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Le Site historique de Port Arthur
(Port Arthur, Tasmanie, Australie)
Heure locale


Mardi 8 novembre 2016

 

Comme à mon habitude, je me réveille tôt et prends rapidement la route pour Port-Arthur. Il faut compter environ une heure et demie de route pour me rendre sur place afin de visiter le site historique de cet endroit. Connu à la fois dans tout le pays mais aussi internationalement, ce site appartient à l'histoire de la colonisation de la Tasmanie. Plus qu'une prison, il s'agissait d'une communauté à part entière composée essentiellement de personnel militaire et de colons libres. Les bagnards qui y étaient affectés travaillaient dans les fermes et les industries alentour et produisaient une vaste palette de ressources et de matériaux. L'endroit compte ainsi plus de trente bâtiments historiques, de nombreuses ruines et de grandes étendues verdoyantes avec de superbes jardins. Il est aussi possible de prendre le ferry pour se rendre sur l'île des Morts (ci-dessous) et la prison de Point Puer. Entre 1833 et 1877, l'île en question accueillera environ 100 personnes qui seront enterrées sur place, dans le cimetière de la colonie, lieu ultime de repos pour les officiers militaires, les fonctionnaires civils, leurs épouses et leurs enfants, et les bagnards. A l'époque, ces derniers décédaient le plus souvent d'accidents du travail et de maladies respiratoires. Quant à la prison de Point Puer, elle fut opérante de 1834 à 1849 et constitua la première colonie pénitentiaire pour les enfants de tout l'Empire britannique. Les délinquants mineurs étaient ainsi séparés des bagnards plus âgés afin d'être préservé des risques criminels. La plupart des garçons étaient âgés de 14 à 17 ans, et le plus jeune d'entre eux avait même neuf ans. La prison était réputée pour sa discipline stricte et ses sanctions sévères, mais tous ces jeunes délinquants recevaient malgré tout un enseignement et certains d'entre eux pouvaient même suivre une formation professionnelle. Côté insertion, on n'a rien inventé.

 

Au début, l'étendue du site est un peu déroutante. En réalité, il me faudra trois heures pour parcourir l'endroit, malgré la pluie qui viendra compliquer mon parcours. Après avoir acheté mon ticket d'entrée, je pénètre dans le centre par un portillon d'entrée, descends un escalier et entre à l'intérieur d'un parcours pédagogique qui retrace succinctement l'histoire de la Tasmanie, l'arrivée des colons, la création de Hobart, l'arrivée des détenus sur l'île et la construction du pénitencier de Port-Arthur.

Je sors ensuite du bâtiment pour commencer ma visite à l'aide du dépliant en langue française qui m'a été remis au guichet. Celui-ci contient un plan détaillé avec les numéros des différents bâtiments et une liste de ceux-ci. J'arriverai ainsi à m'orienter sans difficulté. La bâtisse qui se détache tout de suite de l'ensemble est le pénitencier (ci-dessous) : faisant face à Martin Cove, ce bâtiment vint remplacer les huttes rudimentaires dans lesquelles logèrent jadis les premiers bagnards. Ces huttes étaient concentrées autour du poste de police, toujours présent aujourd'hui. Avec le nombre croissant de détenus arrivant sur place, on utilisera donc le moulin et la graineterie (qui produisaient une farine inadéquate pour la colonie) pour transformer le tout en un pénitencier de quatre étages. Les deux niveaux inférieurs comptaient 136 cellules destinées aux prisonniers les plus violents, et le niveau supérieur accueillait 480 bagnards plus tendres, installés sur des lits superposés. Non loin de là se dressait une zone industrielle avec des ateliers divers (charpenterie, cordonnerie, tournage du bois, forge...) où les détenus travaillaient après avoir suivi une formation. Il ne reste plus aujourd'hui aucune trace de cette zone.

 

A l'origine, cette zone géographique de Port-Arthur abritait le peuple des Pydairrerme, présents ici de longue date d'après les traces archéologiques qui y ont été retrouvées. C'est en 1830 que sera établi le poste pénitentiaire, qui fut d'abord une simple scierie fonctionnant avec les premiers bagnards. Ceux-ci débitaient le bois nécessaire à la construction des projets gouvernementaux de l'époque. Trois ans plus tard, l'endroit accueillit les récidivistes issus de toutes les colonies australiennes. Et Port-Arthur d'utiliser le modèle pénitentiaire de Pentonville (Angleterre) instauré par Jeremy Bentham (alors réformateur de prison), pour mater les plus récalcitrants. Au programme, discipline et sanctions, instruction religieuse, morale mais aussi formation et enseignement. Certains détenus sortirent brisés de ce système mais d'autres en sortiront réhabilités et qualifiés en devenant forgerons, cordonniers ou charpentiers de marine. Le chantier naval occupait une place importante dans ce site, et comprenait une cale de lancement, un four à chaux, une maison pour le surveillant des travaux et une autre destinée au charpentier de marine. Au cours des quinze années d'activité, le chantier construisit seize grands bateaux pontés et près de 150 petites embarcations non pontées. A son apogée, ce furent plus de 70 hommes qui y oeuvrèrent, et l'endroit abritait aussi un atelier de forgeron, deux fosses de sciage, deux pompes à vapeur qui servaient à plier le bois, une remise de câblage et d'autres ateliers encore. La chaux produite par le four était utilisée comme principal matériau dans la construction des bâtiments de Port-Arthur.


 

Le poste pénitentiaire comportait également son district militaire, formé d'une tour de garde (en photo ci-dessus), des quartiers des officiers et de ceux de l'officier militaire supérieur. Ce dernier, qui résidera dans cette partie du camp pendant le plus grande partie de la période pénitentiaire du site, était responsable des soldats à Port-Arthur. Ces soldats étaient chargés d'assurer la sécurité et de poursuivre, puis de capturer les bagnards évadés. Certains soldats étaient accompagnés de leurs épouses qui lavaient, cousaient et fournissaient des soins infirmiers de base aux hommes de la compagnie. Quant aux enfants des soldats et des officiers de rang inférieur, ils étaient éduqués sur place dans une école attenante, érigée en 1836. Gratuite, cette école accueillait les enfants des officiers gouvernementaux (pour lesquels les parents s'acquittaient de la somme d'un shilling par semaine) et des soldats (qui payaient seulement six pence par enfant). On utilisa d'abord des détenus « de bonne famille » comme professeurs mais ceux-ci éprouvèrent les pires difficultés à se faire respecter par les élèves plus âgés. On fera alors appel à un couple d'enseignants venu de l'extérieur à partir de 1841. L'homme se chargeait d'enseigner aux enfants et dispensait des cours du soir aux bagnards, alors que l'épouse se consacrait à l'éducation des jeunes filles.

L'administration pénitentiaire était quant à elle constituée de la demeure du commandant (première photo ci-dessous) et des tribunaux (deuxième photo). Le commandant était l'officier le plus haut placé à Port-Arthur et une résidence appropriée lui avait été bâtie en 1833 sur le site, et cinq des dix commandants que le centre pénitentiaire connaitra au cours de son existence y résideront. Quant aux tribunaux, ils introduisaient les bagnards au régime de vigilance continue, de discipline et de sanctions de Port-Arthur, conçus pour «forger les voyous en honnêtes citoyens ». Pas de bracelets électroniques à cette époque!


 

Le site de Port-Arthur abritait bien sûr une zone de soins de santé, qui comprenait l'hôpital (ci-dessous), le dépôt des Indigents (deuxième photo) et l'asile (troisième photo). C'est à l'hôpital qu'étaient soignés les bagnards lorsqu'ils se blessaient ou souffraient d'affections respiratoires. Ces dernières, avec les rhumatismes, étaient en effet courantes à force de travailler à l'extérieur sous les intempéries, et de dormir dans des cellules froides revêtus de vêtements humides. Cet hôpital avait une capacité d'accueil de 80 personnes mais pouvait en accueillir davantage si besoin. Le premier hôpital fut bâti en bois au début des années 1830, et un peu plus bas que l'endroit actuel. Une autre construction fut érigée en 1842, et en dur cette fois. Il existait deux ailes abritant chacune six chambres, un magasin de vivres, une cuisine avec son four et une morgue. Bagnards et soldats étaient traités séparément tandis que les personnels civils et leurs familles bénéficiaient en général de soins à domicile. Au début des années 1860, de nombreux bagnards seront logés et soignés dans le dépôt des Indigents ou bien dans l'asile, appliquant ainsi une nouvelle théorie consistant à isoler les malades au calme pour aider à leur rétablissement. Le dépôt pouvait accueillir jusqu'à 140 détenus, et abritait aussi une cuisine, une salle à manger, des toilettes et une buanderie. Les personnes qui y séjournaient étaient surtout des invalides.

L'asile était constitué d'un corps central et de deux ailes, lesquelles abritaient les dortoirs. La partie centrale du bâtiment était réservée à la prise des repas. Construit en 1868, cet ensemble fut conçu pour abriter des patients atteints de pathologies mentales et qui provenaient de la prison voisine, de l'hôpital ou du dépôt des Indigents. Plus tard, d'autres malades issus de l'extérieur y seront aussi internés. Le calme était de rigueur et faisait partie du traitement préconisé, tout comme d'ailleurs les distractions. Désormais, l'asile abrite un musée qui offre d'admirer plusieurs vitrines thématiques sur ce qu'était jadis la vie dans ce centre pénitencier. Un ordinateur en libre service permet même à quiconque de taper son nom de famille afin de vérifier si l'un de ses descendants avait été incarcéré dans le centre. Le mien est inconnu au bataillon. Ouf, l'honneur est sauf !


 

Juste à côté de l'asile, se trouve toujours la prison. Nous l'avons vu plus haut, les années 1840 vont introduire une nouvelle notion d'emprisonnement directement importée d'Angleterre, avec des cellules séparées (ci-dessous). La prison actuelle fut inaugurée en 1849 et les prisonniers étaient confinés à l'isolement. Le silence le plus strict était alors de rigueur et seuls les sermons moralisateurs dispensés par le chapelain de la chapelle à l'intérieur étaient audibles par les détenus. Durant les années 1850, l'endroit accueillit les pires criminels dans l'espoir de les convertir à de meilleures intentions. Plus tard, la même prison abritera des détenus à long terme. Chaque détenu était confiné 23 heures par jour dans sa cellule, y prenait ses repas, y travaillait et y dormait (deuxième photo ci-dessous), mais il bénéficiait toutefois d'une heure quotidienne d'exercice physique : marche dans la cour intérieure, sous la surveillance d'un officier, avec stricte interdiction de mettre ses mains dans les poches ou de s'appuyer sur les murs. Le tout en silence. Une cloche sonnait la fin de la récréation et chaque détenu regagnait sa cellule. Il n'y avait ni colis du prisonnier, ni téléphone portable à cette époque...

 

Un peu plus loin, face à une grande prairie, se dressent plusieurs maisons : celle du magistrat, voisine de la demeure du chapelain catholique (première photo ci-dessous), et de celle du médecin militaire en second. Le rang des fonctionnaires civils séparait les officiers supérieurs ains que leurs familles de la population carcérale, en leur fournissant des maisons séparées et adaptées à leur statut (deuxième photo). La maison du chapelain fut construite en 1844, puisqu'un an plus tôt, les prisonniers catholiques avaient refusé d'assister au rite protestant. On fit donc venir un chapelain catholique qu'on hébergea dans une petite maison de quatre pièces seulement.


 

L'église (ci-dessous) ne se trouvait qu'à cinq minutes de marche de là. Fondée en 1836 par le gouverneur George Arthur lors de sa visite au centre, elle fut bâtie par les bagnards mais les pierres décoratives et les boiseries provinrent déjà taillées de la prison juvénile de Puer. Un an plus tard avait lieu le premier office mais cette église ne sera jamais consacrée. Juste en face, s'élèvent encore les restes du cottage gouvernemental (deuxième photo) faisant face à de superbes jardins et à une magnifique fontaine (troisième photo). Le cottage fut érigé en 1853 et servit à abriter les fonctionnaires du gouvernement de passage. Il ne connut pratiquement pas de résidents stables.


 

La communauté des militaires et des civils ainsi que leurs familles menaient une vie très contrastée par rapport à celle que connaissaient les détenus. Les fêtes, les régates et les soirées littéraires étaient régulièrement organisées et les magnifiques jardins, toujours visibles de nos jours, furent créés comme un sanctuaire. En 1840, plus de 2000 bagnards, soldats et fonctionnaires civils vivaient dans ce centre pénitentiaire de Port-Arthur, qui était aussi devenu un centre industriel à part entière puisqu'il produisait toute une série de marchandises (pierres, briques, bateaux, meubles, vêtements...). Avec la fin du transfert des bagnards jusqu'en Tasmanie, en 1853, Port-Arthur deviendra une institution pour les détenus âgés et physiquement (ou mentalement) diminués. Et la colonie pénitentiaire de fermer en 1877, avant l'abandon des bâtiments alors livrés à la destruction ou aux feux de brousse. Certains furent vendus, tandis qu'on tenta de créer Carnavon, une petite ville parallèle en espérant faire oublier l'ancien centre. Mais nombreux seront les touristes à venir visiter l'endroit, et il sera finalement décidé de réhabiliter cet ensemble de bâtiments convertis en musées, hôtels, et commerces dans les années 1920, et...de lui redonner le nom de Port-Arthur.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Site historique de Port-Arthur, 6973 Arthur Highway, à Port Arthur. Tél : 03 6251 2310. Numéro gratuit : 1800 659 101. Ouvert tous les jours de 9h00 à 22h00. Entrée adulte à 37 AUD$. D'autres entrées existent, incluant différents circuits. Site internet : http://www.portarthur.org.au
  • Accès H (toilettes adaptées, prêt de fauteuils roulants et buggys gratuits à disposition)

  • Visites optionnelles : visite hantée historique, Prison de Point Puer, Ile des Morts

 








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