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New Norcia, Ville bénédictine
(Australie-Occidentale, Australie)
Heure locale


Dimanche 15 mai 2016

 

Par le plus grand des hasards, il se trouve que je visite aujourd'hui, dimanche de la Pentecôte, une ville bénédictine, la seule du genre en Australie. Celle-ci se trouve à New-Norcia, une petite ville située dans le comté des plaines de Victoria, endroit vallonné par excellence, qui rappele un peu la campagne anglaise. Ce paysage me change de ce que j'ai vu jusqu'à présent. Pour m'y rendre, j'emprunterai la Great Northern Highway. La Moon River, longue de 182 kilomètres n'est pas très loin non plus, puisqu'elle chemine le long de New-Norcia.

L'histoire de cette ville bénédictine commence le 1er mars 1846 lorsqu'une mission bénédictine décide de se dévouer à la cause du peuple aborigène, plus au nord, à seulement huit kilomètres du lieu actuel. Ce qui provoqua la fondation de New-Norcia fut, en 1835, la fermeture par le gouvernement anticlérical de l'époque de tous les monastères masculins en Espagne ainsi que la confiscation de leurs biens. Tout près de la fameuse cathédrale de Saint Jacques de Compostelle (en Galice), se trouvait le vénérable monastère bénédictin de St Martin Pinario. Deux jeunes hommes y avaient fait leur profession monastique, promettant de vivre le restant de leur existence une vie de moine dans l'obéissance la plus totale, en accord avec la communauté qui vivait là. Dom José Benito Serra, l'ainé des deux, quitta l'Espagne pour se rendre en Italie, afin d'y poursuivre sa vie monacale à l'abbaye de la Trinité de Cava, près de Salerne, espérant toujours la réouverture de son monastère espagnol, en vain. Puis Dom Rosendo Salvado (ci-dessous) rejoignit son camarade à Cava, où il fit sa profession solennelle en 1838, puis sera ordonné prêtre au début de l'année suivante. Investis par la foi du missionnaires, les deux hommes demandèrent à Rome, en 1844, de les envoyer en mission quelque part dans le monde et seront aussitôt dépêchés auprès du tout premier évêque de Perth (Australie), le Révérend John Brady. Lorsque le groupe de missionnaire atteignit l'Australie, en 1846, nos deux moines bénédictins espagnols, un sous-diacre bénédictin anglais, le Frère Denis Tutell, et un novice bénédictin français, Dom Léandre Fontaine, accompagné d'un catéchiste irlandais, John Gorman, se verront confier la seule mission qui durera plus de quelques mois sur les trois qui s'occupaient déjà des Aborigènes. Tutell tombera malade entre temps et ne pourra plus en faire partie. Quand à Gorman, il mourra d'un tir accidentel en juin de cette même année et son homologue français sera tellement choqué par cet accident qu'il abandonnera la mission pour repartir en France. Restèrent donc nos deux moines espagnols qui endossèrent seuls la création de cette mission destinée à devenir New Norcia. Serra était certes l'ainé des deux hommes mais son assignation, en 1849, en tant qu'évêque coadjuteur de Perth ne lui laissera pas beaucoup de temps libre pour remplir durablement cette mission. Il y restera quand même pendant dix années puis quittera définitivement l'Australie pour rentrer en Europe en 1859.


 

Les cinquante premières années de l'histoire de New Norcia sont donc dominées par la figure charismatique de l'évêque Rosendo Salvado (1814-1900). Avec son compatriote bénédictin Dom Serra, il créera New Norcia en 1846 et dédiera le reste de sa vie à en faire l'une des missions les plus progressistes et les plus florissantes de l'histoire australienne. La vision originale de Salvado fut de créer, parmi la population indigène des plaines de Victoria, un village chrétien capable de vivre dans une certaine mesure en autarcie grâce à l'agriculture. Cependant, des maladies importées par les Européens avaient décimé une part importante de la population locale durant les années 1860 et Rosenda Salvado concentrera ses efforts à l'éducation pratique et religieuse des enfants indigènes orphelins qui arrivaient de toute l'Australie et à l'accueil de plusieurs familles aborigènes. Comme d'autres missionnaires du XIX ème siècle, son objectif était de « civiliser » puis d'évangéliser la population d'après les idéaux européens de l'époque, tout en respectant la culture aborigène, pratique trop rare en ce temps-là.

 

Salvado dirigera une communauté monastique qui comptera au moment de son apogée jusqu'à 70 hommes, dont la plupart étaient d'ailleurs espagnols, et des frères convertis. Ses nombreux voyages en Europe, destinés à collecter des fonds, lui permettront plus tard d'acquérir des terres, de construire des bâtiments et d'acheter des livres, des chasubles, des œuvres d'art et des objets de culte, en plus du bétail et des outils agricoles indispensables à l'exploitation. Son succès pratique mais également son charme feront de Salvado à la fois un notable d'Australie-Occidentale et une personnalité d'envergure internationale dans le monde des Bénédictins. C'est lors d'un voyage à Rome, en 1900, qu'il décédera à l'âge de 86 ans. Sa dépouille sera rapatriée à New Norcia par la communauté, et enterrée dans l'église de l'abbaye (ci-dessous).


 

Après la disparition de Salvado, New Norcia changera quelque peu de priorité, devenant un peu moins une mission du bush, pour se tourner davantage vers l'établissement d'un monastère traditionnel à caractère européen. L'éducation et les soins jusqu'ici apportés à la communauté aborigène perdurèrent, mais l’accent sera mis de plus en plus sur les besoins éducationnels et pastoraux de la population locale de cette partie de l'Australie. Et un plus grand nombre de moines d'être ordonné prêtres. Les moines passaient aussi plus de temps à prier, et à l'exercice d'occupations intellectuelles et artistiques. Ce changement de cap débuta avec l'arrivée depuis l'Espagne, en 1901, du Père Fulgentius Torres, qui trouvera alors une mission sur le déclin. Il vendra d'abord certaines terres afin de collecter des fonds pour développer à nouveau le monastère. Il concevra et supervisera personnellement la construction du bâtiment du collège Sainte Gertrude (ci-dessous) consacré aux jeunes filles en 1908, puis du collège pour garçons de St Ildephonsus (deuxième photo ci-dessous) en 1913. Pour s'occuper du collège féminin, il recrutera également des Soeurs Joséphites, et pour le collège masculin, des Frères Maristes. Durant les quatorze années où il oeuvrera en tant qu'abbé, il améliorera New Norcia de manière importante, accordant notamment beaucoup d'attention à la décoration intérieure des immeubles. C'est ainsi qu'il fera venir sur place Juan Casellas, sculpteur sur bois et le Père Lesmes Lopez, moine artiste. Tous les deux espagnols, ils créeront plusieurs œuvres artisanales de qualité qui font toujours aujourd'hui partie du riche patrimoine artistique de la petite ville. L'initiative entamée par le Père Torres sera plus tard poursuivie sous la direction de Dom Anselm Catalan, de 1916 à 1950. Ce dernier développera l'architecture de New Norcia en y ajoutant une hostellerie, devenue désormais l'Hôtel New Norcia, et encouragera fortement l'oeuvre de Dom Stephen Moreno, le talentueux compositeur de musique religieuse de la ville.

 

Plusieurs soulèvements sociaux seront engendrés dans le pays par les deux guerres mondiales, mais, en dépit de cela, New Norcia était devenue, à partir des années 1950, une communauté religieuse stable et ordonnée, bien que peut être un peu refermée sur elle-même. Encore une fois, cette communauté connaitra d'importants changements, et ce, jusque dans les années 1990. Pour attirer plus d'Australiens, on adaptera la vie monastique afin de mieux correspondre aux conditions locales. Les réformes de Vatican II de la fin des années 1960 simplifieront la tâche des réformateurs, mais malgré cela, on comptait de moins en moins de moines à New Norcia. En dehors de l'enceinte du monastère, les changements seront encore plus remarquables : le nombre de paroisses où officiaient les membres de la communauté fut réduite à celle de New Norcia uniquement, tandis que les écoles destinées à la population aborigène fermèrent dans les années 1970, et l'éducation secondaire cessa avec la fermeture du collège catholique de la petite ville dès 1991.

 

Je m'inscrirai à la visite guidée proposée par notre guide, Mélissa, qui nous fera faire le tour du propriétaire en deux heure de temps. L'accueil des visiteurs est dynamique et fort sympathique. Ici, point de supermarché ou de commerces comme une vraie ville, mais tout est organisé pour le confort du voyageur que je suis. L'Hôtel New Norcia me permettra de diner ce soir, la Roadhouse, qui fait à la fois office de station-service, bureau de poste, épicerie, café et camping me fournira également un emplacement pour la nuit. Que demander de plus ?

Au centre d'accueil des visiteurs, un musée est accessible au public et permet de découvrir, à travers plusieurs vitrines, ce qu'était jadis la vie de la communauté bénédictine. Le musée et la galerie d'art attirent chaque année à eux seuls des milliers de visiteurs. A l'étage au-dessus, une magnifique exposition de peintures séduira les amateurs d'art. J'y découvrirai même la reproduction d'une cellule monastique (ci-dessous). Au deuxième étage enfin, se tient une exposition décrivant l'orphelinat Saint Joseph qui permit à tant d'enfants de se construire un avenir. Un peu en retrait, et au même niveau, vous visiterez enfin l'exposition relatant le jardin botanique de Charles Gardner.

Bien sûr, on n'enseigne plus à New Norcia comme autrefois, mais l'endroit reste plein de vie malgré tout : l'hôtel et la maison d'hôtes du monastère fournissent un abri à ceux qui recherchent tranquillité et quiétude. Quant aux bâtiments de l'ancien collège, ils sont maintenant utilisés pour des camps scolaires, des séminaires ou des conventions pour adultes. Depuis 1996, les moines ont aussi créé un centre éducatif pour permettre aux étudiants visitant le site de mieux comprendre ce qui s'y passe. Entre temps, l'artisanat réputé de New Norcia a laissé place aux spécialités et aux productions locales (vins, huile d'olive, pain, gâteaux). Que du bonheur !


 

INFOS PRATIQUES :


  • New Norcia Visitor Center, ouvert tous les jours de 9h30 à 16h30. Tél:08 9654 8056. Boutique de souvenirs, de vente de tickets pour les visites, et des différentes spécialités de la ville. Dans le même bâtiment se trouvent le musée et la galerie d'art. Site internet : http://www.newnorcia.wa.edu.au

  • Deux visites guidées de New Norcia sont proposées chaque jour, à 11h00 et à 13h30. Prix : 25AUD. Durée : 2 h00. Départ devant le centre d'accueil des visiteurs.

  • La Roadhouse propose carburant, épicerie, café, rafraichissements et snacks. C'est là que vous pourrez retenir votre stationnement pour votre camping-car (20 AUD par jour avec électricité, toilettes et douche à proximité). Ouvert tous les jours de 7h30 à 17h00.

  • Hotel New Norcia : diner possible (même si vous n'êtes pas client de cet hôtel) au bar, entre 18h00 et 20h00. Tél:08 9654 8034.

  • De l'autre côté de la route se trouve un terrain de camping sans électricité, pour les camping-caristes autonomes (qui possèdent toilettes et douche dans leur véhicule). Accès pour 10 AUD par nuit.

  • Plusieurs activités sont régulièrement organisées à New Norcia : camps musicaux et artistiques, retraites, séminaires... consultez le site internet pour toute information ou téléphonez au 08 9654 8018. Email :groups@newnorcia.wa.edu.au

     

 

 

 

 

 





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