Revoir le globe
Top


A la découverte des Innus
(Musée Shaputuan, Sept-Îles, Québec, Canada)
Heure locale

 

Mardi 15 mai 2018

 

Parmi les peuples autochtones de la province du Québec, les Innus, désormais appelés autochtones ou habitants de la première nation, occupent une place importante. La grande majorité des Innus se répartit au Québec (20000 individus) et dans la région de Terre-Neuve-et-Labrador (2000 individus). Au Québec, le peuple innu peut être divisé en deux communautés, les Montagnais du Saguenay et de la Côte-Nord et les Naskapis vivant plus au nord. En langue innue, le terme innu signifie « être humain ».

Qu'ils soient originaires du Labrador, du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou de la Côte-Nord, ce peuple ne cédera jamais officiellement son territoire au Canada. L'extension des exploitations minière et forestière dès le début du 20è siècle poussera les Innus à s'établir dans les villages du long de la Côte-Nord et à l'intérieur des terres. Parallèlement, les gouvernements du Canada n'auront de cesse de les encourager à la sédentarisation, alors que ce peuple autochtone subissait déjà le déclin de la chasse et de la pêche, activités traditionnelles et de survie des Innus. Les recherches récentes montrent pourtant que la Côte-Nord est occupée par des groupes autochtones depuis plus de 8000 ans. D'abord attirés par les ressources côtières, les besoins de survie conduiront ces hommes à l'intérieur des terres. Selon toute vraisemblance, les premiers contacts des Innus aves les Européens eurent lieu avec des pêcheurs français. Dès 1505, les Bretons fréquentaient déjà les bancs de pêche des Terres neuves et la morue abondante dans cette région attirera très vite des navires anglais, français, espagnols et portugais pour des campagnes de pêche estivales. Jacques Cartier lui-même rencontrera en 1534 des morutiers bretons à l'ouest de l'actuel village de Blanc-Sablon. Des échanges commerciaux auront lieu entre Européens et Innus, et il arrivera aussi que des autochtones soient embauchés pour travailler dans les stations morutières et baleinières situées sur la Côte-Nord et au sud du Labrador.

La communauté innue tissera toutefois des liens particuliers avec ces Français impliqués dans la traite des fourrures. Un premier comptoir local sera créé à Tadoussac en 1599, puis d'autres postes de traites apparaitront à l'embouchure de plusieurs rivières. Peu à peu, la dépendance aux produits importés (couteaux, fer, marmites, fusils et munitions...) influencera le mode de vie de ce peuple autochtone qui avait l'habitude de chasser pour se nourrir tandis que trappeurs et chasseurs européens, eux, convoitaient des espèces animales pour leur valeur économique. Les Autochtones seront progressivement convoités à des réalités nouvelles, comme les innovations technologiques (pièges et fusils), techniques (préparation des peaux), vestimentaires (tissus), commerciales (avances et crédits, valeurs d'échange), alimentaires (farine, sucre, thé, tabac, alcool) et autres. Sans parler des maladies (virus, épidémies) propagées par les nouveaux arrivants, qui pourront agir sur le taux de mortalité.

Avant le 19è siècle, l'occupation du territoire nord-côtier par les Européens et les Euro-canadiens se limitera aux postes de pêche et aux comptoirs et installations liés à la traite. Au 18è siècle, des concessions sont accordées dans une grande partie de l'est de la Côte-Nord et jusqu'au Labrador (Hamilton Inlet). Ces territoires seront loués à des marchands et officiers civils français en échange d'une redevance sur les peaux de castors. Aux côtés des Innus, on capture alors loup-marin, morue, et saumon tout en faisant le commerce des fourrures. La conquête britannique de 1759 ne modifiera que très peu les activités économiques déjà existantes. Certes, un nombre croissant de commerçants anglais s'établiront sur place et la Compagnie de la Baie d'Hudson (à l'ouest) et la Labrador Company (à l'est) contrôleront bientôt le commerce. En 1862, on recensera 432 pêcheurs à l'est de la Côte-Nord qui entretiendront 57 pêcheries de saumon et 36 stations de pêche aux loups-marins. Quelques années auparavant, la région avait assisté à la naissance de communautés acadiennes tandis que des Gaspésiens fonderont plusieurs villages entre Moisie et Longue Pointe de Mingan, et que des Terre-Neuviens s'établiront aussi sur la côte. C'est dans ce contexte d'exploitation forestière croissante associée à une occupation en hausse du littoral que se formeront les communautés indiennes comme celle de Betsiamites, en 1861.

Le 20è siècle sera synonyme d'industrialisation dans cette partie nord du Québec, avec le développement des pulperies, de l'hydroélectricité , des mines et de la métallurgie. Ces activités seront autant de menaces pour les Innus, leur territoire et leurs ressources. Les rivières seront ainsi occupées par le flottage du bois et les mines seront parfois creusées sur l'aire de migration des caribous de la toundra. A la même époque le gouvernement fédéral canadien instaurera de nombreux services destinés aux Autochtones et plus particulièrement aux Innus, avec l'accès à l'école primaire, la dispense de soins de santé et le versement d'allocations familiales. Ces pratiques signeront la fin du nomadisme de ce peuple et du cycle de vie habituel encore pratiqués par un certain nombre de familles. Des communautés innues se mettront alors en place, comme aux Escoumins en 1892, à Sept-Îles en 1906, et plus généralement dans la dernière moitié du 20è siècle.

Tout comme les Amérindiens d'Amérique du nord, les Innus, directement confrontés à leur environnement immédiat, puiseront dans les ressources naturelles afin de subvenir à leurs besoins, que ce soit pour confectionner leurs habits, construire leurs abris, ou concevoir des outils. Ces derniers étaient principalement fabriqués en pierre et des fouilles archéologiques mirent à jour pointes de flèches, de lances ou de harpons, haches, grattoirs...Pour les vêtements, le cuir animal était privilégié, surtout celui du caribou et du phoque. Quant à la structure des tentes, elle était faite de perches, d'écorce de bouleau à papier, de rameaux de conifères et de peaux d'animaux. Les raquettes étaient quant à elles confectionnées de bois de bouleau et de babiche (lanières de cuir tirées de la peau de caribou ou d'orignal) tandis que les canots étaient construits par un assemblage de membrures de bouleau et des bandes d'écorce du même arbre, le tout attaché par des cordons de racines. Enfin, les traineaux étaient en bois, comme les pelles à neige, les avirons et certains pièges.

Les Innus occupaient ainsi un vaste territoire qui couvrait tout le bassin versant du Saint-Laurent, depuis la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean jusqu'au Labrador. Territoire surnommé Nitassinan (notre terre). Il arrivait que des familles franchissent l'estuaire du fleuve pour chasser sur le territoire appelé aujourd'hui Bas Saint-Laurent. Peuple nomade de chasseurs, pêcheurs et cueilleurs de petits fruits, ce peuple parcourait ce territoire immense au rythme des saison, comme le montre l'exposition permanente « Au pays des Innus, la marche des saisons » que je découvre aujourd'hui au Musée Shaputuan.

Tout commence à l'automne (première vitrine), lorsque des bandes constituées de plusieurs familles quittent leurs campements d'été établis la plupart du temps à l'embouchure des rivières, pour remonter ces mêmes cours d'eau à contre-courant, avec des canots chargés de provisions et d'outils. On évitait les obstacles (forts courants ou chutes vertigineuses) par des sentiers de portages dont certains pouvaient mesurer plusieurs kilomètres (comme les grands portages de la Moisie ou de la Sainte-Marguerite). Les familles se séparaient durant cette remontée, certaines demeurant le long de la rivière principale, d'autres bifurquant sur des tributaires de moindre envergure, ou autour de grands lacs. Lors de ces voyages, les femmes aussi chassaient porcs-épics ou rats musqués. Le castor faisait partie des plats favoris, comme la queue que l'on faisait bouillir. Les dents de l'animal servaient à confectionner des lames de couteau croche. Quant à la fourrure, elle servait à fabriquer des vêtements pour l'hiver ou était revendue dans des postes de traite. Pièges et collets sont utilisés pour attraper des lièvres ou d'autres petits animaux à fourrure, des pièges relevés par les femmes pendant que les hommes chasseront le castor. L'animal est surtout chassé à l'automne, et le canot est alors un outil précieux pour permettre aux Innus de repérer les barrages érigés par l'animal. Et de ne chasser que le strict minimum afin d'en retrouver l'année suivante.

L'hiver s'est définitivement installé, avec l’arrivée de la neige et les lacs gelés au bord desquels les Innus ont laissé leurs canots pour les retrouver au printemps. Désormais, on utilise raquettes et toboggan comme moyen de locomotion. La neige épaisse et coupante annonce un bon hiver pour la chasse au caribou. Après avoir suivi ses traces, il suffira de se cacher pour bien observer le troupeau et choisir l'animal fatigué et enlisé dans la neige pour l'abattre au fusil. D'autres fois, on dirige les caribous vers des passages plus étroits pour mieux les attraper ensuite: viande et graisse seront préparées au campement et une partie sera préservée dans une cache en prévision des jours difficiles. La peau du caribou servira à confectionner des habits mais il faudra bien la préparer en enlevant le poil et la première couche de peau, puis en tendant la peau au sol, et par grand froid, à l'aide de piquets. On mélangera alors celle-ci à l'aide d'un mélange chaud de neige, de cervelle et de gras de caribou pour qu'elle soit imbibée.Puis on l'étirera jusqu'à ce qu'elle soit sèche, et donc prête à être utilisée. De retour de la chasse, la viande de chacun est piquée sur des perches et la tête du caribou est mise à griller. Le surplus de viande sera gardé sur des échafauds ou sous la terre glacée. Il arrive même qu'on réduise la viande en poudre afin de la conserver jusqu'à trois années. Chez le caribou, on utilise même l'omoplate, qui, brûlée dans le feu, permet d'interroger le maitre du caribou. Les tâches marquées par le feu dans l'os indiquent alors la direction à prendre et la distance à parcourir pour trouver l'animal. Une fois le caribou tué, on lui rend hommage en accrochant son panache (ses bois) à un arbre.

Les canots d'écorce laissés au bord du lac pendant l'hiver sont parfois abimés, mais on les répare avec le bois et les racines trouvées dans la nature. Les canaux de toile, eux, sont quand même plus résistants et permettent de parcourir de longues distances sur les eaux tranquilles, bien qu'ils soient également conçus pour affronter cascades et rapides. Alors que les Innus redescendent vers la côte, des oiseaux migrateurs remontent vers le nord. A marée haute, ils ont pour habitude de chercher leur nourriture dans les tourbières. Et les Innus d'y installer des appelants, puis de se cacher parmi les joncs et d'attendre que les oiseaux se posent pour les chasser. Jadis, les ancêtres chassaient l'outarde de nuit, au moment où celle-ci dormait sur l'eau. Discrètement, les hommes se couchaient au fond des canots et se laissaient porter vers les oiseaux. Une fois arrivés à leur niveau, des torches étaient allumées et l'oiseau était facilement attrapé. De retour au camp, les femmes plumaient les oiseaux et le plumage était conservé pour faire des matelas à l'usage des jeunes enfants. Quant au duvet, il était revendu au magasin de la Compagnie de la Baie d'Hudson, ou servait à rembourrer les mitaines. Le printemps marque aussi le début de la période de cueillette des petits fruits conservés dans la neige. Plus tard, femmes et enfants ramasseront fraises, framboises, bleuets, chicoutés en juillet, et graines noires en septembre. Tous ces fruits seront consommés crus, ou cuits avec du sucre ou encore mélangés à de la graisse. La saison est enfin propice à la collecte de plantes, écorces et bourgeons d'arbres pour remplir son sac de médecine. Chaque mal a ainsi son remède.

L'été offre davantage de ressources alimentaires et celles-ci sont aussi plus faciles à trouver. Les Innus consacrent alors plus de temps à la confection d'armes de chasse et au matériel qui sera utilisé au cours des prochains mois. Les femmes, elles, cousent ou brodent vêtements, sacs ou paniers d'écorce...Juin est le mois adapté à la fabrication de canots car c'est à cette époque que se ramasse l'écorce de bouleau. L'été est la saison où les couples d'Innus se forment, avec souvent des mariages à la clef. Juillet est le mois où l'on fête Sainte-Anne, fête religieuse importante surtout chez les personnes âgées. L'époque permet l'installation de pièges en travers de la rivière pour attraper poissons et crustacés. Dans ce cas, le filet est utilisé en hiver comme en été. Quant aux loups-marins, ils s'installent sur les berges à la belle saison pour profiter de la chaleur du soleil. Les Innus arrivent alors munis de bâtons et les assomment. La viande est ensuite partagée entre les familles. Le gras de ce poisson servira à faire de l'huile, tandis que la peau, très résistante et imperméable, sera utilisée pour confectionner des vêtements d'enfants ou des mocassins

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition »En pays innu, la marche des saisons », au Musée Shaputuan,290, Boulevard des Montagnais, Sept-îles. Tél:(418) 962 4000. Entrée : 7$. Visite libre ou guidée. Projection d'un film de 17 minutes en 360° sur la vie traditionnelles des Innus. Site internet : http://www.itum.qc.ca/page.php?rubrique=sc_innuaitun_musee
  • Merci à Mr Moreau, coordinateur du Musée Shaputuan, pour son charmant accueil.

  • Le site nametau innu (http://www.nametauinnu.ca/) offre de précieuses informations sur l'histoire et la vie des Innus.

  • La revue touristique du Québec autochtone, Origine, est gratuite et contient une foule d'informations sur les Innus.








Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile