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Le Nord-Ouest
(Ile de Madère, Portugal)
Heure locale


 

Vendredi 10 novembre 2017

 

La côte nord-ouest de l'île de Madère a quelque chose en plus que la côte sud, une plus grande authenticité. Personnellement, lors de mon passage là-bas, je croiserai peu de touristes. Je débuterai ma visite par Sao Vicente, un joli bourg, propret et bien aménagé. J'y passerai d'ailleurs une nuit dans une pension de famille. L'endroit a longtemps joué le rôle de « capitale du nord de l'île » et ses habitants furent nombreux à délaisser leur terre natale pour émigrer en face, au Vénézuela, notamment en 1936 lors de la révolte du lait (révolte populaire liée à la décision du Portugal de centraliser l’économie laitière). Cette immigration était alors destinée à fuir la pauvreté de l'île d'autant plus que le Vénézuela assurait certains privilèges sociaux aux nouveaux arrivants madériens. L'histoire montre qu'il ne faut pas trop embêter les habitants de Sao Vicente car ceux-ci se sont déjà révoltés à plusieurs reprises : la première grande émeute éclatera le 12 avril 1868, suite à la création d'un impôt foncier et à l'introduction du système métrique décimal. Les paysans s'emparèrent alors de tous les poids et mesures disponibles dans les commerces, les jetèrent à la mer, et brûlèrent les registres, cadastres et testaments. La révolte contre le parlement,elle, aura lieu en 1880 à cause de la taxation de l'osier, des céréales et du beurre produits dans la commune. Autre mouvement de protestation en 1911 contre Lisbonne qui décrètera la fermeture des fabriques d'eau-de-vie.

Je me promène à travers les ruelles du village et arrive bientôt à l'église Saint-Vincent, de style baroque, qui a pour patron Vincent de Saragosse, martyrisé en l'an 304. On fit rôtir le pauvre homme sur le gril avant de jeter son corps en pâture aux bêtes. Un corbeau apparut alors qui veilla sur la dépouille du saint. Une légende prétend même que l'oiseau serait parvenu à repousser une meute de loups. Le motif du corbeau dans la mosaïque de galets (ci-dessous) qui orne le parvis de l'église y fait référence. L'intérieur de l'église est quant à lui magnifique et offre un maitre-autel en bois doré, des frises d'azulejos et des peintures de Max Römer. Plus bas, un peu à l'écart du centre villageois, et sur la petite rivière qui se jette dans l'océan atlantique, se dresse également la chapelle de Saint-Vincent (deuxième photo), construite en 1692 dans le style baroque.


 

Toujours à Sao Vicente, je visite les grottes et le centre de volcanisme : sous terre, il fait une fraicheur constante durant cette balade de près d'une heure (visite des grottes et visite du musée). Les grottes furent découvertes au cours du XIX ème siècle par des habitants, puis explorées dès 1885, par le biologiste anglais James Yate Johnson. Elles sont nées des convulsions du volcan et sont unique sur l'île. Formées il y a 890 000 ans, lors d'une éruption dans la région du haut plateau de Paul da Serra, la croute extérieure s'est rapidement solidifiée au contact des basses températures mais à l'intérieur, la lave continua de couler à une température de 1200°C donnant ainsi naissance à cinq tunnels (sur un kilomètre de long et un dénivelé de 19 mètres) en photo ci-dessous. J'apercevrai sur place des voutes tapissées de mousse verte mais aussi d'autres concrétions nappées. Le lieu abrite également des lagons comme le lac des désirs (ci-dessous). L'exposition sur le volcanisme, elle, a été inaugurée en 2004 et apporte un complément utile à la première partie de la visite. Deux films d'une dizaine de minutes sont projetés au public, qui simule entre autres la naissance de l'archipel madérien. On plonge dans les entrailles de la Terre et l'on découvre différentes roches souvent utilisées pour la construction de bâtiments à Madère. Ce parcours interactif est à la fois conçu pour les petits et les grands.


 

Je poursuis ma promenade en partant à la découverte de la route de la chaux (rota do cal). Un panneau fléché m'indique la direction à suivre depuis le parking du centre de volcanisme et je n'aurai plus qu'à suivre les flèches jusqu'à mon arrivée à un simple chemin de terre qui conduit au pied du musée. On peut se garer le long du chemin ou en haut de celui-ci, puis on descend un escalier qui conduit à l'accueil. Sao Vicente dispose d'une autre particularité géologique, unique sur l'île : un affleurement de calcaires marins datant du Miocène (sept millions d'années). Ce filon sera exploité à partir du XVII ème siècle pour fabriquer de la chaux, mais l'arrivée du ciment aboutira à la fermeture de ce gisement devenu non rentable, vers 1955. Toutefois, les descendants du dernier chaufournier ont réhabilité le site de manière intelligente afin d'offrir aux visiteurs la mémoire de tout un savoir-faire ancestral. Une visite au musée me permettra de découvrir l'exploitation du calcaire jusqu'à la vente des sacs de chaux, grâce à un film de dix minutes (en portugais et en anglais). Sur place, je découvrirai l'ancien four de cuisson (ci-dessous) des morceaux de calcaire préalablement récupérés de la carrière, transposés à dos d'homme puis concassés, ainsi que les outils utilisés à cette époque. Lorsque le temps s'y prête, il est fortement conseillé de marcher jusqu'aux anciennes carrières, histoire d'y croiser les vieilles palheiros (huttes à toit de paille), les poios (cultures en terrasses) et les levadas (canaux d'irrigation).


 

Le petite village côtier suivant se nomme Seixal (en photo ci-dessous). A la sortie de Sao Vincente, je prends la direction de Porto Moniz et emprunte un de ces innombrables tunnels, construits avec l'argent européen mais qui ont considérablement amélioré le quotidien des iliens...et le nôtre, en offrant des infrastructures routières dignes de ce nom et rendant l'île visitable par le plus grand nombre. Auparavant, il aura fallu 1953 pour que soit enfin inauguré la route ER 101, qui fait le tour complet de Madère sur 205 kilomètres au total, après un quart de siècle de durs travaux. Cette portion de route entre Porto Moniz et Sao Vicente sera même surnommée la route de l'or, car c'est la partie qui couta le plus d'argent.

 

Une longue chute d'eau sort du rocher à la sortie du bourg, mais la plus célèbre reste celle du Voile de la mariée, visible depuis un belvédère situé à un kilomètre de Seixal (ci-dessous). La légende raconte que cette chute d'eau qui se précipite dans la mer est un « voile de mariée » (véu da noiva) d'une jeune femme qui aurait chuté de la falaise alors qu'elle s'enfuyait avec le garçon qu'elle venait d 'épouser contre la volonté de ses parents.

Un tour au café du village me permet de faire la connaissance de Rui Nelson, un habitant des lieux qui connait le coin comme sa poche et possède un blog (voir infos pratiques) avec de superbes photos de montagne. Notre homme réalisa aussi un film documentaire, Rota da Contrabando, qui parle de production d'eau-de-vie illicite. Seixal est bâti sur un promontoire de lave frangé d'écueils et restera isolé du reste du monde jusqu'au passage de la fameuse route ER 101 en 1953. Parcourir à pied la village reste la meilleure solution pour découvrir ses maisons à treilles (deuxième photo) qui font le charme de cette localité, son petit port et sa plage de sable noir Praia do Porto, et ses piscines naturelles. Sur le port, Seixal possède même son club naval. Le temps maussade qui fait ici souffler le vent en tempête ne m'encourage pas à pénétrer dans les terres. Chao da Ribeira, l'arrière-pays de Seixal est pourtant très joli à parcourir et est formé d'une vallée d'altitude accessible par une route en lacets. L'endroit, secret et traditionnel, est souvent délaissé par les touristes. Il permet pourtant d'observer des cabanons en pierre locale dont certains ont depuis été transformés en gites ruraux. Quant au sommet de Chao de Ribeira, il permet d'offrir des paysages à couper le souffle.


 

Autre ville de mon périple le long de la côte nord-ouest : Porto Moniz (ci-dessous). Il aurait fait soleil, je me serais bien baigné dans les célèbres piscines naturelles (deuxième photo) qui font la réputation de ce bourg longtemps resté enclavé mais la météo est aujourd'hui défavorable. Je trouve une place de stationnement gratuite et m'y gare sans attendre, en face de l'aquarium municipal. Cet aquarium a ouvert ses portes en 2005 dans l'ancien fort Saint-Jean-Baptiste qui fut érigé en 1730 pour protéger le port de l'attaque des pirates. A l'intérieur, onze bassins ont été aménagés afin d'accueillir un échantillon de la faune qui peuple les eaux madériennes, depuis l'anémone violacée jusqu'à la vilaine rascasse. Soit 70 espèces au total classées selon leur habitat. Le bassin central reste toutefois le plus fascinant avec ses raies qui évoluent sous nos yeux. Quant au dédale de bassins naturels remplis à marée haute par la houle, il reste l'attraction majeure du village. Nombreux sont les habitants de Funchal à se déplacer l'été pour s'y baigner.


 

Alors que je cherchais à me rendre à Achadas da Cruz, mon GPS me fait prendre une route à ...20%. Et plus je grimpais, plus je craignais que mon véhicule se renverse, tant la côte était raide. Jusqu'au moment ou la route s'est rétrécie drastiquement. Je me suis alors décidé à rebrousser chemin, ayant trouvé un espace pour manoeuvrer et faire demi-tour. Je trouverai plus loin une route moins périlleuse mais toujours en lacets, montagne oblige. Achadas da Cruz n'est pourtant qu'un hameau mais ce qui m'attire là-bas est son téléphérique qui fonctionne depuis 2001 et relie le haut de la montagne au bas situé en bord de mer, via une descente vertigineuse. Ce moyen de transport est bien pratique, à commencer pour les paysans qui l'empruntent pour aller cultiver leurs terres côtières. Malheureusement, la tempête d'aujourd'hui n'autorise pas le fonctionnement du téléphérique et je devrais me contenter d'admirer la vue en contrebas et revenir un autre jour. Impressionnant !


 

INFOS PRATIQUES :

  • Grottes et centre de volcanisme, Sitio do Pé do Passo, à Sao Vicente. Tél:+351 291 842 404. Ouvert tous les jours de 10h00 à 18h00. Entrée: 8€. Visite guidée des grottes en portugais et en anglais. Site internet : http://grutasecentrodovulcanismosaovicente.com/
  • Remerciements à la directrice du centre de volcanisme pour son charmant accueil.

  • La route de la chaux (rota do cal), Sitio dos Lameiros. Tél:+351 291 842 018. Ouvert du mardi au samedi de 10h00 à 14h00. Pas d'entrée payante mais contribution libre.

  • Chute d'eau Véu da Noiva, point d'observation situé à 1 km de Seixal. N'empruntez pas l'ancienne route côtière devenue très dangereuse.

  • Blog de Rui : https://www.facebook.com/ruinelson.seixal

  • Aquarium, Fort St Jean Baptiste, à Porto Moniz. Tél:+351 291 850 340. Ouvert tous les jours de 10h00 à 18h00. Entrée : 7 € (ou 8€ pour le billet combiné avec le Centre des Sciences vivantes). Site internet : http://www.portomoniz.cienciaviva.pt/home/

  • Téléphérique d'Achadas da Cruz : http://www.visitmadeira.pt/pt-pt/explorar/detalhe/teleferico-das-achadas-da-cruz

    Le parcours est bien fléché et conduit aisément au site. Ouvert tous les jours de 8h00 à 17h00. Billet : 3€.

 

 

 



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