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L'Orphelinat de PilRoc
(Paynes Find, Australie-Occidentale, Australie)
Heure locale

Lundi 30 mai 2016

 

Il y a deux semaines, je vous avais parlé de Badginbarra, une petite localité où j'avais, par le plus grand des hasards, fait la connaissance de Gail et de Dave qui s'occupent tous les deux des animaux blessés par les chauffards, ici, dans l'Ouest australien, alors qu'ils donnaient la tétée à deux bébés kangourous. Je leur ai rendu visite récemment, à Paynes Find, dans le bush. Là, Dave a fait l'acquisition d'un immense terrain où notre couple s'est établi pour créer le havre de paix indispensable pour les animaux blessés qu'on leur apporte, où que Gail et Dave vont récupérer suite à un coup de téléphone. La retraite de Pilroc ouvre également ses portes aux visiteurs du monde entier et aux volontaires, désireux de prendre soin de nos amis les bêtes. Ce jour-là, je me gare devant le grand mobile-home qui sert d'abri à Gail et à Dave et je suis merveilleusement accueilli avec un café. Autour de la table, la maman de Gail, et des volontaires locaux, qui viennent donner un coup de main au couple. Parmi eux, se trouve également Simon qui a désiré poser ses valises pour quelques temps à Pilroc Retreat, pour s'occuper des kangourous. Justement, deux jeunes gens arrivent à leur tour pour venir observer ceux qui font ici l'objet de toutes les attentions. Cette maison qui déborde d'amour pour la cause animale a aussi un petit cimetière (en photo ci-dessous), lieu de repos éternel pour tous les animaux qui, un jour, sont morts ici dans les bras de nos deux protecteurs. Les visiteurs, eux, ont leur drapeau. A mon arrivée, Dave s'empressera de déplier le drapeau français qu'il accrochera à côté des autres, sur une corde à linge.


 

Gail m'avait précédemment raconté qu'elle avait travaillé à l'aéroport de Perth. Et puis, elle rencontrera Dave, et décidera de tout quitter pour rejoindre son bien-aimé ici, à Paynes Find. Le refuge a été créé il y a cinq ans et accueille depuis beaucoup d'animaux blessés, dont une majorité de kangourous. Gail et Dave ne travaillent pas seuls et sont reconnus par les autorités australiennes, et par l'association pour la protection de la Terre et de la vie sauvage. Nos deux amis ne disposent malheureusement que de très peu de ressources, le gouvernement australien ne leur apportant aucun subside. Notre couple vit ainsi des fonds et des dons qu'on leur confie : l'association que je viens de citer contribue ainsi à hauteur de mille dollars australiens chaque année au budget du refuge. Les visiteurs de passage peuvent également faire des dons mais c'est sans doute les compagnies minières, présentes dans la région, qui contribuent le plus largement au financement de la cause animale, comme, par exemple la Mount Gibson Iron Mining Company. Non seulement, celles-ci donnent des fonds mais elles apportent aussi à Gail et à Dave les bêtes souffrantes qui sont parfois découvertes le long des routes. D'autres partenaires aident notre couple à leurs manières, en faisant des dons en nature, comme par exemple de la luzerne qui ne peut pas être vendue dans le commerce mais qui est assez bonne pour les kangourous, leur est offerte. Certains magasins font don de graines et de fruits secs ayant dépassé la date de consommation ou n'étant plus présentables à la vente. Ici, c'est la débrouille qui règne avant tout. Et ça marche !

 

Gail détient une habilitation officielle pour s'occuper des animaux et utiliser notamment certains médicaments. Un vétérinaire vient lui rendre visite, une fois par an, au refuge, afin de vérifier que les médicaments sont rangés en lieu sûr, répertoriés, mis à l'abri des regards indiscrets, et sous clef. Et lorsqu'ils sont utilisés, c'est sous contrôle d'un vétérinaire. Gail me montre aussi son badge officiel qu'elle arbore lorsqu'on lui confie un animal blessé. Ce badge prouve sa compétence pour recueillir les animaux et s'en occuper. Ensuite, notre couple soigne les animaux avant de les relâcher plus tard dans la nature. Pas question de garder captif un kangourou comme animal de compagnie, car la loi ne l'autorise pas. Une exception toutefois pour un aigle (ci-dessous) recueilli par Dave sur le bord de la route, et victime d'une voiture qui lui a cassé une aile. L'animal ne pourra désormais jamais plus voler, ni vivre en milieu naturel comme ses congénères. Dave lui a donc aménagé une volière. Le cas des perroquets gris et rose, très bavards, (deuxième photo) que j'aperçois en cage devant le maison est différent : ces oiseaux ont été recueillis bébés et sont, eux aussi, destinés à repartir dans la nature, quand ils le souhaiteront. Les perroquets sortent parfois de la cage restée ouverte pour s'ébrouer d'arbre en arbre, mais n'ont jusque là jamais choisi de prendre le large. Une minuscule petite souris, qui sort de temps à autre sa tête du dessous de la cage, a elle, aussi choisi de rester à demeure.

 

On a déjà accueilli ici kangourous, perroquets, émeus, aigles, goannas (de très gros lézards, toutefois moins gros que les varans) et des petits oiseaux. Les kangourous ont quant à eux leur enclos qui leur sert de cour de récréation. Sur place, on trouve un kangourou gris, des wallaroos (plus petits) et des kangourous rouges (reconnaissables aux tâches noires et blanches qu'ils portent sur leur museau). Je m'approche lentement de la barrière et nos kangourous de s'approcher de moi, curieux et interrogés par ma présence. Je les caresserai sans difficulté car ces kangourous-là sont très sociables et se laissent toucher même pendant leur repas. Comme les perroquets, ils ne mordent pas mais mordillent délicatement le doigt, se faisant une raison puisque cela ne leur semble pas très comestible. Ces marsupiaux sont de 63 espèces différentes et se trouvent à l'état sauvage uniquement en Australie (sur le continent australien et en Tasmanie) ainsi qu'en Nouvelle-Guinée, pour les kangourous arboricoles. La population australienne des kangourous est quant à elle estimée à 40 millions ! Cet animal nocturne dispose d'une queue qu'il utilise comme trépied lorsqu'il est au repos, et qui lui sert de balancier lorsqu'il saute. Je suis surpris par la puissance de l'animal. Un kangourou voulant jouer avec Gail saute sur elle à pieds joints en se servant de sa queue pour se maintenir en équilibre. Il s'agit là d'un petit kangourou mais imaginez la même chose avec un kangourou géant du désert? Cet animal n'est pourtant pas agressif. Il ne mord pas, certes, mais il pourra vous griffer avec ses longs ongles. Et lorsqu'il en aura marre, il émettra un grognement , un son ressemblant à une toux, ni plus ni moins. J'admire la grâce avec laquelle ils sautent, les pieds joints, se déplaçant ainsi à une vitesse folle (à 50/60 km par heure en moyenne, avec des pointes à 80/90 km heure en cas de danger!) On imagine facilement la force considérable contenue dans les pattes arrière.

 

Curieux, je demande à Gail comment on distingue les mâles des femelles. En fait, on agit par déduction : en observant le ventre du kangourou, on ira cherche la petite poche marsupiale (abdominale) qui existe chez les femelles. Faute de poche, on conclura qu'il s'agit d'un mâle. Gail, en glissant sa main dans la poche d'un kangourou du groupe (ces animaux-là vivent en bandes) découvre que l'animal attend un bébé. Un petit se trouvait déjà dans la poche. Comme tous les marsupiaux, les kangourous mettent au monde leurs progénitures à l'état d'embryon au bout de quatre semaines (l'équivalent au développement d'un embryon humain de huit semaines). A ce stade, il ne mesure pas plus de 2 centimètres pour un poids d'un gramme. Pour rejoindre la poche marsupiale, l'embryon va ramper à l'odeur sur la fourrure de sa mère. Et cette dernière, pour l'aider, de lui tracer un chemin avec sa salive. La poche, située à une distance de trente centimètres au-dessus du vagin et ouverte vers le haut, et contient quatre tétines produisant un lait dont la composition variera en fonction du stade de développement du petit, d'abord riche en sucres, puis en protéines afin de faciliter le développement du cerveau et des membres, puis en graisse pour favoriser son activité. A ce stade, les poumons ne sont pas encore développés, le corps, lui est rouge vif, et seuls les membres inférieurs apparaissent déjà. Une fois dans la poche, le bébé s'accrochera à une tétine et ne quittera pas son abri avant d'être capable de se nourrir seul. Et de sortir la tête pour la première fois de sa poche au bout de 5-6 mois. Il pèse alors environ 3,5 kg. Puis, il quittera la poche trois mois plus tard, tétera sa mère jusqu'à l'âge d'un an puis deviendra adulte à 18 mois. Chose incroyable, la femelle garde un embryon de secours dans son utérus en état d'attente provoqué par la lactation du petit dans la poche, dont la perte accidentelle provoquerait le développement automatique de ce deuxième embryon. Comme la nature est bien faite !


 

Gail et Dave me proposent de passer la nuit sur place. Je gare mon véhicule dans la cour et partagerai le repas familial. Les kangourous auront diné avant nous puis, pour certains d'entre eux ,qui sont autorisés à passer la nuit à l'intérieur de la maison, auront rejoint très docilement, et tête la première (c'est comme cela que Gail les rentre dans le sac) leur poche en tissu (ci-dessous), qui reste instinctivement pour eux la meilleure des protections, puis s'endormiront aussitôt jusqu'au lendemain. Extraordinaire.

Ces animaux au demeurant fort sympathiques n'ont pourtant pas que des amis : outre les chauffards, leurs plus grands prédateurs sont les dingos, et les chiens sauvages. Même les serpents les tuent parfois mais par peur, puisque le kangourou, curieux de nature, ne se méfiera pas forcément de cette chose tapie sur le sol qu'il ira renifler, et mourra par piqûre de venin. Gail a perdu il y a quelques temps trois kangourous de cette façon. Non dépourvus d'imagination, ces animaux attirent si besoin les chiens dans l'eau pour les noyer (le kangourou nage merveilleusement), voire se sert de ses pattes pour convier le chien à un combat à la savate...et à la loyale ! On trouve parfois des comportements surprenants chez cet animal, comme, par exemple une démonstration d'affection sans bornes de l'un d'entre eux (deuxième photo) vis à vis de Gail et de Dave. Gail me racontera aussi l'histoire d'un kangourou rescapé qui raffolait de potiron...et de vin rouge! (on a du goût ou on n'en a pas!). Dave considère les kangourous comme des chats, à cause de l'indépendance qu'ils affichent toutefois. Je l'ai aussi remarqué en leur donnant à manger dans la main. Le kangourou mangera les graines en regardant ailleurs, dans le genre « cause toujours, tu m'intéresses ». Je me dis que ces animaux ont l'air décidément bien affectueux mais ne nous y trompons pas, ils restent avant tout des animaux sauvages et Gail me rappelle que le refuge de Pilroc est destiné à les soigner et non à devenir un zoo.


 

Quant aux volontaires, ils sont les bienvenus s'ils ont du temps et de l'amour à offrir aux animaux. Si vous êtes intéressé, le mieux est de vous adresser directement à Gail et Dave (voir les infos pratiques). Un accès Facebook est à votre disposition pour les joindre à tout moment. Faute d'être volontaire moi-même, je dis à Gail que j'évite de conduire la nuit pour ne pas risquer de tuer la faune locale, mais que faire si un animal se jette malgré tout sous mes roues? Déjà, on agit comme pour les êtres humains et on s'arrête. Qu'il soit malade, blessé ou orphelin, l'animal aura froid, sera choqué, très stressé et déshydraté. Les animaux blessés feront tout pour dissimuler leurs maux, aussi, méfiez-vous des apparences ! Plusieurs choses doivent être faites : préserver l'animal dans une boite en carton (où il ne se blessera pas lui-même en se débattant), le garder au chaud, au calme, dans l'obscurité le plus possible, ne rien lui donner à boire ni à manger, et contacter d'urgence une personne qualifiée (un vétérinaire ou un volontaire, auprès par exemple de la Kanyana Wildife Association au 08 9291 3900). L'animal ayant autant (ou plus) peur que vous, il faudra l'approcher avec précaution, sans gestes brusques : attention au kangourou, qui peut, dans un geste d'auto-défense, et même s'il est blessé, vous projeter avec ses puissants membres inférieurs, vous mordre ou vous griffer (avec ses longues griffes). Garder l'animal au chaud suppose de ne pas le placer directement en contact d'une source de chaleur car cela le brûlerait. Il s'agit de l'envelopper dans un tissu, une couverture, à l'abri de toute source direct de chaleur (notamment le soleil). Eviter ensuite le bruit (musique, bruits d'appareils ménagers, et cris des enfants) et surtout, ne pas laisser l'animal blessé en contact direct avec vos animaux domestiques. En cas de stress important, recouvrir la tête de l'animal blessé. Evitez aussi de nourrir les animaux blessés, avant d'avoir eu l'avis d'un spécialiste, car chaque espèce a un régime bien particulier. Vous trouverez des volontaires à votre écoute, 24 heures sur 24, au 9474 9055 (toujours appeler un volontaire immédiatement).

Attachons-nous maintenant aux cas particuliers :

Les oiseaux sont souvent victimes d'attaques de chats, tombent du nid, s'empoisonnent ou se fracassent sur les pare-brise des véhicules. Toute blessure peut emporter l'oiseau en deux jours. Ne pas le laisser s'enfuir et prendre soin de lui.

Les kangourous. Si l'animal est mort, le déposer sur le bord de la route et vérifier s'il a une poche, et s'il en a une, regarder à l'intérieur s'il n'y a pas un bébé. Si oui, récupérez le avec soin ( mais ne jamais retirer la tétine au bébé, quitte à découper avec un couteau la tétine qu'il conservera avec lui). Dans le cas des petits kangourous, mieux vaut emporter avec vous le kangourou mort, avec le petit à l'intérieur. Le vétérinaire fera le reste. Notez également s'il existe une deuxième tétine proéminente qui signifierait l'existence d'un second bébé dans la poche et donnez ce détail au volontaire. En cas de blessure sévère, il sera préférable d'achever sur place l'animal. Fermiers, policiers et rangers des comtés ont reçu une formation pour agir. Appelez-les. Ou bien mettez-vous en contact avec un volontaire.

Les opossums, eux, seront recouverts d'un tissu avant de les saisir par la queue et la peau du coup pour les déposer dans un sac.

Les bandicoots (autres marsupiaux) seront placés dans une boite ou un sac pouvant être fermé. Couvrir l'animal d'un tissu avant de l'attraper (éviter de l'attraper par la queue). Ces animaux sont très sensibles au stress.

Les tortues seront placées dans une petite boite, et surtout pas dans l'eau avec ses blessures.

Les échidnés (genre de hérisson à longues épines) seront aussi placés dans une boite pouvant être fermée. Attention, cet animal est puissant et ira possiblement se nicher dans un endroit inaccessible de votre véhicule si par malchance il arrive à sortir de sa boite. L'attraper après l'avoir recouvert d'une serviette, mais ne pas tenter de le prendre par les pattes arrière. Bien refermer le contenant. Et ne pas le maintenir au chaud. Cet animal est à sang froid et a juste besoin d'un endroit frais. Bonne route !

 

INFOS PRATIQUES :


  • Protection of the Earth & WildLife Association, 156 Palmerston Street, à Perth. Tél:08 9227 1181. Site internet : http://www.protectioncalendarwildlife.org.au/

  • Kanyana WildLife Rehabilitation Centre, 120 Gilchrist Road, à Lesmurdie. Tél : 08 9291 3900. En cas d'accident avec un animal, composer immédiatement le (08) 9474 9055 pour alerter les secours, en donnant votre position, puis l'association s'occupera du reste. Un hôpital est ouvert tous les jours à cette adresse, de 8h30 à 18h30. Site internet : https://www.kanyanawildlife.org.au/

  • Pilroc Retreat (Gail et Dave), Centre de réhabilitation et de soins pour les animaux blessés ou abandonnés, PMB 12 à Paynes Find (sur la Great Northern Highway), à environ 250 kilomètres de New Norcia, près du lac Moore. Tél : 08 9963 6068, 0418 919 773. Gail et Dave sont joignables également aux numéros suivants, pour Gail (359 029, 164 097) et pour Dave (237 751 et 160377). Ou par internet: http://www.facebook.com/groups/PilRoc

     



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