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De Saint-Jacut-de-la-Mer au Cap Fréhel
(Côtes d'Armor, France)
Heure locale

Lundi 22 novembre 2021

 

J'ai aujourd'hui le plaisir d'accueillir pour quelques jours mon amie Soraya qui vient voir où je vis. Mon intention est de lui faire visiter les plus beaux endroits de cette côte d'Emeraude avec cette fois Saint-Jacut-de-la-Mer, Saint-Cast-le Guildo, le Fort la Latte et le Cap Fréhel. Cette première journée de ce rapide séjour est splendide tant il y a de soleil sur la région pour mettre en valeur les beautés naturelles que nous allons découvrir. A nous d'en profiter au maximum.

 

Soraya est arrivée la veille par le train et est descendue à la gare de Dol-de-Bretagne. Le carrosse de la princesse n'attendait plus que son hôte pour filer sur Plerguer. Après une bonne nuit de sommeil, nous prenons la route pour la Côte d'Emeraude, appelée ainsi en 1890 par le Malouin Eugène Herpin pour définir cette côte de la baie de Saint-Malo, dont la mer prend une couleur vert émeraude certains jours. Cette côte s'étire de la Pointe du Grouin (Cancale) au Cap Fréhel, à cheval sur les deux départements d'Ille-et-Vilaine et des Côtes d'Armor (autrefois Côtes du nord). Je propose à Soraya de lui montrer Saint-Jacut-de-la-Mer, l'un des villages les plus charmants que l'on rencontre ici, dont je vous défie de me donner les nom des habitants. Il s'agit effectivement des Jaguens (çà ne s'invente pas!), qui ont la chance d'habiter un village établi sur une presqu'île au nord de laquelle se trouve l'archipel des Ebihens (ou Hébihens, mot signifiant « petite île ») composé de plusieurs îles (dont le rocher principal), d'une superficie totale de vingt hectares, qui fait partie des îles privées bretonnes uniquement fréquentées lors de la belle saison.


 

D'après l'historien local Dominique Brisou (voir les infos pratiques), la première trace de présence humaine est un menhir couché au pied de la Pointe du Chevet, datant du Néolithique. Les Gaulois se seraient installés dans les parages, avant qu'un moine chrétien nommé Lagu ne crée un ermitage. Accompagné de sa famille, ce moine vivra ici jusqu'à sa mort (au début du 5ème siècle).Ce n'est que six siècles plus tard que naitra l'histoire d'un endroit voué à ce saint, à savoir Saint-Jacut, dont le culte se développera depuis le monastère d'hommes appliquant la règle de Saint-Benoit, édifice fondé par l'abbé Hinguethen. Le monastère fonctionnera sous la direction d'un abbé élu et ce, jusqu'en 1471. Dans la première moitié du 14ème siècle, l'endroit bénéficiera de la protection du duc de Bretagne et du Roi de France.

La population recrutée dès l'origine par les moines pour travailler au monastère (actuelle abbaye) avait formé un village. En complément de l'agriculture, on pratiquait la pêche, d'abord dans des pêcheries, puis grâce à des flotilles de bateaux à partir du 18ème siècle. Et la pêche du maquereau de s'imposer comme l'activité principale du moment. Sous le règne de Louis XIV, Vauban édifiera un ouvrage militaire (tour de mousqueterie) sur le point culminant de l'île des Ebihens. La révolution française, elle, sera fatale au monastère puisque les religieux en seront chassés, et les bâtiments vendus avant de tomber en désuétude. C'est pourtant sur les fondations du monastère que sera érigée plus tard l'abbaye actuelle. Libéré des contraintes de l'Ancien Régime, le petit village reprit ses activités, dont la pêche aux huîtres (apparue vers 1870).

En 1842, une école de garçons fut ouverte pour permettre à de nombreux enfants de suivre des études maritimes dont l'aboutissement sera l'obtention du brevet de capitaine au long cours ou de cabotage. Bien rémunérés, ces marins construisirent de nouvelles maisons à partir de 1850 tandis que les maisons de pêcheurs étaient restaurées. Avec l'essor du tourisme balnéaire au cours du 19ème siècle, les premières résidences secondaires sortiront de terre.


 

Notre itinéraire nous conduit maintenant à Saint-Cast-le-Guildo (22), paisible commune où vivent plus de 3300 Guildocéeens (ou Castins). Le lieu mérite davantage qu'une visite-éclair car un simple coup d'oeil sur le site de la ville invite à la découverte de l'histoire locale marquée par plusieurs batailles dont celle de Saint-Cast :les nombreux systèmes de fortifications côtières installés sur le territoire de la commune et aux alentours rappellent la nécessité de défendre les frontières maritimes face notamment à la flotte anglaise. Comme ce 11 septembre 1758, où la bataille de Saint-Cast opposera les forces françaises et anglaises durant la Guerre de sept ans. De nos jours, Saint-Cast est une station balnéaire née dans le sillage des bains de mer de la fin du 19è siècle.

En route pour le Fort la Latte, Soraya et moi traversons Matignon (22), commune qui doit son existence aux seigneurs de Matignon qui bâtirent ici un château au 11è siècle. Peu de gens se doutent que la famille princière de Monaco descend...de Bretagne. Et pourtant. Le 20 octobre 1715, Jacques-François-Léonor Gouyon de Matignon épousera Louise de Grimaldi, fille ainée d'Antoine Grimaldi, prince de Monaco, à la condition d'adopter à jamais le nom et les armes de Grimaldi, ces derniers n'ayant pas d'enfant mâle. Les Matignonnais n'ont pas oublié cet épisode historique et font sonner les cloches de l'église lors d'un événement survenant dans la famille princière.


 

Si, par le passé, je m'étais déjà rendu au Cap Fréhel, j'avais négligé de faire un détour par le Fort La Latte ou Château de la Roche Goyon. C'est idiot car il suffit de tourner sur sa droite sur la route menant au cap, puis de rouler cinq minutes jusqu'à arriver à un grand parking. L'itinéraire est bien indiqué et nous voici partis à la découverte d'un vieux château, celui de La Roche Goyon, qui tire son nom des plus anciennes familles bretonnes. La légende atteste qu'un premier château aurait été érigé à cet endroit par un Goyon sous Alain Barbe-Torte en 937. La construction de l'actuelle forteresse fut quant à elle entreprise avant l'apparition du canon en Bretagne (1364) puis poursuivie par les Goyon dans la deuxième moitié du 14è siècle. Du Guesclin lui-même envoya sur place un détachement en 1379, puis le château sera confisqué au profit de Charles V avant d'être restitué à son propriétaire par le traité de Guérande (1381). L'ascension des Goyon se poursuivra au cours du 15è siècle puisqu'ils figurent aux Etats de Bretagne.

Ce château construit par le seigneur de Matignon, se dresse sur un cap rocheux, un lieu choisi pour son emplacement favorable, peu accessible et offrant une vue parfait sur la Manche et le Côte d'Emeraude y compris sur une grande partie de la baie de Saint-Malo. Quant aux falaises qui entourent la forteresse, elles protègent le site de toute invasion maritime.

Après une pause salutaire à la buvette locale, Soraya et moi marchons en direction du fort en empruntant le chemin principal que tout le monde emprunte. Erreur ! Car cet itinéraire ne permet pas de profiter du panorama, et nous rentrerons par un petit chemin de randonnée noyé dans la végétation, lequel nous offrira les plus beaux points de vue (Fort La Latte, Cap Fréhel...). Faute de pass sanitaire, je ne pourrai pénétrer dans l'enceinte fortifiée. Compte tenu de la crise sanitaire actuelle, les visites guidées sont de toute façon annulées pour tout cette année 2021.

 

Le fort est doté de deux châtelets équipés de ponts-levis, l'un s'ouvrant sur la barbacane, l'autre sur la cour du château. Le premier châtelet est équipé d'un bélier et d'un pilori. La barbacane, elle, est agrémentée d'un jardin médiéval, où l'on peut aussi apercevoir une bricole (sans importance?), sorte de catapulte d'époque. De cet emplacement, on peut jouir d'une vue imprenable sur la baie de Saint-Malo. La cour du château abrite de nombreux aménagements (citerne, chapelle, logis du gouverneur et donjon). Le second châtelet qui abrite cette cour abrite encore une oubliette. L'intérieur de cette forteresse a aussi un certain attrait avec, entre autres, l'intérieur de la chapelle (qui fut érigée sous le règne de Louis XIV), le premier étage et le logis du gouverneur. Autres points d'intérêt de ce lieu : la citerne, les canons, le four à boulets, le donjon et le menhir de La Latte (visible depuis le chemin conduisant au château). Soyons honnêtes, la forteresse telle qu'elle apparaît aujourd'hui n'offre plus qu'une vue partielle de ce qu'elle fut dans le passé : il ne reste en effet de ce château médiéval que les deux tours car le reste fut pulvérisé par la canonnade du 16è siècle. Ce coup de grâce lui fut porté par la Ligue, alors que Jacques II Goyon, sire de Matignon, Maréchal de France, Gouverneur de Normandie et de Guyenne, avait pris le parti d'Henri IV. En signe de représailles, un délégué du duc de Mercoeur l'assiégea et l'assaillit en 1597, laissant le château démantelé, pillé, ravagé et incendié avec le seul donjon intact.


 

Ultime étape de cette journée : le Cap Fréhel. Pointe de grès rose séparant la baie de Saint-Brieuc de la baie de Saint-Malo, cet endroit classé pour son intérêt ornithologique et le bon état de conservation des landes côtières est incontournable, d'autant plus qu'il bénéficie depuis 2019 du label Grand Site de France. En cette saison, se promener dans la lande est un ravissement grâce au rose des bruyères et au jaune des ajoncs. Le cap Fréhel possède 340 hectares de cette terre battue par les vents et c'est par un sentier étroit que nous nous dirigeons vers la phare qui émerge du paysage. Nous croisons de nombreux oiseaux qui ont ici trouvé refuge, mais il suffit de se tourner du côté du rocher de La Fauconnière ou de se rapprocher des falaises pour entrevoir ce qui est devenu un site de nidification pour cormorans huppés, guillemots de troïl et mouettes tridactyles, pingouins torda, goélands marins, argentés ou bruns et fulmars boréaux.

Je ne m'étendrai pas sur l'histoire du phare que j'ai décris dans un précédent article (https://www.leglobeflyer.com/reportage-2-1165-vire-au-cap-frhel-ctes-darmor-france.html). Rappelons simplement que ce phare est l'un des cinq phares les plus puissants de France, grâce à sa lanterne située à plus de cent mètres au-dessus du niveau de la mer, qui porte à plus de 53 kilomètres. En montant en haut du phare, on bénéficie d'un panorama sans égal sur la lande, le Fort La Latte, la rade de Saint Malo, la côte du Cotentin, la baie de Saint Brieuc, l'Île de Bréhat, et même par beau temps, les îles anglo-normandes.

Vous ne le savez peut être pas mais le Cap Fréhel a, de longue date, donné lieu à des légendes : l'une d'entre elles concerne une grotte habitée par des fées. En effet, sous le cap Fréhel, du côté de Pory, se cache une grotte dotée d'une entrée aussi haute qu'une cathédrale, appelée houle de Poulifée. On prétend que cette grotte s'étend si loin sous terre que personne ne serait à ce jour parvenu à en atteindre le fond. Jadis, deux petits garçons du pays, à qui on avait rapporté que l'endroit était occupé par des fées capables de réaliser les vœux, se mirent en tête de l'explorer. En vain. Et de finir par lâcher dans la grotte un petit coq noir. Le dimanche suivant, à l'heure de la messe, les habitants de Plévenon, commune toute proche, entendirent un drôle de bruit qui ressemblait au chant d'un coq semblant venir du dessous du confessionnal. Alors que les paroissiens étaient surpris, deux petits garçons sourirent au fond de l'église en constatant que leur coq était bien là, après avoir parcouru plus de quatre kilomètres dans la maison des fées.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


 



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