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Rochefort en Terre
(Morbihan, Bretagne, France)
Heure locale


Jeudi 3 mai 2012

 

Disposant de quelques jours de repos, j'en profite pour faire un saut en Bretagne, chez un ami. Généralement, il pleut lorsque je passe quelque part et je m'attends à une météo défavorable pour les prochains jours. Nous partons aussitôt dans l'intérieur du pays, en direction de Rochefort en Terre, une petite cité de caractère (labellisée depuis 1978) que j'avais déjà traversée autrefois. La campagne est verdoyante et fleurie, les maisons bien entretenues avec leurs volets peints. Le soleil est au rendez-vous et les températures seront estivales au cours de l'après-midi. Hors saison, Rochefort en Terre ( en breton, Roch'an Argoat) reste très fréquentable car les touristes n'envahissent pas encore la petite ville. On peut même se garer à l'intérieur de la cité alors que durant la haute saison, l'accès est fermé et il faut laisser son véhicule à l'extérieur, sur l'un des nombreux parkings disponibles. Au XII ème siècle, on érigea une forteresse sur un promontoire rocheux, à des fins stratégiques, promontoire qui dominait la vallée de Gueuzon, un affluent de l'Arz, au cœur des Landes de Lanvaux (arête rocheuse, vestige du Massif armoricain qui traverse le Morbihan d'ouest en est). C'est à cette forteresse-là que Rochefort en Terre ( qui signifie la roche dans les terres) devra son nom. Le seigneur de Rochefort contrôlait ainsi une voix de passage essentielle (de Malestroit à La Roche Bernard) conduisant alors du littoral jusqu'à l'intérieur du Duché de Bretagne. Il imposera ainsi un droit de passage qui enrichira les seigneurs suivants.


 

Le château (malheureusement inaccessible actuellement car en cours en restauration) fut ensuite occupé par d'importantes familles qui joueront non seulement un rôle dans l'histoire de la Bretagne, mais aussi dans celle de notre pays. En 1872, on ajoutera « en Terre » au nom de Rochefort, suite à une demande des Postes et Télégraphes de l'époque et ce, afin de faciliter l'acheminement du courrier. Autour de ce château va se développer un bourg. A partir du XII ème siècle, la petite ville partagera l'histoire mouvementée du château et de ses maitres, en vivant en première ligne les vicissitudes du Moyen âge puis de la Renaissance. Le bourg se développera très tôt avec son monde d'administrateurs et de gens de justice des riches demeures du haut bourg, ses commerçants et ses artisans des venelles à flanc de coteau. Cette prospérité ne survivra pas à l'ancien régime. Rochefort en Terre traversera alors une longue période de déclin, que l'exploitation des ardoisières, des clouteries et des tanneries ne suffiront pas à enrayer. L'union maritale, en 1374, des familles Rochefort et de De Rieux fera de la nouvelle famille l'une des plus puissantes du Duché de Bretagne. A cause de cela, le château sera détruit une première fois à la suite de la défaite de Saint Aubin du Cormier contre la France en 1488, une défaite qui marquera la fin de l'indépendance du Duché de Bretagne. La forteresse sera reconstruite dans un style encore plus luxueux mais sera incendiée en 1594 durant les Guerres de religion par le Gouverneur de Redon. Une nouvelle fois, on restaurera le château à l'identique dans la deuxième moitié du XVII ème siècle. Malheureusement, il ne résistera pas à la Révolution Française: Après que les Chouans aient envahi Rochefort en Terre, l'armée républicaine pénètrera dans la cité et démantèlera la forteresse, pierre par pierre, pour qu'il ne serve pas aux Chouans. Seules les écuries seront épargnées. Celles-ci seront d'ailleurs transformées plus tard en habitation par le Docteur Juhel qui s'y installera. Il vendra ensuite sa propriété au peintre américain Alfred Klots. Là , débutera une nouvelle vie pour le château et pour Rochefort en Terre. En effet, Alfred Klots, né à Saint Germain en Laye, venait d'une famille américaine entretenant des relations commerciales avec la France. Il tombera amoureux de la région lors d'un séjour qu'il effectuera en 1903 à l'auberge Lecadre, auberge qui accueillait alors de nombreux paysagistes et portraitistes. Après avoir loué une partie de la résidence du Docteur Juhel, Alfred Klots rachète le tout en 1907. Et lance en 1911 un concours richement doté de façades fleuries. Ce concours contribuera beaucoup à la réputation de la cité. Durant les années trente, Rochefort en Terre attire déjà de nombreux touristes. Après la Première guerre mondiale, un nouveau château est érigé. En 1976 (au décès de Trafford, le fils d'Alfred Klots), le Conseil Général du Morbihan rachète les lieux et en est depuis toujours resté le propriétaire. Artiste portraitiste, Alfred Klots laissera ses peintures en témoignage de son passage (comme cette peinture d'un mariage breton, ci-dessous, qui peut être admirée au Café Breton). Son fils Trafford, lui aussi artiste peintre, perpétuera la tradition, en composant notamment une toile représentant son père en train de prendre le thé, en 1933.


 

Un autre peintre, suisse celui-là, Marius Borgeaud peindra aussi dans la cité durant une dizaine d'années, à partir de 1909. Après de brèves étapes à Pont-Aven et à Locquirec jusqu'à 1908, il passera la plus grande partie de son temps en Bretagne. Il rencontrera à Rochefort en Terre Madeleine Gascoin qu'il épousera en 1923. Sa peinture se caractérisera par l'originalité de ses motifs, la représentation de lieux anonymes et d'intérieurs privés. Rochefort en Terre accueillera d'autres personnages célèbres: Françoise d'Amboise, par exemple, fille du riche seigneur Louis d'Amboise (Prince de Talmont), femme de la haute noblesse française, et duchesse de Bretagne de 1450 à 1457 par son mariage avec Pierre II. Charitable avec les pauvres, elle fondera le premier carmel de France à Vannes, puis sera béatifiée peu de temps après sa mort. L'église Saint Pierre abrite sa statue (ci-dessous).


 

Marie-Louise Trichet la bienheureuse marquera aussi la cité. Venue à Rochefort en Terre au XVIII ème siècle, elle signera l'acte de fondation de la maison de retraite. Elle sera la fondatrice, avec Louis-Marie Grignion de Montfort, de la congrégation religieuse catholique des Filles de la Sagesse.

Enfin, Naïa sera le nom portée par cette femme née à Malansac, d'un père rebouteux, et considérée comme une sorcière. Elle aurait vécu dans les ruines du château de la cité au début du XX ème siècle.

La petite cité se visite facilement à pied. L'office du tourisme ( qui abritait au XVII ème siècle la maison de la Justice), situé sur la Place du Puits vous proposera un circuit traversant les curiosités à ne pas manquer. Je me mets bientôt en route, en direction , de la Place du Puits vers la rue des Scourtets. Je tourne aussitôt à droite avant de longer les remparts (première photo ci-dessous). Ces vieux murs datent des XIVème-XVI ème siècles. Au sommet d'un éperon rocheux, on comprend mieux l'intérêt de la construction d'un château à cet endroit. Le bourg se développera d'abord au nord, au pied du château, partie du village encore appelée de nos jours « le vieux bourg ». Une petite chapelle, la Chapelle Saint Jean (deuxième photo) est visible au loin. Depuis le haut des marches, je peux contempler les alentours avec les Grées ( troisième photo), ces collines de schistes où poussent la lande et la bruyère. Au XIX ème siècle, des puits furent creusés pour extraire l'ardoise bleue qui est partout présente dans la cité. Cette activité cessa malheureusement au milieu du XX ème siècle.

Je croise sur mon chemin des maisons anciennes (ci-dessous). Pour un si petit bourg, l'architecture est étonnamment variée: Maisons à pans de bois, bâtiments de style gothique, demeures de la Renaissance... Ce mélange d'influences fait de Rochefort en Terre l'un des plus beaux patrimoines architecturaux de Bretagne. Les plus jolies maison se situent entre la Place Saint Michel et la Place du Puits. Cette dernière est fleurie de géraniums (on surnomme Rochefort en Terre la cité des géraniums), lierre et glycines. Cette glycine actuellement en fleurs orne la façade de la mairie depuis plus de 200 ans! (ci-dessous). Cette ville fleurie est le fruit d'un important travail en amont, puisque l'hiver, la mairie propose aux habitants d'abriter gratuitement leurs fleurs dans des serres. Quant aux vieilles demeures, elles abritent bien souvent des artisans se livrant à différentes activités (céramique, bougies, savon, travail du cuir et du verre, vannerie, biscuiterie artisanale...). On y trouve aussi des galeries d'art et de nombreuses tables gourmandes , des crêperies aux restaurants gastronomiques. Enfin, si vous passez par là le soir, en été, durant le weekend ou pendant les vacances scolaires, vous profiterez de la mise en lumière de la cité.


 

Je rejoins bientôt la Place Saint Michel: Au fond de cet ancien champ de foire se trouve la Chapelle Saint Michel (ci-dessous). Cette petite chapelle date du XVII ème siècle et fut rénovée au XX ème. Elle est ornée d'une loggia où le prêtre célèbre la messe durant le pardon de Notre Dame de la Tronchaye le dimanche qui suit le 15 août. Revenant sur mes pas, j'emprunte la rue Saint Michel jusqu'à la Place des Halles où se trouvent la mairie ( à la droite de laquelle on peut observer l'auberge des Soeurs Lecadre, actuellement auberge du Pélican).mais aussi les Halles à la restauration ratée (celles-ci abritent désormais une banque et des boutiques qui dénaturent les lieux, c'est dommage!) . Ces halles, qui datent du XVII ème siècle, abritaient autrefois les marchés et les foires. . Mon ami et moi nous arrêtons au Café Breton, une petite crêperie située dans la rue du Porche, continuation de la rue Saint Michel. L'accueil, très chaleureux va de pair avec la beauté des lieux: peintures d'Alfred Klots sur les murs, superbes boiseries anciennes et crêpes délicieuses!


 

Après notre pause, une promenade digestive s'impose. Je reprends alors ma route en direction cette fois de la Place du Puits, tourne à gauche à l'angle de l'office de tourisme et descend tout droit vers le lavoir (ci-dessous). Une fois franchie la Porte de l'Etang, un des points d'accès principaux de la cité autrefois. Ce havre de paix accueille les touristes désireux de pique-niquer au milieu de la verdure. Je rebrousse chemin, franchissant à nouveau la fameuse porte, puis je prends sur ma gauche ( rue de l'étang) en direction de la Place de l'église. Je me trouve bientôt face à la Collégiale (deuxième photo) qui offre une magnifique façade en pierre sculptée de style gothique flamboyant. Face à elle, sur le parvis de l'église, se trouve un calvaire qui représente la Bible des Pauvres sous la forme de trois étages de sculptures, avec entre autre la passion et l'ascension du Christ (dernières photos). Autrefois, ce calvaire servait de bible aux pauvres qui ne savaient pas lire.


 

La Collégiale doit son emplacement excentré à la découverte à cet endroit, au XII ème siècle, d'une Vierge cachée dans un tronc d'arbre, d'où son nom Notre Dame de la Tronchaye. Au XII ème siècle, on mentionne une simple chapelle de style roman comme on peut le voir grâce à la présence d'une empreinte dans le mur nord du transept ainsi que le clocher. Puis, on construisit l'église actuelle au XV ème siècle. Celle-ci est alors équipée de stalles puis est ornée d'un jubé déplacé depuis à la tribune. Agrandie et restaurée en 1533 par le Seigneur de Rochefort, elle est depuis dotée d'une façade de style gothique flamboyant. Au XVII ème siècle, le choeur où officiaient les chanoines est fermé par un retable de pierre. On ajoute une nouvelle nef à la Collégiale pour mieux accueillir les paroissiens. Puis on restaure et on accueille deux retables venus de l'ancien couvent de Bodélio en Malansac. Rochefort devient ainsi paroisse et doyenné en 1802. En 1925, la bâtisse est classée monument historique. De grands travaux sont alors entrepris. On réaménage le choeur en retirant le retable de pierre que l'on place dans l'arrière choeur. Deux vitraux sont composés dont un surplombant le choeur (ci-dessous). La Collégiale abrite également la statue de N.D de la Tronchaye qui fut retrouvée dans un arbre par une bergère (troisième photo). Depuis lors, Rochefort devint un lieu de pèlerinage et en 1925, le Pape autorisa le couronnement de la Vierge Marie.


 

La promenade se poursuit en empruntant la rue Notre Dame de la Tronchaye puis la Grande Venelle, sur sa droite, et la Venelle de l'étang. On admire au passage la tourelle nantaise (XVI ème siècle) située sur une maison double associant décors de style gothique et Renaissance. Puis, il faut se diriger vers le château pour y découvrir l'histoire des peintres américains Alfred et Trafford Klots. Cette plongée dans l'histoire locale se termine ainsi, sous un soleil radieux et des températures dignes d'un mois de juillet.

 

 

 

INFOS PRATIQUES:

 


  • Histoire de Rochefort en Terre, de Gérard Rineau (Editions Ouest France,2002), en vente à l'office de tourisme de la cité (5€).

  • Café Breton, 8 rue du Porche à Rochefort en Terre. Tel: 02 97 43 32 60. Service continu. Ouverte toute l'année ( sauf le vendredi hors saison). CB acceptées. Très bon accueil.

  • Office de tourisme de Rochefort en Terre, 7 Place du Puits à Rochefort en Terre. Tel: 02 97 26 56 00. info@rochefortenterre-tourisme.com

     

    Visites guidées de la cité en téléphonant au 02.97.43.33.57

  • Château de Rochefort en Terre ( en cours de restauration): 02.97.43.31.56

  • Collégiale N.D de la Tronchaye, Place de l'église à Rochefort en Terre. Tel: 02.97.66.20.37. Ouverte tous les jours

  • Nombreuses idées de séjours sur le site internet: www.rochefortenterre-tourisme.com

    réservations sur le site: www.morbihanresa.com : morbihan-resa@morbihan.com

     

    Tel: 02.97.42.61.60

  • Site internet des Petites Cités de caractère: www.cites-art.com

  • Site des plus beaux villages de France: www.les-plus-beaux-villages-de-france.org

  • Site des Villes et Villages fleuris: www.villes-et-villages-fleuris.com











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