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Kabuki, costumes du Théâtre japonais
(Paris, France)
Heure locale


Vendredi 11 mai 2012

 

Je n'ai jamais encore eu l'occasion de découvrir le kabuki et son univers. C'est pourtant un aspect incontournable de la culture japonaise, qu'une exposition parisenne vous propose actuellement d'aborder : Kabuki, costumes du théâtre japonais. La Fondation Pierre Bergé- Yves Saint Laurent consacre ainsi sa 17è exposition aux fameux costumes. Issus de la collection Shôchiku Costume ( qui fut fondée en 1895 par les Frères Otani dans le but de produire des spectacles de kabuki), ces derniers sont accompagnés de leurs accessoires, d'estampes, de photographies et de films documentaires qui transportent les visiteurs dans cet univers magique d'un théâtre né au Japon au XVII ème siècle. C'est la première exposition entièrement consacrée au kabuki, qui se tient à Paris.

Le kabuki est la forme épique du théâtre traditionnel japonais. Son jeu d' acteurs est spectaculaire et codifié, le maquillage élaboré, et les dispositifs scéniques contribuent au succès général. KA (chant) BU (danse) KI (habileté technique) provient probablement de la forme ancienne du verbe Katamuku ( autrefois Kabuku) qui signifiait une action peu orthodoxe et qui représentait autrefois un théâtre naissant d'avant garde donc choquant. Les origines du kabuki se trouvent dans les spectacles religieux d'une prêtresse nommée Okuni, fondatrice dudit théâtre. Okuni (appelée aussi Izumo no Okuni) inventera d'abord un nouveau style de danse à Kyoto, interprétant tour à tour des rôles d'hommes (samouraïs ou prêtres chrétiens) et de femmes. Puis, elle se distingue par un style artistique franchement érotique comme dans la pièce Nembutsu Odori ( danse religieuse en l'honneur du bouddha Amida).En 1603, elle fait sa première apparition costumée au temple Tenman-gu de Kitano et interprète un jeune désoeuvré (kabuki mono) qui flirte avec une serveuse de maison de thé tout en prenant du bon temps dans un quartier de plaisir. Les premières représentations offrent chants et danses sans intrigue réelle, mais vantées pour leurs couleurs et leur beauté. Peu à peu, les chants et les danses sont complétés par des éléments dramatiques tandis que le kabuki se répand peu à peu dans tout le pays, et notamment dans les bordels distrayant les riches visiteurs. Lorsqu'Okuni disparaît, le shogun Tokugawa Ieyasu défend aux femmes de participer à ce genre de spectacle à cause de l'implication du monde de la prostitution dans ce nouveau théâtre. Le kabuki disparaitra ainsi de la scène jusqu'au...XX ème siècle !

 

Parallèlement, un kabuki joué par des hommes avait progressivement fait son apparition. Les jeunes garçons pouvaient ainsi interpréter les rôles féminins à s'y méprendre et la danse fut délaissée pour privilégier l'action dramatique et les postures valorisant les acteurs. Mais les troubles à l'ordre public (certaines représentations se terminaient parfois en bagarres pour s'assurer les faveurs des acteurs les plus remarqués) conduisirent à l'interdiction du kabuki en 1642, et jusqu'à 1653, date à laquelle seuls des hommes d'âge mûr seront autorisés à interpréter ce genre théâtral. Ce nouveau « yaro kabuki » (kabuki masculin) devient plus sophistiqué et stylise son jeu. Certains hommes se spécialisent dans les rôles féminins, alors que certaines femmes étudient à nouveau le kabuki depuis peu. Deux styles de jeux importants vont alors apparaître ( qui correspondent à deux publics différents) : Le style « rude » ( appelé aussi aragato où l'acteur accentue la prononciation des mots et sa gestuelle tout en portant des costumes et des maquillages plus voyants) créé par Ichikawa Danjuro et le style « souple » (surnommé wagoto, au phrasé plus réaliste) créé par Sakata Tojuro dans le Kansaï.

 

De 1673 à 1735, l'ère Genroku est le moment du vrai développement du kabuki. On assiste à une formalisation des pièces et le jeu et les rôles deviennent indissociables du théâtre de marionnettes qui prendra bientôt le nom de Bunraku. Plusieurs pièces ( en réalité la moitié du répertoire traditionnel du kabuki) seront d'ailleurs écrites par Chikamatsu Monzaemon pour le bunraku, avant d'être plus tard adaptées pour le kabuki. Le jeu d'acteur est aussi primordial : Ichikawa Danjuro met en place deux éléments essentiels du style aragato, la pose (arrêt du mouvement pour souligner l'importance de l'intrigue) et le maquillage ( qui indique de quel personnage il s'agit et qui accentue les expressions).

La deuxième moitié du XVIII ème siècle voit le kabuki décliner à nouveau devant la montée en puissance du bunraku (théâtre de marionnettes). Les deux écoles de kabuki (celles de Kyoto et de Osaka) fusionnent alors en une seule.

L'ère Meiji verra le retour en grâce du kabuki alors que le Japon doit faire face à l'apparition de la culture occidentale. Le développement de la presse permet l'apparition d'histoires nouvelles et nombreuses, ajoutant dans les pièces un fond de faits divers. Les acteurs, eux, adaptent le genre théâtrale à l'esprit des nouvelles classes dirigeantes. Le succès est total le 21 avril 1887 lors d'une représentation devant l'Empereur. De nombreux théâtres seront malheureusement détruits lors de la seconde guerre mondiale et les représentations seront interdites dès le début de l'occupation. Elles reprendront en 1947.

 

Victime de rejet au sortir de la guerre, le kabuki est relancé grâce au metteur en scène Tetsuji Takechi qui s'efforcera de présenter des pièces novatrices. Aujourd'hui, ce genre théâtral reste le plus populaire des styles de théâtre traditionnel japonais en termes d'audience. Et si celui-ci mobilise moins de professionnels que le théâtre No, ses acteurs jouissent d'une plus grande notoriété, apparaissant souvent dans des films ou des téléfilms. Les salles de kabuki restent pourtant rares et se trouvent surtout dans les grandes villes. Les principales troupes effectuent souvent des tournées dans le monde entier, promouvant ainsi un théâtre qui est désormais classé parmi les chefs-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité par l'UNESCO (depuis 2005).

 

L'exposition Kabuki, costumes du théâtre japonais, offre aux visiteurs de découvrir des costumes portés par des acteurs lors des représentations, et accompagnés de leurs accessoires. Ces costumes de style contemporain donnent une image du genre théâtral tel qu'il est joué de nos jours. Généralement extravagants, somptueux et très colorés, ils participent à l'aspect spectaculaire du kabuki. La noblesse japonaise interdisait formellement de copier le style de ses vêtements et d'employer les mêmes processus de confection. On se servit donc de parades afin d'offrir aux acteurs le moyen de se faire remarquer, grâce à certaines disproportions et exagérations dans la création des tenues de scène. Mais ne nous y trompons pas ! Chaque costume cache plusieurs indices révélateurs de la personnalité du rôle interprété ainsi qu'une codification très précise. A chaque rôle correspondent des formes, des couleurs, des motifs, des maquillages, des accessoires particuliers qui permettent au spectateur de reconnaître le caractère du personnage, son statut social, son âge et sa situation sociale. Le costume permet aussi à l'acteur de rentrer complètement dans son rôle, facilitant ainsi sa technique de jeu et influant sur sa gestuelle.

 

L'exposition s'articule en trois parties : La première partie présente des costumes appartenant aux pièces emblématiques du kabuki : Il s'agit d'une sélection des principaux costumes appartenant aux cinq pièces de théâtre les plus représentatives du kabuki. Ils offrent une grande variété de matériaux et de formes, depuis les somptueux kimonos de soie richement brodés en passant par d'autres vêtements , plus modestes, en toile de coton rugueux teinté, mais aussi de magnifiques pièces de soie peinte. On admirera ainsi une des pièces les plus imposantes qui consiste en un costume en coton du héros de la pièce Shibaraku. La particularité de ce dernier réside dans ses manches disproportionnées au milieu desquelles se trouve le carré mimasu, blason de la famille du grand acteur Ichikawa Danjuro.La seconde partie, elle, montre des costumes utilisés pour les scènes dansées : La chorégraphie souvent associée à la pièce de kabuki comporte trois styles de danses distincts, odori,mai et furi. Le danseur apparaît tantôt seul, tantôt entouré d'un imposant corps de ballet, tandis qu'au fond de la scène, une quarantaine de musiciens et de chanteurs assurent l'accompagnement.La plupart des danses se font en solo et sont réservées aux personnages principaux de la pièce. Elles sont souvent des adaptations de Nô et de Kyogen, ce qui explique la richesse et la somptuosité des costumes, habituellement extravagants avec des motifs détaillés.La dernière partie de l'exposition est consacrée aux costumes présentant quelques particularités : On trouve sur place cinq costumes parmi lesquels un kamishimo typiquement employé pour les rôles de samouraïs, ou encore un costume en papier, appelé Kamiko et porté dans la pièce Kuruwa Bunsho (Lettres d'amour du quartier des plaisirs) pour le rôle de Fujiya Izaemon. Ces mêmes lettres, qui, cousues ensemble forment le fameux costume.Le vêtement est le symbole du malheur lié à la perte de l'argent et du statut social et est reconnaissable par ses motifs de kanji calligraphiés et ses teintes bicolores en noir et lilas.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • KABUKI, costumes du théâtre japonais, jusqu 'au 15 juillet 2012. L'exposition a lieu à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, 3, rue Léonce Reynaud à Paris (16è). Tel : 01 44 31 64 31. Site internet : http://www.fondation-pb-ysl.net/fr/Expositions-a-venir-597.html

     

    Ouvert de 11h à 18h (fermé le lundi).

     

    Droit d'entrée : 7€

     

    Accès : Métro : Alma Marceau (ligne 9), Bus 42, 63, 80, 92 et 72. Parking : Avenue George V

  • Catalogue de l'exposition bilingue français-anglais au prix de 30 €

  • Conférence proposée par Monique Younès le 19 juin 2012 dans les salons de la Fondation, à 19h00 (conférence incluse dans le prix du billet d'entrée de l'exposition). Réservation obligatoire : conferences@fondation-pb-ysl.net

    ou en téléphonant au 01 44 31 64 17/19

  • Remerciements à la la Fondation Pierre Bergé- Yves Saint Laurent pour son aide et à Luc Castel qui a réalisé les photographies.










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