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La Xaintrie Blanche
(Corrèze, France)
Heure locale


Lundi 17 octobre 2016

 

La Xaintrie, ou Saintria, est un plateau corrézien rattaché au pays de Pleaux et de Salers en Haute-Auvergne. Elle fut jadis sous la domination du vicomté de Turenne et demeure donc limousine. C'est cette région que je choisis de vous faire découvrir, à travers deux circuits de visite. Ce plateau granitique est entaillé de gorges profondes et est délimité par trois rivières, la Maronne, la Cère et la Dordogne. Il existe aussi deux Xaintrie : la Xaintrie Blanche, au nord de la Maronne, plus agricole qui est rattachée au canton de Saint-Privat, et la Xaintrie Noire, au sud de cette même rivière, plus pauvre et plus boisée, qui dépend du canton de Mercoeur.

C'est la Xaintrie Blanche que je vous invite à explorer aujourd'hui, à travers un parcours en pleine campagne, et quelques villages du canton. J'atteins ainsi Saint Privat au bout de 45 minutes de route, après avoir quitté Tulle. Ce bourg de mille âmes possède bien sur son église mais je ne m'y arrêterai pas. Une route m'intéresse tout particulièrement et me conduira en quelques minutes à l'étang de Malesse, au bord duquel se trouve encore de nos jours un moulin datant du XVIII ème avec son pressoir à huile (ci-dessous). Le paysage que je traverse est formé de prairies où paissent doucement des vaches limousines, et de zones boisées. Pour l'heure, le moulin est fermé hors saison, mais lorsque l'été revient, on peut y consommer des plats corréziens en faisant face au plan d'eau de onze hectares qui est propice à la détente. Certains en profitent d'ailleurs pour faire de l'équitation, ou camper sur place pour quelques jours. Autre attraction locale : les croix granitiques de la Goutelle et d'Hautebrousse.

 

A un jet de pierre, se trouve Darazac, petit village bien tranquille traversé par la rivière Glane. Ce bourg existait déjà en 954 et s'appelait alors la vicairie de Darazac. La brochure touristique qui me sert de guide ne mentionne pas l'église de Saint-Etienne mais recommande les maisons à bolet. Mais qu'est-ce donc que cette maison ? J'interroge le cafetier du lieu mais il l'ignore. En fait, le bolet est un ensemble constitué d'un escalier extérieur conduisant à une petite terrasse couverte par une avancée de toit donnant accès à l'habitation, elle-même située à l'étage. Certaines se trouvent sur le pignon, d'autres forment une grande galerie soutenue par des poteaux de bois portés par un mur à arcades. Je ne trouverai pas ces maisons à Darazac mais d'autres façades fort jolies (ci-dessous). Un peu à l'écart du bourg se trouve le petit village de la Glane avec ses maisons du XVII ème siècle. Je m'attarderai cette fois sur la croix à bubons (deuxième photo ci-dessous). En Xaintrie, les croix jouaient un rôle primordial dans le bornage du territoire. On appelait ici ces croix des « dès » qui permettaient de délimiter la propriété seigneuriale ou ecclésiastique. Ces croix servaient aussi à confronter les sections d'un même village, ou de plusieurs d'entre eux. D'autres avaient un rôle de protection notamment au niveau des carrefours de chemin. Ces mêmes croix servaient également de sépulture aux individus non baptisés comme les morts-nés, les fœtus de fausse couche, et tout cela dans le plus grand secret. Des offrandes y étaient parfois déposées et il arrivait qu'on prie pour les récoltes à venir ou les pluies prochaines. Rien que dans le canton de Saint-Privat, on compte quelques 380 croix.


 

Je prends à présent la route de Bassignac le Haut, où vivent quelques Bassignacois(es). Outre l'église (ci-dessous) qui date de la fin du XV ème-début du XVI ème siècle, se dresse la croix couverte du calvaire (deuxième photo), appelée aussi croix monumentale. D'origine chrétienne, celle-ci peut être en bois, en métal ou en pierre et fait partie d'un calvaire. Ce n'est que vers le XI ème siècle, avec l'émergence de l'art roman, que cette croix deviendra monumentale, pour atteindre son apogée au XVI ème siècle. Et ces lieux de rassembler, lors de fêtes religieuses ou pour prier ou solliciter la grâce de Dieu contre les fléaux de tous genres. A Imons Vielzot, autre petit village du canton, se dresse la croix de Saint Etienne et son puits de légende.


 

Je poursuis mon chemin en me rendant à Auriac, réputée pour son église romane fortifiée des XII-XIII ème siècle (en photo ci-dessous) et son ancien prieuré. Cet endroit existe depuis la Préhistoire et la commune fait partie du canton depuis 1864. Depuis Auriac, il est possible de découvrir des petites chapelles comme celle de Dezejouls, du Puy du Bassin et de Coujouls, de visiter le petit village de Job et de se rendre à la cascade et au menhir de Redenat. A quelques kilomètres de là, se dresse Saint Julien aux Bois, et son superbe presbytère du XVIII ème (ci-dessous deuxième photo) désormais occupé par la mairie. La pluie s'étant remise à tomber et considérant que mon ouïe est encore assez fine, je ne me rendrai pas à la chapelle romande de Saint Pierre, avec sa fontaine renommée pour guérir la surdité. Dans les environs, on trouve également les villages de Vidal, Lecout, Reyt, sans omettre de visiter le barrage du Gour Noir avec la vue sur les Tours d'Alboy.


 

Saint Julien aux Bois offre une attraction unique : les Fermes du Moyen Âge. Plus qu'un éco-musée, ce village reconstitué et habité à l'année, est une mémoire vivante, implanté sur douze hectares dans un environnement naturel non loin des volcans d'Auvergne. On doit cette merveille à Pierre Gire et à son père, qui acheminèrent des tonnes de pierres pour bâtir ce village, alors qu'il n'y avait encore ici qu'un bois, à l'hiver 2004-2005. La famille Gire devra vaincre les réticences administratives avant d'obtenir un premier permis de construire en janvier 2005. Et le site d'ouvrir quinze mois plus tard, à force de longues recherches et d'huile de coude. 25 années d'études ethnographiques, historiques et archéologiques seront en effet nécessaires afin de connaître tous les détails de cette architecture d'antan, et la vie représentée dans ce village de s'appuyer sur des centaines d'actes notariés locaux. Tout au long de ma visite, je croiserai des animaux (ci-dessous) qui vivaient déjà là au Moyen Âge, ainsi que plus de 250 plantes représentées dans ce qui est devenu un conservatoire naturel puisque la plupart de ces végétaux étaient autrefois cultivés sur les sites médiévaux de la région.

 

A l'époque, qu'on l'appelle mas, borie ou village, la propriété agricole en Xaintrie comprenait la ou les maisons des cultivateurs, l'étable, les jardins, les terres, les prés et les bois, ainsi que les fraux ou communaux. Celle-ci est alors travaillée par un groupe familial rassemblé autour du patriarche. Le mas, lui, relevait d'un seigneur ou d'un clerc, et ne correspondait pas forcément à un village ici, mais plusieurs mas ou « fermes » formaient couramment un même village qui appartenait à plusieurs seigneurs de Xaintrie. A cette époque, les habitants ne se contentaient que du prénom qui leur avait été donné par les parrains, les grands-parents en général, ou les oncles. Il n'y avait pas de nom de famille en Xaintrie avant le milieu du XVII ème siècle, et le rajout du nom du mas suffisait pour identifier les individus sur un acte notarié. Quant aux paysans (pagés), ils payaient au seigneur un impôt annuel (le cens) en argent pour les bâtiments et les jardins, et en nature pour les terres (seigle, œufs, volailles...). Dans la Xaintrie médiévale, les agriculteurs pratiquaient un polyculture céréalière, cultivant seigle, froment, sarrasin, avoine et parfois le millet. En moyenne, chaque mas faisait moins de deux hectares de terres labourables. On complétait l'apport céréalier par des légumineuses (fèves, pois ou vesses) et des fruits (prunes, pommes et pêches). La châtaigne tenait quant à elle une place particulière dans l'alimentation locale. On pratiquait aussi la rotation biennale, en alternant la plantation de céréales avec une jachère, la seconde année. Le fumier, lui, était rare, et utilisé seulement pour le potager et les vignes. L'araire était utilisée comme charrue.


 

La maison du Puy d'Arrel (ci-dessus) était celle d'un notaire de campagne, et avant tout un paysan propriétaire, exploitant durablement ses terres, avec l'aide de saisonniers et d'un domestique. Le reste de son domaine était loué à l'année à un métayer. Ce notaire officiait généralement sur les chemins, dans les auberges ou directement chez le client. Sa zone d'activité ne dépassait pas alors une journée de cheval, cet animal étant encore plus important que l'écritoire, attribut pourtant officiel de notre homme. L'équidé est choyé et bichonné et fait partie de la famille. Tous les notaires n'étaient pas royaux et certains n'étaient même que de simples scribes, et une paroisse pouvait en compter plusieurs. La grange cistercienne du Puy d'Arrel n'était plus gérée par les moines à la fin du XV ème siècle, mais l'impôt sur le foncier était versé chaque année par notre notaire à l'Abbaye de la Valette.


 

La métairie ou la borde du Blancou (ci-dessus) était occupée par un métayer à qui on fournissait un cheptel vif (neuf brebis, un bélier et une truie) et un cheptel mort (l'araire et le char, ainsi qu'une paire de vaches pour les gros travaux. Egalement une houe, un bigot et une broie à chanvre). Le métayer devra partager à moitié la récolte de seigle, de châtaigne, d'avoine et de sarrasin. Les semences sont quant à elles fournies par le maitre. Il revenait aussi au métayer de bâtir annuellement cinq brasses de murailles (une brasse équivalait à 1,75 mètre), de tailler les haies vives, assurer une vinade dans le bas pays, et planter dix arbres fruitiers. IL devait aussi nourrir les saisonniers lors des moissons, donner trois fromages par agneau et la moitié des porcelets, assurer l'entretien des bâtiments et les recouvrir chaque année de dix brasses de paille. Il devait enfin porter à l'Abbaye de Valette les impositions annuelles du domaine, à la charge du maitre.

Le reste de ma visite me permettra encore de découvrir le grenier de la ferme, le mas d'Estavel, la maison médiévale de Xaintrie, le Mas de Miremont et la Chapelle Notre Dame du Puy d'Arrel (ci-dessous en photo), avec, pour chacune des habitations, un panneau descriptif de l'endroit. Une véritable immersion dans le Moyen Âge !


 

INFOS PRATIQUES :

  • Communes de la Xaintrie Blanche : http://www.xaintrie-passions.com
  • Equitation à Malesse : http://www.equitation-malesse-correze.com

  • Les Fermes du Moyen Âge, Le Puy d'Arrel, à Saint Julien aux Bois. Tél : 05 55 28 31 30 et 06 87 49 34 53. Ouvert tous les jours (sauf le samedi) de 14h00 à 18h00 des vacances de Pâques au 30 juin, tous les jours de 10h00 à 19h00 en juillet et en août, et de 14h00 à 18h00, tous les jours sauf le samedi du 1er septembre aux vacances de la Toussaint. Entrée : 6€ (CB non acceptée). Espace boutique avec librairie spécialisée sur le Moyen Âge et produits régionaux. Visite libre (parcours fléché) ou guidée (sur réservation uniquement en pleine saison à partir de dix personnes) (1€ supplémentaire de droit d'entrée par personne et durée d'1h30). Site internet : http://www.fermesdumoyenage.com



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