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Le Musée des Traditions populaires de Moûtiers
(Savoie, France)
Heure locale

 

Lundi 7 octobre 2019

 

Je pars aujourd'hui à la découverte du Musée des Tradition Populaires de Moûtiers. Très recommandée par les guides, l'institution occupe l'ancien palais des Archevêques-comtes de Tarentaise et décrit la civilisation rurale de la région à l'intérieur de ses huit salles d'exposition consacrées à l'agriculture, aux métiers de l'artisanat, aux objets du quotidien, à la poterie, à l'art religieux, au vêtement traditionnel... La résistance en Tarentaise durant la Seconde guerre mondiale est aussi abordée et un intérieur savoyard a été reconstitué. J'ai la chance de pouvoir rencontrer Monsieur Jean-Paul Bergeri, Directeur du Centre culturel Hudry de la ville, qui nous parle plus en détails de l'histoire du musée et de son contenu dans la vidéo jointe à cet article.

 

Pédagogique avant tout, le musée des Traditions populaires s'attaque d'emblée aux idées reçues, en répondant à certaines questions qui taraudent les esprits. La première salle contient ainsi des panneaux fort intéressants de par leur contenu. J'apprends ainsi que la fondue n'est pas originaire de Savoie mais de Suisse, même si le département français reste bien une région fromagère. Autre idée qui court dans la tête : les Savoyards d'autrefois parlaient italien. Faux ! Les Savoyards étaient avant tout savoyards, avant de devenir Français à partir de 1860, même si la Savoie fut un Etat souverain qui s'étendit de part et d'autre des Alpes. Et les villageois de pratiquer des patois qui venaient du franco-provençal, alors que le français était utilisé dans l'Administration et la Justice dès le 16è siècle. On dit également que les Savoyards pratiquent le ski depuis toujours. C'est inexact car ces skis, aussi appelés « semelles de bois», « patins sur neige » ou « planches », sont originaires de Scandinavie et n'apparurent dans les Alpes qu'à la fin du 19è siècle. Et le premier concours de sports d'hiver (une épreuve de ski et une autre de bobsleigh) de s'être déroulé à Moûtiers le 13 février 1910. Dernière idée reçue : tous les Savoyards étaient des ramoneurs (gagne-deniers). Certes, non. L'accroissement de la population, le manque de ressources et la mauvaise saison poussèrent certains habitants à émigrer au moins temporairement aux 18è et 19 siècles mais tous les Savoyards dans ce cas n'occupaient pas des emplois précaires. Certains, expatriés définitivement, formeront même une diaspora sur tous les continents tandis que d'autres exerceront des métiers très divers (domestiques, porteurs d'eau, commissionnaires, frotteurs de parquets, mélangeurs de farine...)


 

La première vitrine aborde la vigne en Savoie. Je découvre ainsi quelques cépages blancs (Jacquère, Roussette, Bergeron, Aligoté et Chardonnay) et rouges (Mondeuse, Gamay et Pinot). D'autres, plus anciens ont parfois disparu comme le Malvoisie, le Persan ou le Corbesse...En Tarentaise, là où la vigne grimpait vers 1000 mètres d'altitude, on trouvait le Hibou, un cépage d'une grande vigueur et d'une fécondité exceptionnelle tout comme le Guy noir, monté en treillages, de maturation tardive, qui donnait un vin âpre et astringent, mélangé à d'autres vins pour en assurer la conservation. Lorsqu'il partait travailler, le paysan emmenait avec lui un peu de vin qu'il stockait dans un tonnelet.


 

Le musée s'intéresse de près au mulet, animal plus petit que le cheval mais extrêmement résistant. Il était l'allié du paysan savoyard pour effectuer les travaux agricoles et transporter de lourdes charges dans les régions accidentées. Surnommé « Petit Hercule », le mulet pouvait facilement porter 150 à 200 kilos de charge. La coutume voulait alors qu'on appose une plaque frontale sur le front de l'animal pour le préserver du soit-disant « mauvais oeil » (ci-dessus), sorte d'amulette magico-religieuse qui comportait le nom du propriétaire, la date de fabrication de la plaque et des motifs ornementaux, comme les armoiries de Savoie avec une couronne, des drapeaux et des fûts de canon. Devenues de nos jours des objets rares, ces plaques frontales ne sont plus utilisées que lors des fêtes ou des cortèges de mariage.

Parmi les objets traditionnels de Savoie, le tabouret (tapacu) traduit l'ingéniosité de ses créateurs. Il s'agira d'un tabouret à pied unique, attaché à la ceinture du paysan qui va par exemple traire ses bêtes, qui lui offrait un équilibre quelque soit la pente du terrain et en lui permettant de garder les mains libres lors des déplacements. Autres objets, les clarines et les carons, ces cloches pendues au cou des animaux. Très utiles pour localiser la bête en cas de mauvais, la cloche est devenue avec le temps un objet de fierté pour le propriétaire qui la fixe au cou de son cheptel. Dans des vitrines, sont exposées de superbes boites à ouvrages, et une boite de secours de la Compagnie PLM.


 

Dans la salle consacrée à l'art religieux, je découvre un long article sur l'architecture baroque de Tarentaise : après le Moyen-Âge, il fallut trouver un type d'architecture pouvant accueillir et mettre en valeur la liturgie rénovée. Les Jésuites de Rome prendront comme modèle l'église de Gesu pour contrer la Contre Réforme entre 1568 et 1577. Et les nouvelles églises tarentaises d'être bâties sur le même modèle, à savoir un plan basilical avec succession de travées. Uniformes par leur architecture et leur mobilier ces lieux de culte paroissiaux, reconstruits aux 17è et 18è siècles, seront pratiquement identiques : église halle, souvent à trois nefs, avec un large toit en bâtière. C'est le chef de l'archidiocèse qui impulsera cette reconstruction générale des édifices religieux au cours du 17è siècle, avant que ne luI succède Benoit-Théophile de Chevron-Villette, cousin de François de Sales et dont il recevra la formation, qui exigera l'agrandissement des églises.

La dimension religieuse faisait alors partie intégrante de l'univers de l'agriculteur éleveur alpin, à travers la présence d'édifices religieux et le rythme des temps liturgiques. Chaque dimanche, on se retrouvait à l'église, d'où la floraison de chapelles dites rurales représentant les différentes communautés. Et comme une partie de chaque communauté se déplaçait l'été vers les alpages, des chapelles alpines avaient aussi été érigées dans les hauteurs afin d'honorer les saints protecteurs des troupeaux. Les croix, elles, étaient plantées à la suite de missions paroissiales, là où les processions pèlerinaient au rythme des cantiques. La journée s'organisait d'angélus en angélus et l'année était planifiée autour des grands cycles liturgiques. La vie de chacun restait enfin marquée par les rites de passage (naissance, entrée dans le monde des adultes, mariage et trépas).

 

Si de nos jours, le commerçant reçoit directement les chaussures de l'usine, il en était autrement jadis. Les chaussures étaient alors fabriquées sur place, à Moûtiers, ou dans les villages voisins, par quatre corps de métier : le sabotier (qui fabriquait les chaussures en bois), le galochier (qui fabriquait des chaussures en cuir avec semelles de bois cloutées, le terme « galoche » signifiant brodequin en vieux français), le cordonnier (qui fabriquait et réparait d'autres types de chaussures) et le savetier (qui raccommodait les vieux souliers). Le sabotier travaillait divers bois (bouleau, hêtre ou pin) dont il dégrossissait dans un premier temps une pièce, avant d'esquisser les courbes du futur sabot à l'aide d'une herminette. Le travail se poursuivait ensuite sur l'établi (billot) de l'artisan. Un compagnon sabotier était formé en six ans mais il lui fallait bien plus de temps pour acquérir le statut de maitre-ouvrier. Et le compagnon aguerri de réaliser...quatre ou cinq paires de sabots par jour, le tout manuellement.

 

Dans un autre salle d'exposition, l'école savoyarde d'autrefois est savamment décrite : avant que la Révolution française n'arrive ici en 1792, nombreux étaient les membres du clergé qui fournissaient à un certain nombre de paroisses des « prêtres régents » qui consacraient leur temps à l'éducation des enfants. Lorsque ces prêtres n'existaient pas, ce sont les curés qui faisaient fonction de maitres d'école. Suite à la diminution du nombre de prêtres durant le 19è siècle, des maitres laïcs furent progressivement conviés à les remplacer bien que ne connaissant souvent que les premiers rudiments à enseigner. L'ornement du chapeau porté par les maitres permettait alors de distinguer les capacités de chacun. Celui qui n'avait q'une plume à son chapeau pouvait enseigner la lecture, tandis que celui qui en avait deux était capable d'enseigner lecture et écriture. Celui qui arborait trois plumes était compétent pour enseigner tout à la fois la lecture, l'écriture et le calcul (appelé aussi « le chiffre »). Pour acquérir des connaissances, encore fallait-il que l'enfant ait du temps libre pour se rendre à l'école, à une époque où le travail des champs prévalait. Et l'hiver (la saison morte) d'être principalement réservé à cette activité. Un dicton ne disait-il pas « On va à l'école de la Sainte-Catherine à la Saint-Aubin », c'est à dire du 25 novembre au 1er mars. Toutefois, la situation variait selon les endroits, car plus on montait en altitude et plus la période scolaire s'allongeait (du à la longueur de l'hiver) alors que l'année scolaire en plaine ne durait que trois mois.

 

En Savoie, le costume variait du tout au tout d'une vallée, voire d'un village à l'autre. Son port donnait jadis à la femme du village une identité communautaire, à une époque où l'on ne connaissait pas encore le prêt-à-porter. Quant au vêtement de fête, il était lié à l'habileté des couturières et des tailleurs locaux qui se pliaient aux traditions du lieu. Longtemps, les matières premières utilisées pour confectionner les vêtements furent la laine et le chanvre, avant le coton, la soie et la dentelle, plus tard apportés par les colporteurs. Et la diversité des costumes de s'enrichir par les coiffures (frontières, béguines et berres, coiffes amidonnées ou tuyautées, bonnets ronds ou bonnets montés) et les bijoux généralement offerts pour le mariage par le futur époux. Les jours de fête étaient ainsi l'occasion d'arborer ses plus belles tenues. La femme portait de belles couleurs grâce à son châle brodé ou broché, souvent en soie.

 

Au regard de la menace qui pesait sur notre pays en 1942, les Savoyards de toutes conditions (ouvriers, paysans, artisans, fonctionnaires, commerçants ou anciens de l'Arme des Alpes) se retrouveront au sein du secteur 3 bis, qui formera le 6è Bataillon de l'Armée Secrète, et du 3è Sous-Secteur Francs Tireurs et Partisans qui se rassembleront plus tard sous l'étendard des Forces françaises de l'intérieur (FFI). Il faut déjà savoir que l'espace alpin comportait à cette époque plusieurs niveaux d'exploitation : en fond de vallée, le blocage des passages (routes nationales et voies ferrées) pouvait porter un coup fatal à l'ennemi. Au même titre que le sabotage des usines et des centrales électriques qui s'y trouvaient également. Un peu plus haut, se trouvaient des villages moins exposés aux passages de l'ennemi, qui représentaient autant de lieux d'accueil pour l'armée des ombres. Plus haut encore, les arbés, ces chalets d'alpage qui accueilleront les premiers maquis faits de bric et e broc mais qui possédaient une forte volonté de voir notre pays retrouver à sa situation antérieure. Et l'alpage de jouer un rôle précieux lors des parachutages des B17 tandis que les petits cols permettaient de joindre une vallée à l'autre. D'autres espaces, non propices aux cultures, remporteront aussi leurs victoires, comme cette Première bataille des Alpes de juin 1940, seule victoire française dans un pays en déroute, puis la résistance entretenue de septembre 1944 à avril 1945.


 

C'est en pénétrant dans la pièce à vivre, à la fois cuisine, séjour et chambre d'appoint que l'on entre vraiment dans l'intimité de ces Savoyards dont le musée vous a aidé à comprendre le dur labeur. La cuisine savoyarde existe bien, loin des clichés habituels de raclette ou de fondue qui n'ont rien de traditionnels puisqu'ils ont été importés de Suisse au 20è siècle. La véritable cuisine savoyarde est une cuisine de terroir qui vit au fil des saisons. Pour bien la connaître en région tarentaise, il faut visiter jardins et vergers pour y découvrir au passage les vignes grimpantes qui donnent vie à des cépages aujourd'hui oubliés. On apprendra aussi qu'il y a autant de recettes de farçons que de villages, voire que de cuisinières, c'est dire ! En fait de recette, la soupe au caillou a t-elle vraiment existé ? Oui, et elle est parfaitement comestible. La recette est simple. Il faut utiliser une cocote en fonte dans laquelle on dispose poireaux, carottes, pommes de terre, un oignon émincé, un peu de beurre, du sel et du poivre...et une grosse pierre bien propre, laquelle, sera soulevée par l'eau durant l'ébullition, et écrasera ainsi les légumes en retombant, d'où l'obtention d'une délicieuse « soupe au caillou », mais attention de ne pas manger la pierre !

Après avoir parcouru ce passionnant musée et en avoir appris davantage sur la vie des Savoyards du temps jadis, je me dis qu'il n'y avait point de salut en dehors d'une organisation communautaire. Un exemple, celui de la garde du troupeau des chèvres. Chaque famille possédait quelques chèvres dont il était difficile de s'occuper au plus fort des gros travaux d'été. Chaque matin, un même membre du village prenait alors en charge la conduite des chèvres de toutes les familles pour la journée. Et chacun de se charger de cette tâche à tour de rôle. Ainsi les bêtes étaient-elles rassemblées le matin, au son d'une corne, avant de quitter le village pour rejoindre des terrains communaux proches. Et les bergers improvisés (souvent un jeune garçon ou une jeune fille) de se livrer à de petits travaux, de récolter des champignons ou de cueillir myrtilles et framboises sauvages tout en veillant sur les animaux. Le soir venu, le troupeau était ramené sous bonne garde au village et chacun reprenait alors possession de ses chèvres afin de procéder à leur traite.

 

INFOS PRATIQUES :

 

 

  • Musée des Traditions populaires de Moûtiers, Centre culturel Marius Hudry, Place Saint-Pierre, à Moûtiers. Tél : 04 79 24 04 23. Ouvert du lundi au samedi de 9h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00. Entrée gratuite pour les individuels. http://www.musee-moutiers.fr

  • Le livre « Mémoire d'objets » (ci-dessous en photo) est en vente à la boutique du musée.

  • Merci à Mr Jean-Paul Bergeri, Directeur de Moûtiers Culture et Patrimoine, pour sa collaboration et sa disponibilité











 



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