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Musée des Arts & Traditions Populaires
(Quartier de Josefsdadt, Vienne, Autriche)
Heure locale


Samedi 17 janvier 2015

 

Le musée des Arts et des traditions populaires a trouvé refuge dans le Palais Schönborn dessiné par Hildebrandt au début du XVIIIè siècle , entre 1706 et 1711, puis remanié par Canevale en 1760. Au printemps 1994, dix ans de rénovation s'achevaient pour laisser place à une exposition permanente renouvelée, d'une vingtaine de salles. L'endroit nous rappelle que Vienne ne signifie pas uniquement la grandeur impériale mais aussi la vie de tout un pays, avec son architecture et son habitat, les objets quotidiens, les métiers, la religion, et la vie rurale autant dans sa modestie que dans sa dignité...bref, tout ce qui faisait les traditions et la vie quotidienne de ce beau pays entre les XVIIè et XIXè siècles. Le musée fut fondé en 1895 par les ethnographes Michael Haberlandt et Wilhelm Hein, puis le Musée d'Histoire naturelle de Vienne. Il ouvrit ses portes au public trois ans plus tard dans le hall de la Bourse sur la Ringstrasse, où il demeura jusqu'en 1917. Les objets s'accumulant au fil du temps, il sera transféré à son emplacement actuel, dans cet ancien Palais d'été de style baroque, initialement promis à la démolition par la municipalité. Le musée reçut d'abord des objets des quatre coins de l'Empire autrichien. Et connaitra plus tard plusieurs rénovations. Il se veut le témoin du passé et des changements intervenus depuis. Ce musée rassemble des collections concernant l'ancienne culture populaire de l'Autriche et des pays voisins. L'idée générale est de replacer l'homme dans ses rapports avec son environnement, naturel, économique, social et culturel. Les collections présentent la culture telle qu'elle se reflète dans l'art populaire et témoignent de formes d'expression très diverses. La muséographie nous invite à nous interroger sur la signification de chaque objet, ses usages et ses fonctions. Elle met aussi l'accent sur les arts populaires des pays de l'ancienne monarchie austro-hongroise, élargissant ainsi le monde de la tradition alpine à toute la culture rurale de l'Europe danubienne. Je passerai deux bonnes heures à lire, dénicher les objets à photographier et à prendre des notes.


 

La culture populaire est une œuvre de longue haleine. Elle s'approprie la Nature et en explore les possibilités et les limites. Des règles non écrites existent sur la façon de disposer de ses ressources et chaque société s'efforce, en principe, d'en faire le meilleur usage. L'ère pré-industrielle et son influence sur les régions agricoles autrichiennes permirent l'apparition d'un certain nombre d'outils, lesquels donnèrent aux matériaux les plus simples des formes surprenantes, comme cette effigie (en photo ci-dessus) du Saint Népomucène, sculptée à partir d'un simple tronc d'arbre. L'exposition présente plusieurs exemples de réalisations artisanales à partir d'un morceau de bois et l'on découvrira ainsi sur place outils, vaisselles, bols, chaises, ou sculptures figuratives. A une époque où l’Autriche ne disposait pas des moyens de transport d'aujourd'hui, on faisait avec ce qu'on avait autour de soi et l'économie pratiquée était autosuffisante, grâce notamment aux forêts. Les pays alpins, par exemple, avaient principalement basé leurs activités sur le bois. Plusieurs régions s'en servaient comme matériau de construction. De nombreux objets de la vie quotidienne provenaient, au moins partiellement, du bois. La demande était devenue si importante pour ce matériau que les vallées alpines en avaient fait un commerce à part entière. Les ouvriers forestiers, au service des propriétaires de forêts, avaient leurs propres traditions culturelles, à part de la culture agraire, avec leurs propres outils, et leurs propres savoir-faire.


 

L'homme, simple composante de la Nature, parvint à dominer celle-ci en la modelant à sa guise. De naturel, le paysage devint culturel. En fonction de la géologie du terrain, de sa végétation et du climat, la Nature réussit tout de même à limiter les effets de l'homme. On assista peu à peu à l'apparition de plusieurs systèmes économiques comme l'agriculture, l'exploitation des mines, le commerce et l'industrie. Vers la fin du XVIIIè siècle, les Autrichiens se mirent à apprécier la Nature à la fois pour ce qu'elle leur apportait économiquement mais aussi pour les loisirs : Les Alpes et la région du Danube devinrent alors des lieux appréciés pour les balades et la relaxation. Les vieux peuplements alémaniques et bavarois avaient été remplacés, dans le haut Moyen-Âge par l'expansion systématique vers l'est et le développement des vallées alpines. Des villages clos, souvent construits autour d'une route unique, datent de cette période tandis que les fermes élevant le bétail étaient mises sur pied par les monastères et les lords féodaux. Les maison (comme ci-dessus) étaient bâties en tenant compte du contexte local et des matériaux disponibles. Les petites fermes non structurées du début du Moyen-Âge laissèrent la place à des fermes plus imposantes et mieux organisées du côté de Salzbourg et dans le Tyrol, tandis qu'à l'est du pays, celles-ci étaint plus grandes et encore mieux structurées. Depuis les temps anciens, la maison a toujours été un refuge. Et il ne valait mieux pas, pour un étranger, en franchir le seuil. Celle-ci était décorée à l'intérieur comme à l'extérieur (avec des bacs à fleurs, comme ci-dessus, ornements typiques des vallées de l'Ötz et Kauner dans le Tyrol).


 

Le feu était indispensable à la survie, ne serait-ce que pour se chauffer ou cuisiner. Utiliser un feu à l'intérieur d'un logement nécessitait quelques précautions. Le foyer était primordial dans une maison mais la cuisine variait de forme selon les maisons. Il fallait aussi évacuer la fumée produite. On adapta les ustensiles de cuisine en fonction du type de feu utilisé. Et l'on créa pour la première fois dans la région alpine une pièce de vie, sans fumée. Le Tyrol, qui avait profité du tournant culturel de l'Allemagne du sud après la Guerre de Trente ans, était déjà bien avancé en matière d'aménagement avec son mobilier, ses murs et plafonds construits sous la forme de panneaux. Le meuble tenait une place importante dans l'agencement d'une maison : il y avait d'une part les meubles de rangement (armoires, coffres) et les meubles pratiques (tables et chaises). Ceux-ci variaient d'une région à l'autre et étaient réalisés par plusieurs corps de métiers d'artisans locaux. Le coffre fut longtemps le meuble de base le plus important, et fut abondamment utilisé dans les vallées alpines au Moyen-Âge. Dès le XIIIè siècle, on les ornait de charnières métalliques. Les chaises, elles, remplacèrent bientôt les vieux tabourets, et on en trouvait dans la Vallée d'Ötz (Tyrol) avec des dossiers de forme ovale. Quant aux armoires (comme celle ci-dessous), elle devinrent populaires dans les fermes, à des moments différents, selon les époques et les régions. Et prirent petit à petit le dessus sur les coffres. Elles étaient souvent magnifiquement décorées, tout particulièrement au Tyrol, dans la basse Vallée de l'Inn.


 

Le Montafon dans le Vorarlberg (Vallées de l'ouest autrichien), du fait de son enclavement, avait développé un style de vie rurale différent. Les meubles en bois nu, avec des décors peints restreints, y furent utilisés plus longtemps que dans le reste du pays.

La culture populaire de l'ère pré-industrielle fut d'abord agraire. Plus l'industrialisation avançait, et plus on regardait avec curiosité les outils agricoles anciens, devenus le symbole du dur labeur de l'homme. Exploitation forestière, élevage du bétail, agriculture et récoltes des céréales, sans oublier la viticulture et la culture des légumes avaient permis l'apparition d'outils adaptés aux différents besoins. Dans les Alpes, le propriétaire fournissait le bétail aux fermiers, lesquels le payaient en fromage. Toutes les fermes alpines possédaient les outils adéquats pour produire ces produits laitiers (beurre et fromages à pâte molle ou dure) comme par exemple dans les Alpes de l'Ouest autrichien. Le fermier se posait aussi en tant que gardien des traditions, en sculptant par exemple les boitiers où il rangeait ses pierres à aiguiser (ci-dessous).


 

Une partie croissante du travail de l'agriculteur consista bientôt à transporter les biens produits (ci-dessous). L'énergie motrice était toujours fournie par l'homme et par l'animal (bétail et chevaux). Ainsi utilisait-on par exemple des luges adaptées pour transporter les lourds morceaux de bois depuis les forêts, avec tous les risques encourus. Quant à l'utilisation de la force animale, encore fallait-il que les bêtes, imprévisibles par définition, soient correctement harnachées. Il faudra attendre le XIXè pour observer des progrès dans ce domaine. Avec l'apparition des premières routes, les villages purent être reliés aux centres des villes, et des marchés se développèrent, augmentant ainsi les échanges commerciaux. Il y a très longtemps de cela, le marchand ambulant se déplaçait à pied, livrant ses marchandises chez son client à dos d'homme. Lorsqu'il était dans un secteur, il apposait une pancarte (deuxième photo ci-dessous) dans les tavernes qu'il fréquentait pour informer les habitants de sa présence. Ces marchands itinérants restaient une exception et dépendaient souvent du réseau existant de connections, car les habitants vivaient en autarcie. Seul le rail parviendra à rompre cet isolement. Les centres des villes les plus importantes étaient devenus des marchés où s'échangeaient produits agricoles et artisanats. Au XIXè siècle, ce genre de marché pénétrera à son tour dans les villes plus petites. Plus tard, les produits vendus seront plus variés et concerneront le luxe.

 

La Nature avait cependant gardé ses droits : l'automne était synonyme de récoltes. L'hiver, l'homme vivait sur ses réserves mais au printemps, ces dernières ayant fondues, on se trouvait un peu à court de ravitaillement. D'où la nécessité de préserver les aliments le mieux possible afin de survivre durant cette période. Dans les régions rurales, on préparait tout à la maison. Il s'agissait de se rendre dans l'arrière-cuisine pour s'en rendre compte : on fumait la viande d'animaux domestiques pour mieux la conserver et on faisait du beurre à la baratte. La population dut se procurer l'ensemble d'ustensiles indispensables à la conservation de ces aliments. La maison devait aussi disposer d'un espace suffisant pour entreposer les vivres mis en boites, en tonneaux, en bocaux ou sur des étagères.


 

A côté du développement de l'auto-subsistance, la vie spirituelle occupait également une place prépondérante. La façon de penser de l'être humain découlait pour une grande partie de la vie agraire d'antan. Et l'homme d'imaginer que son existence terrestre n'était pas le fruit du hasard mais bel et bien le don de Dieu. Il personnalisa alors mois et saisons et s'intéressa à la position des astres, ce qui n'était pas contradictoire avec l'enseignement chrétien ou l'imagerie. Pour lui, les années et les jours, l'existence et le labeur, tout reposait dans les mains de Dieu. Dans le monde agraire, le temps passait lentement et les journées étaient rythmées par le soleil. Les représentations des saisons et des mois dans le folklore populaire permirent à l'homme d'être un peu plus maitre de son temps. Calendriers et horloges jouèrent dans ce domaine un rôle primordial.


 

La mémoire collective fait partie intégrante de la culture populaire. Les évènements spécifiques restent également plus facilement gravés dans l 'esprit des gens. Parmi eux, les batailles, traités de paix et révolutions sont incontournables. Par ailleurs, la mémoire utilise des symboles comme cet aigle à double-têtes, symbole héraldique du Saint Empire romain, et de l'Empire autrichien (après 1804), qui restera pour les gens l'image populaire par excellence des XVIIè, XVIIIè et XIXè siècles. On retrouve des symboles sur des objets aussi courants que des verres (comme ci-dessous, ce verre commémoratif de Bohême). La population d'un pays est composée de différentes personnes, voire de différentes nationalités (ce qui occasionna parfois des conflits multiraciaux). Il arriva que l'Autriche prenne cela avec un certain humour comme le prouve ce théâtre mécanique du Monde, fait de caricatures et de personnages comiques (sur la deuxième photo ci-dessous). Parmi les stéréotypes véhiculés dans le pays, on retrouve le Turc. C'est l'étranger le plus souvent représenté dans ce pays. On peut penser que l'invasion des Ottomans a durablement marqué les esprits, ces Turcs, avec leurs manières plus ou moins brutales de ces gens venus d'ailleurs.

 

Les dernières salles de cette exposition fort enrichissante sont consacrées à l'ameublement catholique et protestant , à la culture étatique et à la fierté pastorale. Les meubles décrivent le caractère de ceux qui les possèdent. Les peintures qui y figurent aussi. Malgré la Contre-Réforme et le fait qu'on chassât longtemps les communautés protestantes du pays, la « nouvelle » religion s'installa dans l’archevêché de Salsbourg (qui englobe une partie du Tyrol et de la Vallée Ziller). Et le visiteur d'admirer sur place des meubles protestants datant du XIXè siècle, arborant souvent des images du Vieux Testament.

Concernant la culture étatique, je découvrirai que, jusqu'en 1848, la chasse était un privilège réservé à la noblesse austro-hongroise (comme d'ailleurs dans beaucoup d'autres pays européens). Malgré cela , les images de chasse occupaient une place centrale dans la culture populaire durant les XVIII et XIXè siècles. Autre symbole populaire intéressant, les miniatures. L'exposition offre de voir des reconstitutions de meubles ou de pièces de trousseau en miniature pour le plus grand plaisir des yeux. Tous ces objets ne sont-ils pas les indicateurs d'une organisation sociale ?


 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Musée des Arts Traditions populaires, Laudongasse 15-19, à Vienne. Tèl : +43 1 406 89 05. Métro : Rathaus. Ouvert du mardi au dimanche , de 10h00 à 17h00. Entrée : 5€. Prise de photos autorisée, sans flash. Chaque salle dispose d'un guide de plusieurs feuilles plastifiées dans lequel vous trouverez le détail (en anglais) de chaque objet présenté. Boutique, et cafétéria pendant les horaires d'ouverture du musée. Fermé en juillet et août.

 








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