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Norseman
(Australie-Occidentale, Australie)
Heure locale


Mardi 10 mai 2016

 

Cette fois, je quitte la côte pour m'enfoncer un peu plus dans les terres. Pour vous donner une idée de la région que je visite depuis mon arrivée, c'est à dire l'Australie-Occidentale, la superficie de cette zone équivaut à 2 500 000 km2, c'est à dire presque cinq fois la France. Et je me concentre pour ma part que sur la partie sud de ce gigantesque Ouest australien, c'est à dire le sud-ouest. D'où mes nombreux déplacements pour trouver des centres d'intérêt lors de mes visites car l'inconvénient d'un tel pays est que tout est dispersé. La population de l'Ouest australien est de moins de deux millions d'habitants d'après mes sources (dont les 4/5 èmes vivent à Perth, la capitale régionale).

Il me faudra parcourir 200 kilomètres pour atteindre Norseman, ma prochaine escale. Je me régalerai des beaux paysages traversés tout au long de mon parcours, notamment des forêts qui ont parfois été ravagées par le feu à certains endroits, puis repoussent patiemment. A l'approche de Norseman, j'apercevrai des lacs à sec, de gigantesques lacs dont on a du mal à imaginer que l'eau recouvrait jadis ces immenses étendues de sable. Je croiserai aussi régulièrement des trains de camions (poids-lourds avec trois remorques, dont la longueur autorisée varie d'un comté à un autre, de 32 à...56 mètres de long!). Norseman est une minuscule ville de quelques mille âmes seulement. Il est vrai qu'on est un peu loin de tout à cet endroit stratégique qui ouvre la porte à la région aurifère la plus importante d'Australie. Par ailleurs, c'est à Norseman que commence la route qui mène à Adélaïde, 2000 kilomètres plus loin.

 

Deux raisons pour venir jusqu'à Norseman : la première est que cette ville se trouve sur la route qui doit me conduire à Kalgoorlie-Boulder, et la seconde est qu'on trouva ici de l'or grâce au flair d'un...cheval. Vraie ou pas, cette histoire a en tous cas fait le tour du pays: Laurie Sinclair était ce qu'on appellerait un gars du cru, un North-Man (à na pas confondre avec la ville actuelle), originaire des îles Shetlands, en Grande-Bretagne. Il était arrivé en Australie avec sa famille, ses parents et ses cinq enfants, le 12 décembre 1863. Compte tenu de son expérience, il travailla bientôt avec les Frères Dempsters lorsque ces derniers partirent explorer Esperance. Notre homme s'était déjà rendu du côté des gisements d'or de Coolgardie en 1893 mais en reviendra bredouille. Il s'en retournait alors vers Esperance, via le Comté de Dundas, lorsqu'il apprit que son frère George ainsi que Jack Allsop partaient en prospection, et décida de les rejoindre, près de Norseman, alors que les deux compères cherchaient de l'or dans un petit cours d'eau d'une vallée des environs. Laurie Sinclair s'essaya à ce petit jeu et tomba tout droit sur un filon, ce qui lui vaudra le surnom de Norse-Man.

Revenons si vous le voulez bien à cette histoire incroyable du cheval : on prétend que Laurie alla dormir après avoir préparé son cheval pour la nuit. Le lendemain matin, l'animal aurait découvert de l'or sous ses sabots et l'aurait mis en évidence pour son maitre. Quoiqu'il en soit, ce cheval aura au moins gagné un nom pour la postérité et une statue en bronze, à l'angle des rues Roberts et Ramsay. Cette sculpture (en photo ci-dessous) est l'oeuvre de Robert Hitchcock.


 

Sinclair et Allsop vendront le filon découvert à une compagnie d'Adélaïde pour la somme de 6000 livres, avant que les deux hommes ne se séparent. Laurie retourna prospecter de son côté pendant quelques années, sans grand succès. A vrai dire, il n'avait pas du naitre sous une bonne étoile car rien ne lui réussissait vraiment. Ayant entendu parler d'un boom immobilier à Esperance, il se mit à investir à crédit dans des maisons mais le boom, lui, ne survint jamais et Laurie ne viendra jamais à bout de ses dettes. Les dernières années de sa vie, il travaillera une nouvelle fois avec les Frères Dempsters, conduisant des troupeaux de moutons d'une île à l'autre, à bord d'une embarcation prévue pour transporter une centaine d'animaux à la fois. Mais le bateau en question trouva moyen de s'échouer sur un récif près de Cape Grande, et Laurie terminera son existence en oeuvrant pour ses fils, dans la construction de barrages, jusqu'à sa mort en 1923. Certains membres de la famille Sinclair vivent toujours à Esperance, et même si Laurie a joué de malchance, Norseman le célèbre toujours comme un enfant du pays.

 

Un petit tour au parc Phoenix (situé à côté de l'office de tourisme) m'apprendra que la vie ici était jadis très dure. Cet or qui fut découvert en 1893 fut pour le moins inattendu et fut en quelque sorte un signe de la providence, puisque dans l'année qui suivit, la petite ville assista à la vente de terrains, tout le monde spéculant sur la découverte de nouveaux filons. Il s'en échangea en 1894 pour 1768 livres de l'époque (dont 297 livres pour la vente d'un seul terrain). Tout le monde afflua à Norseman et la population atteignit les 4000 habitants (contre mille actuellement). Très vite , Norseman s'équipa de cinq hôtels, d'une brasserie, d'un journal, d'un tribunal, d'un hôpital et de trois églises. Le lac Cowan (à 6 kilomètres au sud de la ville) fournissait l'eau salée indispensable au fonctionnement des mines. Au départ, tout manquait. L'eau, mais aussi les matériels étaient très chers et les pionniers faisaient heureusement souvent appel à leur ingéniosité. On convertit bientôt l'eau salée en eau potable mais ce procédé augmentait considérablement le prix du précieux liquide (100 gallons d'eau valaient 25 shillings). Certains eurent alors l'idée d'aller récupérer l'eau dans des mares autour de Norseman mais celle-ci coutait tout de même 16 shillings les cent gallons. En fait, la ville ne résoudra son problème d'eau qu'avec l'arrivée d'un pipeline en 1936. Cette même année, la Central Norseman Gold (une branche de la WMC Ltd) commença à chercher de l'or. Et l'aventure de se poursuivre de nos jours, puisque deux chantiers souterrains sont en cours d'exploration et permettent d'extraire 100 000 onces d'or par an.

 

Autrefois, il fallait une semaine pour rejoindre Norseman depuis Esperance. Les pionniers les plus fortunés disposaient d'une tente , et les autres faisaient comme ils pouvaient. Des cabanes en bois étaient érigées ici et là avec le peu de matériaux disponibles et le sol était en terre battue. De toute façon, la tonne de fret était trop onéreuse (35 livres) pour pouvoir se permettre de faire venir des matières premières à bon compte. Les difficultés rencontrées par certains pour se loger n'avaient pas laissé indifférent certains propriétaires qui avaient aménagé une pièce sous leur maison afin de la leur louer. Avec l'augmentation de la population, les transports se développèrent : on se déplaçait à cheval, ou à bicyclette (pour les plus aisés). C'est à cette même époque qu'on assista à l'ouverture des façades des maisons, ce qui était plutôt bon signe puisque Norseman allait s'ouvrir au monde, et que les relations sociales se généralisaient. On commença alors à découvrir la société de loisirs (football, tennis, cricket, vélo, courses de chevaux et patin à roulettes). La première poste (ci-dessous) avait ouverte en 1895 mais le courrier n'arrivait qu'une fois par mois depuis Esperance. La première route, elle aussi, apparaitra en 1899 à l'initiative de Cobb & Co qui construisit un premier axe allant de Coolgardie à Esperance en passant par Norseman. N'oublions pas les trains de chameaux (les animaux avaient été jadis importés d'Afghanistan!) qui contribueront également à l'amélioration des transports, et étaient parfaitement adaptés aux fortes chaleurs régnant ici. Ces chameaux transportaient de la laine, mais aussi d'autres biens, établissant ainsi des liens entre les différentes communautés aurifères. En 1901, Norseman disposait désormais de sa brigade de pompiers, de sa loge maçonnique, d'une école, d'un institut d'enseignement de la mécanique et de deux grands magasins. A côté de cela, la ville, qui ne disposait toujours pas de prison, se contentait d'attacher ses prisonniers à un simple piquet !


 

Je rends visite au musée historique de Norseman. Sur place, six salles invitent le visiteur que je suis à se plonger dans l'histoire de la petite ville. On relate bien sûr celle de l'école des Mines qui occupait notamment le présent local du musée. Cette école ouvrira en 1939 et dispensera à ses élèves plusieurs cours dans des bâtiments dispersés dans la ville. La maison, qui abrite le musée, sera construite pour l'école des Mines en 1941. Malgré la Seconde guerre mondiale, l'école réussira à maintenir la régularité de ses cours et même à augmenter le nombre des disciplines enseignées (jusqu'à 19) parmi lesquelles la cartographie, les mathématiques, les mines, et l'électricité... En 1946, Mr Dawson sera nommé en tant qu 'instructeur principal dans cette école et restera très populaire jusqu'à son décès, à l'âge de 87 ans, en 1949. Le musée historique, lui, n'est pas en reste, puisqu'il vient d'être nominé pour la qualité de ses contributions communautaires.

 

Quid du bilan de l'exploitation aurifère à Norseman aujourd'hui ? Force est de constater que la petite ville se porte bien et offre la meilleure image aux visiteurs de passage. Plus d'un siècle après la découverte du premier or par Laurie Sinclair, la ville poursuit sur sa lancée et vit toujours principalement du fameux minerai. Comme je vous le disais plus haut, Norseman est en quelque sorte une plaque tournante dans un comté , celui de Dundas, qui, lui aussi, diversifia son industrie dans la prospection de nickel et d'autres minerais, tout en misant sur le tourisme, sans parler de la richesse botanique dont bénéficie Norseman et sa région.

 

INFOS PRATIQUES :


  • Office de tourisme, 68 Roberts Street à Norseman. Tél : 08 9039 1071. Ouvert tous les jours, de 9h00 à 17h00.

  • Musée d'histoire de la ville, Battery Road, à Norseman (sur la gauche, après le passage à niveau). Tél : 08 9039 1593. Ouvert tous les jours de 10h00 à 13h00. Entrée : 3 AUD. Prise de photos autorisée.

  • En quittant l'office de tourisme, reprendre vers le rond-point, puis première sortie, aller tout droit, franchir le passage à niveau, continuer toujours tout droit (laisser chantier sur sa gauche). La route grimpe et se poursuit par un chemin de terre (praticable). Suivez cette route et arrêtez-vous au sommet de la colline pour admirer le paysage.

  • Si vous disposez comme moi d'un camping-car autonome (avec douche et toilette), Norseman vous autorise à stationner une nuit dans l'enceinte du terrain de sports, et ce, gratuitement. Vous n'aurez ni eau, ni électricité, mais ça peut dépanner (emprunter la rue Sinclair pour trouver l'entrée du stade)








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