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Les Peintures Murales de 25 de Agosto
(25 de Agosto, Département de Florida, Uruguay)
Heure locale


Mardi 30 mai 2017

 

C'est tôt que je quitte La Paloma, et le département de Rocha, pour rentrer sur Montevideo afin d'y terminer mon séjour. En fait, je passerai une demi-journée derrière le volant car il me faudra, là encore, plus de temps que prévu pour rejoindre ma destination, ayant décidé de faire un crochet par 25 de Agosto (Département de Florida). Une bonne partie de mon voyage me conduira la Ruta 12, bien mal en point elle aussi avec de gros nids de poule par endroits, notamment avant d'atteindre Minas. Je ne parle pas des chiens errant le long de la route dont un a été évité de justesse.

Pas grand chose à dire à propos de ce petit village bien paisible de 25 de Agosto, appelé également Villa 25 de Agosto, si ce n'est qu'il se trouve au bord de la rivière Santa Lucia (ci-dessous), laquelle offre aujourd'hui un cadre de promenade agréable sous ce soleil d'hiver. Ce cours d'eau, qui est ainsi nommé car il fut découvert par Hernandarias le jour de la Sainte Lucie, alors que ce dernier explorait la la côte orientale du Rio de La Plata. La rivière possède plusieurs affluents, dont le Santa Lucia Chico et San José, eux mêmes alimentés par d'innombrables ruisseaux secondaires. Il n'empêche que des inondations surviennent parfois, au point d'inonder le charmant petit camping qui se trouve sur la rive, à deux pas de la gare ferroviaire.


 

J'éprouverai des difficultés à trouver mon chemin jusqu'à ce village en cul de sac : depuis Florida, mon GPS confondra la rue 25 de Agosto de Santa Lucia ville où j'ai séjourné l'autre jour, et le village. Je m'adresserai finalement aux habitants, toujours disponibles pour m'aider. De Florida, je rebrousserai chemin vers Santa Lucia ville, puis passerai un pont, avant de franchir le péage de Mendoza. Après ce péage, il me faudra prendre la première route sur la droite, poursuivre tout droit, traverser le petit village d'Ituzaingu, puis suivre les panneaux mentionnant « 25 de Agosto Murales ». Murales, un nom qui surgit soudainement de cette campagne perdue, située à cheval sur les départements de San José, de Canelones et de Florida et où il fait toutefois bon vivre. Pour une fois, ce n'est pas la présence de monuments remarquables qui me conduit ici mais la présence de Leo (en photo ci-dessous) et d'Yves, son époux, deux Français venus s'installer ici dans ce petit coin d'Uruguay.

 

Mais qu'est-ce que ce couple a t-il bien pu trouver à ce petit village de moins de 2000 âmes, fondé en 1873 par Ramon Alvarez à la suite de l'arrivée du chemin de fer ? Leo me racontera qu'elle a rencontré ici la sérénité, en plus de la gentillesse naturelle des habitants. Artiste en arts plastiques, Leo retrouvera à 25 de Agosto les bruits et les odeurs de son enfance, de l'époque où elle vivait près d'une gare, et surtout un lieu neutre, sans énergies positive ou négative, donc d'autant plus propice à la création. « Ce n'est pas moi qui ai choisi ce village, mais lui qui m'a choisi », me dit-elle. Le couple, qui vivait précédemment dans les Caraïbes, plus exactement sur la petite ile bondée de Saint-Martin, retrouva ici un certain art de vivre, auprès de ces Uruguayens du cru, et le goût de partager son art pictural avec les occupants du village, au point d'en faire aujourd'hui une salle d' exposition à ciel ouvert.

Deux employés municipaux (et il n'en manque pas ici !) m'indiquent le chemin pour me rendre jusqu'à la maison de Leo et d'Yves. Celle-ci se trouve à côté de l'école communale, juste en face de la gare qui fit longtemps la marque de fabrique de 25 de Agosto. Débarquant sans prévenir, je me renseigne pour savoir si notre couple est dans les parages afin d'aller les saluer. L'épicière m'envoie chez Nancy, une voisine, qui me fera l'amitié de faire un brin de causette avec moi tout en parcourant le village.

 

Leo Arti (de son vrai nom Michèle Dubaux), une fois installée au village, décidera de fonder un atelier de peinture pour partager généreusement son art, à ce, à partir de 2008. Notre couple s'était déjà rendu en 2006 à 25 de Agosto afin de découvrir la gare ferroviaire, ainsi que le pont métallique jadis construits par les Anglais. Et d'acquérir pour une bouchée de pain une très grande maison qu'Yves rénove petit à petit. La première action de Leo fut de peindre sur la façade de cette maison un couple dansant le tango et deux gauchos partageant le maté, deux scènes qu'elle aura découvertes lors de la fête annuelle de la Patria Gaucha qui se tient en mars à Tacuarembo, fête qui l'aura marqué. Notre artiste conviera ainsi les habitants à venir s'exercer à la peinture dans son atelier. Elle leur enseignera les bases techniques de cet art, tout en leur laissant la liberté de s'exprimer ensuite en fonction de leur sensibilité. Les œuvres de ses élèves, désormais exposées au « Wagon » (un ancien wagon gracieusement offert à Léo par la Société des chemins de fer uruguayenne), sont impressionnantes et reflètent autant de regards différents sur le monde alentour.


 

Après avoir peint sa façade, Leo attendra les réactions. Celles-ci, très positives, entrainèrent d'autres projets de peintures murales dans le village. L’épicière (la voisine) accueille ainsi ses clients avec de superbes fruits, tandis que Carlito, le patron du bar, affiche la peinture murale de ses chevaux de course sur ses murs (ci-dessous), chevaux qui courent d'ailleurs à l'hippodrome de Montevideo. Et chacun de bientôt vouloir sa propre œuvre picturale pour égayer la façade de sa maison. En quatre ans, l'infatigable Leo réalisera plus de 70 peintures murales, transformant le village 25 de Agosto en musée.

La chère Nancy parcourra avec moi les rues du village en me montrant telle ou telle œuvre, et en m'expliquant à chaque fois son histoire. Elle aide aussi Leo à organiser la venue de groupes de touristes (12 à 15 personnes maximum) depuis la capitale uruguayenne qui ne se trouve qu'à une cinquantaine de kilomètres de là.


 

Le réalisme des peintures est bluffant au point que je m’inscrirai moi-même à deux reprises dans deux œuvres successives, en m'asseyant sur un banc (première photo ci-dessous) et en enfourchant une bicyclette (deuxième photo). Les thèmes des peintures sont choisis par les habitants eux-mêmes mais la France n'est pas absente pour autant. Bien sûr, il y a le magnifique coup de pinceau de Leo, mais aussi l'évocation de Montmartre (comme dans l'oeuvre « Vereda Musical » créée en avril 2014 sur la façade de la maison de Susana, professeur de musique, qui a demandé à Leo de peindre ses trois enfants en train de jouer de leur instrument sur les toits de Paris. Il y a enfin cette série de peintures murales représentant d'anciennes affiches publicitaires, dont certaines sont l'oeuvre du fameux peintre français, Toulouse-Lautrec (troisième photo).

 

Chaque peinture a son histoire et sa propre identité. Ainsi, la représentation du Padre Pio est-elle singulière : Haydee, la propriétaire de la maison, voulait exprimer sa profonde dévotion à ce saint. Et Leo d'avoir choisi les mains de Haydee et de son mari Wilson pour représenter celles du Padre Pio sur sa peinture murale.

On vient de partout pour admirer cette route des peintures murales (voir vidéo ci-dessous), et Leo a déjà accueilli plus de 400 personnes lors d'une opération portes ouvertes dans son atelier. On peut même venir en train jusqu'ici depuis Montevideo, puisque le Cancha de Bocha (en photo ci-dessous) continue de fonctionner ponctuellement sur cette ligne. Cette locomotive à vapeur, toujours en parfait état de marche depuis sa première vacation en 1910, est désormais sous la protection de l'association Los Amigos del Riel, qui organise ainsi des excursion pour touristes. Et de pouvoir alors admirer la locomotive dans la gare de 25 de Agosto, en train de manoeuvrer sur un plateau tournant. Cependant, tout reste à faire : Leo rêve d'une structure plus grande à l'échelle du village afin, pourquoi pas, de faire de 25 de Agosto, un lieu artistico-culturel. Débordant d'énergie et d'idées, elle imagine aussi transformer une partie de sa gigantesque demeure en café. Et pourquoi ne pas aussi démultiplier ces peintures murales dans d'autres villages des environs ? Malheureusement, l'argent manque, et les bras aussi, pour entretenir les peintures déjà existantes et en réaliser d'autres. Des investisseurs seraient les bienvenus !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Atelier de Leo Arti, 156 calle Ramon Alvarez, à 25 de Agosto. Tél : (598) 089 334 230 et 095 666 927. courriel : leoarti@yahoo.fr Site internet : http://www.leoarti.com
  • L'histoire de Leo, une artiste française à 25 de Agosto : https://youtu.be/Tz2hQGfNnG4

  • 25 de Agosto, la route des peintures murales : https://youtu.be/3DOgB8KVf-E

  • 25 de Agosto et son train à vapeur : https://youtu.be/HLgb0D9sqI0

  • Il est possible de se rendre par train jusqu'à 25 de Agosto, au départ de Montevideo.

  • Il est possible de visiter la ville et ses peintures murales avec un guide, en contactant ces deux numéros de téléphone. Le Wagon peut aussi être visité sur simple demande. Et rassemble les œuvres des élèves de Leo. Ces œuvres sont en vente à des prix extrêmement abordables, ainsi que d'autres objets souvenirs (magnets, tasses, catalogue illustré des peintures murales...)

  • Toutes les photos de cette sortie sont disponibles dans l'album photos Amérique Sud de la Médiathèque, ou en cliquant sur l’icône dédiée, en haut à droite de cet article.

  • Association Los Amigos del Riel : https://www.facebook.com/Asociaci%C3%B3n-Uruguaya-Amigos-del-Riel-167201379987125/timeline/

  • Un grand merci à Leo, à Yves et à Nancy pour leur charmant accueil.

 

 

 









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