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Exposition "Comme en 40..."
(Musée de l'Armée, Paris, France)
Heure locale

 

Mardi 14 avril 2020

 

Notre pays, qui connait actuellement la débâcle du coronavirus en a connu d'autres (débâcles) : le Musée de l'Armée nous propose actuellement de nous pencher sur celle de 1940, cette drôle de guerre, qui fut pourtant un épisode décisif de l'histoire de France. L'exposition « Comme en 40... » retrace l'atmosphère de cette terrifiante année en revenant sur les évènements marquants de cette époque et en replaçant 1940 dans son contexte. La campagne de France est d'abord décryptée, puis ses conséquences sur les Français (prisonniers de guerre, internés, réfugiés, habitants en zone annexée, occupée, non occupée, dans les territoires de l'Empire colonial et ceux qui vivaient à Londres). Une bonne façon de commencer cette année 2020 qui marque le 80è anniversaire des combats de cette campagne de France, de l'Appel du 18 juin, de la création de la France libre et des dates anniversaires de naissance et de mort du général de Gaulle.

 

Quel traumatisme pour ces Français à qui on avait enseigné que notre pays avait une armée indéfectible et que la France tiendrait bon quoiqu'il arrive grâce aux valeurs solides transmises par la Révolution française ! Dès mon entrée dans l'exposition, je suis immédiatement plongé dans le contexte de l'époque , en me permettant de comprendre les enjeux politiques, diplomatiques et économiques de l'entre-deux-guerres: nomination d'Adolf Hitler le 30 janvier 1933 comme chancelier, retrait en octobre de cette même année de l'Allemagne de la conférence du désarmement et de la Société des Nations, remilitarisation de la Rhénanie en mars 1936 sans aucune réaction de la part de la France ou de la Grande-Bretagne, annexion par Hitler de l'Autriche en mars 1938 puis des Sudètes en octobre de la même année... Je découvre aussi l'année 1940 à travers un dispositif photographique cinétique et la projection d'archives de la campagne de France, ou « Bataille de France » désignant l'invasion allemande des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France ce 10 mai 1940, un épisode qui mettra un terme à la drôle de guerre. Pourquoi ce surnom ? Quelques jours après la déclaration de guerre, l'armée française pénètre brièvement en Sarre, sans autre réaction. On ne croit pas vraiment à une attaque allemande, car l'armée n'a pas encore défini un plan pour attaquer notre pays, et l'Allemagne devra d'abord corriger les déficiences de la campagne de Pologne. Huit mois s'écoulent sans que la France mette ce temps de répit à profit pour entrainer ses troupes, parfaire les exercices interarmes, entretenir le moral des combattants (dont celui des réservistes qui baisse) et maintenir la discipline. Première alerte en avril, avec l'intervention des troupes franco-britanniques pour soutenir la Norvège soudainement envahie par les Allemands. Et les Français d'accepter cette guerre avec résignation, sans « Union sacrée » comme en 1914, comptant sur un hypothétique sursaut national et sur la mobilisation sans failles de notre armée en cas de coup dur. Cette défense passive sera incarnée par la présentation de plusieurs masques à gaz et des archives d'époque montrant des exercices d'évacuation vers des abris anti-aériens.

La première salle de l'exposition m'invite à suivre un parcours chronologique, allant de cette « drôle de guerre » à la signature des armistices entre la France, l'Allemagne et l'Italie. Un zoom est consacré au passage à la ligne Maginot, élément de la politique défensive de la France et ensemble de forts positionnés le long des frontières entre l'Allemagne et l'Italie, où près de 200000 soldats (« les troupes de forteresse ») seront cantonnés durant la drôle de guerre. Le musée présente pour l'occasion une casemate de la ligne Maginot servant de vitrine à plusieurs objets originaux. Un film est aussi projeté, qui aborde le fort du Hackenberg-Veckrin (un des forts les plus puissants de la ligne) en Moselle, et celui de la Ferté-sur-Chiers (dont les soldats périront en seulement quelques heures, asphyxiés par les gaz dégagés par les bombardements allemands) dans les Ardennes. Notre pays connaissait déjà à l'époque des problèmes de masques.


 

Soudain, le temps s'accélère avec le désastre de la campagne de France et ses 45 jours de combat : le 10 mai 1940, les Allemands envahissent la Hollande, la Belgique et le Luxembourg. Aussitôt, les troupes françaises motorisées et le corps expéditionnaire britannique partent à leur rencontre. Quatre jours plus tard, l'armée allemande déploie ses forces avec les troupes blindées du général Guderian qui percent le dispositif défensif français dans les Ardennes. Invincible, l'armée allemande et ses panzers atteint la Manche le 21 mai. De son côté, la Belgique connaitra de violents combats face à l'envahisseur, et les Allemands ne tarderont pas à encercler les troupes alliées qui n'auront d'autres solutions que de se replier vers Dunkerque où plus de 300000 soldats devront être évacués. Le 4 juin, l'armée française (ou plutôt ce qu'il en reste) se rétablira sur la ligne Weygand, le long de la Somme et de l'Aisne, un front éphémère qui sera percé par l’armée allemande les 7 et 10 juin, alors en route vers le sud. L'entrée dans Paris a lieu le 14 juin. Temps fort de l'exposition, cette campagne de France est présentée sous la forme d'une carte animée, qui aide le visiteur à saisir les enjeux de cette bataille décisive, en expliquant les stratégies française et allemande et en revenant sur les idées reçues concernant la défaite de notre pays, une triste période qui débutera avec la démission de Paul Reynaud, la nomination du maréchal Pétain à la tête du gouvernement, la déclaration de guerre de l'Italie à la France le 10 juin, le discours de Churchill du 17 juin, puis celui de De Gaulle le lendemain à la BBC, et enfin les armistices des 22 et 24 juin. Oscillant entre désir de fermeté et d'irrésolution, le pouvoir politique français est confronté à un terrible dilemme à la suite de la rupture de la ligne Weygand. Faut-il continuer la guerre ou négocier l'armistice ? Le 16 juin au soir, Paul Reynaud, Président du Conseil démissionne, laissant le champ libre aux partisans déclarés d'une négociation avec l'Allemagne. Tandis que les Allemands occupent Paris depuis deux jours, huit millions de Français entament un long exode et le désastre militaire se double d'un naufrage politique, voyant ainsi vaciller la force d'un régime républicain qui avait pourtant permis au pays de résister et de vaincre lors de la Grande Guerre. Je travers bientôt un long corridor sonore en écoutant le dernier discours radiophonique de Paul Reynaud, l'annonce d'un prochain armistice par le maréchal Pétain, le célèbre discours de Churchill et le premier appel à la résistance du général de Gaulle. Et d'admirer en passant trois prêts exceptionnels : les armistices franco-allemands et franco-italien, et les disques contenant l'enregistrement des négociations de l'armistice de Rethondes.


 

La deuxième salle de l'exposition propose quant à elle un parcours géo-thématique. Si la définition d'un Français est claire jusqu'à l'entrée en vigueur des armistices, il n'en sera pas de même à partir du 25 juin et pour les mois qui suivront, puisque différentes identités apparaitront : selon qu'il se trouve en zone annexée, occupée, non occupée, dans l'Empire colonial français, en Angleterre ou ailleurs dans le monde, la situation de chaque Français diffère. Et de nouvelles identités de se créer au fur et à mesure des comités de la France Libre. Sur place, 215 objets et documents d'archives (dont beaucoup sont inédits) provenant de 35 collections nationales et privées sont présentés au public. En effet, au lendemain de la défaite, la France est divisée en plusieurs zones et les Français se retrouvent dispersés aux quatre coins du pays ou à l'étranger tandis que près de deux millions de nos soldats sont faits prisonniers. Même si la plupart de ces derniers sont envoyés en Allemagne, ceux issus de l'Empire colonial sont emprisonnés en France pour « ne pas salir le sol allemand ». Quant aux troupes françaises et les Polonais du 45è corps d'armée qui ont franchi la frontière, ils seront internés en Suisse. Les populations évacuées qui ont fui les combats ou qui sont condamnées à l'exode pourront regagner leurs foyers à condition de disposer d'un certificat de rapatriement permettant le franchissement de la ligne de démarcation. Autres conséquences de la défaite : le rattachement des départements du Nord et du Pas-de-Calais au commandement militaire de Bruxelles et le rattachement de l'Alsace et de la Moselle au Reich dès le 24 juin 1940, avec expulsion des Juifs, des étrangers naturalisés ou non et de certains autres citoyens français jugés comme inassimilables ou indésirables.


 

L'article 2 de la convention d'armistice autorise l'occupation de 55% du territoire de la métropole, sans toutefois préciser les modalités de cette occupation ni de tracé de carte précis. La zone « occupée » (zone « nord ») incorpore toute la bande littorale atlantique, laquelle deviendra interdite en 1941 au retour des réfugiés. Même problématique pour les populations vivant à l'origine à l'intérieur d'une zone nord-est comprise entre la Somme et la Bourgogne. L'armistice franco-italien, lui, prévoit la mise en place d'une zone occupée bien plus modeste, concernant 800 km2 et quelques 28000 habitants située à l'Est de la zone non occupée, et englobant les fortifications de la ligne Maginot des Alpes. La ligne de démarcation entre les deux zones, qui coupe quant à elle treize départements, devient rapidement pour l'occupant allemand une frontière politique, social et économique dans la mesure où le transport de ressources entre les deux zones est interdit. Tout au long de l'exposition, j'aurai le loisir de consulter archives filmiques, cartes et émissions de radio de l'époque, affiches et titres de journaux, afin de m'aider à imaginer ce que pouvait être la vie d'un Français en zone occupée en 1940. Je prendrai aussi connaissance des contrôles effectués par l'armée allemande, de la censure culturelle (avec la présentation d'un exemplaire de la liste Otto des ouvrages interdits) et des premières actions de résistance (grâce au prêt exceptionnel d'une lettre originale de Jean Moulin par le Musée de la Libération de Paris). Autre objet, insolite celui-là : l'armet du comte palatin Wolfgang (en photo ci-dessous), témoignant des pillages dont les collections du musée de l'Armée seront victimes dès les premiers temps de l'Occupation.

 

Dans un tel contexte, la voix qui retentit au micro de la BBC ce 18 juin 1940 sonne comme un espoir. Ce discours de Winston Churchill, premier ministre britannique, est prononcé quelques jours seulement après l'évacuation de Dunkerque et est la troisième allocution que j'entendrai dans l'exposition (après celle de Paul Reynaud le 13 juin, puis celle du maréchal Pétain le 17 juin). Un quatrième discours, non enregistré celui-là, sera pourtant tenu ce même 18 juin, et quelques heures seulement après l'allocution de Churchill : c'est le premier des 67 discours que le général de Gaulle (alors surnommé le « général micro ») prononcera à la BBC durant le conflit. Et le visiteur de pouvoir se rendre compte de la complexité de l'accès à l'information à cette époque (informations contradictoires, critiques des programmes adverses, censure, menaces...). A cet instant, Londres apparaît pourtant comme la capitale du monde libre, impression confirmée dès l'automne par l'éclatante victoire des pilotes de la RAF lors de la Bataille d'Angleterre, puis tout au long de la guerre par la volonté de Winston Churchill de ne rien céder face à l'ennemi. Et la capitale britannique de devenir le dernier refuge des gouvernements des pays envahis. De son côté, le général de Gaulle s'affirmera comme le représentant légitime de la France, poussant la France Libre à tenter de mettre en place une politique étrangère autonome et à créer des comités de soutien sur différents continents avec, pour objectif, de contrer les représentations diplomatiques vichystes. Mais de nombreux Français exilés, en Grande-Bretagne ou ailleurs, ne rejoindront pas pour autant la France Libre.

La France de Vichy s'est installée début juillet 1940 dans la petite ville thermale où réside Pierre Laval, car celle-ci dispose des infrastructures modernes et suffisantes pour accueillir le gouvernement provisoire. Dès ses premiers discours, le maréchal Pétain considère la défaite du pays comme le résultat de la décadence de la France républicaine et met en place une politique de régénération morale (instauration de lois violant les règles démocratiques et mise en place d'une législation d'exclusion politique et raciale), en mettant en avant sa figure personnelle censée fonder la relation privilégiée entre les Français et le chef de l'Etat. Dans la deuxième salle de l'exposition, j'apercevrai le petit agenda du Maréchal, ouvert à la date du 10 juillet, date de naissance de l'Etat français « occupé ». Si le général de Gaulle cherche à rallier les bonnes volontés, les chefs politiques et militaires de l'Empire colonial français font alors majoritairement le choix de la fidélité au gouvernement légal. Il faudra attendre le 20 juillet pour qu'un premier territoire, celui des Nouvelles-Hébrides, se rallie à la « dissidence ». Peu à peu, le mouvement gaulliste pourra s'asseoir sur une base territoriale en voie de devenir, avec le ralliement du Tchad, du Cameroun, de l'Oubangui et du Congo du 26 au 28 août, celui des territoires indiens et océaniens en septembre, et enfin le ralliement du Gabon en novembre. Si bien que fin 1940, la France Libre disposera d'un territoire largement africain, certes excentré mais non dénué d'intérêt stratégique et économique. De quoi poser les bases d'un Etat souverain et de disposer d'une frontière commune avec l'ennemi italien pour reprendre le combat de manière autonome.

 

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