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Le Quartier de Triana et la Céramique
(Séville, Andalousie, Espagne)
Heure locale


Vendredi 7 novembre 2014

 

Qui dit Espagne, dit céramique ! L'Andalousie ne fait pas exception à la règle. On en rencontre partout, dans les rues, sur les devantures de certaines boutiques, de cafés ou de restaurants, ou sur des monuments. Frais en été, résistants et colorés, et même parfaitement réparables, les « azulejos », ces carreaux de céramique émaillée sont issus de techniques de fabrication importées par les Maures. Le mot azulejo provient d'ailleurs de l'arabe al-zulayj (pierre polie). Ces azulejos maures sont des mosaïques complexes à base de pierres monochromes. L'azulejo désigne aussi bien un carreau qu'un ensemble de carreaux de faïence décorés. Ces carreaux sont ornés de motifs géométriques ou de représentations figuratives. On les trouve tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des bâtiments. Je me régale personnellement de ces images croisées au hasard de mes promenades (comme ci-dessous en photo, à Séville). Ca tombe bien, car c'est d'abord en Andalousie que cet art s'est développé pour la première fois, au XV è siècle.

 

Au départ, l'azulejo consista à imiter les mosaïques romaines, elles-mêmes assemblages de petites pierres polies. Les Maures importèrent donc la technique de l'émail stannifère opaque, lors de leur occupation, technique qui se répandit ensuite dans toute la péninsule ibérique. A Séville, l'artisanat des azulejos prospéra et évolua dans les poteries de Triana. Un procédé développé au XVI è siècle en Italie permit alors de peindre de nouveaux motifs et d'utiliser de nouvelles couleurs. La révolution industrielle autorisa la production d'azulejos à grande échelle dans des usines comme celle de Charles Pickman, au Monastère de Santa Maria de las Cuevas.

D'abord non figurative, à cause de l'interdiction de la figuration dans les préceptes de l'islam, la décoration des azulejos ne comportera des ornements qu'à partir de la fin du XV è siècle sous l'influence de la majolique italienne. Les premiers azulejos figuratifs sont peints à Séville vers 1500 par Francesco Niculoso, potier italien originaire de Pise, qui influencera considérablement la production d'azulejos dans la péninsule ibérique.On le connait aussi sous le nom de Francisco Pisano. Avant son arrivée à Séville, les azulejos formaient des motifs géométriques et étaient produits en série par des artisans. Sous son influence, les carreaux deviendront de vrais tableaux figuratifs mais aussi des œuvres signées par leurs auteurs. C'est à partir de l'Andalousie que l'Espagne développera à son tour ce savoir-faire. De nos jours, les plus beaux ensembles d'azulejos visibles en Espagne se trouvent à l'Alcazar (avec des murs de faïence dans la chapelle gothique, ci-dessous) et à la Casa de Pilatos (deuxième photo). Le XX è siècle nous a, quant à lui, offert la Place d'Espagne (troisième photo).

 

Plus modestement, des panneaux de céramique plus modestes sont souvent utilisés en Espagne pour des représentations religieuses (ci-dessous, la Vierge de la Macarena, à l'église San Marcos) ou tout simplement pour garnir une devanture (sur cette deuxième photo, l'azulejo orne la façade d'une pharmacie d'un quartier sévillan).


 

Le centre de céramique Triana où je me suis rendu offre un aperçu des origines de la céramique et de la fabrication des azulejos, à Séville même, et à travers les siècles. La ville abrita plusieurs usines dont l'entreprise Mensaque, l'un des plus importants ateliers de céramique du quartier de Triana, dès le XVIII è siècle. La société changera plusieurs fois de nom. La société Montalvan fut, elle aussi, l'une des plus anciennes maisons à se consacrer à cet art , et la dernière à baisser le rideau en 2012. Elle fut créée en 1902, eut pour directeur Manuel Garcia-Montalvan fils, et vécut longtemps des commandes de la ville de Séville et de ses exportations. Né à Séville en 1876, Manuel Garcia-Montalvan était le fils de Francisco Garcia-Montalvan Vera qui avait déjà un atelier de porcelaine à Triana, au N°21 de la rue Nuevo Mundo, depuis le milieu du XIX è siècle. C'est à partir de là que fut fondée l'entreprise familiale. La fabrique de Ramos Rejano, elle aussi, installée dans le quartier populaire de Triana, fut l'une des entreprises de céramique les plus prestigieuses du XX è siècle. C'est Manuel Ramos Rejano (né à Cordoue en 1851) qui la fonda en 1895. Alors commerçant, il épousera la sœur du célèbre peintre José Villegas Cordero. Ce développement se fera en plusieurs étapes : de 1895 à 1922, le fondateur s'occupa de la gestion de son entreprise, puis, à son décès, en 1922, l'enseigne portera la mention « Veuve et Fils de Ramos Rejano », puis, plus tard, « Fils de Ramos Rejano ». Ci-dessous, une réalisation de l'entreprise.


 

Julio Laffitte, descendant de la famille française portant le même nom, créa la fabrique « Los Remedios », en 1894, au milieu des vergers du vieux couvent des Remedios, situé au bord du Guadalquivir. L'entreprise se spécialisa dans un premier temps dans la production de matériaux de construction, puis se lança dans la céramique artistique à partir de 1912. José Laffitte y Romero, le fils du fondateur, dirigera l'affaire de 1917 à 1923. L'entreprise s'installera alors Calle San Jacinto (près de la Calle Manuel Carriedo) et prendra le nom de Nuestra Senora del Rocio. Cette maison jouera un rôle important dans la fourniture d'azulejos à l'occasion de la construction des bâtiments de l'Exposition ibéro-américaine de 1929, décorant ainsi la Place d'Espagne, avec la participation de peintres talentueux comme Enrique Marmol, Manuel Canas, Angel Villarroel ou Francisco Pino. L'entreprise poursuivra son activité jusque dans les années 1930.

 

Un autre entrepreneur, Charles Pickman (dont on peut voir un panneau de céramique ci-dessus), s'imposera également à la Triana. Né à Londres, il commencera par importer de la vaisselle anglaise à Cadix puis s'installera à Séville, rachètera le monastère de Santa Maria de las Cuevas (profitant ainsi de la nouvelle loi du gouvernement libéral alors en place) et y installera une fabrique de porcelaine anglaise. Son arrivée provoqua un tournant radical dans ce monde local de la céramique : Charles Pickman importera d'Angleterre de nouvelles méthodes de travail, une technologie nouvelle, une main d'oeuvre spécialisée, des matières premières et de nouvelles stratégies de vente. Cela n'empêchera pas le nouveau venu d'entretenir les meilleures relations avec les artisans et les autres fabriques déjà présents. A cette occasion, des échanges fructueux auront lieu entre ouvriers, créateurs de modèles et peintres.

 

Au XIX è siècle, les fabriques du quartier de Triana étaient constituées en trois parties : les ateliers techniques, les ateliers artistiques et les services commerciaux. Elles avaient adopté la manière de travailler de Charles Pickman, au monastère de la Cartuja. Sur place, se trouvait souvent une salle d'exposition pour permettre aux clients d'admirer les modèles proposés. Les fabriques ouvraient aussi une boutique en ville, et des succursales dans d'autres villes importantes. On éditait des cartes de visite, des catalogues de produits avec illustrations, des publicités sur les supports publicitaires en vogue à l'époque. On se constituait des portefeuilles de clients importants, sans oublier le livre d'or pour les personnages illustres de passage. Ainsi se développa la céramique andalouse et sévillane des années durant, pour notre plus grand plaisir.

 

 

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