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Argentat
(Corrèze, France)
Heure locale


Mercredi 19 octobre 2016

 

Partons cette fois à la découverte d'Argentat, petite ville nichée dans une plaine alluviale de la Dordogne devenue au fil du temps un carrefour routier et fluvial. Située aux confins du Limousin, de l'Auvergne et du Quercy, celle-ci aura su tirer profit de sa situation géographique afin de développer des échanges commerciaux. C'est que l'homme était présent ici depuis les temps protohistoriques puisqu'on retrouva sur une colline voisine un opidum datant de l'époque gauloise, le Puy du Tour, qui servait à contrôler le gué d'une voie reliant alors l'Armorique à la Méditerranée. La conquête romaine permit l'établissement dans la plaine d'une villa gallo-romaine (Longour) tournée vers la culture. Aux temps mérovingiens, un atelier monétaire y fonctionnait déjà, facilitant ainsi les échanges commerciaux. Vinrent les Carolingiens, grâce auxquels Argentat deviendra le siège d'une vicairie, puis la ville possèdera son prieuré et sa cure dès le X ème siècle. Argentat dépend alors d'un seigneur religieux, le prieur de Carennac et d'un seigneur laïc, le vicomte de Turenne. Avare de ses droits, la vicomté ne concèdera aucune charte de libertés et les habitants devront se contenter des syndics paroissiaux jusqu'en 1615. Elle permettra tout de même, dès 1263, l'existence d'un important marché le jour de la Saint André, foire la plus ancienne du Bas-Limousin. Puis, la ville prendra parti pour les Huguenots, créant ainsi une période de troubles pendant un demi-siècle, jusqu'à ce qu'au XVII ème siècle ne s'établissent la Contre-Réforme et trois ordres successifs, les Récollets, les Clarisses et les Ursulines. Argentat connaitra bientôt un essor économique, durant les XVIII ème et XIX ème siècles, grâce à la batellerie effectuée par les gabares (appelées aussi courpets). Ces bateaux à fond plat permettront alors l’acheminement des richesses (tonnellerie) vers la région bordelaise.


 

Il existe un parcours du patrimoine que je me procure à l'office du tourisme et qui me permettra de découvrir en moins de deux heures cette petite cité. Partant de la Place Da Maia, je descends en direction de l'ancien couvent des Récollets (ci-dessous en vue panoramique) qui est aujourd'hui devenu une école. Nous l'avons vu plus haut, le protestantisme ayant été largement diffusé à Argentat aux XVI-XVII ème siècles, la Contre-Réforme entrainera la création de trois couvents catholiques. Celui des Récollets abritait un ordre mendiant, avec sa chapelle qui fut fondée au début du XVII ème siècle. Acheté par la commune dès 1791, il servit d'atelier pour produire du salpêtre puis un petit séminaire y sera fondé vers 1810 et durant deux années. Vinrent ensuite les Ursulines qui occuperont l'endroit dès 1827 et reconstruisirent le couvent, jusqu'à ce qu'en 1940, arrivent les sœurs de la divine providence de Saint Jean de Bassel, qui fonderont l'actuelle Institution Jeanne d'Arc. Quant à l'église, elle sera dévastée pendant la Révolution. Celle-ci possédait jadis une statue en bois dorée de l'Immaculée Conception, qui est actuellement conservée dans la Chapelle du Saint-Sacrement, au fond de l'église paroissiale.


 

Je descends la rue jusqu’aux quais de la Dordogne où j'aperçois un courpet (gabare, ci-dessous). Jadis, ces bateaux naviguaient d'Argentat à Libourne. Il s'agissait d'une descente saisonnière, au printemps et à l'automne lors des périodes de crues, pendant une trentaine de jours par an. Le gabarier (pilote de courpet) devait alors tout faire afin d'éviter les malpas (tourbillons, courants, falaises et rochers immergés) qui pouvaient être mortels. Une fois à destination, les embarcations étaient désossées et vendues comme bois de chauffage. Les hommes, eux, remontaient à pied. Au plus fort du trafic, entre 1858 et 1867, le port d'Argentat transportait ainsi 3400 tonnes par an, ce qui nécessitait la construction de plus de 300 courpets éphémères. Ces gabares étaient construites en tremble, aulne ou bouleau et avaient toutes une architecture identique. Elles approvisionnaient en bois, merrain (douves de chêne destinées à la tonnellerie), et carassonne (piquets de vignes en châtaignier) les pays viticoles du Bordelais, ainsi que d'autres denrées (fromage, châtaignes, cuir et charbon). Cette activité disparaitra toutefois dans les années 1920, avec l'arrivée du chemin de fer en ville. Les mérandiers (deuxième photo ci-dessous) étaient des paysans-bateliers qui faisaient le voyage afin de vendre leur production (piquets ou merrains) puis remontaient en Corrèze à dos de mulets.

Sur le quai se dressent des maisons à bolets (troisième photo) qui donnent tout son cachet à l'endroit.


 

J'emprunte le pont et franchis la Dordogne afin de franchir la rive gauche de la rivière, le quartier du Bastier. Gérard, un Argentacois, m'a repéré avec mon plan, m'interpelle et me propose de m'assister dans ma visite. Ai-je vraiment l'air d'un touriste ? Ce quartier populaire protégea jusqu'au XIX ème siècle les passages de la Dordogne. Les plus anciennes maisons montrent encore des soubassements maçonnés en schiste, tandis que l'étage est en encorbellement jusqu'au milieu du XVII ème siècle. Il est alors bâti en plans de bois avec remplissage de galets, puis enduit d'un mélange de chaux, de sable et de terre.

Un hospice (devenu désormais le cinéma de la ville) existe toujours dans le Bastier. Une précédente maison aux pauvres avait d'abord ouvert sur l’initiative de Jeanne Dufaure, en 1746, et en contrebas de la Place Delmas, avant d'être transférée sur l'autre rive, par manque de place. L'hospice sera placé sous le patronage de Saint Roch et accueillera vingt pensionnaires. Suite à l'afflux de dons, il sera agrandi dès 1817, puis les Soeurs de Nevers se chargeront de son fonctionnement de 1849 au début des Années 1940. L'endroit hébergera des pensionnaires jusqu'en 1981.

La rue du Bac (ci-dessous) offre de découvrir d'anciennes demeures mais également le passage du bac (deuxième photo ci-dessous) à une époque où aucun pont ne franchissait encore l'impétueuse Dordogne. Successivement, un gué, des ports et des ponts faciliteront le passage de la rivière : le gué existait dès le premier siècle de notre ère, entre le quartier des Condamines et la rue de Saint Etienne d'Obazine, sur l'autre rive. Quant aux ports, ils permettaient le départ des gabares, et la liaison d'une rive à l'autre à l'aide de bacs. Il faudra attendre 1829 pour voir la mise en service d'un pont suspendu sur l'emplacement du pont actuel (qui lui succédera en 1892).


 

Gérard et moi franchissons à nouveau la Dordogne pour découvrir la Vigerie (ci-dessous), ancien hôtel de l'échevin Chantegril de la Vigerie, devenu co-seigneur d'Argentat en 1633, à la suite du rachat d'une partie de la Seigneurie de Neuville. C'est là que se tiendront les assises de la juridiction de la Vigerie, ainsi que les sessions ordinaires des Etats de la vicomté de Turenne, en 1636 et 1640. Cette maison, composée d'éléments anciens, sera remaniée à plusieurs reprises. L'échauguette de l'angle est unique dans toute la cité et affirme le caractère de la bâtisse. Le toit de lauzes (ardoises) est quant à lui soutenu par une charpente monumentale, repérable depuis le pont. Très pentu, ce toit accentue la majesté de l'édifice qui reste l'un des plus remarquables d'Argentat. Dans la même rue se trouvait le Couvent des Clarisses, plus exactement des Clarisses urbanistes, qui s'implantèrent ici en 1647, donnant d'ailleurs le nom de leur couvent à la rue. La maison à tourelles du N°7 sera incorporée au couvent vers 1650. Puis, à partir de 1663, des dons importants permettront aux sœurs de faire bâtir un grand corps de logis avec chapelle au N°5. Cette communauté religieuse, qui était soumise à une règle sévère était vouée à la contemplation. Les filles de Sainte Claire ne furent plus que treize pour occuper 34 cellules et trois appartements à la veille de la Révolution, ce qui mettra fin aux activités de ce couvent.

A deux pas de là se dresse la Reymondie (deuxième photo), grande bâtisse qu'il est préférable d'observer depuis le pont. Deux grandes maisons à tour d'escalier, l'une appartenant à la famille Reymondie et l'autre, surnommée Hôtel de Turenne, autrefois propriété de la duchesse de Bouillon durant le XVII ème siècle, semblent avoir été acquises à cette époque par la famille Testut, seigneur Delmas et Del Guo, puis réunies en un seul bâtiment. Par la suite, cette propriété filera entre les mains des Lafon de la Geneste, anciens co-seigneurs d'Argentat. C'est là que se tinrent les Etats Généraux de la vicomté de Turenne sous la présidence de Gédéon de Vassinhac, gouverneur de la vicomté.


 

Juste à côté, et toujours dans la même rue, se dresse la Chapelle Saint Sacerdos (ci-dessous). Erigée en 1868, celle-ci commémore le décès de l'évêque de Limoges, Sadroc ou Sacerdos, vers 720, à ce même emplacement. Son corps sera rapatrié par bateau à Calviac, dans le Quercy, première mention de l'existence de la navigation sur la Dordogne. La ruelle pavée, conduisant à la place de l'église, est une des plus anciennes de la ville. Elle permet l'accès au fort d'Argentat, contrôlé jadis par la Porte-Basse, d'où son nom. Cette porte de forme ogivale sera malheureusement détruite en 1842 et restera le dernier témoin des fortifications de cette cité.


 

Un peu plus haut, sur ma droite, se trouve la Place Delmas, en hommage au général Delmas, fils d'une famille de militaire, qui connaîtra une ascension fulgurante : devenu en 1791 chef du premier bataillon de volontaires de la Corrèze, il s'illustrera dans les campagnes militaires du Rhin et du Nord, puis sera promu général de division à l'âge de...26 ans. Sous le Directoire, il participera aux campagnes d'Italie avec Bonaparte, mais le coup d’État de Brumaire et le Concordat lui imposera bientôt onze années d'exil, en Suisse. Son pays étant menacé en 1813, il reprendra du service mais sera mortellement blessé à la Bataille des Nations, près de Leipzig. Sa maison natale (en photo ci-dessous) est une belle demeure bourgeoise des XV-XVI ème siècles à encorbellement et pans de bois. La petite place, elle, a un riche passé. Non loin de là, une maison détruite depuis servit de temple aux protestants. En face, la halle bâtie à partir du XVIII ème siècle, fut achevée en 1826, tandis qu'un marché aux châtaignes se tenait jadis sur une partie de cette place.


 

Je traverse maintenant la petite rue de Saint Hilaire qui donna son nom à une maison de marchand de merrains. Son propriétaire se nommait Jean Dupuy et la maison date du XVI ème siècle. Elle fut achetée par les Dusser, famille d'avocats qui occupa la judicature de juridiction ordinaire du prieuré d'Argentat, de 1614 à 1743. En 1634, Jean Dusser, avocat au parlement fit l'acquisition de la seigneurie de Saint-Hilaire-Taurieux, démembrée de la baronnie de Neuville. C'est à partir de cet instant que la famille porta le nom de Saint-Hilaire, qu'elle laissera à la résidence, ainsi qu'à des pressoirs à vin et à huile qui furent actifs jusqu'au milieu du XIX ème siècle.

J'arrive ensuite au Manoir de l'Eyrial (photo ci-dessous), plus ancienne demeure de la ville, datée de 1457. Le sol était la propriété du doyen de Carennac, et la maison sera occupée par le consistoire protestant, avant de devenir une maison consulaire. Elle aurait subi l'attaque du bandit Mandrin venu ici en 1754 pour piller des entrepôts à tabac. Restée maison seigneuriale, elle appartint également aux Barons de Pestels, avant de devenir jusqu'à maintenant la propriété des Barons de Micel. Cette demeure à colombages dispose d'une tour pentagonale et d'une couverture en lauzes. Sa façade date des XVII et XVIII ème siècles. Et le balcon, du XVII ème.


 

Terminons ce circuit du patrimoine par l'église (ci-dessous), implantée sur un point haut de la plaine d'Argentat. Si l'architecture date du XiX ème siècle, l'ensemble sera plusieurs fois restauré. Une première réhabilitation intervint en 1875. L'intérieur de l'église offre plusieurs panneaux d'autels en bois, comme « La Sainte Famille dans l'atelier de Joseph », sculpté sur un élément de chêne, en bas-relief, vers 1880.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Office du tourisme, Place Da Maia, à Argentat. Tél : 05 55 28 16 05. Accès internet gratuit:wifi.2isr.fr Audioguides disponibles au prix de 2€. Site internet : http://www.tourisme-argentat.com
  • Maison du Patrimoine, Place Bad König, à Argentat. Tél : 05 55 28 06 16. Site internet : http://www.argentat.fr

  • Association La Dordogne de Villages en barrages : 06 47 12 83 66

  • Gérard Deshais vous invite à découvrir la ville d'Argentat, mais aussi à des randonnées dans la région. Président de l'association Les Godillots Argentacois, il vous fait découvrir la Corrèze. Tél : 05 55 91 52 05 et 06 89 91 61 18. Courriel : ggargentat@orange.fr

    Site internet : http://gege-argentat.simplesite.com/

  • N'oubliez pas de regarder toutes les photos de cette sortie en cliquant sur l'icone, en haut à droite de cet article










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