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Le Musée de San Marco
(Florence, Région de Toscane, Italie)
Heure locale

 

Mardi 3 mars 2020

 

Un peu excentré par rapport au cœur historique de la cité florentine, le Musée national San Marco n'en reste pas moins remarquable. L'endroit jouxte l'église de ce couvent dominicain transformé depuis en lieu culturel. Cosme l'Ancien, qui désirait accueillir les moines dominicains de Fiesole, confia en 1437 à Michelozzo, son architecte favori, le soin d'agrandir le couvent de Saint-Marc qui existait déjà depuis le 13è siècle. Et Fra Angelico de participer abondamment à la décoration de l'édifice, au point que le musée national rassemble la plupart des œuvres de ce peintre illuminé par la foi.

 

L'endroit paraît d'abord austère face au ciel pluvieux qui plane au-dessus de Florence. L'ensemble abrite pourtant la grande majorité des chefs-d'oeuvre de ce peintre dominicain, Fra Angelico. Connu sous plusieurs noms, les Italiens le surnommeront volontiers Beato Angelico (Bienheureux Angelico), lui qui venait tout droit du Quattrocento et possédait « un talent rare et parfait » selon Giorgio Vasari. Son éducation artistique s'effectuera à Florence, aux côtés de Masaccio, et notre homme ne tardera pas à produire ses premières œuvres : la Pala di Fiesole entre 1428 et 1430, le Jugement dernier, trois années plus tard, l'Annonciation (en 1430) et le Tabernacle des drapiers (en photo ci-dessous), commandé en juillet 1433 par la corporation des Tisseurs de lin de la cité, une œuvre sculptée par Lorenzo Ghiberti.

 

Comme d'habitude, il me reviendra de photographier le plan du site à l'entrée du cloitre à l'aide de ma tablette, car ici, on visite à l'italienne, sans aucun circuit prédéfini. Le musée comporte deux niveaux, le rez-de-chaussée et le premier étage. Après avoir franchi le contrôle des billets auprès d'une charmante dame pratiquant admirablement la langue de Molière, je pénètre immédiatement dans le grand cloitre dit de « Saint Antonin de Florence» (ci-dessous), bâti par Michelozzo en 1440. Ce saint a lui aussi ses propres fresques tout autour du présent cloitre et deux panneaux d'information apportent aux visiteurs un éclairage sur l'existence de ce dernier. Le couvent en question fut occupé du 13è siècle à 1437 par les moines de l'ordre bénédictin de Vallombreuse et ceux de l'ordre de Saint-Sylvestre, avant d'accueillir durablement les Dominicains, désireux de s'installer au cœur de la cité florentine. Et le petit couvent de pousser les murs en confiant à Michelozzo la construction d'un dortoir, de réfectoires et d'une grande bibliothèque. En fait, je découvre que cette visite est à la fois architecturale et patrimoniale.


 

Je débute ma visite par l'ancien hospice des Pèlerins qui renferme de nombreuses peintures de Fra Angelico et de son atelier. Les Dominicains avaient en effet souhaité que les différents endroits du couvent soient décorés par des fresques ayant valeur de symbole. La réalisation de ces peintures sera ainsi confiée en 1438 au frère dominicain Giovanni da Fiesole (alias Fra Angelico), lequel ornera de ses œuvres lieux de passage et cellules des frères. Un couloir d'accès donnant sur le cloitre me permet ensuite de me rendre au Grand réfectoire. Il est fortement conseillé de lever le regard vers le plafond car les voûtes d'arêtes formant ce promenoir offrent entre autres, cinq lunettes qui comportent les fresques les plus anciennes de Fra Angelico.

Le Grand réfectoire me permettra d'admirer le Cenacolo de Sogliani, visible ci-dessous, qui fut peinte en 1536 par Giovanni Antonio Sogliani. Point de Cène dans le cas présent mais une représentation des frères dominicains attablés autour du fondateur de l'ordre Saint Dominique de Guzman.


 

En ce début de matinée, les visiteurs sont rares et j'ai (presque) le musée pour moi seul. Je ressors du Grand réfectoire, traverse la salle du lavabo, jusqu'à atteindre la salle consacrée à Fra Bartolomeo, peintre italien de la Renaissance, spécialisé surtout dans les œuvres religieuses.

Petit retour dans le promenoir du cloitre pour me rendre à la salle capitulaire : d'entrée, je suis conquis par ce chef d'oeuvre de Fra Angelico, intitulé « Crucifixion et saints » (en photo ci-dessous). Cette fresque date de 1441-1442 et l'on prétend que l'artiste dominicain l'aurait achevé en pleurant. Tout autour de cette composition, je remarque des médaillons de figures saintes, peints par Benozzo Gozzoli, le premier assistant du maitre.


 

A ce stade, mieux vaut suivre mon plan avec attention pour ne rien manquer car il me reste à découvrir la Foresteria, lieu de passage (ci-dessous) transformé en lapidarium (ou musée lapidaire, c'est à dire un musée dont les collections sont principalement constituées de pierres). L'endroit recueillit ainsi les vestiges antiques de Florence qui furent mis à jour à la suite des fouilles entreprises lors de la restructuration de la ville au 19è siècle. Le même couloir donne accès aux cabinets de travail des prieurs. Au-dessus de chaque porte, on peut apercevoir le portrait d'un fondateur de l'ordre, comme, par exemple, Saint Dominique, Saint Pierre martyr, ou Saint Thomas d'Aquin....Dernier endroit remarquable au rez-de-chaussée, pour la superbe fresque qu'elle abrite, la salle du petit réfectoire (l'actuelle boutique du musée). Cette fresque (deuxième photo) représente le Cenacolo de Domenico Ghirlandaio. On se trouve ici à l'intérieur du petit réfectoire de l'ancien couvent San Marco. Similaire à la Cène, l'oeuvre décrit l'assemblée des apôtres, avec, en toile de fond, un paysage constitué d'arbres et d'oiseaux, comme ce paon symbolique à droite.

 

Le premier étage abrite le dortoir des moines et la grande bibliothèque. Chaque cellule comporte une ouverture donnant pour les fenêtres sur le cloitre de Saint Antonin et pour les portes sur l'un des couloirs Nord, Sud et Est. Vides, ces cellules sont néanmoins ornées d'une œuvre de Fra Angelico, la première d'entre elles étant la célèbre Annonciation, un des thèmes de l'iconographie chrétienne touchant à la représentation artistique de la Vierge Marie. Je ferai ainsi le tour de dizaines de cellules et admirerai au passage chacune des compositions du peintre dominicain. A la fin d'un long couloir, j'aperçois la cellule de Savonarole (deuxième photo), constituée en réalité de trois pièces. Plusieurs objets lui ayant appartenu sont placés sous vitrine tandis qu'une représentation du condamné subissant le bûcher sur la Place de la Seigneurie est accrochée au mur. C'est que Savonarole n'était pas un tendre. Frère dominicain, prédicateur et réformateur italien, il mettra sur pied, puis dirigera la dictature théocratique de Florence de 1494 à 1498. On retiendra de son programme les réformes religieuses, ses prêches anti-humanistes, et son bûcher des vanités (lieu de destruction par le feu de milliers d'objets supposés pousser au péché, comme des miroirs, des cosmétiques des robes ou des bijoux...) qui n'était pas une invention de Savonarole car ce bûcher était fréquemment utilisé lors des sermons durant la première moitié du 15è siècle. Notons enfin ses prêches véhéments contre la corruption morale du clergé catholique.

Le prête dominicain arrivera au pouvoir à la suite de la conquête de l'Italie par la France. Le pouvoir des Médicis en fut renversé et Savonarole, habile négociateur, rencontra le roi de France Charles VII pour discuter d'un traité de paix et éviter la mise à sac de Florence. Et les Florentins d'être alors autorisés par Charles VII à choisir leur mode de gouvernement et d'élire Savonarole comme représentant. Désormais au pouvoir, notre homme modifiera le système d'imposition, abolira la torture, établira une cour d'appel et un système d'assistance destiné aux pauvres. Et de proclamer Jésus-Christ, roi du peuple florentin.


 

Clou de ma visite : la bibliothèque de Michelozzo (ci-dessous). Accessible en tournant à droite en haut des escaliers, il s'agit là d'une des plus prestigieuses bibliothèques de la Renaissance italienne, traitant à la fois d'humanisme et de théologie. C'est Niccolo Niccoli, érudit conseiller de Cosme l'Ancien de Médicis qui en avait confié le projet à Michelozzo. C'est que l'homme en question avait constitué un joli trésor dédié au savoir, un lieu de connaissance qu'il léguera à la république florentine pourvu que celle-ci en autorise l'accès au public. Et Cosme l'Ancien de mettre en œuvre cette volonté en confiant la célèbre bibliothèque au couvent San Marco. Il est vrai que non content d'avoir constitué un fond livresque remarquable, Niccolo Niccoli avait aussi fait partie du cercle des lettrés du chancelier de la République florentine, Coluccio Salutati. Et a depuis été reconnu comme l'inventeur de l'écriture cursive appelée « italique de la Chancelière », écriture utilisée par les chancelleries pour rédiger les courriers officiels.

 

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