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Parade, au Musée des Arts Décoratifs
(Paris, France)
Heure locale

 

Mercredi 15 janvier 2014

 

Aimez-vous les jouets ? Si oui, sachez qu'une exposition se tient actuellement au musée des Arts décoratifs (Paris). Nommée « Parade », celle-ci met en scène des jouets liés au monde du spectacle, et permet au visiteur de découvrir deux mondes différents : celui du cirque et celui du théâtre, deux univers de divertissement populaire qui ont beaucoup inspiré les créateurs de jouets à la fin du XIX è siècle. Deux cents objets sont ainsi présentés, grâce, entre autres, au prêt d'une collection de clowns mécaniques. On retrouve également sur place une sélection d'oeuvres d'artistes, plasticiens, photographes et réalisateurs, qui nous replongent dans notre enfance. Pour l'occasion, Jean-François Guillon, a mis en scène ces univers festifs au travers de dispositifs ludiques (jeux de lumières et de typographies, jeux de mots et de silhouettes), mais avec un théâtre d'ombres animées, une installation vidéo et une œuvre sonore.


 

Les curieux dont je fais partie découvriront deux cirques rares : Celui de la firme américaine Schoenhut (1905) et l'incontournable cirque Pinder (1975). Fondé en 1854 au Royaume-Uni, le cirque Pinder doit son existence aux Frères Williams et à George Pinder. Au tout début, ce cirque fut surnommé « cirque Britania », du nom du navire dont les voiles servent désormais de chapiteau. Puis, Pinder se donna une mascotte : l'éléphant. Après de nombreux allers et retours entre l'Angleterre et notre pays, le cirque s'installera en France dès 1904, pour débuter depuis ses tournées chaque année à Tours et les finir à Paris aux alentours de la mi-janvier. George et William Pinder étaient à l'origine des spécialistes de l'âge équestre. Le cirque Pinder deviendra le partenaire de l'ORTF, dans les années soixante, période durant laquelle il accueillera Roger Lanzac pour l'émission de radio « Le Jeu des Mille francs », puis l'émission « La Piste aux Etoiles ». En difficulté à partir de 1971, il est racheté par Jean Richard et porte le nom « Pinder-Jean Richard ». En 1983, Gilbert Edelstein (le père de Frédérick, qui est maintenant l'actuel directeur du cirque) , collaborateur de Jean Richard, rachète les actifs de l'entreprise. Ce cirque Pinder est une œuvre à quatre mains. Dès les années 1970, Pierre Petit imagine et fabrique des jouets en bois dans son appartement de Bourges. Raymonde Petit, son épouse, les peint avec une palette de quatre couleurs, des Valentines vives (jaune, rouge, bleu et verte). Ce cirque est composé d'une grande caravane sur roulettes, avec vingt-sept éléments, prête à prendre une route imaginaire. Il invite au voyage magique, tout en célébrant la fête, la loisir mais aussi un rite de passage avec le portique Pinder. Un troisième cirque (celui des Champs-Elysées), aujourd'hui disparu, témoigne d'une salle mythique et est aussi visible dans cette exposition. Celui-ci s'appela d'abord Cirque d'été, puis Cirque-Olympique des Champs Elysées, Cirque-National, puis Cirque de l'impératrice. D'abord simple cirque de planches et de toile installé par Adolphe Franconi (petit-fils du créateur du Cirque Olympique en 1835) la construction est remplacée en 1841 par un vaste édifice en meulière de 6000 places construit au Carré Marigny, d'après les plans de Jacques Hittorff, puis décoré par Bosio, Duret et Pradier. Copie en quelque sorte du Cirque d'Hiver, celui-ci fonctionnait du 1er mai au 1er septembre, en mettant à profit son exceptionnelle acoustique (Hector Berlioz y donnera une série de concerts en 1845) et sa célèbre attraction d'alors, le clown sauteur Jean-Baptiste Auriol. Son succès se poursuivra jusque dans les années 1880. Il sera démoli vers 1900, laissant son nom à la rue du Cirque. Le jouet animé et musical remonte à la fin du XIX è siècle et est constitué d'un coffret rouge et de ses deux battants. Une fois ouverts, ceux-ci sont décorés de loges occupées par des spectateurs en tenue de soirée. Cette boite à musique, conçue pour fasciner et endormir les enfants témoigne des loisirs et du public de l'époque.


 

Le créateur de jouets de Philadelphie, Albert Schoenhut, lui, s'inspirera des grands cirques ambulants du début du XX è siècle, comme le Ringling Brothers Bailey Circus et le Barnum & Bailey Circus aux Etats-Unis, pour créer des personnages et des animaux en bois peint articulés par des élastiques, en 1905. « Albert le Clown » sera le premier personnage fabriqué. Le visiteur trouve aussi le Humpty Dumpty Circus, qui sera toujours vendu en France dans les années trente sous le nom de « cirque américain ». Au début des années 1900, l'Amérique comptait une trentaine de cirques ambulants. Lorsqu'un cirque arrivait en ville, il donnait une parade pour montrer les artistes et les animaux. C'est en 1903 exactement qu'Albert Schoenhut se lança dans la miniaturisation de ces personnages : L'Amérique connait alors l'amour du cirque et notre artiste reproduit en miniature artistes-interprètes et animaux de cirque. Le jeu s'appellera Humpty Dumpty Circus, nom inspiré d'un jeu populaire à l'époque. Et connaitra un succès immédiat ! La collection comprend alors dix interprètes de base, plus de trente animaux différents, et une grande variété d'accessoires (dont des tentes de toile en trois dimensions). Les animaux sont essentiellement sauvages, un peu comme dans un zoo. Ils rassemblent les mêmes caractéristiques : un corps en bois articulé, peint à la main et souvent habillé de cuir, ou de feutre, pour les détails. Les premiers animaux ont des yeux de verre. Par souci d'économies, ils seront peints dès les années vingt, puis composés à l'aide de décalcomanies. Certains animaux, comme le lion, et l'éléphant, représentent les animaux du cirque par excellence alors que d'autres, comme le buffle et le loup, évoquent moins l'image du chapiteau. Mais peu importe, tous contribueront à la magie de ce qu'on appelait alors le cirque Schoenhut.


 

Un autre artiste, Alexander Calder, crée à son tour le Grand Cirque, entre 1926 et 1931. Sculpteur et peintre américain, né à Lawnton (près de Philadelphie) en 1898, il est le fils d'une riche famille d'artistes, avec pour père Alexander Stirling Calder, sculpteur, et pour grand-père, Alexander Milne Calder, sculpteur également. Après avoir travaillé en tant qu'illustrateur de bandes dessinées auprès de la « National Police Gazette », il réalise en 1925, et sur commande, l'illustration des spectacles du cirque Ringling Bros & Barnum & Bailey Circus. Et deviendra fasciné par le cirque, jusqu'à créer le Cirque Calder, un cirque pour petit public, avec ses automates, ses personnages miniature et sa piste de moins d'un mètre de large. Ces figures sont faites de fil de fer. L'artiste joue le maitre de cérémonie, de chef de piste et de marionnettiste, en faisant fonctionner manuellement les mécanismes, accompagné d'effets sonores et de musique. Une représentation aura lieu à Paris en 1926. Les premiers essais seront réalisés à partir des personnages du cirque Humpty Dumpty. Un extrait du film réalisé par Jean Painlevé est d'ailleurs montré dans l'exposition.


 

Dans le même espace, sont présentés une soixantaine de jouets à l'effigie du clown, cette figure incontournable du cirque, qui fait rire, ou qui console. Au programme : numéros et acrobaties humoristiques ! En 1974, Jacques Tati prétendait qu'il n'y aurait jamais eu de Charlie Chaplin, de Buster Keaton ou de Laurel & Hardy sans l'existence préalable du cirque. Ce personnage comique inspirera d'ailleurs l'une des scènes hilarantes (lorsque Jacques Tati mime un gardien de but) du film Parade, projeté dans l'exposition. Sans accessoires clownesques, Jacques Tati réalise la performance de faire rire, tout comme ces clowns : Auriol, qui courait sur des bouteilles, le duo Footit & Chocolat, Boum-Boum (du cirque Médrano), le trio des Frères Fratellini, Guguss & Boboss, puis les comiques du cinéma, Charlot et Laurel & Hardy.

Les Fratellini sont reconstitués sous la forme de jouet sur roulettes et figure alors dans le catalogue d'étrennes des Galeries Lafayette de 1925 sous la marque Jouets de Paris. Chaque personnage joue d'un instrument : Paul, de l'accordéon, François, le clown blanc, de la guitare et Albert, qui porte un chapeau haut de forme, du tuba.

Les années 1980 brillent au travers des masques de clown en plastique, qui constituent des ensembles colorés chez les fabricants français César et Festa. On y reconnaît Zavatta, Charly, Renato, le clown blanc,, le triste et le joyeux. L'exposition permet d'admirer deux de ces clowns, qui contrastent avec le monde miniature et chatoyant du jouet.


 

L'exposition « Parade » s'intéresse aussi au monde du théâtre : Au XIX è siècle, Paris comptait...26 salles de spectacles en activité. Parmi elles, citons la Comédie Française et l'Opéra, mais aussi d'autres théâtres privés du côté des boulevards allant de la Porte Saint-Martin à la Bastille, d'où l'expression « théâtre de boulevard ». Les enfants, petits ou grands, ont pour eux les théâtres de Guignol installés dans les parcs et jardins, et des théâtres d'ombre dans des salles de spectacles.

Deux scènes de théâtres miniatures sont exposées dans l'exposition : celle de l'Opéra dont le décor représente la façade d'un château au milieu d'un parc. La scène est animée par trois marionnettes suspendues à un fil. L'autre scène est celle de la Porte Saint-Martin (deuxième photo ci-dessous), composée d'un rideau de scène (descendant grâce à une manivelle) et d'un décor champêtre. L'imagerie Pellerin, elle, réalise dès 1796 des planches imprimées (première photo ci-dessous) que les enfants découpent et montent sur des cartons ou des planches de bois afin de bâtir leur propre théâtre, avec scènes et acteurs. Jean-Charles Pellerin est effectivement à l'origine de l'Imagerie d'Epinal, endroit où furent imprimées les premières images en série. Cette imagerie, l'imprimerie Pellerin, fondée en 1796, est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1986, tout comme la collection de 1344 bois gravés.


 

Guignol représente quant à lui une marionnette à gaine française créée à Lyon vers 1808 par un certain Laurent Mourguet. Et est le personnage principal du théâtre du même nom, accompagné de Gnafron et Madelon. Les pièces mises en scène de vieux canevas classiques de la commedia dell'arte. Pendant ce temps, les fabricants de jouets réalisent de vrais théâtres en bois vendus avec leurs marionnettes. On peut voir l'un d'entre eux sur place, qui illustre une scène de Méphistophélès, et date du milieu du XIX è siècle. Guignol est aussi présent dans les publicités de la marque de réglisse Zan (ci-dessous) à partir de 1899.

 

Au XVIII è siècle, notre pays découvre les théâtres d'ombre grâce à Dominique Séraphin. Celui-ci, véritable fondateur des ombres chinoises, passe sa jeunesse à Longwy ou Metz, puis suit une troupe de comédiens en Allemagne et en Italie pour s'initier enfin à l'art des marionnettes. Installé bientôt à Versailles, il crée son premier théâtre d'ombres. Et obtient en 1771 le titre de Spectacles des Enfants de France, pour son théâtre de silhouettes, avec lequel il a déjà eu l'occasion de divertir à plusieurs reprises la famille royale. Des coffrets Ombres chinoises apparaissent bientôt sur le marché, dans lequel on trouve le « pont cassé », l'un des grands succès de la troupe. Ces boites offrent aux enfants une multitude de scènes à imaginer. Parmi les tableaux à créer, on trouve des tableaux à sensation perforée, des saynettes comiques à faire dérouler, ou bien des silhouettes noires à animer avec des baguettes. L'ensemble complet de l'un de ces coffrets imprimés par le fabricant français de jeu Saussine est visible dans l'exposition. En ce qui concerne le cinéma d'animation, l'artiste allemande Lotte Reiniger fait sensation : cette femme, passionnée par le développement du cinéma de Georges Méliès (à cause des effets spéciaux) commence à réaliser des courts-métrages entièrement conçus de silhouettes de papier découpées dès les années vingt. Son œuvre restera « Papageno », magnifique opéra décrivant la féérie et l'amour.


 

Dans le monde des silhouettes animées, Jean-François Guillon, qui est à la fois scénographe, plasticien et graphiste, n'est pas en reste puisqu'il met en place plusieurs dispositifs où des mots et des silhouettes se déploient, se déplacent et se rencontrent tout en créant des poèmes visuels animés. Ses deux réalisations majeures sont « Grande Parade » (une vitrine dédiée au cirque, qui présente un ensemble de silhouettes découpées évoquant les grandes figures de la piste aux étoiles) et « Tous en Scène » (vitrine consacrée au théâtre, conçue autour d'une source lumineuse mobile qui se déplace autour d'autres silhouettes découpées qui rappellent des personnages de théâtre, provoquant ainsi une chorégraphie ludique et envoûtante). Jean-François Guillon est enfin à l'origine de l'oeuvre sonore « Le Locuteur ».


 

 

 

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