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Le Faou, petite cité de caractère
(Finistère, France)
Heure locale

 

Samedi 3 octobre 2020

 

Valérie m'offre de me faire découvrir Le Faou (prononcer Le Fou!), charmante municipalité finistérienne et ancien port important de la rade de Brest. Petite cité de caractère, la commune est réputée pour ses maisons à pans de bois recouvertes d'ardoises, son église Saint-Sauveur et la ville de Rumengol à laquelle elle est rattachée. Ville à la fois de savoir-faire et de « savoir-hêtre » (en breton, faou signifie hêtre), Le Faou est mentionnée dès 1173, alors qu'elle est déjà nichée au fond d'une ria. L'endroit, reposant, invite à la promenade d'autant plus que l'office du tourisme tient à la disposition des visiteurs une brochure contenant un plan de rues agrémenté d'une vingtaine de lieux d'intérêt à découvrir...

 

Valérie et moi prenons la route pour nous rendre au Faou et traversons bientôt la Vallée de l'Aulne et la forêt avoisinante, en franchissant le superbe pont de Térénez inauguré en 2011, et dont la particularité réside dans sa portée, une courbe qui est la plus longue du monde (soit 285 mètres) et est tenue par 144 haubans accrochés par des pylônes en lambda de cent mètres de haut. Outre son très fin tablier en forme d'assiette renversée, construit par encorbellements successifs qui fait aussi de lui une prouesse technologique, l'ouvrage offre une spectaculaire qualité esthétique, ce qui lui a d 'ailleurs valu d'être récompensé en 2014. Deux belvédères de part et d'autre du pont permettent aux visiteurs d'en admirer la beauté mais pour les amateurs, on trouve, en rejoignant Rosnoën, et à mi-route, le site remarquable de Belvédère, qui offre une vue imprenable sur les méandres de l'Aulne, avec en face le Ménez-Hom, les Montagnes Noires au sud et les Monts d'Arrée au nord. Que cette région est belle !


 

Cité étape, Le Faou est un ancien bourg castral, apparu vers l'an mil, sur une motte féodale entourée de deux cours d'eau. Sur cette motte s'élevait jadis le château des puissants vicomtes du Faou, siège d'une importante vicomté (de 75000 hectares) qui appartiendra successivement à sept familles dont l'un des représentants, Charles de Quellenec, fut le seul seigneur breton tué lors de la Saint-Barthélémy (Paris). Et ce site d'avoir joué jadis le rôle de vigie en tant que zone stratégique au bord de la rivière Ster Coz. Située entre terre et mer, le long de l'ancienne route menant de Brest à Quimper, le bourg disposait à l'époque de la forêt voisine du Cranou, pour se fournir en bois de construction. Siège de la vicomté, mais aussi sénéchaussée (haut-lieu de juridiction), la petite cité connaitra une vie administrative intense et possédera jusqu'à dix études notariales à une certaine époque. Au début du 15è siècle, le développement du commerce lui assurera des ressources conséquentes qui transformeront l'endroit en un lieu traditionnel d'échanges autour de sa Grand-Rue, grâce à sa douzaine de foires et à son port (qui figurera comme le deuxième de la rade de Brest durant le 19è siècle). Certes, ce port n'est alors qu'un lieu d'échouage accessible aux navires uniquement à marée haute, mais cela n'empêchera pas le commerce de s'y développer (les vins de Bordeaux y transiteront dès le 16è siècle) au même titre que la construction navale, rendue possible par la proximité de la forêt. Le bois de chêne et de hêtre est transporté par flottage à destination de Brest et de sa construction navale, tandis que les navires rentrent au Faou chargés de maërl (engrais marin) et de sable. Le précieux engrais est ensuite transporté par les paysans de la région qui l'utiliseront pour enrichir les terres environnantes. Quant aux chantiers navals faouistes, ils ont aujourd'hui disparu mais il faut se souvenir que le bourg comptera tout de même, de part et d'autre de la rivière, jusqu'à quatre chantiers puisqu'au 17è siècle, un tiers des bateaux de la rade de Brest était construit au Faou.


 

C'est Place aux Foires (face à la mairie) que Valérie gare son véhicule, c'est à dire dans la partie sud de la petite ville puisque Le Faou s'étend des deux côtés de la rivière Ster Coz, cours d'eau désormais franchi par un pont de pierre salvateur (avant ce pont, seul un gué autorisait la traversée du cours d'eau, uniquement à marée basse) dont les premières traces datent du 15è siècle. A l'origine, l'ouvrage mesurait 140 mètres de long et s'appuyait sur trois arches. Des aménagements de quais, réalisés au 19è siècle, le réduiront de moitié. Et Le Faou de s'étirer en longueur, autour de l’actuelle rue du Général de Gaulle, avec, au nord, le quartier Saint Joseph, faubourg industriel avec son lieu de culte et sa minoterie (la plus importante du Finistère en 1840), et au sud, un quartier principalement tourné vers le commerce et le cœur historique de la cité et son église Saint-Sauveur.

L'implantation privilégiée du Faou explique l'importance de ses commerces et de ses foires : l'activité marchande se concentrera ainsi sur la rive gauche du bourg, drainant les populations alentours. Quant aux foires, autorisées par les seigneurs locaux, elles prendront régulièrement place puisqu'on en comptera jusqu'à douze par an, et feront du bourg un carrefour incontournable dans la région. Plus tard, après la révolution, des Halles seront construites sur ce qui s'appelle aujourd'hui la Place des Fusillés et Résistants (ci-dessus). Implantées en haut de la Grand-Rue, celles-ci abriteront d'abord la mairie à l'étage, puis une école de garçons en 1832. Reconstruites en 1899 selon une architecture typique de l'époque privilégiant le métal, elles seront détruites en 1946 après avoir souffert des affres de la Seconde guerre mondiale.


 

Le Faou, qui a fait partie des «Plus Beaux Villages de France » possède la plus grande densité de maisons à pan de bois du département avec une quinzaine de maisons protégées et une classée. Nous découvrons l'Office du tourisme qui a trouvé refuge à l'intérieur d'une maison de pays (en photo ci-dessus) datant des 16è et 17è siècles. L'endroit présente, sur deux étages, une exposition permanente sur l'histoire du Faou mais aussi plusieurs expositions temporaires.

Le dynamisme des foires et marchés du bourg permettra au Faou d'affirmer son essor entres les 16è et 17è siècle, et de se hisser au sixième rang des villes bretonnes, devançant Douarnenez, Crozon et Carhaix fin 16ème. A cette époque, Le Faou forme un village développé le long d'une seule rue, qui s'étoffera peu à peu dans le temps. Si le projet de l'ingénieur Le Roy (1764) qui prévoyait la destruction de toutes les anciennes demeures ne fut réalisé que partiellement, la venue sur place de Napoléon III, en 1858, aboutira au déblocage de crédits suffisants afin d'envisager l'alignement des maisons dans une partie (Ouest) de la Grand-Rue, mais également le démantèlement de l'enclos paroissial, le transfert du cimetière et la destruction de l'ossuaire.

 

A l'image de l'ensemble des anciens bourg bretons, Le Faou connaitra deux périodes majeures de construction : les 16è et 17è siècle, puis la période s'étalant de 1850 à 1914. De nos jours, seize maisons présentent encore un pan de bois en façade (contre vingt jadis). Ces demeures surprennent lorsqu'on les voit pour la première fois : emplacement en front de parcelle, encorbellement sur solives, essentage d'ardoise et plan de construction très allongé avec deux ou trois pièces par niveau d'habitation. Les distributions intérieures des maisons faouistes dépendent bien sûr de la forme de la parcelle sur laquelle s'élève la demeure. Selon que cette parcelle, soit large ou étroite, la maison adoptera donc un plan différent.

La rue principale est ainsi bordée de maisons bâties de schiste et de granit, à encorbellement datant du 16è siècle. Occulté par des parements d'ardoises conçus après la Révolution française, le colombage du premier étage et du comble est alors garni d'une quenouille, une petite pièce de bois destinée à maintenir un remplissage en torchis. Quant au colombage en forme de croix de Saint-André répétées, il était supposé empêcher la façade de « rouler ». Cet ancien mode de construction, propice à la propagation des incendies sera interdit après 1561 et remplacé par des façades en pierre de taille. Si bien qu'au 19è siècle, les maisons les plus anciennes cacheront leurs pans de bois derrière des ardoises, l'opération consistant en un essentage, c'est à dire la pose d'une couverture faites d'écailles en ardoise. Posé sur les façades des vieilles demeures à partir du 18è siècle, ce revêtement permet de les protéger des intempéries tandis que la partie basse de la façade conserve les structures à pans de bois d'origine. Jadis, d'étranges sculptures de personnages nus écartelés étaient même visibles sur la sablière du premier étage d'une des maisons du Faou, tandis que des cariatides aux phallus soutenaient la toiture. Jugées indécentes, ces sculptures seront malheureusement rabotées vers 1800 .Ici, il faut lever la tête pour apprécier ces maisons avec pignon sur rue, des demeures abritant souvent une boutique au rez-de-chaussée.


 

Autre curiosité patrimoniale : l'église Saint-Sauveur. Fondée par les Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, puis reconstruite de 1544 et 1680 avec son fin clocher en dôme de style Renaissance, celle-ci a conservé un mobilier remarquable. Nous pénétrons dans l'édifice par le porche sud, dont la construction a commencé en 1593 pour être seulement achevée vingt ans plus tard, à cause de l'existence des guerres de la Ligue. L'entrée abrite les statues du Christ et des apôtres, des œuvres gravées dans le bois en 1720-21 par Claude et Jean André.

Contrairement aux autres clochers (pointus) cornouaillais, celui de l'église Saint-Sauveur a la forme d'un dôme et abrite une cloche datant de ...1714. La plus ancienne sacristie, bâtie avant 1620, abrite quant à elle les armes de Nicolas Magon de la Gervaisais et de son épouse, tandis que, non loin de là, un petit arc de triomphe (1695) marque l'entrée de l'ancien enclos paroissial. L'autel du Rosaire remplace celui de Saint Nicolas, protecteur des paroisses maritimes, et est entouré de quinze petits tableaux décrivant la vie du Christ. Des statues sont également visibles, comme celle de Notre-Dame de la Pitié ou des Deux Vierges-Mères. Mais le véritable trésor de l'endroit est sans aucun doute la cuve baptismale aux serpents (ci-dessous) qui date de 1500 et qui était autrefois entourée d'une cloison à huit pilastres (en 1732), avant d'être plus tard placée sous un baldaquin (en 1881). La cuve mentionne les quatre fleuves du Paradis (Gehon, Phison, Tigris et Euphrate) sur quatre philactères. Sa face extérieure est également ornée d'animaux, parmi lesquels un lion (dont le souffle ou le rugissement ressuscite des lionceaux au troisième jour), le cerf (dont les bois qui tombent puis repoussent symbolise le passage du baptisé du statut d'homme ancien à celui d'homme nouveau), le chien (considéré comme impur), les serpents (évoquant la résurrection du Christ et la nouvelle vie du baptisé), les colombes (annonçant la fin du Déluge) et des oiseaux au milieu de feuillages (évocation de l'Eden). Une main sculptée désigne une inscription « Jesus Maria Anna » tandis que des têtes d'angelots figurent les quatre fleuves primitifs. Taillée dans la pierre de Kersanton, cette cuve aux serpents est unique en Bretagne par la richesse de sa sculpture et de son symbolisme .

 

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