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Waratha
(Tasmanie, Australie)
Heure locale


Vendredi 18 novembre 2016

 

Je quitte ce matin au lever du jour cette ville minière de Queenstown, et cette région de l'ouest où il pleut trop pour moi. Ma destination : Smithton, une petit ville du nord-ouest de la Tasmanie, ville laitière par excellence si j'en crois la grande laiterie que j'apercevrai à l'entrée de la ville, car Smithton est connue pour ses terres fertiles, ses riches pâturages et... son lait ! D'après le rayon des fruits et légumes du supermarché Woolworth, où je ferai mes courses à mon arrivée, la région produit aussi de nombreux légumes, dont les pommes de terre utilisées par les restaurants Mac Donald en Australie, pour en faire des frites, et la célèbre chaine de restauration rapide de créer 150 emplois locaux par la même occasion. L'élevage occupe également une place prépondérante. La cité est située le long de la Duck River (rivière du canard), appelée ainsi à cause des canards sauvages qui se posent sur la vase à marée basse.

Smithton fut aussi le premier campement européen de cette région côtière du nord-ouest, où les nouveaux arrivants défrichèrent les terres et asséchèrent les marais pour en faire la riche zone agricole que l'on connait aujourd'hui.


 

La première partie de mon parcours va me conduire à travers la montagne, et me faire traverser des paysages grandioses puisque je longerai à plusieurs reprises lacs et sommets montagneux notamment en approchant du parc national de Cradle Moutain et Lake St Clair. Je suis seul à cette heure sur la route et c'est tant mieux, car l'itinéraire est sinueux. Le premier village que je traverse s'appelle Tullah, avec ses quelques 200 âmes et ses...peintures murales (ci-dessous en photo). Je n'ai pas prévu de m'y arrêter mais il faut savoir qu'on peut y observer, à force de patience, de nombreux animaux sauvages (wombats, opossums, petits kangourous, quolls et plus rarement des diables de Tasmanie). La région abrite plusieurs lacs (Plimsoll, Pieman, Herbert et...Murchinson, comme sur la deuxième photo ci-dessous) et les Chutes d'eau de Montezuma ne sont pas si loin.


 

Après Tullah, la route va nettement s'améliorer, avec davantage de lignes droites. Et de véhicules aussi. J'ai prévu de faire un crochet jusqu'à Waratah, petit village se trouvant à côté du parc national de la Savage River, la zone protégée la mieux préservée de l'Australie en matière de forêt humide tempérée. Et c'est peut être parce que ce parc reste inaccessible au public qu'il est d'ailleurs aussi bien préservé. Par contre, ce parc est entouré par la réserve régional de la Savage River, qui elle, n'est accessible qu'en 4X4.

Pour ma part, je me contenterai de m'arrêter à Waratah, et de commencer en dégustant une part de gâteau à la carotte avec un café, en me rendant au Roadhouse qui fait à la fois office de station-service, de magasin et de café-restaurant. Juste en face, se dresse une magnifique maison (ci-dessous), l'ancienne résidence du directeur de la compagnie minière du Mont Bischoff. Ferd Kayser (deuxième photo) sera en effet le premier grand dirigeant d'une mine en Tasmanie, mais William Crosby le devancera à la mine de Bischoff puisqu'il en sera le premier dirigeant de 1873 à 1875. Rien que sa maison, imposante, et placée bien en vue à l'entrée du village, signalait déjà la compagnie minière du Mont Bischoff. La demeure abrite encore cinq chambres, une salle à manger, et une salle de bal. Il fallait bien cela à Monsieur Kayser, pour son épouse Mary et leurs...neuf enfants !


 

De l'autre côté de la route se dresse la petite église anglicane de Saint James (ci-dessous), construite en 1880. C'est la plus ancienne église située sur une propriété minière. La tradition des villes minières à travers le monde veut qu'on bâtisse généralement une église à proximité des mines. Mis à part St James, Waratah vénère également Sainte Barbara, car c'est le jour de la fête de cette sainte que James Smith (deuxième photo), surnommé le Philosophe, découvrit l'étain du Mont Bischoff, plus exactement un 4 décembre. De quoi en faire la protectrice des mineurs ?


 

Justement, James Smith, notre philosophe et découvreur, a sa cabane juste à côté du musée de la ville, depuis 1988 (ci-dessous), cabane qui fut installée à l'occasion de la célébration du bicentenaire de l'Australie. A l'époque où notre homme découvrit le gisement d'étain, celui-ci était fermier bien qu'il avouera que sa véritable passion restait la prospection, lui qui aimait se promener dans le bush, à la recherche de minerais, et en compagnie de ses chiens fidèles. C'est dans un petit cours d'eau coulant à l'abri d'une forêt dense, que James Smith mettra la main sur un morceau d'étain ce 4 décembre 1871, sans toutefois réaliser l'importance de sa découverte. Ce n'est qu'en juillet 1872, que James confirmera sa trouvaille, faisant bientôt de lui le découvreur d'un immense gisement minier. Il s'accrochera violemment avec le patron de la mine, en total désaccord sur la manière de ce dernier de conduire l'exploration du gisement, mais cela ne l'empêchera pas de mener par la suite une existence heureuse, lui, l'enfant jadis abandonné par des parents anciens détenus, et de devenir ainsi un homme bien, reconnu comme celui qui, plus de 75 années durant, aura bouleversé la vie de tant de gens en Tasmanie, puisqu'on considère que cet immense gisement aura été dans une certaine mesure à l'origine du développement industriel de l'île. Il est vrai que trouver un gisement était une chose, l'exploiter en était une autre. Il fallait pouvoir trouver l'argent nécessaire pour acheter le premier matériel, embaucher des ouvriers, puis évacuer les morceaux de pierres dégagés pour en tirer le précieux minerai. Il faudra attendre 1875 pour qu'un premier moyen de transport n'arrive jusqu'au Mont Bischoff, et en attendant, c'est à dos de cheval que les pierres étaient évacuées jusqu'au port le plus proche. James Smith avait finalement fait le plus gros du travail en finançant lui-même le salaire des hommes, le transport du minerai et l'approvisionnement en eau de la mine, en bâtissant un barrage sur la rivière Waratah. Au début, la mine n'offrit que très peu de minerai, mais nombreux seront les visiteurs (politiques et investisseurs) afin de prodiguer à James des conseils pour l'exploitation de sa découverte. Mais notre « philosophe » n'en démordait pas, il voulait monter sa propre compagnie minière. Et de persuader en juillet 1873, trois partenaires de Launceston, de créer la compagnie de la mine d'étain du Mont Bischoff. Notre homme prendra ensuite du bon temps, dans sa maison de Westwood, au bord de la rivière Forth. Toujours prospecteur dans l'âme, il repartira dans le bush quelques temps après, avec son fils Leslie. Une découverte d'or le conduira au Mont Belmont en 1897 mais il aura une crise cardiaque et mourra quelques mois plus tard, à l'âge de 69 ans. Lui, qui aura survécut aux privations de la vie de prospecteur, qui se sera souvent contenté du maigre régime alimentaire du bushman et aura affronté les conditions climatiques parfois extrêmes, n'aura pas su faire front à la maladie. Il reste de lui des poèmes écrits par lui, bien avant la découverte de l'étain.


 

Le musée de Waratah, fondé en 1983, offre quant à lui d'admirer un certain nombre de reliques datant de l'exploitation de la mine. Il est abrité dans l'ancien tribunal de la ville, qui servait aussi de conseil municipal. En 1879, on construisit en effet côte à côte, le tribunal et le poste de police. Et c'est la loi de la compagnie minière du Mont Bischoff qui prévalait alors. Loi pouvant parfois apparaître comme arbitraire comme, par exemple, en 1889, lorsqu'un gamin de treize ans, qui avait commis un larcin, resta croupir une semaine en prison parce que Mr Kaiser refusait de présider le tribunal avec à ses côtés un deuxième magistrat seulement. Le retour du troisième magistrat arrangera les choses, permettant enfin la délibération et la condamnation du gamin à....une journée d'emprisonnement !

 

Face au musée, se trouve l'Athenaeum Hall (ci-dessous) qui ouvrit ses portes en 1887, d'abord en tant qu'Institut de la Mécanique de Waratah, lieu destiné à offrir un minimum d'éducation scolaire aux ouvriers de la mine. L'histoire se souvient de ce que doit la ville à James le Philosophe, car on trouve sa photo en médaillon au-dessus de la scène du célèbre Athenaeum Hall, qui devint plus tard la mairie de Waratah, accueillant concerts, spectacles et autres divertissements. L'endroit servira aussi de salle de cinéma.


 

Le bénévole qui tient le musée m'invite à découvrir les chutes d'eau de Waratha (ci-dessous). J'emprunte donc la rue Annie (Annie Street) sur une centaine de mètres, jusqu'à apercevoir sur ma gauche, un panneau m'indiquant un chemin caillouteux pour descendre jusqu'aux chutes. La balade dure environ vingt minutes mais vaut la peine. C'est au-dessus de ces fameuses chutes que fut construite Waratah.

A côté de l'Athenaeum Hall, une autre maison abrite le Dudley Kenworthy's stemper Mill. On trouve sur place de nombreux panneaux d'informations (en anglais), sur Waratah, James le philosophe, sur la mine du Mont Bischoff et sur le devenir de la ville au fil du temps, y compris après la fermeture du gisement, en 1947. Cette fermeture fit passer la population locale, autrefois de 2500 habitants, à quelques ...500 âmes. Heureusement, depuis cette époque, l'industrie forestière redonna du travail aux anciens mineurs de Waratah, tout comme cette découverte de minerai de fer dans la rivière Savage durant les années 1960. Quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois l'ancien pont de chemin de fer (deuxième photo) sur lequel le train franchissait la rivière. Ce train qui se fera longtemps désiré puisqu'il faudra attendre 1884 pour que celui-ci atteigne la mine du Mont Bischoff. La ligne de chemin de fer allait offrir dès 1885 des dessertes régulières, et le train d'effectuer la liaison Waratah-Emu Bay (actuelle ville de Burnie) en trois heures trente, ce qui était un exploit pour l'époque (on mettait auparavant treize heures à parcourir le même trajet à dos de cheval), malgré les 26 km/heure de vitesse moyenne.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Parc national Cradle Moutain et Lake St Clair : http://www.parks.tas.gov.au/index.aspx?base=3297
  • Parc national de la Savage River : http://www.parks.tas.gov.au/?base=3732

  • Roadhouse de Waratah (face à l'ancienne résidence du directeur de la compagnie minière du Mont Bischoff). Délicieux gâteau à la carotte (3 AUD$ la part)

  • Musée de Waratah, ouvert du lundi au vendredi de 8h30 à 16h00 et les samedi et dimanche de 10h00 à 15h00. Entrée libre (les dons sont toutefois les bienvenus). Boutique.

  • Athenaeum Hall de Waratah, ouvert du jeudi au samedi de 10h00 à 14h00. Entrée libre (dons appréciés). Exposition à l'intérieur, et boutique.

  • Dudley Kenworthy Stemper Mill (à côté de l'Athenaeum Hall), ouvert du lundi au vendre de 9h00 à 17h00. Si l'endroit est fermé, demander la clef à la Poste (horaires de 9h00 à 17h00) ou à Roadhouse (les week-ends)







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