Revoir le globe
Top


L'île de Bruny
(Tasmanie, Australie)
Heure locale


Dimanche 6 novembre 2016

 

J'ai connu meilleur temps. Nous sommes pourtant au printemps mais le soleil se fait désirer et c'est sous les nuages que j’embarquerai à bord du ferry pour me rendre sur l'île de Bruny. Cette île, proche de la Tasmanie, était jadis occupée par les Aborigènes qui furent décimés par les colons anglais. C'est en novembre 1642 qu'Abel Tasman débarqua dans les environs, avant que Tobias Furneaux, qui explorait la côte avec James Cook, n'y mouille en 1773. L'île de Bruny est en fait constituée de deux îles, celle du nord et celle du sud, reliées par l'isthme sablonneux de Saint-Aignant.

Je me réveillé tôt, et quitte Hobart à 6h30, après le lever du jour. Il me faudra une trentaine de minutes pour rejoindre Kettering, petit port niché au bord de l'eau, entouré de monts boisés. Le village s'est développé autour de l'embarcadère à ferry Little Oyster Cove. Sur ma route entre Hobart et Kettering, je serai surpris de croiser une quinzaine de cadavres de (petits) kangourous, encore des victimes des conducteurs peu attentifs au moment où ces animaux sortent de leurs refuges, à la tombée de la nuit, la nuit, ou au lever du jour. Il n'est d'ailleurs pas rare que la vitesse sur route soit limitée par endroits à 55 km/heure.

J'ai branché le GPS pour m'indiquer l'itinéraire mais il me suffira de suivra les panneaux routiers pour trouver mon chemin, car l'embarcadère du ferry est très bien indiqué. Mais qu'allais-je donc bien pouvoir trouver sur cette île ? En effet, le plan succinct que me fournira l'employé de la compagnie de ferry ne m'offre qu'une route goudronnée, les autres axes étant des pistes. Pas de références culturelles non plus, puisque l'île Bruny est avant tout un lieu de détente, où l'on pratique la randonnée pédestre, au milieu des pâturages et des forêts d'eucalyptus. Il existe bien un bureau du tourisme à Kettering, au port, mais celui-ci est fermé et il est hors de question que je quitte mon véhicule, une fois engagé dans la file d'attente pour l'embarquement.

 

En débarquant sur l île, je choisis simplement de suivre les panneaux indicateurs. Au bout de quelques kilomètres de route, un panneau indique Dennes Point. Je choisis donc de m'engager sur une piste de terre tout à fait praticable à vitesse réduite. C'est aussi la meilleure façon de traverser des sites pittoresques, avec ses fermes et ses maisons isolées. On vit ici principalement de l'élevage et de l'exploitation du bois. Je croiserai quelques voitures sur mon chemin et arriverai à destination au bout d'une demi-heure de route. Je suis déçu à mon arrivée car Dennes Point n'offre rien de remarquable, mis à part un pêcheur installé en bord de mer au bout d'une jetée. Je poursuis ma route et me dirige en direction de Killora, autre minuscule bourgade de la partie nord de l île. La côte est le plus souvent sauvage et abrupte, avec parfois des falaises de dolérite surplombant la mer à plus de 200 mètres, tandis que la côte donnant sur le canal d'Entrecasteaux est plus hospitalière. Ce canal est un détroit du sud-ouest de l'océan Pacifique formé par le littoral sud-est de la grande île de Tasmanie et la côte occidentale de l'île Bruny. Ce bras de la mer de Tasman a été nommé ainsi en l'honneur du Français Antoine Bruny d'Entrecasteaux, qui le visita à la fin du XVIII ème siècle, 150 ans après qu'Abel Tasman l'ait aperçu en 1642. Navigateur, notre homme partira en 1791 à la tête de deux frégates, La Recherche et L'Espérance, à la recherche de l'expédition de Jean-François de La Pérouse, dont on n'a plus de nouvelles. Le chevalier d'Entrecasteaux explorera ainsi tour à tour les rivages de Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie, les Îles Tonga et les côtes australiennes.

 

Après avoir traversé Killora, je repère sur la route le cadavre d'un kangourou forestier. Quelques mètres plus loin sur ma droite, se trouve l'entrée de la station de quarantaine de l île Bruny (voir infos pratiques). Il est encore trop tôt pour m'y arrêter et je poursuis ma route, en faisant un crochet par Barnes Bay (ci-dessous). Alors que je descends de la voiture, un chien fonce sur moi. Et vient me faire la fête. Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'un mangeur d'hommes...Quelques minutes plus tard, je repars en direction de la partie sud de l'île.


 

L'île Bruny est parcourue par un tas de pistes mais celles-ci ne sont parfois praticables qu'en 4X4. Prudence donc. L'itinéraire mentionné sur le dépliant remis par la compagnie de ferry a l'avantage d'être franchissable avec un véhicule lambda. A condition d'adopter une conduite souple, d'éviter les mouvements brusques et de respecter les panneaux de vitesse, il n'y a aucun danger à fréquenter les pistes indiquées.

Pour me rendre dans la partie sud de l île, il me faut franchir l'isthme de Saint-Aignan (ci-dessous), une bande de sable large d'une centaine de mètres, traversée elle aussi par une piste. Cet isthme est bordé à l'est (à gauche sur la photo) par la mer de Tasman et à l'ouest (à droite sur la photo) par le canal d'Entrecasteaux. J'aurai préféré prendre le cliché sous le soleil mais ce dernier tarde ce matin à pointer le bout de son nez. D'après le Voyage de découvertes aux terres australes, laissé par François Péron, un des membres de cette expédition, cet isthme fut découvert et nommé ainsi au début du XIX ème siècle par l'expédition vers les Terres Australes, alors commandée par Nicolas Baudin. Au début de l'isthme se trouve un point de vue à na pas manquer, le Penguin Rookery. Un escalier permet de monter au sommet d'une grande dune de sable et de profiter d'une vue imprenable sur les deux côtés de l'isthme : d'un côté, l'Isthmus Bay (à l'ouest), et de l'autre, Adventure Bay (à l'est). Au pied de cet escalier se dresse un mémorial en l'honneur de l'Aborigène Truganini (deuxième photo).

 

Née vers 1812, cette femme est considérée comme la dernière des Aborigènes de Tasmanie. Originaire de l'île Bruny, elle perdra sa mère (tuée par des baleiniers) avant d'atteindre l'âge de dix-huit ans. Puis, Truganini perdra aussi son premier fiancé qui sera tué alors qu'il la défendait contre des ravisseurs. Quant à ses deux sœurs, elles seront enlevées puis déportées sur l'île Kangourou pour y être vendues comme esclaves. Et lorsqu'elle parviendra à se marier, son époux disparaitra peu de temps après. De son côté, le gouverneur George Arthur, arrivé en Tasmanie en 1824, mettra en place des mesures devant permettre de mettre un terme aux conflits qui opposaient Aborigènes et colons blancs. L'une de ces solutions était la ségrégation, laquelle consistait à inciter les Aborigènes à s'installer dans des camps spécifiques, et à récompenser les colons qui apporteraient les Aborigènes jusqu'à ces camps. C'est cette politique qui fut appliquée sur l'île Bruny. Six ans plus tard, en 1830, le protecteur officiel des Aborigènes, George Augustus Robinson, fera déplacer Truganini et son époux Woorrady sur l'île Flinders, avec une centaine d'autres Aborigènes. L'intention était de les sauver (car ils étaient considérés comme étant les derniers de leur race) en les isolant de la société blanche. Beaucoup succomberont malgré tout de maladies importées, comme la grippe. Truganini aidera d'abord George Augustus Robinson à établir un camp pour les Aborigènes issus du territoire métropolitain australien, mais rejoindra ensuite une rébellion, ce qui lui vaudra d'être déportée à son tour sur l'île Flinders. Dernière survivante de son groupe, elle sera emmenée à Hobart en 1873 où elle décèdera à l'âge de 64 ans. Pressentant sans doute ce qui l'attendait, elle aurait dit à son médecin « ne les laissez pas me découper en morceaux ». Après son enterrement, on exhumera son corps et son squelette resta suspendu dans une vitrine au Musée de Tasmanie jusqu'en 1947. Malgré les réticences du musée, et pour le centenaire de sa mort, le squelette de Truganini sera incinéré, et ses cendres jetées à la mer précisément dans le détroit d'Entrecasteaux, tout près de l'endroit où elle était née, et selon ses dernières volontés.

Au pied de cette même dune, on peut observer des trous dans le sable. Il s'agit de terriers creusés par les pingouins qui y ont élu domicile. L'hémisphère sud possède en effet un grand nombre d'espèces de ce petit animal qui migre à partir d'avril pour revenir en septembre. Je n'en apercevrai pas ce matin. Sans doute se seront-ils cachés, apeurés par l'arrivée des touristes sur cette dune.


 

Je reprends la route (enfin, la piste) et me dirige vers Adventure Bay, petite localité là encore sans grand intérêt mais qui possède un minuscule musée, le musée Bligh (ci-dessus). Le vieux monsieur qui le tient m'interdira de prendre des photographies et je n'insisterai pas. Ce musée est consacré à l'existence de l'explorateur William Bligh, qu'on connait surtout à cause de la mutinerie du Bounty. Cet homme fut avant tout administrateur colonial et officier de la Royal Navy. Sans doute à cause de son fort tempérament, il accumulera les déboires : d'abord avec son équipage, lors de la rébellion de celui-ci à bord du Bounty, et puis, plus tard, lorsqu'il sera gouverneur de Nouvelle-Galles du Sud, lors de la révolte du Rhum dirigée par John MacArthur (je parle de cet événement dans un précédent article). En 1787, sur le Bounty, sa mission sera de rallier Tahiti pour y embarquer des plants d'arbre à pain, dans le but de nourrir les esclaves des plantations antillaises avec ce fruit. Plusieurs contretemps contrarieront cette mission qu'il finira par mener à bien lors d'une nouvelle expédition, cinq ans plus tard. Mais les esclaves antillais, eux, refuseront obstinément de consommer le fruit de l'arbre à pain...

 

Je traverserai successivement les localités de Alonnah, puis de Lunawanna, avant de prendre la direction du phare du cap Bruny. Il me faudra 45 minutes en roulant au pas pour atteindre l'extrême sud de l'île. Après Lunawanna, lorsqu'on prend la direction du cap Bruny, on s'engage rapidement sur une piste mentionnée comme glissante. Soyez prudent et ne dépassez pas les 20 km/heure à cet endroit, car vous finiriez dans le décor. Cette portion de piste très glissante s'achève au bout d'un kilomètre. Je pénètre ensuite dans le parc national du sud de l'île Bruny et suis invité à m'acquitter d'un droit d'entrée (infos pratiques). Personne ne me surveille et je pourrais très bien ne rien payer du tout mais cet argent sert à entretenir les parcs nationaux. Ce parc offre quelques points de vue superbes indiqués en bord de route (ci-dessous), avant d'atteindre le phare (deuxième photo). Cette construction est le second plus ancien phare d'Australie, avec ses 158 années d'existence (il fut allumé pour la première fois en 1838, et ce, jusqu'en 1996). C'est le gouverneur George Arthur qui aura l'idée de l'ériger dès 1835 alors que survenaient régulièrement des naufrages à l'entrée du canal d'Entrecasteaux. Il faudra deux années aux bagnards pour bâtir l'édifice dont les plans seront conçus par l'architecte John Lee Archer, et on utilisera de la dolérite extraite dans les alentours. Au départ, on utilisait de l'huile de baleine pour éclairer la lanterne du phare, et bien que le faisceau lumineux (alimenté par une quinzaine de lampes) était visible sur un rayon de 30 miles nautiques celle-ci consommait tout de même une pint d'huile par heure, et on la remplaça bientôt par l'huile de colza. La lentille de Wilkins sera plus tard elle aussi remplacée par celle des Chance Brothers qui fonctionnera au kérosène et au courant 110vols, avant d'être équipée dès 1984 en 240 volts. Désormais, un autre faisceau lumineux a pris le relais de ce phare, juché au sommet d'une colline voisine et alimenté en énergie solaire.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Pour embarquer à bord du ferry, suivre les panneaux routier indiquant Bruny Island Ferry, puis vous arrêter au niveau d'une petite guérite où un employé délivre les tickets : il en coute 33 AUD$ pour un passage A/R avec un véhicule de taille moyenne. Le paiement par CB est aussi possible. On vous remet sur place une brochure sur l'île Bruny, et un dépliant contenant les horaires des bateaux. La traversée dure une vingtaine de minutes, et un navire comme le Mirambeena peut embarquer environ 70 voitures, sur deux ponts différents.
  • Zone de quarantaine de l île Bruny, Route de Killora, sur la partie nord de l'île Bruny. Tél : 03 6293 1419 ou 0435 069 312. Des visites (d'une, ou de 2h00) sont possibles du jeudi au lundi, de 10h00 à 16h00.

  • Alonnah Store vous accueille pour une pause salutaire : café et pâtisseries sont disponibles sur place. Juste en face, se trouve l'hôtel Alonnah et un magasin d’alcool.

  • South Bruny National Park : il vous en coutera 24AUD$ pour une voiture et pour 24 heures. Déposez l'argent à l'intérieur d'une enveloppe disponible sur place (suivre les indications) et conservez le talon de l'enveloppe comme récépissé.

  • South Bruny National Park : http://www.parks.tas.gov.au/?base=3765

  • Il est possible de visiter le phare en journée (10AUD$ par personne) tous les jours de 10h00 à 16h00, ou au coucher du soleil (35 AUD$), sur réservation uniquement (Tél : 0437 499 795). Un petit musée sur le phare est également disponible face au parking. Entrée libre.






Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile