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Karratha et Port Hedland
(Australie-Occidentale, Australie)
Heure locale


Mardi 24 mai 2016

 

Ma prochaine destination est Broome et je dois préalablement traverser une zone plus ou moins dépourvue d'intérêt, ou tout au moins peu touristique : Karratha et Port Hedland ne seront pour moi que des escales de récupération après avoir effectué plusieurs centaines de kilomètres dans la journée.

Karratha est par exemple une ville de 16000 habitants, première ville du nord-ouest de l'Australie, sise dans la région du Pilbara. Son économie est basée sur le minerai de fer, l'exploitation du sel et la fabrication d'ammoniac. En langage aborigène, Karratha signifie belle histoire, mais la ville, elle, n'a à proprement parlé pas d'attrait spécifique quand on y pénètre. A quelques quarante kilomètres de Karratha, j’aperçus à plusieurs reprises des usines gazières et un intense va-et-vient de gros camions. Pendant ce temps, mon réservoir se vidait. D'après mes calculs, ça devait tenir jusqu'à l'entrée de la ville où, d'après mon GPS, je trouverais une station-service. Le carburant est plus cher dans les zones désertiques, entre deux villes, et j'avais pensé refaire le plein au terme de mon voyage. A trente kilomètres de l'arrivée, mon tableau de bord me prévient que je fonctionne désormais sur ma réserve de carburant et qu'il faut m'arrêter à la prochaine station-service. Je réduirai donc ma vitesse en espérant ne pas tomber en panne sèche d'ici là. Au pire, je me garerai le long de la route et demanderai de l'aide car le trafic est plus intense à l'approche de Karratha et les Australiens sont habituellement très serviables. Plus que quinze kilomètres, dix, cinq, et me voilà arrivé à la fameuse station-service où Caruso (c'est ainsi que je l'ai surnommé), un oiseau chanteur (en photo ci-dessous), fait ses gammes, juché sur une pompe à essence. Au moins, je suis fixé : le réservoir de mon véhicule semble contenir 70 litres !

Ne serait-ce que pour trouver un terrain de camping où passer la nuit, je fais une halte à l'office du tourisme local. J'aurai au préalable rempli le frigo au supermarché Cole , car il ne me restait plus grand chose. Sur place, on me parle de Rock Art (comprenez des gravures de dessins sur des rochers effectuées jadis par les Aborigènes) dans une gorge profonde du tout nouveau parc national de Murujuga (dans la Péninsule de Burrup). Ces dessins sur pierre sont, semble t-il l'expression la plus évidente de l'activité humaine d'antan du côté de l'archipel de Dampier. Tant la densité des motifs que la variété de ces gravures sur pierre (on en compte approximativement entre 500 000 et ...un million) font de cet art local la curiosité majeure du site de Deep Gorge, même si les spécialistes n'ont pas pu à ce jour dater de manière précise ces figures. On évalue tout de même leur existence à 25000 ou 30000 ans. Quant aux thèmes des gravures, ils sont très variés : poissons, animaux marins, visages humains ou représentations de scènes comme la chasse... Il n'y a pas d'adresse précise pour s'y rendre, d'où mon hésitation. L'office du tourisme me donne simplement un prospectus avec le parcours détaillé de l'itinéraire. Trop fatigué par mes kilomètres précédents, je renonce.

Sur la route, les paysages qui se succèdent sont d'une grande diversité (ci-dessous) mais je ne peux malheureusement pas m'arrêter tous les cinq minutes pour prendre des photos et, seul à bord, il m'est difficile de photographier. La région du Pilbara mérite pourtant le détour : une des neuf régions d'Australie-Occidentale, sa superficie est de près de 508 000 km2 (presque la surface de la France) pour une population d'un peu moins de...40 000 habitants (dont la plupart vivent dans le tiers ouest de la région, à l'intérieur de villes comme Port Hedland, Karratha, Newman ou Marble Bar. Trois secteurs forment le Pilbara, un tiers ouest près de la côte ressemble à une grande plaine de sable sur laquelle se trouve la plus grande partie de la population, de l'agriculture et de l’industrie locale, un autre tiers est désertique, avec une très faible population d'Aborigènes, zone très protégée des intrus, les réserves aborigènes étant assez vastes pour permettre aux descendants des premiers habitants de l'Australie de vivre presque sans contact avec la civilisation moderne, et un tiers central abritant quelques exploitations minières et touristiques (comme des gorges). C'est à cet endroit que se trouvent quelques-uns des plus anciens terrains géologiques du monde avec des stromatolithes et des granites vieux de plus de trois milliards d'années. Le climat de cette vaste région est aride ou semi-aride avec des températures élevées et des précipitations faibles (il m'arrivera la plupart du temps de traverser de grandes rivières asséchées). La ville de Marble Bar est par exemple réputée pour être l'une des villes les plus chaudes au monde avec une température moyenne de 38°C pendant 161 jours consécutifs.

Si les éleveurs de moutons furent les premiers Européens à se développer dans le Pilbara, les mineurs, eux, créèrent Port Hedland de toutes pièces. Le premier or fut ici découvert en 1888, à Mallina, puis trois ans plus tard, à Marble Bar, puis enfin à Moolyella, à la fin des années 1890. Très vite, un nouveau port fut nécessaire pour permettre le débarquement des matériels et des provisions indispensables aux chantiers miniers. On arrêta rapidement le lieu de construction de la future ville en 1895, puis on construisit une jetée en 1896. Il faut savoir que Port Hedland est bâtie sur une île entourée d'une vaste mangrove et nos pionniers devront donc construire une route de presque cinq kilomètres pour relier Port Hedland au continent. Ce sera chose faite en 1898. Au départ, le transport de marchandises se fit à dos de chameau , puis le rail fit son entrée avec la construction d'une première ligne entre Port Hedland et Marble Bar, de 1909 à 1911. Deux ans plus tard, apparaissaient les premières automobiles, puis les premiers camions (en 1935). Les mines de manganèse furent très vite vitales pour l'économie de la ville. Et Don Rhodes Mining de débuter bientôt l'exploitation de ce minerai à 300 kilomètres de là. Il fallut à nouveau prévoir un moyen d'acheminement du manganèse de Woodie Woodie jusqu'à Port Hedland, depuis l'exploitation de cette mine, qui atteindra son pic de production en 1962 avant de décroitre fortement la décennie suivante. Une autre compagnie minière, la Goldsworthy Mining Company verra le jour en 1962 et choisira Port Hedland pour exporter son minerai de fer. 115 kilomètres de voies ferrées seront ainsi bâtis entre le Mont Goldsworthy et l'île Finucane, jusqu'en 1966. Ainsi le navire SS Harvey S.Mudd quittera t-il Finucane Island le 3 juin de cette même année, avec son premier chargement de minerai de fer pour le Japon. Un an plus tard, une autre ligne ferroviaire sera construite sur 426 kilomètres entre Newman et Port Hedland, pour la Mount Newman Company. On comptera plus de 2000 hommes sur cet immense chantier. Ainsi Port Hedland se développera t-elle avec un pic de croissance durant les années 1960 et 1970, principalement autour de l'exploitation du minerai de fer. Au fur et à mesure, certains habitants se mettront à collectionner des vieilles machines de chantier dans le but de créer un musée témoignant de l’activité passée de cette région : c'est aujourd'hui chose faite avec un musée consacré au rail et à l'exploitation minière qui est situé le long de Wilson Street à Port Hedland (ci-dessous). Ce musée, Don Rhodes Mining Museum, porte le nom de la compagnie minière qui offrit ses anciennes locomotives. Deux d'entre elles seront fabriquées en Australie, tandis que la troisième sera importée par bateau depuis San Francsico (Etats-Unis), accompagnée de 28 wagons de transport de minerai et d'une autre locomotive de même type, en décembre 1967. Ces deux locomotives seront utilisées pour la construction de la ligne ferroviaire Mont Whaleback-Port Hedland railway, puis actives jusqu'à leur retrait, en décembre 1971. Aujourd'hui, même si le transport ferroviaire existe encore, je croiserai surtout une noria de road trains (poids-lourds avec quatre remorques) sur ma route pour Port Hedland.

A Port Hedland, je me suis rendu à l'aéroport avec l'idée de faire connaissance avec le Royal Flying Doctor Service, qui parcoure l'Australie en petit avion afin de secourir les gens dans les coins les plus reculés du pays. Malheureusement, Port Hedland ne semble pas offrir de centre pour visiteurs comme dans certaines villes et je devrai tenter ma chance une autre fois et ailleurs. Cela me fait penser que ce service médical atterrit dans les endroits les plus inattendu comme ...une route par exemple. Hier, alors que je conduisais entre Karratha et Port Hedland, sur une ligne droite, un panneau routier attire mon attention RFDS Emergency runway. Quelques centaines de mètres plus loin, j'aperçois quelque chose qui ressemble à une passage clouté (de grandes barres blanches peintes sur la route). Rebelote deux kilomètres plus loin. Et d'en déduire que cette portion de route pouvait, si besoin, servir de piste d'atterrissage/décollage pour les petits avions des médecins du ciel, en plein bush. Incroyable Australie !

A côté du bureau du RFDS de l'aéroport de Port Hedland, se trouve celui de School of the Air. Est-ce une école d'hôtesses de l'air ? Du tout, mais au contraire, une école destinée à enseigner, par internet et/ou par téléphone, à des enfants éparpillés à des centaines de kilomètres de là, dans le bush australien. Joy, le professeur, déjà dans son bocal (ci-dessous) pour sa prochaine leçon, accepte très gentiment de me recevoir.

Cette école de Port Hedland offre ses services aux enfants isolés du bush dans la région de Pilbara. L'école débuta en 1964, mais c'est en 1999 qu'elle rejoignit ses locaux actuels, à côté des médecins du ciel. L'école de Port Hedland est la plus importante des cinq écoles du même type existant dans l'Ouest australien. Et fêta en 2014 le cinquantième anniversaire de son existence. Ce type d'enseignement à distance s'adresse à des enfants à partir de 7 ans, vivant sur les 560 000 km2 du territoire de Pilbara, lorsqu'il n'existe pas d'école à proximité. Ces enfants vivent souvent dans des fermes isolées, des communautés aborigènes, ou dans des micro-structures touristiques retirées du monde. Les enfants aborigènes forment habituellement 25 % des effectifs des enfants scolarisés par ce biais. Et ce sont quarante enfants qui assistent cette année de façon régulière aux cours de 40 minutes que dispense Joy ou ses collègues, devant ses deux écrans d'ordinateurs. Le système éducatif australien fournit aux familles l'ordinateur ainsi que le système de réception internet par satellite. L'enfant peut ainsi communiquer par télé-conférence avec son professeur, ou, à défaut, par téléphone, lorsque internet ne fonctionne pas ou mal. Les élèves ont devant eux leurs livres de classe et suivent la leçon en compagnie de leur professeur, font leurs devoirs et les adressent plus tard à l'école pour correction. Joy m'annonce comme étant un visiteur surprise, tout droit venu de France, et c'est une leçon de géographie qui démarre, avec, à la clef, des questions sur mon métier et les destinations que je fréquente pour mon travail. Cinq élèves participent alors en direct, à des centaines de kilomètres de là, à cette leçon, et à un échange pour le moins inattendu.

 

INFOS PRATIQUES :


  • Karratha Caravan Park, Mooligunn Road, à Karratha. Tél:08 9185 1012. 35AUD pour une nuit pour un emplacement avec eau et électricité. C'est le camping de la ville le moins cher (les autres avoisinant les 50AUD pour le même type d'emplacement). L'endroit est propre, est surtout fréquenté par des ouvriers de chantiers qui ont ici élu domicile à l'année.

  • Don Rhodes Mining Museum, Wilson Street, à Port Hedland. Accès libre à ce musée situé dans un petit parc à côté de la station-service Shell.

  • School of the Air, aéroport de Port Hedland, Waldren Street, à Port Hedland. Tél:08 9172 8100. Site internet : http://www.porthedlandsota.wa.edu.au

  • Séquence vidéo sur la vie d'un élève suivant les cours de School of the air : http://www.vimeo.com/50966520

  • Autre séquence du même type : http://open.abc.net.au/explore/60088

  • SandFire Roadhouse & Caravan Park, sur la Great Northern Highway, à 254 kilomètres de Port Hedland. Cette halte fait à la fois station-service, camping, location de studios, restaurant et épicerie. Si le gazole est cher (155 pence le litre au lieu de 122 en ville), l'emplacement pour camping-car est très raisonnable (20AUD), au milieu des paons et des oies. Détente et accueil chaleureux garantis !

  • Royal Flying Doctor Service : https://www.flyingdoctor.org.au/











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