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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Kuwana
(Préfecture de Mie, Japon)
Heure locale


Mardi 1er mars 2016

 

En visitant Kuwana, la 42 ème station de la route du Tokaido, je pénètre dans la Préfecture de Mie, qui a pour symbole le cèdre du Japon. Située à l'est de l'île de Honshu, cette préfecture fut fondée après la restauration Meiji en rassemblant les anciennes province d'Ise, de Shima et d'Iga. Elle fait partie de la région du Kansaï mais est plus proche de Nagoya que d'Osaka. L'endroit est assez montagneux (au niveau notamment de la péninsule de Shima), mais possède aussi une grande plaine côtière autour de la baie d'Ise. Son relief offre 65% de forêts, 11,5% de terres consacrées à l'agriculture, le reste se partageant entre zones résidentielles, routes et rivières. L'industrie de cette région est basée principalement sur les transports (construction de bateaux et de voitures), la chimie, la pétrochimie et le raffinage. On y cultive le riz et le thé et l'endroit est réputé pour son bœuf (bœuf de Matsusaka). C'est aussi là que se trouvent les premières perles de culture au monde. L'industrie perlière, autrefois léguée par son fondateur Kokichi Mikimoto, poursuit son activité sur l'île Mikimoto Shinju, dans la baie d'Ise. De mémoire, je m'étais rendu, il y a quelques années, dans cette région, pour justement parler de la culture perlière.

Ce qui m'amène ici aujourd'hui est la ville-étape de Kuwana-juku (estampe ci-dessous) qui se trouvait jadis sur les bords de la grande et large rivière Ibi et était éloignée de 28 kilomètres de la station précédente, Miya-juku.


 

La rivière Ibi, elle, prend sa source au mont Kanmuri (dans la Préfecture de Gifu) et fait partie du système de cours d'eau qui irrigue la plaine alluviale de Nobi. Et le fleuve Ibi de converger et de diverger à plusieurs reprises avec le fleuve Kiso et la rivière Nagara. C'est à Kuwana que le fleuve Ibi rejoint justement la rivière Nagara, environ cinq kilomètres avant de se jeter dans la baie d'Ise.

La traversée de cette baie était connue pour être agréable puisque les voyageurs étaient nombreux à emprunter les bateaux qui assuraient la traversée du long col (Shichiri no Watashi) entre Miya et Kuwana. Je m'arrête d'ailleurs au pied de l'embarcadère qui accueillait autrefois les embarcations ,et qui est désormais symbolisé par un torii et un petit sanctuaire (ci-dessous). C'est précisément à cet endroit que se trouvait le centre-ville de la ville-château de Kuwana, jusqu'à ce que le rail ne s'établisse un peu plus à l'intérieur des terres, à un kilomètre de là, et décale d'autant le centre urbain.

 

Non loin de là, je me rends au parc Kyuka qui prit forme sur les restes de l'ancien château de Kuwana, en 1928. Le nom de ce parc provient d'ailleurs du chinois Kyuka Ougi, devenu Kuwana avec le temps, sous l'ère Edo. Sur 8,5 hectares de terrains, s'étendent aires de jeux, arbres, douves et ponts, sans oublier cerisiers et iris qui font la réputation de l'endroit dès la belle saison. Il y fort longtemps, un château avait déjà été érigé dans la région, par la famille Ito. En 1567, Kuwana passa sous l'autorité d'Oda Nobunaga qui possédait les terres alentours. Alors que son père, Oda Nobuhide, lui, n'avait été qu'un petit seigneur de guerre qui ne possédait que peu de terres, son fils passera sa vie sur les champs de bataille, conquérant une grande partie du Japon, avant sa mort qui surviendra en 1582. C'est son bras droit, le lord féodal Takigawa Kazumasu qui prendra le contrôle de Kuwana entre 1583 et 1600, zone bientôt contrôlée par Hitotuyanagi Ukon, Ujiye Yukihiro et quelques autres lords. C'est en 1595 que sera bâti le château de Kuwana, en l'espace de six années, château alors surnommé château de l'eau, car il était alors entouré d'eau et on ne pouvait y accéder qu'en bateau. Puis Ieyasu Tokugawa prenant le contrôle de la région, installera Honda Tadakatsu à Kuwana, lequel transformera la cité en ville-château. On assiste alors au Keicho no Machiwari (développement urbain de l'ère Keisho). Général japonais étant devenu daïmio, au service de Ieyasu Tokugawa, Honda Tadakatsu est l'un des quatre rois célestes des Tokugawa. Il sera d'abord promu daïmio du domaine d'Otaki (100000 koku) à celui du han de Kuwana (150000 koku) pour le récompenser de ses bons services. Il se retirera en 1609 et son fils, Tadamasa, reprendra Kuwana. La réputation de Honda sera remarquée par bien des personnalités japonaises de l'époque et Oda Nobunaga l'appellera même « samouraï parmi les samouraï », le faisant passer pour un guerrier qui surpassera la mort elle-même. Présent à la bataille de Sekigahara, en 1600, aux côtés de Ieyasu Tokugawa, il laissera une image de personnage haut en couleur, n'ayant, parait-il, jamais été blessé dans aucune bataille.

Le château de Kuwana sera détruit par les flammes en 1701, sera reconstruit puis enlevé au clan Kuwana en 1868 lors de la victoire de l'armée opposée à Ieyasu Tokugawa. Le dernier seigneur de Kuwana sera Matsudaira Sadaaki, daïmio japonais de la période du Bakumatsu, et héritier adoptif de Matsudaira Sadamichi. Le Bakumatsu correspondra à la fin du shogunat Tokugawa, de 1853 à 1868, période durant laquelle le pays mettra fin à sa politique isolationniste, le sakoku, et modernisera la système féodal du shogunat pour donner naissance au gouvernement Meiji.

 

Il n'existe guère plus de vestiges de l'époque du Tokaido dans Kuwana et je me replie sur le Rokkaen (ci-dessous), l'ancienne résidence du richissime homme d'affaires japonais Seiroku Moroto. Seiroku Moroto 1er (deuxième photo ci-dessous) fut un immense entrepreneur qui s'acquitta d'abord des dettes laissées par son père, avant d'investir intensément lors de la période Meiji. Il deviendra ainsi le plus gros propriétaire terrien du pays, à force de rachats de rizières, de montagnes et de forêts. A sa mort, son quatrième fils, Seigo Moroto (troisième photo), héritera et deviendra Seiroku Moroto II. Il aura au préalable suivi des études à l'Université de Waseda et voyagé à travers le monde, mettant toute son énergie à perpétuer l'oeuvre de son père tout en développant des oeuvres sociales.


 

La réalisation de cette magnifique demeure qui fut construite en 1913, est due à l'architecte britannique Josiah Conder, arrivé au Japon en 1878 comme conseiller étranger du gouvernement nippon pour enseigner les rudiments de l'architecture européenne, sous l'ère Meiji. Il concevra plusieurs bâtiments publics de Tokyo, dont le Rokumeikan (Pavillon du cri du Cerf, où de nombreux notables japonais connurent pour la première fois les manières occidentales à travers les fêtes et les bals qui y étaient donnés) et est encore aujourd'hui considéré comme le père de l'architecture moderne japonaise. Né dans le quartier londonien de Kensington en 1852, Josiah Conder (ci-dessous), alors fils de banquier, suivra de brillantes études avant d'embarquer pour le pays du soleil levant de de devenir l'instructeur de cinq futurs grands architectes japonais, Tatsuno Kingo, Katayama Tokuma, Sone Tatzuno, Satachi Shichijiro et Shimoda Kikutaro. Il développera un vif intérêt pour l'art nippon et pourra plus tard étudier la peinture auprès de l'artiste japonais Kawanabe Kyosai.


 

Celui qu'on appelait alors le prince des terres durant les époques Meiji et Taisho se fera bâtir une résidence à la fois de styles européen et japonais sur les 18000 m2 de la propriété, ainsi qu'un superbe jardin japonais. La maison est, à quelques détails près, restée identique à ce qu'elle était autrefois, au point que le bâtiment fut classé comme Trésor national en 1997. Six autres constructions de la même résidence furent, elles aussi, classées comme biens culturels de la Préfecture de Mie. Quant au jardin, de style Chisen-Kaiyu, il fut récompensé du titre du plus beau jardin japonais en 2001. Celui-ci abritait jadis un parterre de roses qui avait été conçu par Josiah Conder, dès le départ. A l'intérieur de la résidence, se trouve également un autre jardin Roji (de style traditionnel nippon).

Le bâtiment de style européen comporte une tour à quatre niveaux, et une véranda innovante pour l'époque. La partie ouest (Yokan) de la maison est à deux niveaux et fut construite en bois, de 1911 à 1913. Le porche, qui fut détruit durant la Seconde guerre mondiale a été reconstruit depuis. Le Wakan (ci-dessous en photo) constitue une maison annexe de style japonais, à un seul niveau, avec toutefois deux pièces surélevées qui donnent accès à la partie ouest de la résidence. Il est l'oeuvre de Matsujiro Ito, charpentier japonais, qui en assura la construction en 1912. A l'intérieur, se trouve une pièce principale représentant le salon japonais typique avec son parloir zashiki assorti d'une alcôve (tokonoma) et de son étagère ornementale (kazaridana). La pièce a une surface de 18 tatamis. Plus loin, la salle à manger (deuxième photo) dispose de portes coulissantes au décor raffiné et leur hauteur était déjà aux normes européennes. Le salon accueille quant à lui une cheminée de style Art nouveau et un miroir importé. Il servait à recevoir les hôtes officiels. A noter toutefois que, dans ces deux dernières pièces, le mobilier a été apporté depuis et n'est pas original. Je rentrerai dans la résidence par l'ancien quartier des domestiques (Uchi-Genkan).


 

INFOS PRATIQUES :


  • Site officiel de la Préfecture de Mie : http://www.pref.mie.lg.jp/ENGLISH/

  • Rokkaen, 663-5 Takaba, Aza, à Kuwana. A 15 minutes de marche de la gare. Tèl : 0594 24 4466. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 17h00. Entrée : 310 yens. Prise de photos autorisée.












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