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Pralognan-la-Vanoise
(Savoie, France)
Heure locale

 

Dimanche 6 octobre 2019

 

Chaque matin, je démarre une nouvelle journée avec ma feuille de route et un itinéraire défini à l'avance. Craignant toujours de ne rien avoir à vous raconter en fin de journée, ma liste est souvent exhaustive, d'autant plus que mon programme final est d'abord arrêté en fonction de la météo, puis du contexte local (fête, événement), qui implique que je m'adapte à la situation. Contre toute attente, c'est une superbe journée qui s'annonce et je décide de partir sans attendre pour Pralognan-la-Vanoise, village de montagne du massif de la Vanoise niché au cœur du parc national du même nom, et d'y consacrer l'article du jour.

 

Décidément, le dimanche ne me réussit pas. Après Chambéry, puis Albertville, c'est à Moûtiers de jouer l'opération ville morte en ce rendez-vous dominical. Je ferai deux boulangeries, en vain, car je trouverai porte close en ce milieu de matinée. Et la troisième est si sollicitée que les clients font la queue jusque sur le trottoir. Comme à mon habitude, je m'informe auprès de passants pour savoir où je pourrais marquer une pause sur mon chemin pour Pralognan. « Arrêtez-vous à Bozel », me répond t-on. Effectivement, c'est dans cette petite commune proche de Courchevel que je trouverai mon bonheur. Aussitôt, Bozel me paraît tout de suite plus vivant que Moûtiers en ce dimanche matin. De nombreux commerces sont ouverts et il y a beaucoup de monde dans la rue. Cerise sur le gâteau : la pâtisserie où je fais une halte fabrique le délice de Bozel, un financier fourré à la confiture de framboise. Un délice ! Désolé, mais dans ce domaine, les Bozelains (habitants de Bozel) marquent un point.

Revigoré après un bon petit-déjeuner, je reprends le volant et m'engage rapidement sur une route en lacets, qui me conduira à Pralognan-la-Vanoise une quinzaine de kilomètres plus tard. Comme pour monter au Col du Petit-Saint-Bernard, ça grimpe dur mais les paysages sont à la hauteur de mes espérances. Pralognan est la dernière commune de la Vallée de Bozel, à environ 1400 mètres d'altitude, au confluent des vallées glaciaires de la Glière et de Chavière. Ces deux vallées conduisant vers la vallée de la Maurienne par le col de la Vanoise (2517 mètres) ou le col de Chavière (2796 mètres).

 

Une fois de plus, j'ai eu la bonne intuition car le temps est magnifique, et le soleil brille sur fond de ciel bleu. Le temps tournera à la pluie en fin d'après-midi. A Pralognan-la-Vanoise, on profite d'un climat continental montagnard, plutôt humide, avec des hivers froids et neigeux et des étés doux marqués d'orages. Pour atteindre le village, il n'y a que la départementale 915 au départ de Moûtiers. Si vous préférez les sentiers de muletiers, libre à vous de passer par les cols de la Vanoise (2h30 d'ascension), celui d'Aussois ou de Chavière.

Pralognan signifie « pré éloigné » en patois local. D'autres hypothèses furent avancées quant au nom de ce village, dont le terme de «Sommet de la vallée dangereuse ». On y vit pourtant depuis l'âge de Fer puisque des traces de vie humaines furent retrouvées sur place. Bien plus tard, Pierre II de Tarentaise, alors archevêque, émettra le souhait que les chanoines forment un collège de réguliers, dont la majorité des membres semble alors être issue du Prieuré de Pralognan, fondé en 1144, placé sous la règle de Saint-Augustin, et isolé en pleine montagne sur la route du col de la Vanoise.

Endroit écarté du monde, le col servit longtemps de point de passage somme toute facile pour la route du sel et du Beaufort qui était empruntée par colporteurs et contrebandiers. Sel des salines des Salins-les-Thermes et fromage de Beaufort partaient ainsi dans le Piémont pour être échangés contre des épices et des étoffes. Un octroi était toutefois perçu au passage pour financer l'entretien de ce chemin de « Vanoyse ». Et le village de s'appeler La Vanoise de 1794 à 1815.

 

Arrive l'époque des randonneurs et des alpinistes, avec une première tentative de franchissement du sommet de la Grande Casse (3855 mètres) par un Anglais accompagné d'Etienne Favre (un enfant du pays) et d'un guide de Chamonix le 8 août 1860. Vingt ans plus tard naissait la Compagnie des Guides de Pralognan. Puis, chose plus insolite, l'inventif préposé aux Postes, le facteur Rey, décide un jour de se déplacer sur deux planches en bois qu'il fait glisser sur la neige en 1903. La première course de ski aura bientôt lieu sur la piste du Barioz. Et son frère, Joseph, non moins inventif, demande au conseil municipal du village de Pralognan d'installer une première centrale hydroélectrique, rien que cela. Le projet est adopté et le village allumera peu de temps après ses premières lampes alimentées par trois kilomètres de fil.

Le village prend son nom actuel en 1912, et onze années plus tard, une nouvelle centrale électrique est construite au pont de Gavin. Dès lors, la région va miser sur les sports d'hiver avec l'installation d'un tremplin de saut en 1920, d'une patinoire de vitesse dix ans plus tard et l'arrivée laborieuse des premiers téléskis en 1937. Mais l'évènement de taille est à mes yeux le classement par Pralognan-la-Vanoise de près de 70% de son territoire, qui deviendra le parc national de la Vanoise. Nous sommes alors en 1963. Entre le déroulement sur la commune des épreuves de curling des JO d'Albertville en 1992 et le développement du parc national, le petit village pourra fêter dignement le centenaire du tourisme local en 1997, puis le 150è anniversaire de l'ascension de la Grande Casse par Etienne Favre, alors porteur pour le compte de l'expédition de 1860.

 

Une promenade dans Pralognan m'en apprendra davantage : je m'arrête d'abord au supermarché Casino du coin où je rencontre des habitants souriants et prêts à me faire découvrir leur havre de paix. Il n'y a apparemment que moi ici pour penser pouvoir me rendre en voiture jusqu'au col de la Vanoise. « N'y pensez pas cher Monsieur, c'est à pied que ce col se franchit, au terme de 2H30 d'ascension ». Je me ravise aussitôt, expliquant que je suis simplement à la recherche de beaux points de vue pour illustrer un article. On me conseille aussitôt de poursuivre en direction des Prioux, un petit hameau niché dans la vallée de Chavière.

Je me rends auparavant sur la place de l'église (ci-dessous) à gauche de laquelle j'apercevrai sur un promontoire rocheux la statue d'un bouquetin, emblème de Pralognan (deuxième photo). C'est mon premier bouquetin de la saison, et excepté les braves vaches savoyardes, je n'ai pas rencontré de faune sauvage, mise à part une marmotte aperçue en train de fricoter le long d'un talus l'autre jour en bord de route. Le bouquetin, lui, qui existe en Europe centrale depuis 100000 ans, a profité d'une première campagne de protection lors de la création en 1922 du Parc national italien du Gran Paradiso, protection étendue ensuite au Parc national de la Vanoise en 1963. Ce dernier parc compte actuellement la plus grande population de bouquetins en France, soit 1800 individus.


 

Je quitte bientôt Pralognan pour m'engager dans la vallée de Chavière, direction le hameau des Prioux. Cette vallée est la porte d'entrée principale du parc national de la Vanoise, mais la route qui y conduit s'arrête environ deux kilomètres après les Prioux, sur une aire de parking. La vallée est l'endroit idéal pour flâner sur des sentiers tout en admirant ses sites naturels au pied de la plus grande calotte glaciaire des Alpes. Quant au plateau des Prioux, il est situé à 1725 mètres d'altitude et voit s'écouler le Doron de Chavière. Les eaux froides et rapides de ce torrent abritent une importante population de salmonidés et un panneau explicatif, placé à l'entrée du hameau, informe les pêcheurs en herbe de la conduite à tenir. Pour les amateurs de randonnée, il existe une balade facile d'accès et d'une durée de 4h30, au départ des Prioux, vers le Lac Blanc (2434 mètres). Je croiserai sur ma route quelques cyclistes en goguette, mais curieusement aucun motard cette fois-ci. Face à ces immenses masses rocheuses, j'essaie de me replacer 15000 ans en arrière, lorsque cette vallée de Chavière était occupée par des glaciers qui se sont depuis repliés sur les pentes de Polset. Celle-ci mène d'ailleurs au refuge de Peclet-Polset (2474 mètres) et constitue une voie naturelle pour atteindre les glaciers de la Vanoise. Ce premier aperçu du parc national de la Vanoise me fait prendre conscience de la superficie de l'endroit, soit 528 km2 pour ce seul parc et 1250 km2 au total, en comptant le parc français et son homologue italien, le Grand Paradis, jumelé au nôtre depuis 1972. Soit la surface protégée la plus étendue d'Europe occidentale.


 

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