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L'Alhambra
(Grenade, Andalousie, Espagne)
Heure locale


Vendredi 14 novembre 2014

 

Pour ma première visite à Grenade, je vous propose de nous plonger dans l'histoire. Cette cité nichée au pied de la Sierra Nevada, se trouve au confluent de trois rivières, le Beiro, le Darro et le Genil, et fut la capitale du dernier royaume musulman de l'Espagne. Il y a très longtemps, à l'époque antique, Grenade était un quartier d'une ville ancienne appelée Ihverir, qui fut fondée par la tribu ibère des Turdules. Celle-ci passera sous le contrôle des Byzantins, puis des Wisigoths, à la suite de la chute de l'empire romain. Et prendra le nom d'Elvira. Lors de la conquête musulmane, en 711, un contingent arabe, venu de Syrie, se voit alors offrir comme butin Elvira et Granata (Grenade). La région ne connaitra pas de troubles trois cents années durant jusqu'en 1010, où la ville d'Elvira sera détruite lors d'une guerre civile. On vient alors se réfugier à Grenade, dans le futur quartier d'Albaicin. Zawi ibn Ziri y fonde une dynastie et fera de Grenade un royaume (taïfa) indépendant, trois ans plus tard. Les Almoravides attaqueront toutefois ce royaume almohade en 1090. En 1238, Mohammed Ben Nazar créera la dynastie des émirs nasrides. Puis se fera le vassal de Ferdinand III de Castille au point de l'assister dans la conquête de Cordoue puis de Séville. Grenade deviendra alors la capitale du dernier royaume musulman ibérique. La prospérité qui régnera alors sur la ville permettra aux souverains nasrides d'édifier les nombreux édifices de l'Alhambra, qui font aujourd'hui la renommée de la ville. Profitant des dissensions à l'intérieur de la cour nasride, et craignant le pouvoir grandissant des Ottomans, Ferdinand II d'Aragon et Isabelle 1ère de Castille, les rois Catholiques, attaqueront le royaume de Grenade, obtenant, après plusieurs années de combats, la reddition de l'émir Boadbil, le 2 janvier 1492.


 

L'Alhambra (surnommée la Rouge à cause de la couleur de ses murs au coucher du soleil) de Grenade est un ensemble palatial, et l'un des monuments majeurs de l'architecture islamique, mais aussi l'acropole médiévale la plus majestueuse du monde méditerranéen. La visite que je vais y effectuer durera plusieurs heures et nécessite de réserver à l'avance. Mais cela n'est pas mentionné dans mon guide français. C'est le réceptionniste de mon hôtel qui organisera la visite pour moi. J'obtiens un rendez-vous pour 13h30 afin de visiter les palais nasrides, car c'est l'accès à ces palais qui posent problème compte tenu du flux parfois très important de visiteurs à cet endroit (et l'obligation de réserver pour la visite de ces palais n'est due qu'à la nécessité de réguler ce flux!). On me conseille d'être à l'heure, et je décide de visiter préalablement le reste de ce qui est finalement une petite ville. Aujourd'hui, le temps n'est pas de la partie. La pluie tombe ce matin à mon réveil et je suis plutôt pessimiste pour la journée. Je ne peux remettre cette visite puisqu'elle est déjà réservée. J'emprunte plusieurs autobus avant de parvenir à destination et me rends au guichet 4 afin de retirer mon ticket d'entrée. Là, j'aperçois la caissière en train de feuilleter un catalogue de jouets (il faut bien préparer les fêtes de Noël). Ambiance. Elle me remet mon ticket, me regardant à peine. L'accueil contraste avec celui d'une jeune employée espagnole qui parle bien notre langue, mais m'avouera ne pas disposer de brochure explicative. Soudain, je remarque un tas de dépliants en anglais sur un comptoir. Il s'agit du plan des lieux. Séquence improvisation. Je pensais que la visite était libre, c'est à dire que je pouvais commencer par un endroit ou par un autre la visite du Généralife, mais je me trompais. Un système de tourniquets m'empêchera d'entrer par une partie du site qui se révèlera être ...la sortie. L'endroit est, de ce point de vue, assez contraignant. Je commence donc ma visite par ce palais d'été des princes nasrides, en suivant cette fois scrupuleusement le parcours fléché. C'est là, dans ces grands jardins (ci-dessus) que les princes cherchaient un peu de fraicheur, entre ombrages et fontaines (celles-ci étant alimentées par la captation des sources des montagnes de la sierra Nevada, toute proche). Le Généralife est situé hors des murs d'enceinte, sur un autre versant. Nos princes coulaient ainsi des jours paisibles au milieu de jardins évoquant le Paradis musulman. Mais le Généralife est aussi une succession de salles, de bassins intérieurs, de haies, de balcons. Les jets d'eau d'apparat (ci-dessous) du patio d'Acequia en sont une parfaite illustration. Je croiserai plusieurs patios dont celui de la Sultane. Des jardins surélevés offrent un joli point de vue sur les environs, depuis le mirador romantique. Un escalier des eaux (deuxième photo ci-dessous) s'y trouve. Cette idée de placer des rigoles pour rafraichir l'air autour des personnes arpentant ces escaliers fut introduite par les Maures , mais sera reprise dans d'autres endroits en Espagne. On peut trouver des escaliers similaires dans les jardins du Partal. Les jets d'eau, eux, étaient une idée des Arabes pour rafraichir les courtisans du palais d'été. Au loin, je peux admirer l'amphithéâtre (deuxième photo). Je l'imaginais en pierre, il est de verdure.


 

Il s'est arrêté de pleuvoir, comme par magie, à mon arrivée à l'Alhambra. Qui dois-je remercier ? La providence ou Alladin ? Après la visite du Généralife, je me dirige vers la partie principale de l'Alhambra, matérialisée sur le plan par un circuit fléché de couleur noire. Une fois franchi un pont-levis, on y entre en laissant la Tour de l'eau sur sa gauche, à proximité de laquelle se trouve un ancien aqueduc. Je vous conseille, ou bien de vous procurer absolument un audioguide, ou bien de rejoindre le groupe d'un guide, pour obtenir toutes les informations souhaitées sur les différents pôles d'intérêt car il y a beaucoup de choses à voir et rares sont les panneaux d'information devant les sites. Je longerai immédiatement après la Médina, désormais en ruines (en photo ci-dessous). Je vous l'ai dit, l'Alhambra, outre la vie palatine des princes, constituait une véritable ville sur la colline du plateau de la Sabika. Cette cité était aussi peuplée par les fidèles des Nasrides, à l'écart des tumultes de la ville basse. Et la Médina, d'accueillir tous ces gens qui étaient au service des princes. Le long de la Médina, on peut apercevoir murailles, tours et portes : au plus fort de sa splendeur, l'Alhambra alignait trente tours de défense. Lors de la prise du monument par les troupes françaises de Napoléon Ier, les tours les plus stratégiques seront détruites pour rendre l'ensemble inoffensif. On trouve entre autre la Tour de la Captive (une princesse arabe était tombée amoureuse d'un chevalier chrétien et fut enfermée dans cette tour, d'où son nom), la Tour du Cadi, la Tour de Comares (c'est la plus grande tour de l'Alhambra, qui surplombe le palais du même nom, d'une hauteur de 45 mètres), ...ou la Tour de la Bougie, située à l'Alcazaba (ci-dessous, deuxième photo).


 

Je m'arrête quelques instants à l'ancien couvent de Saint François où sont enterrés Isabelle de Castille et le roi Ferdinand. Là se trouve désormais un parador (hôtel de luxe) qui a été aménagé depuis. On peut s'y restaurer (un bar se trouve au niveau inférieur) et y faire une pause avant de poursuivre sa visite. Je redescends ensuite vers l'Alcazaba (forteresse), la citadelle primitive qui fut édifiée sur le fronton sud de la colline de l'Alhambra. Sa position stratégique est incontestable et on peut profiter d'une vue panoramique des environs (première photo ci-dessous) depuis le sommet de la tour de la Bougie. On entre dans l'Alcazaba en passant à côté de la Tour de l'Hommage, puis on grimpe jusqu'à la place des Armes (ci-dessous, deuxième photo). L'Alcazaba abritait autrefois les guerriers de l'Alhambra et son architecture était destinée à la protection de la forteresse en cas de siège. Elle disposait d'une médina intérieure, distincte de celle de l'Alhambra. L'endroit disposait également de hammams, aujourd'hui en ruines. Durant la Reconquista, au XV ème siècle, les princes nasrides observaient du haut de la tour de la Alcazaba les mouvements des troupes militaires dans la plaine de Grenade.


 

Dans le prolongement des palais nasrides, que je m'apprête à visiter maintenant, se trouvent les jardins du Partal : situés dans l'enceinte de l'Alhambra, ils offrent une superbe vue sur le quartier de l'Albaicin. Construits en étages successifs, il sont séparés par des escaliers et des pergolas. La Tour des Dames en constitue l'une des pièces maitresses. Son portique des colonnades se réfléchit sur un bassin. On accède à ces jardins en quittant les palais nasrides. Pensez-y ! Car, sur place, on ne vous indiquera que deux directions, le Généralife ou l'Alcazaba. Avant de pénétrer dans les palais nasrides (mieux vaut prévoir de faire la queue au moins dix minutes avant votre heure de rendez-vous, à gauche du Palais de Charles Quint), je me rends au Palais de Charles Quint (ci-dessous), là où se trouvent plusieurs musées, dont celui de l'Alhambra. Il me sera par contre impossible d'y prendre des photographies. Ce palais est un ajout des vainqueurs castillans, postérieur à l'édification des palais mauresques de la colline de la Sabika. Adossé aux palais nasrides, il avait pour fonction de symboliser la mainmise du pouvoir de l'empereur sur ces terres conquises lors de la génération des rois catholiques qui l'ont précédé. Il s'agit d'un bâtiment de style renaissance, commandé par l'empereur qui désirait y établir sa résidence grenadine. Les rois catholiques avaient déjà réalisé quelques salles sur les lieux mais l'empereur, lui, avait dans l'idée de résider à cet endroit de manière permanente et dans une résidence digne de son rang. C'est l'architecte Pedro Machuca qui réalisera cette construction qu'on pourrait qualifier de maniériste, style encore naissant en Italie. La base du palais est un carré de 63 mètres de côté avec un patio circulaire en son sein. Ce qui en fait une construction avant-gardiste pour cette époque. L'édifice compte deux niveaux. L'ensemble se trouve à proximité du patio de los Arrayanes (deuxième photo). Sa construction débuta en 1527 et prendra dix années.


 

Je pénètre enfin dans les palais nasrides, le ticket à la main, pour un énième contrôle. L'un des gardiens me signifie que mon sac à dos est trop grand (il ne dépasse pourtant pas les 115 cm requis pour embarquer dans un avion) et qu'il me faut retourner à la consigne pour le déposer. Je demande alors pourquoi on ne m'a pas prévenu plus tôt, au contrôle précédent, à cent mètres de là. Le gaillard est têtu, moi aussi. Et d'argumenter en langue espagnole du manque d'organisation de l'entreprise et de la discrimination à mon égard : en effet, les gardiens prétextent que je pourrais abimer des décorations murales en me retournant avec mon sac. Je le comprends fort bien mais est-ce un problème de dimension du sac ou tout simplement de sa présence ? Tout le monde dans le groupe possède des sacs à dos. La brochure précise qu'il est interdit de pénétrer dans l'Alhambra avec un sac trop grand (qu'entend t-on par trop grand ? Aucune dimension ne figure sur la brochure) mais personne ne contrôle ces sacs à l'entrée. J'obtiens finalement de pouvoir pénétrer à l'intérieur des palais en le conservant à la main. Ce qui ne facilitera pas ma visite, occupé que je suis déjà, avec mon appareil-photos et mon carnet de notes. Je rédigerai plus tard une réclamation en bonne et due forme à l'office de tourisme non loin de là. Ma visite de ces palais nasrides est un peu gâchée par cette ambiance et je traverserai rapidement l'enceinte, prenant ici et là des photos de l'architecture des lieux. Franchement, l'endroit est joli mais ne casse pas trois pattes à un canard. De là à détériorer l'endroit avec un sac à dos...J'ai d'ailleurs conseillé aux gardiens de fermer les lieux à double clef pour ne rien endommager, et le laisser intact pour l'éternité. Regard ahuri de mes interlocuteurs. Je serai interpellé quelques instants plus tard par un groupe de jeunes bretons qui ont remarqué mon petit drapeau sur mon sac à dos. Nous échangerons quelques mots avant de reprendre nos chemins respectifs. Les palais nasrides sont une suite de salles multiples reliées entre elles par des vestibules. On découvre ainsi la Cour des Myrthes (patio de los Arrayanes, en photo ci-dessus) située au pied de la tour de Comares et du Salon des Ambassadeurs. La Cour des Lions (ci-dessous) est quant à elle une cour rectangulaire de 35 mètres de long sur 20 mètres de large, entourée d'une galerie couverte délimitée par 124 colonnes de marbre blanc. L'ensemble vaut le coup d'oeil. Au centre de cette cour se trouve la fontaine aux Lions, bassin d'albâtre supporté par douze statues de lions en marbre blanc. On peut autant parler de décor que d'une architecture. L'extérieur des palais nasrides est très sobre mais la décoration intérieure est foisonnante et est créée à base des trois composantes des arts d'Islam : la calligraphie, la décoration florale stylisée, les arabesques et motifs géométriques (deuxième photo). La première salle des palais nasrides est la salle Mexuar (troisième photo). On ne retrouve à proximité que les vestiges de l'ancienne cour de la mosquée, puis la tour de Machuca. L'intérieur de la salle du Mexuar fut construit sous le sultan Ismaïl 1er mais fera l'objet d'aménagements sous Mohammed V. A l'époque, elle servit de siège au tribunal royal, puis, après la reconquête, sera transformée en chapelle chrétienne au XVI ème siècle. A ne pas manquer non plus : la salle des Oraisons et la Cour de la Chambre dorée.

 

En conclusion, je dirai que l'Alhambra constitue certainement la curiosité à ne pas manquer à Grenade mais qu'en terme architectural, l'ensemble ne se révèle pas si impressionnant que cela. Il est vrai que l'endroit doit être plus agréable lorsqu'il fait soleil. L'Alhambra appartient à l'histoire de la conquête musulmane de la péninsule ibérique qui dura tout de même près de 700 ans. Après le règne des Nasrides, et malgré le désir des rois catholiques d'effacer les traces de l'Islam des territoires reconquis par les Chrétiens après la chute de Grenade en 1492, ce palais était si superbe qu'il sera épargné et servira de résidence royale lors du passage de la cour dans la cité. L'ensemble tombera quelques temps en désuétude, ne faisant l'objet de restaurations qu'à l'occasion des séjours royaux. Des pillards y firent même leur basses œuvres. L'évènement est décrit dans les contes de Washington Irving. L'Alcazaba fut quant à elle sauvée de la destruction grâce à un coup d'éclat lors de la guerre civile espagnole. Désormais, les jardins sont entretenus grâce au Patronato de l'Alhambra, le gestionnaire de l'ensemble qui est chaque jour visité par 7000 personnes. Terminons avec un symbole, celui de l'Alhambra : la gazelle. Elle est assimilable à un emblème héraldique depuis l'exploitation touristique du site. Cette image correspond à la version stylisée d'un vase décoratif retrouvé parmi les objets de l'Alhambra. L'original se trouve à l’intérieur du Palais de Charles Quint.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • L'Alhambra, Calle Real de l'Alhambra, à Grenade. Tél:(+34) 908 444 221. Ouvert de 8h30 à 20h00 ( du 15 mars au 14 octobre) et de 8h30 à 18h00 ( du 15 octobre au 14 mars), tous les jours. Entrée : 15,40€. Des visites nocturnes aux Palais nasrides sont également possibles. Audioguides à disposition (personne ne m'en proposera et je les découvrirai trop tard!) Tous les détails pour réserver votre visite sont disponibles sur le site internet :http://alhambra-patronato.es/

  • Insuffisance de panneaux d'information sur les lieux remarquables. Attention ! Mieux vaut avoir les yeux rivés sur le plan papier pour ne rien manquer !

  • Pour éviter tout problème ultérieur, laissez vos sacs dans ue consigne à l'entrée de l'Alhambra. Vous éviterez ainsi les mauvaises surprises.








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