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Musée Maritime de Tasmanie
(Hobart, Tasmanie, Australie)
Heure locale

 


Lundi 7 novembre 2016

 

En Tasmanie, la mer n'est jamais loin. Et le Musée maritime de nous rappeler ce que l'île doit à l'océan. Je décide ce matin de parcourir ce joli musée afin de découvrir la vie maritime de cette île. Alors qu'il y a 12000 ans, le niveau des mers atteignait peu ou prou le niveau actuel, suite à la fin de la période de glaciation, les Aborigènes qui vivaient en Tasmanie furent peu à peu isolés du reste du continent australien. Avant l'arrivée des Européens, ce peuple vivait en groupes, principalement sur les côtes de l'île, voire légèrement à l'intérieur des terres. Chasseurs, ils se déplaçaient au gré des saisons et des récoltes pour s'approvisionner en vivres. Refuges, outils et contenants étaient faits à partir des ressources naturelles directement disponibles dans l'île, comme la pierre, l'écorce ou les tendons d'animaux. Ce peuple côtier puisait également dans la mer une bonne partie de ses ressources, les femmes ramassant par exemple les coquillages. Les Aborigènes utilisaient fréquemment des canoës (ci-dessous) pour traverser les rivières ou naviguer sur l'océan. Ils se rendaient ainsi sur des îlots inhabités comme l'île de Bruny ou l'île Maria, histoire d'aller chasser le phoque ou les oiseaux. Là encore, les embarcations étaient faites de matériaux naturels qui pouvaient varier localement selon les endroits. Ecorces et roseaux étaient liés en bottes à l'aide de cordes faites à de tendons d'animaux ou d'écorces d'arbre. Les canoës mesuraient généralement de deux à 4,5 mètres de long, et pouvaient transporter de deux à huit passagers.

 

Le destin des Aborigènes allait basculer ce 14 août 1642, alors que le Hollandais Abel Tasman, qui se trouvait à la tête des navires Heemskirk et Zeehaen, allait découvrir cette terre appelée dans un premier temps Terre de Van Diemen. Les Hollandais étaient alors à la recherche de nouveaux territoires commerciaux et naviguaient dans la région, à l'affût de nouvelles découvertes. Le 24 novembre de la même année, Abel Tasman apercevra les côtes tasmaniennes, mais ne parviendra pas à mouiller sur l île de Bruny. Les deux navires relâcheront le 1er décembre à Marion Bay, sur la côte Est. Les Européens distinguèrent alors des feux et des voix, laissant penser que l'île était habitée malgré qu'aucun être humain ne pouvait être clairement aperçu. La première rencontre entre Aborigènes et Européens aura lieu lors de l'expédition française conduite par Marion du Fresne, en 1772, mais un malentendu fit tourner cette rencontre en drame et un Aborigène fut tué. Furneaux et Cook, lors d'un deuxième voyage, et à nouveau James Cook, lors d'une troisième traversée, visiteront l'île. Tout comme William Bligh qui y fera relâche à deux reprises, sur sa route vers Tahiti, où il devait charger des arbres à pain. Outre l’approvisionnement en eau, ce dernier prélèvera aussi des spécimen de plantes. La curiosité scientifique poussera de leur côté deux explorateurs français à aborder la Tasmanie : l'Amiral Bruni d'Entrecasteaux, en 1791, alors à la recherche de Mr de La Pérouse, et Baudin, en 1803, qui s'y arrêtera aussi. Ces expéditions seront sources de richesse puisqu'elles permettront de collecter une foule d'informations sur la faune et la flore locales. On se posait alors la question de savoir si l'île serait exploitable ou pas, et s'il serait envisageable de tirer profit de la chasse aux phoques et à la baleine. On confia bientôt à Matthews Flinders et à George Bass, tous deux Britanniques, le navire Norfolk, et les deux navigateurs explorèrent le passage entre le continent australien et la Terre de Van Diemen, avant de faire le tour de la Tasmanie en bateau, entre octobre 1798 et janvier 1799. L'expédition s'arrêta ensuite durant trois semaines dans le sud-est de l'île pour explorer la rivière Derwent et la Baie Frederick Henry, avant de repartir à Sydney. Quelque années plus tard, le Lady Nelson (ci-dessous) allait participer aux premiers échanges commerciaux dans la région. En 1804, le Colonel David Collins avait retenu Sullivan Cove comme lieu de campement, la petite île Hunter allait être reliée à Sullivan Cove par une chaussée et les premiers marchands allaient bâtir leurs premiers entrepôts, faisant de la future ville de Hobart le premier port commercial de la zone, malgré l'absence, dans un premier temps de quais, ce qui contraignait les bateaux à acheminer bagnards, marchandises et passagers à bord de petites embarcations.


 

Plus de 70000 détenus (dont près de 13000 femmes) seront envoyés en Tasmanie de 1803 à 1853. La majorité provenait des prisons anglaises ou d'autres colonies britanniques. Ces bagnards étaient en général acheminés à bord de navires marchands réquisitionnés pour l'occasion, et à bord desquels on embarquait généralement un chirurgien plus ou moins compétent. Des campagnes de recrutement d'immigrants (ci-dessous un exemple d'affiche) étaient lancées parallèlement, afin de constituer en Tasmanie un premier vivier de main d'oeuvre et/ou de capital. On donnait alors la préférence aux hommes mariés et à leurs familles ainsi qu'aux femmes seules.

Ainsi la Terre de Van Diemen sera t-elle jusqu'en 1856 une colonie pénitentiaire essentiellement destinée à accueillir les détenus britanniques. Les Anglais, qui n'avaient pas tardé à s'y établir, de peur que la même idée ne vienne aux Français, convoitaient déjà les immenses profits qu'ils pourraient tirer de l'exploitation des forêts et de la chasse aux phoques et à la baleine. En 1804, Hobart devint donc le second port d'Australie, 25 années seulement après l'arrivée des premiers bagnards à Sydney. Il offrait un abri sûr aux navires de passage et offrait toutes les facilités pour l'installation de l'industrie baleinière. Plus tard, ce port abritera également les importants stocks de grain, de laine et de bois destinés à l'exportation. Tous les quais érigés avant 1853 l'avaient été par les bagnards, le premier d'entre eux ayant été construit dans les années 1830. Au départ, les conditions de vie de ces hommes furent très difficiles mais s'améliorèrent au fil du temps, avec la possibilité pour certains de s'instruire.

 

Les premiers marchands étaient des officiers issus de l'armée ou de la Marine. Les capitaines marchands déposaient leurs cargaisons de détenus au port, puis pratiquaient ensuite la chasse à la baleine et le commerce. Ces nouveaux immigrants fortunés étaient les bienvenus et des terres leur seront attribuées avant 1830, puis ils seront encouragés à devenir magistrats. Plusieurs d'entre eux bâtiront des entrepôts le long des quais, tout en commerçant et en faisant exploiter leurs terres par les détenus qu'on leur avait assignés. Les autorités portuaires avaient quant à elles de lourdes responsabilités puisqu'elles étaient chargées d'accueillir un nombre croissant de navires, de prévenir les invasions de prisonniers ou de sanctionner les fauteurs de troubles. Elles collectaient aussi les taxes de douane, tentaient d'éviter la fraude et étaient responsables de la signalisation dans le port et du pilotage des bateaux. Le port de Hobart était alors connu comme étant l'un des ports les plus sûrs au monde avec l'estuaire de la rivière Derwent s'enfonçant dans les terres. Toutefois, il était nécessaire de guider les navires jusqu'au port et on utilisait pour cela un système de sémaphore. Il n'y eut pas de phares en Tasmanie durant les trente première années d'occupation européenne et il faudra attendre le terrible naufrage du George III, au large de l'île de Bruny, pour qu'un premier phare soit érigé. Nous l'avons vu plus haut, les hommes entreprenants et de bonne volonté avaient toute leur place sur l'île.

George Read (ci-dessous en photo) appartenait à cette catégorie de capitaine marchand qui commerçait entre Hobart, Sydney, Batavia (Djakarta), Calcutta et la Chine. Installé à Hobart dès 1818, il deviendra une figure importante du commerce local tout spécialement dans le domaine maritime, possédera des entrepôts des deux côtés de Sullivan Cove et occupera des fonctions officielles éminentes en tant que personne renommée.

Richard Copping (deuxième photo), lui, embarquera pour la première fois à l'âge de onze ans pour la Nouvelle-Zélande. Il exercera plusieurs métiers (cuisinier, pêcheur, chasseur de baleine et pilote d'embarcation) avant de piloter des bateaux comme l'Aurora Australis ou le Harriet MacGrégor. Et Richard Copping de passer sa vie à bord des navires dont il avait la charge. A noter qu'il fallait à l'époque sept à huit mois de traversée pour relier Hobart à Londres.


 

Vint bientôt la création de la compagnie maritime Tasmanian Steam Navigation Company, dont on peut apercevoir un des équipage, en photo ci-dessous. Vers 1854, cette compagnie fit l'acquisition du S.S Tasmania et du S.S City of Hobart. Et en 1865, de rajouter trois autres bateaux à vapeur qui oeuvraient à Launceston et à Melbourne. Soit un total de huit navires vers 1869. La ponctualité , la vitesse de rotation des bateaux et la sécurité requerront la construction de nouveaux quais dans les ports tasmaniens, tant le trafic maritime prenait de l'ampleur (à titre d'idée, on comptait en 1874, 87 départs de navires en partance pour Melbourne, pour la seule compagnie Tasmania Steam Navigation). Petit à petit, cette compagnie maritime ouvrira de nouvelles liaison à partir de plus petits ports de l'île, tant la demande était forte. Entre 1870 et 1880, on comptait ainsi l'achat d'un nouveau navire tous les...vingt mois ! Au cours de son existence la TSNCo exploitera vingt navires, dont certains de tonnage important (1000 tonnes), jusqu'à ce que la concurrence conjuguée à un surcoût d'investissement et une baisse du prix des billets n'entraine le rachat de la compagnie maritime par une autre compagnie maritime néo-zélandaise, en 1891.

 

Le musée maritime de Hobart présente la destinée de quelques bateaux restés plus célèbres que d'autres, comme, par exemple l'Otago ou le Shabby Sisterhood. D'autres navires resteront aussi tristement célèbres comme le George III, qui fera naufrage dans le détroit d'Entrecasteaux, la nuit du 12 mars 1835, après avoir heurté un rocher. Sur les 294 occupants, 133 seront portés disparus. Ce naufrage restera l'un des pires accidents maritimes de l'histoire de la Tasmanie. Le George III avait déjà été victime d'un incendie alors qu'il venait d'Angleterre, à cause de la négligence d'un matelot. Le feu détruira des magasins de vivres, occasionnant dans une certaine mesure, une famine à bord qui entrainera l'apparition du scorbut et le décès de seize détenus. Compte tenu de la situation, le capitaine décidera de rejoindre Hobart via le détroit d'Entrecasteaux plutôt que de passer par Storm Bay. L'enquête ne démontrera pas de faute évidente de la part du capitaine, mais plutôt un malheureux concours de circonstance qui plaça ce jour-là le fichu rocher sur la route du navire.

Sur un autre panneau, je découvre un autre accident qui impressionnera beaucoup les habitants de Hobart, et pour cause : le soir du 5 janvier 1975, la ville, installée sur les deux rives du Derwent se trouva coupée en deux à la suite de l'effondrement du pont Tasman Bridge, violemment percuté par le vraquier Lake Llawarra. Sortant du chenal de navigation, le navire alla percuter les piles du pont, entrainant l'effondrement d 'une partie du tablier de celui-ci, lequel tomba sur le vraquier qui coula immédiatement. Sept des 40 membres d'équipage périrent lors de cette tragédie, ainsi que cinq automobilistes dont les véhicules plongèrent dans la rivière. Le capitaine du navire fut reconnu coupable de négligence et perdit son permis de navigation pour six mois. Il fallut surtout mettre rapidement en place un service de transport de substitution par ferry en attendant que le pont soit réparé. Et 30000 passagers franchirent ainsi quotidiennement le Derwent. Deux ans plus tard, le 8 octobre 1977, le pont fut rouvert au trafic mais ici, on se souvient encore de la tragédie.


 

Le musée maritime aborde bien sûr la pêche à la baleine: lors de l'arrivée des premiers colons sur place, on découvrit que le cétacé abondait le long des côtes durant les mois d'hiver. Et l'industrie baleinière de devenir une part vitale de l'économie locale avec l'installation à Hobart d'une première station baleinière deux ans plus tard. Malgré les réglementations imposées pour ce type de chasse, l'industrie en question se développera intensivement au sud-est de l'île, durant les années 1820, et le premier navire baleinier fut inauguré en 1829, générant des centaines de milliers de livres sterling de profit pour la Tasmanie (avec une recette annuelle record à l'exportation de 135000£ dans les années 1830). La chasse à la baleine créera aussi des centaines d'emplois directs ou indirects, faisant de Hobart un port baleinier essentiel pour les navires baleiniers étrangers qui chassaient le cétacé dans les mers du Sud. Cette exploitation intensive finira par provoquer la disparition des baleines et cette industrie commencera à décliner à la fin des années 1840. Le dernier navire baleinier rentra définitivement au port de Hobart en 1900.

D'autres vitrines abordent les régates dont celle de Hobart, qui a lieu chaque année depuis 1838. Elle est l'occasion de réjouissances et de défilés en ville. On évoque bien sûr la naissance de la Marine australienne en 1911, après que les colonies aient été officiellement reconnues en tant que membres du Commonwealth australien, dix ans plus tôt, le 1er janvier 1901.

Le musée nous apprend également que la construction navale occupa une place importante à Hobart. La famille Wilsons (en photo ci-dessous, John Wilsons) par exemple, aura participé à cette activité, trois générations durant. A partir de 1863, cette famille aura construit quelques 89 bateaux, et réparé bien d'autres embarcations encore. A la fin des années 1800 et au début des années 1900, les Wilsons seront des charpentiers incontournables, donnant naissance aux bateaux de commerce légers en Tasmanie, sans compter la construction de plus gros navires, dont des bateaux à vapeur. De nos jours, la même famille œuvre toujours dans la construction navale, du côté de Port Cygnet. John Wilsons fut le fondateur de cette entreprise de construction. Il construira 30 navires en bois entre 1863 et 1912, année où il décèdera à l'âge de 69 ans, après une dure vie de labeur. Grâce à l'abondance de bois, la construction navale connaitra de beaux jours du temps de l'occupation coloniale. De nombreux bateaux étaient alors bâtis dans la colonie pénitentiaire de Port Arthur, et sur Sarah Island. Les bateaux dédiés à la chasse à la baleine étaient quant à eux construits dans les criques et les baies des vallées de Derwent et de Huon. Plus tard, vers 1860, la construction navale et ses chantiers seront concentrés à Battery Point. Dans une vitrine, j'admirerai le Good Intent, l'un des plus jolis bateaux jamais construits en Tasmanie, doté d'un pont en bois de kauri et de mâts en bois extrêmement résistant. Nous sommes en 1877 et l'armateur Thomas Nichols a commandé ce voilier de 35 tonnes qui participera à la régate de Hobart.

 

Avec les années, l'ancienne marine à voile laissa la place aux bateaux à vapeur. La plus ancienne liaison maritime assurée par ferry, partira du port de Hobart en direction de l'île Kangourou. Vers 1816, d'autres ferrys assureront des services réguliers dans la région. La famille O'May faisait autorité dans ce type d'activité, en lançant dès 1870 un premier bateau, l'Enterprise, et alignant en 1914 une flotte de six ferrys à vapeur. Deux ans auparavant, cette famille s'était associée avec d'autres investisseurs pour créer la Rosny Estates & Ferry Company. La saga familiale connaitra ensuite des hauts et des bas, puis le gouvernement de l'île fera construire un pont flottant sur la Derwent en 1939 et indemnisera en compensation la famille O'May. Les parents O'May prendront une retraité bien méritée tandis que Dave, leur fils, dirigera la nouvelle compagnie de ferrys Hobart Bridge Company, société qui opérera jusqu'à la construction du pont Tasman Bridge.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée Maritime de Tasmanie, à l'angle des rues Davey Street et Argyle Street, à Hobart. Tél : 03 6234 1427. Ouvert tous les jours, de 9h00 à 17h00. Entrée : 10 AUS$. Prise de photos autorisée. Ce musée fonctionne grâce à des retraités bénévoles. Boutique. Site internet : http://www.maritimetas.org

 






 



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