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Exposition "Churchill-de Gaulle"
(Musée de l'Armée, Paris, France)
Heure locale

Mercredi 29 avril 2015

 

Couple des plus improbables, celui-ci se révèlera pourtant inséparable. Sera-ce à cause des douloureux évènements de l'époque ? C'est probable. En tous cas, Churchill et de Gaulle ne rompront jamais leurs liens tissés alors que l'Europe se trouvait sous l'emprise du nazisme. A l'occasion du cinquantième anniversaire de Churchill, le musée de l'Armée (Paris) rend hommage aux deux hommes par une exposition exceptionnelle. Cette exposition s'inscrit aussi dans le cadre du soixante-dixième anniversaire de la libération de notre pays. Et, en cette année de double commémoration, le fait d'associer deux grands hommes d'Etat aux destins exceptionnels et au sein d'une même exposition permet à la fois de rendre hommage à deux figures majeures de la deuxième guerre mondiale tout en faisant découvrir les facettes plus ou moins connues de ces personnages hors normes.

Militaires et hommes politiques tout à la fois, Churchill et de Gaulle furent aussi écrivains, orateurs, et même journaliste et peintre (dans le cas de Churchill). Des hommes complets, passionnés et de grande volonté. La visite de cette exposition, qui se tient jusqu'au 26 juillet prochain, permettra au visiteur d'en apprendre plus sur ces deux hommes à la fois alliés de toujours et frères ennemis, grâce à des peintures, des uniformes et des documents d'archives (dont certains inédits) présentés pour la première fois. Et le contexte militaire et historique de l'époque d'être restitué par un complexe ensemble de dispositifs multimédias, afin de séduire petits et grands.

Le parcours de cette exposition nous conduit d'abord en 1874, année de naissance de Churchill : né à Blenheim Palace, dans l'Oxfordshire, notre homme aura été tout au long de sa vie un personnage d'une extraordinaire originalité. Tout en lui était puissant et exagéré, et son accoutrement et ses foucades restent encore célèbres. Ayant un certain goût pour le drame, il se complaira dans les situations dramatiques, ne détestant pas se jeter dans la bataille, aussi bien au Parlement qu'à la guerre, et toute son existence sera celle d'un lutteur qui ne s'avouera jamais vaincu. D'abord soldat, sa brève carrière le conduira successivement à la frontière de l'Inde, au Soudan puis en Afrique du Sud. Ce qui ne l'empêchera pas de reprendre du service au début de la première guerre mondiale. Winston Churchill conservera de cette époque des aventures personnelles mais aussi une connaissance approfondie de l'armée, acquis qu'il utilisera en tant que ministre, puis, plus tard, lorsqu'il sera à la tête du cabinet de guerre. Son visage le plus connu reste cependant celui de l'homme politique. D'abord député turbulent, puis parlementaire menant des campagnes contre le gouvernement d'alors, il deviendra ministre et occupera la plupart des portefeuilles avant d'accéder tardivement à la fonction de Premier ministre. Et de devenir à la fois Chef de l'opposition et leader du Parti conservateur après la seconde guerre mondiale. Ses œuvres littéraires seront également à la fois nombreuses et inégales, mais toujours incisives. La peinture reste sans doute la plus étonnante de ses occupations.

 

Le parcours chronologique de l'exposition débute avec les voix de Churchill et de Gaulle, qu'on peut entendre dans la reconstitution d'un studio de la BBC de la Seconde guerre mondiale (en photo ci-dessous). Est ensuite évoquée la signature des accords de Munich, accords vivement critiqués par les deux hommes, puis les évènements tragiques de la campagne de France. Mais revenons sur ces accords de Munich : avec la rattachement au Reich des trois millions d'Allemands des Sudètes (partie du territoire nord-est située entre la Porte de Moravie et les monts des Géants), ces accords marquent une étape décisive dans le programme d'expansion de l'Allemagne nazie. Le 24 avril 1938, un congrès des Allemands des Sudètes réclame ni plus ni moins la création d'un Etat national sudète en accord avec Berlin, et la presse allemande se déchaine contre Prague. La Grande-Bretagne,elle, cherche à apaiser la situation, tandis que la Tchécoslovaquie se plie à la plupart des revendications sudètes. Peine perdue, Hitler se livre à une violente diatribe contre Prague le 12 septembre de la même année, à Nuremberg. En France, le gouvernement Daladier, successeur du Front populaire, n'a pas de majorité franche pour imposer sa politique et la division règne. Le 19 septembre, la Grande-Bretagne et la France arrivent bientôt à ce triste consensus qui consiste à conseiller à la Tchécoslovaquie d'accepter l'annexion et d'avertir celle-ci qu'elle ne sera pas soutenue en cas de résistance. D'où la signature d'accords, le 29 septembre 1938, à Munich, en présence d'Hitler, de Daladier, de Chamberlain et de Mussolini.

En 1938, Winston Churchill et Charles de Gaulle ne se connaissent pas encore. Mais les deux hommes partagent la même vision de la montée des périls dans les années Trente, des incohérences diplomatiques et des insuffisances stratégiques de leurs deux pays respectifs. L'homme politique en pleine traversée du désert et le théoricien militaire, ignoré par sa hiérarchie, sont alors isolés et minoritaires face à une opinion publique convaincue que la ligne Maginot et les concessions accordées aux dictatures permettront de sauver la mise. Et les deux hommes de réagir donc violemment à la signature des accords de Munich.


 

Le visiteur découvre ensuite l'existence de Churchill et de de Gaulle, avec pêle-mêle leurs enfances, les jeunesses et leurs choix de carrières, leur expérience respective de la Grande guerre, les positions politiques et stratégiques de l'Entre-deux-guerres, puis la rencontre entre les deux hommes le 9 juin 1940. Presque une génération sépare le petit lillois de Paris , n é en 1890 au sein d'une famille de la petite bourgeoisie catholique, et le descendant du premier duc de Marlborough qui vit le jour en 1874 dans le superbe palais de Bleinheim. Charles de Gaulle, lui, est l'enfant d'une famille soudée par les valeurs du catholicisme et du patriotisme. Il grandit à Paris, non loin des Invalides et de leurs gloires militaires et reçoit une éducation très classique dans divers établissements religieux. Winston Churchill, de son côté, va d'internat en internat et souffre d'un manque cruel d'affection, entre une mère frivole et un père certes brillant politicien mais qui se désintéresse complètement d'un fils qui le vénère pourtant.


 

De 1900 à 1940, les deux hommes mèneront de front leurs carrières militaires et politiques : la victoire de Churchill lors des législatives de 1900 marque le début de sa longue carrière politique durant laquelle il occupera plusieurs postes parmi les plus importants du gouvernement britannique jusqu'en 1929, début de sa « traversée du désert ». On ne le rappellera que dix ans plus tard pour occuper à nouveau le poste de Premier lord de l'Amirauté, c'est à dire ministre de la Marine. Entre 1920 et 1930, Charles de Gaulle mène quant à lui une carrière d'officier, s'illustrant sur le terrain en Pologne, dans l'armée française du Rhin et au Levant, mais aussi dans les institutions militaires de France les plus prestigieuses. Ses publications sur ses théories militaires seront tout aussi nombreuses qu'anti-conformistes. Le futur général trouvera des déconvenues à l'Ecole de guerre où les idées qu'il affichera et qu'il osera soutenir face à un corps professoral très conservateur lui vaudront des notes assez médiocres. La publication de son ouvrage « Vers l'armée de métier » plaidera pour la refonte totale de la stratégie française et la création de moteurs cuirassés, aptes à la surprise et à la rupture. La campagne qu'il mènera dans la presse et au Parlement ne restera pas non plus sans écho et contribuera aux quelques progrès faits de 1933 à 1939, dans l'équipement de l'armée française en blindés, mais fera grincer des dents dans les milieux militaires. Ministre de la Marine en 1914, Churchill sortira traumatisé par le désastre des Dardanelles qui le poussera à démissionner l'année suivante. Et de se réfugier dans la peinture pour soigner la dépression qui l'affecte et qu'il surnommera « black dog ». Le sud de notre pays et le Maroc seront ses sources d'inspiration favorites. Et Churchill de peindre au cours de son existence plus de 530 huiles sur toile, et d'être même l'auteur d'un essai « Painting as a Pastime » dans lequel il évoquera l'importance de la pratique d'un art comme loisir pour le repos du corps et de l'esprit.De Gaulle, lui, est alors lieutenant du 33è Régiment d'infanterie d'Arras lorsqu'il effectue son baptême du feu lors de la bataille de Dinant (Belgique) le 15 août 1914. Deux ans plus tard, il sera blessé pour la troisième fois, sur le front de Verdun et sera fait prisonnier par les Allemands et jusqu'à la fin de la guerre.


 

Au fil de la visite, on découvre les relations tantôt cordiales, tantôt conflictuelles et orageuses à travers les différents épisodes de la guerre, période dramatique que les deux hommes relatent dans leurs mémoires de guerre respectifs. Le visiteur est ainsi amené à découvrir leurs carrières et leurs visions des évènements d'après-guerre, de la Guerre froide à la construction de l'Europe. Charles de Gaulle et Winston Churchill auront en commun d'avoir su mobiliser leurs talents d'écrivains afin de forger les mots d'ordre destinés à fédérer leurs peuples. On assistera alors à une guerre des ondes, grâce au talent avec lequel l'un et l'autre utilisera la radio assurant ainsi leur popularité et leur renommée. De part et d'autre du « Channel », s'affronteront alors Radio-Londres et Radio-Paris. En plus de la radio, les actions de propagande prendront aussi la forme de tracts, journaux, brochures et actualités cinématographiques, témoignant de l'existence d'une guerre totale.

Les liens scellés entre les deux hommes durant l'été 1940 seront très vite mis à l'épreuve des intérêts nationaux respectifs. De Gaulle, s'estimant trop faible pour transiger, s'opposera régulièrement à la politique britannique, surtout en ce qui concernera le devenir des territoires administrés par la France au Moyen-Orient. Et l'entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941 de compliquer les choses, car pour Churchill, l'alliance anglo-américaine sera vitale tandis que le Président Roosevelt se montrera hostile au Général de Gaulle. D'où une série de crises sur les questions aiguës des relations avec Vichy, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de l'Afrique du Nord, et, plus encore, sur l'administration de la France après sa libération. Pour preuve, ces billets (troisième photo ci-dessous) en francs émis par les Etats-Unis et mis en circulation dès le débarquement de Normandie, bien qu'ils fussent dénoncés de toutes parts et rapidement qualifiés de « fausse monnaie » par le général de Gaulle.

 

La victoire passée, il est malheureusement courant de constater le peu de reconnaissance des peuples. Le 26 juillet 1945, et contre toute attente, Churchill perdra les élections générales britanniques, tandis que six mois plus tard, de Gaulle démissionnera du Gouvernement provisoire de la République française, en opposition au régime des partis. Désormais à l'écart des affaires, nos sauveurs mettront ces années à profit pour écrire leurs mémoires de guerre. Le premier tome de « La Seconde guerre mondiale » de Churchill sortira en 1948 et celui des « Mémoires de guerre » en 1954. Conscients que leurs carrières politiques ne sont pas terminées, les deux hommes minimisent leurs querelles, passant même certains évènements sous silence. Et Churchill de redevenir Premier ministre en 1951, tandis que le général de Gaulle reviendra au pouvoir en 1958. En pleine Guerre froide, Churchill recevra aussi non pas le prix Nobel de la Paix, mais celui de Littérature. L'oeuvre de de Gaulle entrera quant à elle dans la Pléiade, plus tardivement, en 2000.

Le retour au pouvoir des deux hommes les confronte à un contexte international marqué par l'hostilité entre les deux blocs, les conflits de la décolonisation et les prémices de la construction européenne. C'est Winston Churchill qui, dès 1946, inventera le terme « rideau de fer » pour se référer à l'URSS. Il fera tout son possible durant son mandat de Premier ministre qu'il exercera jusqu'en 1955 pour relancer le dialogue avec le bloc soviétique tout en tentant de resserrer l'alliance avec le grand frère américain. De son côté, le général de Gaulle dotera la France de l'arme nucléaire et mènera une politique entre les deux blocs tout en construisant une Europe unie autour du fameux couple franco-allemand.


 

Novembre 1940 marquera la création de l'ordre de la Libération par le général de Gaulle, à Brazzaville. Derrière cet acte se cache la volonté d'honorer les plus valeureux des Français libres qui auront choisi de poursuivre le combat face à l'invasion allemande. Lorsque le général quitte le pouvoir, six ans plus tard, l'ordre s'en ira aussi, n'étant désormais réservé qu'à des compagnons « hors pair », dont Winston Churchill fera partie. En effet, le général de Gaulle remettra à Churchill la Croix de la Libération en novembre 1958, à Matignon photo ci-dessous).

Le temps passe, les grands hommes aussi. Les funérailles elles aussi feront montre des différences de Winston Churchill et du général de Gaulle. Les obsèques nationales de Churchill seront les seules accordées au XX ème siècle à une personnalité non membre de la famille royale, et trancheront avec celles du général de Gaulle qui se dérouleront dans l'intimité avec,pour seule présence, la famille du général, les compagnons de la Libération et des anonymes issus du peuple français, tous rassemblés au cimetière de Colombey. Au Royaume-Uni, les funérailles de Churchill seront retransmises en direct pour 350 millions de téléspectateurs à travers le monde. Quel contraste !


 

Le saviez-vous ? A l'été 1940, Churchill créera le S.O.E (Service secret d'action subversive). Ce service disposera de deux sections en France, la « F » d'organisation et de commandement purement britannique, et la « RF » agissant de concert avec les services secrets gaullistes. La S.O.E mettra en place divers explosifs camouflés sous les formes les plus diverses, comme des cailloux piégés par exemple.

On a souvent aperçu Churchill le cigare aux lèvres. Sachez que c'est lors de son voyage à Cuba en 1895 qu'il commencera à fumer le cigare. Notre homme était alors correspondant de guerre. Et cette image de fumeur de cigares a inspiré les fabricants sous deux formes: la marque de cigares cubains « Romeo y Julieta », tout particulièrement appréciée par Winston Churchill, donna ainsi le nom de « Churchill » à différents modèles de cigares. La Maison Davidoff ne fut pas en reste puisqu'elle lancera, elle aussi, une gamme de cigares dominicains baptisée « Winston Churchill ». C'est ce qu'on appelle un coup fumant !

 

Autre curiosité de cette exposition : deux chars lourds de modèles utilisés lors de la campagne de France sont exposés devant la façade nord des Invalides. Le char de bataille français B1bis, qui équipa en partie la 4ème DCR (Division cuirassée de réserve) du colonel de Gaulle engagée dans les combats de Montcornet et d'Abbeville, sera à l'époque l'un des engins de combats les plus puissants au monde. Le char britannique Matilda II, est quant à lui est son petit frère car il appartint également à la catégorie des Infantry Tank. Ce char, engagé dans la bataille d'Arras, se révèlera être une mauvaise surprise pour les forces allemandes car presque indestructibles pour les armes antichars d'alors.


 

Une dernière surprise attend les visiteurs de l'exposition: la reconstitution du studio de l'Appel, prêté par le musée de Radio France. Lorsque Winston Churchill enregistre son deuxième discours de Premier ministre, à la BBC, ce fameux 18 juin 1940, les moyens techniques de l'époque ne permettent pas d'enregistrer le second discours qui sera prononcé ce même jour par un homme encore inconnu qui est l'appel à la résistance du général de Gaulle. Peu entendu, ce discours sera synthétisé sur l'affiche de l'Appel à tous les Français. Cet Appel du 18 juin de Charles de Gaulle fut classé en 2005 par l'Unesco au registre de la Mémoire du monde.


 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition Churchill-de Gaulle », jusqu'au 26 juillet 2015, au musée de l'Armée, Hôtel des Invalides, 129 rue de Grenelle à Paris (7è). Tél: 01 44 42 38 77. Métro : La Tour-Maubourg, Invalides, Varennes. Ouvert tous les jours de 10h à 18h (nocturne le mardi jusqu'à 21h, sauf le 14 juillet, et jusqu'à minuit le 16 mai). Accès PMR: 6, boulevard des Invalides. Entrée : 8,50€ . Site internet : http://www.churchill-degaulle.com/

  • Churchill 2015 commémore dans le monde l'histoire et la vie de sir Winston Churchill : https://www.churchillcentral.com/

  • La Fondation Charles de Gaulle est vouée à l'oeuvre et à la mémoire du général de Gaulle : http://www.charles-de-gaulle.org/

  • Merci à l'agence Alambret Communication pour son aide.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 








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