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Villa Majorelle, Splendeur de l'Art nouveau
(Nancy, Meurthe-et-Moselle, France)
Heure locale

 

Mardi 28 janvier 2020

 

Ce 26 septembre 1859 naissait à Toul (54) un certain Louis-Jean-Sylvestre Majorelle qui deviendra ébéniste puis décorateur français du mouvement Art nouveau de l'Ecole de Nancy. L'homme sera à bonne école puisque son père, Auguste Majorelle, était lui-même concepteur et fabricant de meubles. La famille déménagera bientôt à Nancy, ville où Louis achèvera ses études initiales avant de rejoindre, en 1877, l'Ecole des beaux-arts de Paris pour deux années, dans l'atelier du peintre Aimé Millet. Le décès de son père contraindra Louis à rentrer à Nancy afin de prendre les rênes de l'entreprise familiale de faïences et de meubles. Cette activité l’occupera pour le restant de sa vie. En 1885, Louis épousera Marie Léonie Jane Kretz, fille du directeur des théâtres municipaux de Nancy, puis, un an plus tard, le couple aura un seul fils, Jacques, qui deviendra peintre de l'Atlas.

 

2020 célèbre la réouverture de la villa Majorelle, après d'importants travaux de rénovation. Emblème de l'architecture Art nouveau dans la cité nancéienne, et classée depuis Monument historique, cette demeure fut l'oeuvre de l'architecte Henri Sauvage et elle fut construite en 1901-02 tout spécialement pour Louis.

 

C'est à un voyage dans le temps que le visiteur est ainsi convié, grâce à la restitution minutieuse des décors d'origine et de l'ameublement des pièces de réception et de la chambre à coucher. Une invitation à s'immiscer dans l'intimité familiale de l'artiste. Louis aura eu la chance d'avoir un père qui connaitra un certain succès dans le domaine de la décoration de mobilier dans le style japonais et la copie de style. Toutefois, la carrière de peintre qu'il avait un temps envisagé lorsqu'il se trouvait à l'Ecole des beaux-arts de Paris tournera court à la mort d'Auguste. Hors de question en effet de laisser reposer sur les épaules de sa mère tout le poids de l'entreprise familiale qui emploie alors plus de vingt ouvriers et connait un essor économique au lendemain de l'annexion de l'Alsace Moselle. Non content d'expédier les affaires courantes, notre homme va lancer avec succès une production de mobilier moderne sous l'influence des recherches d'Emile Gallé. Puis, il poursuit parallèlement la production industrielle de copies de style, tout en se lançant, avec l'aide de son frère Jules, dans la conquête des marchés parisiens et internationaux. Et l'entreprise de disposer dès 1904 d'un magasin de vente à Paris, rue de Provence, tout en ouvrant également des succursales à Londres, Berlin, Lyon, Lille et même Oran (Algérie). Des catalogues de vente sont imprimés pour présenter une production variée et attester de la pérennité de certains modèles au fil des décennies. Bientôt, les commandes des maisons de haute couture, cafés parisiens, riches industriels, grands magasins et ambassades assureront l'avenir de l'entreprise et la reconnaissance durable du talent d'artiste et de gestionnaire de Louis Majorelle.

 

Louis a lui aussi envie de posséder une maison et c'est lors d'une rencontre chez un ami commun, le sculpteur Alexandre Charpentier qu'il confie, en 1898, les plans de sa demeure de rêve à l'architecte Henri Sauvage. L'architecte en question n'a que 26 ans et n'a pas encore fait ses preuves, n'ayant alors exercé ses talents que durant quelques mois auprès de l'architecte bruxellois Paul Saintenoy. Qu'importe, Louis, attiré par l'audace créative du jeune architecte parisien, lui confiera le projet.

La villa Majorelle (aussi appelée Villa Jika – d'après les initiales de l'épouse de Louis Majorelle, Jane Kretz) sera bâtie entre 1901 et 1902 et occupera rapidement une place particulière dans l'architecture nancéienne, grâce au fait que la demeure sera la première maison entièrement Art nouveau de Nancy, et aussi parce qu'elle sera conçue comme un ensemble dont chacun des éléments structurels et décoratifs offrira fluidité des formes et originalité des motifs décoratifs tout en s'articulant entre extérieur et intérieur pour offrir une villa unique représentative d'une unité artistique alors prônée par de nombreux artistes à cette époque.

 

La maison de Louis devait ainsi ressembler à son propriétaire : esprit de modernité, dynamisme et simplicité non ostentatoire . De taille raisonnable, elle est conçue pour y vivre au quotidien et de manière confortable. Et Henri Sauvage de penser espace à vivre avant élévation et distribution intérieure avant canons académiques. Une maison certes originale qui conduira Franz Jourdain à qualifier l'ensemble de fantaisie savoureuse et spirituelle, dans un long article qu'il consacrera à l'édifice en 1902 dans la revue Art et Décoration. Il est vrai que le regard est immédiatement porté vers l'escalier, puis pénètre dans l'atelier à travers une grande verrière, tout en devinant au passage l'intimité des chambres à coucher. Petite halte devant les petites baies des cabinets de toilette, avant d'être surpris par les dimensions imposantes d'une salle à manger qui se veut accueillante, et déboucher dans un vestibule somme toute sans prétention. Côté élévation, l'architecture joue quant à elle avec des oppositions constantes, comme l'utilisation simultanée de la pierre austère d'Euville et des briques polychromes, du grès, des menuiseries et des ferronneries. La verticalité, elle, ressortira au travers de la tour de l'escalier face à l'arc elliptique de la terrasse et à l'inspiration médiévale de l'arc-boutant face à la menuiserie japonisante du balcon. A l'intérieur de la demeure, les endroits dévolus au service, à la réception et au quotidien respirent la fluidité et la rationalité. Et le bois, omniprésent dans le décor, de servir de fil conducteur à la distribution intérieure et de lien avec l'extérieur.

 

Si Henri Sauvage se chargera de la décoration fixe, d'autres artistes sélectionnés par ses soins interviendront ponctuellement : le céramiste Alexandre Bigot et le peintre Francis Jourdain réaliseront respectivement les grès flammés extérieurs et intérieures et les peintures décoratives de la salle à manger. Et c'est sans surprise que Louis Majorelle concevra le mobilier dont une partie existe déjà dans ses catalogues de vente. Il confiera par contre au maitre-verrier nancéien Jacques Gruber le soin de concevoir les vitraux des pièces principales (cage d'escalier, salle à manger et salon, et la chambre des Majorelle). Le gros œuvre sera effectuée par l'entreprise France-Lanord et Bichaton.

Au final, la maison Majorelle apparaitra comme une œuvre expérimentale unique malgré quelques maladresses (exposition nord de la terrasse ou réemplois et choix d'économie) mais sera vendue à l'Etat après le décès de Louis, en 1926. Jacques, le fils, vivait au Maroc et ne souhaitait pas conserver la demeure. La célèbre villa servira ainsi jusqu'en 2017 de bureaux administratifs, supportant finalement bien le lotissement des terrains alentours. Il est vrai que la redécouverte de l'Art nouveau par les Français avait déjà permis à la villa d'obtenir l'inscription Monument historique dès 1975, puis son classement en 1996. Et la ville de Nancy d'en devenir propriétaire en 2003, et d'ouvrir ce patrimoine architectural à des visites guidées quatre ans plus tard. C'est qu'à Nancy, la villa Majorelle occupe une place particulière en tant qu'emblème de l'Art nouveau mais aussi comme maison d'artiste. Ce qui lui valut de décrocher en 2011 le label national de « Maison des Illustres » grâce au ministère de la Culture. Dès lors, la question se posait de savoir ce que la ville de Nancy allait faire de la villa, à savoir une maison ou un musée ? On décida finalement de restaurer l'ensemble tel qu'il était connu avant 1926 sans toucher pour autant à l'état structurel de la villa.

 

Après plusieurs années de travaux, la villa Majorelle s'apprête à rouvrir ses portes au public avec, pour objectif essentiel d'offrir aux visiteurs une immersion dans le Nancy 1900, tout en pénétrant dans l'intimité familiale de ses anciens occupants. Une nouvelle signalétique a vu le jour aux abords de la propriété ainsi que dans la demeure et il sera désormais possible d'aborder l'histoire des Majorelle tout en offrant une découverte du lieu adaptée à chacun grâce à une visite virtuelle de la villa et une maquette tactile permettant de plonger dans l'univers sensoriel de l'architecture Art nouveau. Une application de visite a même vu le jour pour accompagner le visiteur dans sa découverte. On sera toutefois surpris par le manque de recul et d’espace autour de la maison, du à la disparition progressive du parc d'origine à la suite du lotissement du terrain et du percement de la rue Majorelle. Une fois franchi le portail, puis la porte d'entrée, on pénètre dans le vestibule qui permet d'admirer un astucieux fauteuil et un miroir à la fois porte-parapluies et porte-manteaux. On poursuit la visite par la volumineuse cage d'escalier à la verticalité imposante et impressionnante, puis par la beauté de la rampe d'escalier et des vitraux de Jacques Gruber qui illuminent deux grandes baies. Sur la gauche, une double-porte donne accès à la salle à manger qui offre une belle cheminée en grès flammé et une frise de panneaux peints par Francis Jourdain qui déploie un joyeux cortège d'animaux de ferme tout autour de la pièce.

Le salon a en revanche subi des modifications même si le décor stuqué d'origine à motif de pommes de pin a été repris sur le mobilier et la cheminée. De là, une double porte vitrée autorise l'accès à la terrasse dotée d'une baie menuisée depuis 1907. Cet espace sera très fréquenté par les Majorelle comme lieu de repos et ...de repas. On y remarque une spectaculaire balustrade en grès, œuvre d'Alexandre Bigot et un panneau décoratif sur le thème de la lentille d'eau qui fut réalisé par le même céramiste.

Une fois à l'étage, on découvre la chambre à coucher et son mobilier d'exception réalisé dans un bois clair. Portes et menuiseries présentent un décor de faux bois imitant le pitchpin d'Amérique du Nord. Le deuxième étage offre un décor mural fait au pochoir sur les rampants du plafond. Non loin des chambres de service, un couloir mène à l'atelier de Louis Majorelle, espace éclairé par une grande baie.

INFOS PRATIQUES :

  • Villa Majorelle, 1 rue Louis Majorelle, à Nancy. https://musee-ecole-de-nancy.nancy.fr/accueil-2676.html
  • Ouverte du mercredi au dimanche, le matin pour les groupes et l'après-midi (14h00 à 18h00) pour les individuels. Entrée : 6€.

  • Un grand week-end gratuit d'ouverture est organisé les 15 et 16 février 2020, avec visite de la villa, parcours historique entre la villa et le musée de l'Ecole de Nancy, et diverses animations. Pour les individuels, il est demandé de réserver en ligne sur le site internet (ci-dessus).

  • Merci à l'agence HRA pour son aide.





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