Revoir le globe
Top


Héraklion
(Ile de la Crète, Grèce)
Heure locale

Mardi 3 novembre 2015

 

Aujourd'hui, je pars à la conquête de la ville d'Héraclion. Principale porte d'entrée de la Crète, cette ville est jeune, sympathique mais embouteillée. Je n'entends par contre que très rarement des klaxons de voitures malgré les bouchons qui subsistent ici et là, tout au long de la journée. Tout le monde roule au pas, sans nervosité ni agacement. Les gens ont ici pour habitude de se garer en double file, et un peu n'importe où, mais on ne croise aucun agent et il n'y a pas de parcmètres comme à Paris, la cité des « forces du progrès » (si vous voyez de qui je veux parler). Je trouverai même un parking gratuit juste à côté de la porte Saint Georges qui donne accès à la vieille ville. Mieux vaut y arriver assez tôt car les places sont prises d'assaut. C'est justement vers huit heures ce matin que je quitte mon hôtel pour partir à la découverte de ce qui fut sans doute, il y a fort longtemps, le port de Knossos. La cité a porté plusieurs noms au cours de son histoire : Iraklio, Al Handaq (au temps de la conquête arabe), et même Candie. Elle est le chef-lieu du dème (collectivité territoriale grecque) d'Héraklion. Elle fut fondée à l'époque archaïque et tire son nom d'Héraclès, auquel les Crétois avaient jadis voué un culte ici. Fils de Zeus et d'Alcmène, Héraclès est l'un des héros les plus vénérés de la Grèce antique. La mythologie lui prête un très grand nombre d'aventures car il fut un grand voyageur à travers le monde connu d'alors. On se souvient notamment de ses douze travaux.

Déjà, à cet endroit se dressaient des villages lors de la période néolithique. Les Sarrasins prirent possession de la ville en 824 après J.C et la ville fut alors rebaptisée El Khandak. Un grand fossé fut alors creusé autour de la cité et des remparts furent élevés, d'où son nom de « forteresse des fossés ». Puis, la ville fut reprise par l'empereur de Byzance, en 961, à la suite de plusieurs tentatives infructueuses. Après huit mois de siège mené par les troupes du général Nicéphore Phocas (futur empereur d'Orient), les Byzantins prendront la ville, détruisant les remparts, convertissant de force les musulmans au christianisme, tandis que les familles nobles se partagèrent les terres de l'île. De nouvelles fortifications furent alors érigées. Cette domination byzantine fera d'Héraklion le siège officiel du gouvernement byzantin.Puis, la ville fut un beau jour cédée aux Vénitiens pour mille pièces d'argent. Ces nouveaux venus surnommèrent la ville Candia puis en firent un centre artistique. Il s'agit de voir la Loggia (ci-dessous) aujourd'hui mairie de la ville, pour admirer les beaux restes de l'architecture vénitienne. Artisans et artistes trouveront d'ailleurs refuge dans la cité à la suite de la chute de Constantinople, en 1453. Ces vénitiens débutèrent la construction du fort de Koulès (deuxième photo) en 1462.


 

On a beau ériger de solides défenses, on trouve parfois plus fort que soi : malgré ses murs couvrant quatre kilomètres, sa forme triangulaire et ses sept bastions, la cité vénitienne n'échappera pas à l'attaque ottomane qui occasionnera tout de même un siège de 21 ans pour les Vénitiens. Ces derniers se rendront toutefois aux Ottomans, en 1669, après que 30 000 Vénitiens et que 100 000 Turcs eurent péri au cours de cette offensive. Les Crétois furent ensuite invités à se convertir à l'islam par les Turcs mais organiseront la résistance contre l'occupant à partir de 1820. Et la Crète d'être annexée à la Grèce en 1913. Compte tenu de sa position stratégique, Héraklion fut par la suite attaquée par les Allemands qui la bombardèrent sans relâche lors de la bataille de Crète, en 1941, puis occupèrent l'île durant quatre années. Héraklion fut reconstruite après la seconde guerre mondiale et offre depuis l'aspect qu'on lui connait.

Plusieurs circuits s'offrent au visiteur. Je choisis pour ma part de débuter ma visite à partir de la place Eleftherias, bordée de cafés avec terrasses et offrant un point de vue privilégié sur la cité crétoise. Ici, on est à deux minutes du musée archéologique. Je ne m'attarde pas sur cette place qui ne semble pas être remarquable d'un point de vue architectural et me dirige en direction d'une petite place où trône la fontaine aux Lions (aussi surnommée fontaine Morosini), en photo ci-dessous. Morosini fut, en 1628, le gouverneur de la ville et la fontaine lui rend hommage. Dans sa version initiale, celle-ci était surmontée d'une statue de Poséidon, mais la statue fut détruite lors d'un séisme. Et la tâche de porter la lourde vasque revient désormais aux quatre lions inoffensifs. Dans sa partie inférieure, des bas-reliefs évoquent des scènes mythologiques. Je dois sans cesse demander mon chemin aux passants ou à des commerçants, car ici, tout est écrit en grec, mais je reçois à chaque fois un accueil chaleureux. De l'autre côté de la petite place se dresse l'église vénitienne Saint Marc, bâtie en 1239. L'endroit a depuis été transformé en lieu d'exposition. Je redescends l'avenue 25 Avgoustou (appelée ainsi en souvenir du massacre de 500 Crétois et de 17 soldats anglais le 25 août 1897) jusqu'à atteindre la Loggia dont je vous ai parlé plus haut. Il s'agit là d'un très bel édifice vénitien en forme de basilique, inauguré en 1628 par le gouverneur Morosini. Le lieu abrite désormais la mairie, mais accueillit autrefois la bourse des marchands, où les notables se retrouvaient afin de se distraire et de discuter des affaires courantes. Je pénètre sans difficulté dans l'édifice et un employé m'invite à grimper au premier étage. Là, je découvre la magnifique salle où se tiennent les conseils municipaux et, un peu plus loin, le griffon, animal symbolisant la ville (deuxième photo). Jadis, le gouverneur avait coutume de s'installer à l'un des balcons pour s'adresser à la population ou pour assister à des cérémonies officielles.


 

Derrière la Loggia, se trouve une place sur laquelle se dresse l'église Agios Titos (église de Saint Titus) ci-dessous. L'apôtre Titus fut le premier évêque de l'église de Crète. Celui-ci apparaît pour la première fois vers 49 après J.C comme compagnon de l'Apôtre Paul et de Varnava. Il suivra fidèlement Paul dans ses tournées en Asie et en Europe, avant d'atteindre la Crète lors d'une seconde tournée apostolique (vers l'an 62-63). Et Paul de confier à Titus la rude tâche d'organiser la première église crétoise sur l'île. L'église actuelle est un édifice vénitien du XVI è siècle avec une élégante façade ouvragée. L'ensemble sera détruit par un tremblement de terre en 1856, puis reconstruit. La toute première église de l'Apôtre Titus, du temps où la ville s'appelait Candie, n'était qu'une seul nef de style basilique. L'architecture sera modifiée lors de la domination vénitienne en 1210, avec l'ouverture d'une lucarne ronde dans la façade, puis l'ajout du clocher à l'angle nord-ouest. Cette première église sera détruite au XV è siècle, pour laisser place à une basilique au toit de bois et avec trois nefs, inaugurée en 1446.


 

Je redescend l'avenue du 25 août pour déboucher sur un joli port vénitien (ci-dessous) qui laisse apparaître au loin le Fort de Koulès. Ce haut-lieu touristique étant actuellement en cours de restauration, il me sera impossible de le visiter. Le bâtiment actuel est l'oeuvre de l'architecte Michele Sanmicheli, alors au service de la République de Venise, qui reconstruisit les fortifications, selon un nouveau style d'architecture militaire, la Trace italienne. La forteresse doit son nom (Koulès) à la traduction turque du mot forteresse. Ce château impressionnant est constitué de deux corps de fortification massifs, et s'avance hors du port afin de surveiller les côtes. Il faut dire qu'Héraklion fut longtemps confrontée à la menace maritime (attaques de pirates) et avait un besoin vital d'une telle construction défensive après avoir vu défiler tant de monde (les Byzantins, les Arabes, à nouveau les Byzantins, puis les Vénitiens , les Ottomans, et les Allemands). On pense que ce fort aurait été édifié sur les restes d'un emplacement fortifié, peut être arabe, entre le IX è et le Xè siècle. Les Byzantins reprirent plus tard cette forteresse pour y bâtir un Castellum Comunis, sur le même emplacement. Quant aux Vénitiens, ils ne se servirent de l'endroit que pour entreposer de la nourriture dans la tour en pierre précédemment érigée par les Byzantins (ci-dessous en photo) et pour cantonner des troupes. Mais un tremblement de terre détruisit la place forte en 1303 et ce sont des architectes génois qui la rebâtirent. Il faudra attendre 1462 pour que le sénat de la République de Venise ne décide d'ériger une forteresse digne de ce nom à l'entrée du port. Et Michel Sanmicheli d'entrer en scène, afin de construire la forteresse qui nous est léguée aujourd'hui. Il lui faudra dix-sept années de labeur avant d'achever l'ensemble (de 1523 à 1540). Entre temps, les Byzantins s'étaient effacés, Rhodes était tombée et l'empire ottoman était né. Le fort de Koulès allait alors se retrouver en première ligne lors du siège de Candie (Héraklion), siège qui durera ...21 ans ! La Crète avait déjà été conquise par les Ottomans avant 1650, et Candie tombera entre leurs mains en 1669. Cependant, la forteresse jouera pleinement son rôle en bloquant les assauts maritimes. Les Turcs, une fois installés, transformèrent la place forte en prison et renforcèrent les murailles de Sanmicheli, et c'est à ce moment-là que le fort prit le nom de Koulès. Je contourne les murs imposants de l'endroit et admire au passage le lion de Saint Marc (sur cette même photo ci-dessous) qui représente encore aujourd'hui la République de Venise.


 

Sur le port se dressent encore aujourd'hui les arsenaux (ci-dessous), actuellement en rénovation, et qui abritaient autrefois les galères et les navires de guerre vénitiens. Leur dimension imposante permet d'imaginer l'importance que revêtait l'activité navale au XIV è siècle. Je me dirige maintenant vers le musée historique de Crète qui se trouve sur le front de mer. Il fait beau, le soleil brille enfin et un vent iodé a définitivement chassé les nuages qui stationnaient au-dessus de nos têtes depuis quelques jours. Abrité dans une élégante maison néoclassique, ce musée (qui fera l'objet d'un article prochainement) m'offrira l'occasion de me familiariser avec le culture et l'histoire de l'île. Dix-sept siècles d'histoire y sont présentés de manière chronologique et les différentes époques sont présentées. Toujours sur le front de mer, et après ma halte au musée, je décide de parcourir une partie des fortifications à pied, depuis le bastion Saint André jusqu'à celui de Bethléem (deuxième photo). Ces remparts-là ne valent ceux de Saint Malo mais feront bien l'affaire pour me permettre de rejoindre la Cathédrale de Saint Minas. Cette balade qui franchit les portes de la ville, se termine au bastion Martinengo, au sommet duquel se trouve la tombe de Nikos Kazantzakis, lieu de recueillement et de fierté pour bien des Crétois. Cet enfant du pays naquit en effet dans la cité en 1883, et vivra l'insurrection de 1892 contre les Turcs. Sa famille sera alors contrainte de partir pour Athènes. Et Nikos d'effectuer ses études en France (où il deviendra l'élève de Bergson), et de se passionner pour Nietsche. Ses romans les plus connus seront adaptés au cinéma, comme Zorba le Grec, Le Christ recrucifié , La Dernière tentation du Christ.


 

Je m'attarde quelques instants à la Cathédrale de Saint Minas (en photo ci-dessous), patron d'Héraklion. Cette première église vénitienne dédiée au saint sera endommagée lors de séismes, en 1846 et en 1856. La cathédrale devant laquelle je me trouve aujourd'hui fut érigée au XIX è siècle. Son décor extérieur est chargé d'une profusion de balustres et de colonnes et témoigne du renouveau de l'orthodoxie à une époque où l'île était encore sous domination ottomane. A l'intérieur, on peut admirer une superbe collection d'icônes du XIX è siècle. Juste à côté, l'église de Sainte Catherine (troisième photo) s'élève modestement depuis 1555. Construite par les Vénitiens, puis transformée en mosquée par les Ottomans au XVII è siècle, elle offre de voir de belles peintures des XIII è et XIV è siècles, mais également des reliques, des manuscrits et des bois sculptés, ainsi que de splendides icônes des époques byzantine et vénitienne.


 

INFOS PRATIQUES :


  • Office de tourisme d'Héraklion, Place des Lions (près de la fontaine du même nom). Sur place, coin des enfants avec puzzles et information interactive, système interactif d'info sur grand écran avec photos. Wifi gratuit. Tél : 2813 409 777. Site internet : http://heraklion.gr/en

  • Musée de l'art chrétien, Square Sainte Catherine, à Héraklion. Tél : 2810 336 316. Ouvert de 9h30 à 19h00 (d'avril à octobre) et de 9h30 à 13h30 (de novembre à mars).

  • Cathédrale de Saint Minas, Place de Saint Minas, à Héraklion. Tél :2810 282402. Ouverte tous les jours de 7h30 à 20h30.

  • Musée historique de Crète, Sofokli Vénizelou 27/ Lysimahou Kalokerinou 7, à Héraklion. Tél : 2810 283219/288708. Ouvert du lundi au dimanche de 9h00 à 17h00 (d'avril à octobre) et de 9h00 à 15h30 (de novembre à mars). Entrée : 5€. Audiophones disponibles en anglais, allemand, français et russe. Cafétéria à l'étage. Accès wifi gratuit. Prise de photos possible sans flash. Site internet : http://historical-museum.gr/eng/

 

 




 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile