites par Lin Shu, puis s'intéressera tout particulièrement à certains livres comme Ivanhoé (Walter Scott) et la Case de l'Oncle Tom (Harriet Beecher Stowe).

 

Lu Xun et le Japon

Diplômé de l'Ecole des Mines en 1902, notre homme part pour le Japon et étudiera le japonais dans une école préparatoire, l'Institut Kobun (Tokyo). Exposé à des tracts hostiles, il décide de couper sa natte un an plus tard, cette natte représentant alors le symbole de l'oppression mandchoue sur les Han. Il traduit Jules Vernes, puis rédige des essais sur les découvertes géologiques, et découvre, en japonais et en allemand, les œuvres de Byron, Shelley, Heine, Pouchkine, Lermontov...

Il se lance ensuite dans des études de médecine à la faculté de Sendaï de 1904 à 1906, avant de se raviser et d'embrasser une carrière littéraire, dans le but d'influer sur les mentalités de son époque. Il rédige alors différents essais en chinois classique sur l'histoire de la science, la littérature européenne et la société chinoise. Il traduira enfin plusieurs auteurs étrangers en chinois.

En 1908, Lu Xun adhère à la Société de Restauration, organisation chinoise anti Qing. Et de suivre, avec d'autres étudiants chinois les évènements liés à ce mouvement révolutionnaire dans la presse japonaise, notamment l'assassinat du gouverneur de l'Anhui par Xu Xilin. Il fera à cette époque la connaissance d'un ancien élève de Xu Xilin, Fan Ainong.

 

De passage à Shaoxing et à Pékin

1909 est l'année du retour de Lu Xun dans son pays. Il y enseignera la physiologie et la chimie à l'Ecole normale de Hangzhou, puis dans son école natale de Shaoxing. Quatre ans plus tard, il assiste à la Révolution républicaine, révolution de surface selon lui. Il publie alors En souvenir d'un passé lointain, en langue classique. C'est l'occasion pour lui de ridiculiser le féodalisme. Et de soutenir la création d'un journal lancé par un groupe de jeunes gens opposés à la nouvelle administration avant de démissionner de son poste de recteur à l'Ecole normale supérieur de Shaoxing. A la chute des Qing, un gouvernement provisoire est instauré et Lu Xun est invité par Cai Yuanpei, le nouveau ministre de l'Education, à devenir attaché à son ministère. De 1912 à 1919, Lu Xun traverse une période dépressive et s'adonne intensément aux travaux d'érudition : collecte d'inscriptions de l'époque des Six dynasties et publication de l'oeuvre de Ji Kang. 1918 est l 'année de la publication de sa première œuvre en langage parlé (le baihua) dans la revue Nouvelle Jeunesse. Le succès est immédiat. Cette nouvelle est alors considérée comme un texte fondateur pour le Mouvement du 4 mai 1919, et c'est l'occasion pour notre auteur d'utiliser pour la première fois son nom de plume (Lu étant le nom de famille de sa mère). En 1920, Lu Xun quitte la rédaction de la revue puis devient maitre de conférence à l'Université de Pékin et à l'Ecole normale supérieure nationale. Un an plus tard, c'est la parution de la nouvelle La véritable histoire de Ah Q. En 1922, Lu Xun traduit aussi La Tour du Silence du Japonais Mori Ogai. 1923 est l'année de parution de Cris, recueil de nouvelles.

En 1924, notre auteur traduit le Symbole de la souffrance, du Japonais Kuriyagawa Hakuson. Et de créer avec son frère Zhou Zuoren, la revue Yu Si, en 1924, avant de faire paraître La Plaine stérile, dont paraitront 32 numéros d'avril à novembre 1925. Cette même année, Lu Xun soutiendra la révolte des étudiantes de l'Ecole normale de jeunes filles de Pékin, où il est chargé de cours depuis 1921. On le renvoie alors de son poste au ministère de l'Education mais il intente un procès et réintègre son poste. Au début de l'année 1926 paraît le recueil Sous le dais fleuri, qui rassemble les essais parus en 1925.

 

Les dernières années de Lu Xun

D'août à décembre 1926, Lu Xun est professeur de littérature à Xiamen. Il épouse Xu Guangpin, une ancienne étudiante de l'Ecole normale de jeunes filles de Pékin, en 1927, avant de de venir cette même année le doyen de l'Université Sun Yat-Sen à Canton. Il y occupera également le poste de responsable de la Faculté de langue et de littérature chinoise. Fin 1927, il devient professeur à l'Université nationale du travail à Shanghaï. Toujours très actif, Lu Xun fonde en 1928 la revue Le Torrent, puis participe à la création de la Ligue des écrivains de gauche entre 1930 et 1936. Cette ligue, organisation d'écrivains, est créée en réaction à la politique de répression du Kuomintang, avec pour objectif de défendre une littérature à caractère révolutionnaire. Toujours en 1930, Lu Xun devient fondateur de la Ligue chinoise des droits de l'homme, en compagnie d'autres intellectuels. Durant les derniers mois de son existence au sein de la Ligue des écrivains de gauche, il s'opposera à la politique de réconciliation avec le Kuomintang, préconisée par la direction du PC chinois.

Les dix dernières années de la vie de Lu Xun verront la traduction par notre homme de nombreux ouvrages d'auteurs majoritairement russes, comme les essais littéraires de Plekhanov ou de Lounatcharsky, les contes de Gorki ou les âmes mortes de Gogol...Il travaillera enfin à la promotion de la gravure sur bois et fera découvrir les œuvres de Frans Masereel, Käthe Kollwitz, Carl Meffert et George Grosz. Il est ce qu'on appelle un être complet. Lu Xun décédera à l'âge de 56 ans seulement de tuberculose. Nous sommes alors le 19 octobre 1936 et celui qui restera à jamais un grand auteur chinois vient de nous quitter au terme d'une vie très bien remplie.


 

Le musée Lu Xun fut quant à lui créé en 1956 et se trouve sur l'emplacement de l'ancienne résidence de l'écrivain (ci-dessous). La cour qu'acheta Lu Xun en 1923 sera remaniée l'année suivante et ce lieu historique est désormais entièrement placé sous protection nationale. C'est Xu Guangpin, la femme de l'écrivain qui fit don de cette résidence en 1949 et en 1956, et permit ainsi la naissance de ce musée offrant de voir manuscrits inédits de Lu Xun, un buste en bronze, photos, lettres, livres d'anatomie, une copie de la première nouvelle de l'auteur « le journal d'un fou »,...soit plus de 60000 reliques au total. On peut enfin visiter l'ancienne résidence de Lu Xun.

Pour ma part, faute de mots, je communique avec le personnel de l'établissement par gestes et sourires. On m'entoure et on observe ma façon de prendre des notes avec ces drôles de caractères qu'on appelle des lettres. Puis on trace à mon intention des idéogrammes sur une feuille de papier. Ni les uns ni les autres ne comprennent ce que dit le voisin, mais il y a eu échange. N'est-ce pas le plus important ?

 

INFOS PRATIQUES :


  • Musée de Lu Xun, 19 Gongmenkou 2nd alley, Xicheng, à Pékin. Tèl : +86 10 6615 6549. Pour vous y rendre, emprunter la ligne de métro N°2 puis descendre à la station Fuchengmen. Entrée gratuite. Ouvert de 9h00 à 15h30, tous les jours sauf le lundi. Infos en chinois et en anglais. Boutique.










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