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Exposition "Sur la route...Devenir compagnon du Tour de France"
(Musée de la Seine-et-Marne, Saint-Cyr-sur-Morin, Seine-et-Marne, France)
Heure locale

Lundi 6 décembre 2021

 

L'exposition « Sur la route...Devenir compagnon du Tour de France » présente jusqu'au 12 décembre 2021 au Musée de la Seine-et-Marne m'a donné envie de m'intéresser au compagnonnage, ce système traditionnel de transmission de connaissances et de formation à un métier. Explications.

 

Le terme « compagnonnage » apparaît dans la langue française en 1719 pour désigner le temps d'un stage professionnel qu'un compagnon devait effectuer chez un maître. Le but des compagnon est triple : entraider, protéger et éduquer. Cette pratique remonte à loin et les légendes compagnonniques font référence à trois fondateurs légendaires : Salomon, Maitre Jacques et le père Soubise. La construction du temple du premier est censé avoir vu naitre l'ordre des compagnons et la légende salomonienne revêt une grande importance dans les mythes des compagnons des devoirs de liberté. Quant à la légende principale, celle de Maitre Jacques, elle évoque que son auteur aurait appris à tailler la pierre tout enfant, avant de partir sur les routes à l'âge de quinze ans pour ensuite rejoindre le chantier de l'érection du Temple de Salomon. Et de revenir en France accompagné d'un autre maitre, Soubise, avec lequel il sera en conflit, avant d'être assassiné dans des conditions obscures. Le père Soubise, lui, aurait été architecte sur le chantier du Temple de Salomon, où il aurait encadré les charpentiers. Quoiqu'il en soit, le compagnonnage existait déjà durant l'âge d'or des cathédrales, et les compagnons se déplaçaient alors dans toute l'Europe et plus particulièrement en France. Ainsi, l'organisation des métiers sous l'Ancien Régime se construira t-elle autour des corporations et des trois états que sont l'apprenti, le compagnon et le maitre. Et, comme je le précisais dans un précédent article consacré au Cathédraloscope de Dol-de-Bretagne, il était très difficile pour un compagnon d'atteindre la maitrise, à moins d'être le fils ou le gendre d'un maitre. De la même manière, le « Livre des métiers » rédigé par Etienne Boileau en 1268 à la demande de Louis IX, rappelait qu'il était interdit à un ouvrier de quitter son maitre sans son accord.C'est par réaction à ces contraintes que seraient nées les premières sociétés de compagnons indépendantes des corporations. En revanche, il faudra attendre le 19ème siècle pour que ces sociétés, surnommées alors « devoirs », ne prennent le nom de compagnonnages. Sociétés qui subiront de temps à autre des condamnations royales et les remontrances de l'Eglise pour délit d'exercice de pratiques rituelles non contrôlées par les autorités religieuses.

 

L’exposition du musée de la Seine-et-Marne montre l'importance de transmettre les savoir-faire et de valoriser les métiers manuels français (travail du bois, du cuir, des textiles, des métaux ou des pierres...la liste est longue et quasiment illimitée). Les réalisations qui y sont présentées invitent au voyage tout en défendant avec passion l'attachement à l'exigence, au savoir-être et à la solidarité qui habitent les Compagnons. Poursuivre la transmission d'un savoir-faire ancestral adapté aux exigences du monde professionnel, aux technologies innovantes et aux évolutions des métiers est primordial.

A partir du 18ème siècle, le compagnonnage possède deux caractéristiques : il devient une organisation ouvrière très puissante (qui organise parfois des grèves, contrôle les embauches dans les villes ou établit des « interdictions de boutiques » contre les maitres revêches...) tout en souffrant d'une division profonde (d'où des rixes violentes entre compagnons de devoirs rivaux). La révolution française apportera son lot de mesures à cette institution en mettant fin, en avril 1791, au système des corporations (décret d'Allarde) puis aux associations ouvrières (Loi Le Chapelier) deux mois plus tard. En 1804, la fondation du « devoir de la liberté » regroupe tous les compagnons qui ne se reconnaissent pas dans le catholique « Saint devoir de Dieu ». Quant au nouveau Code pénal, il punit d'une peine de prison tout participant à une grève. Mais il est à souligner qu'aucune de ces mesures n'aura d'emprise sur son développement puisqu'on comptera au moins 200 000 compagnons en France dans le première moitié du 19ème siècle. Seuls les effets conjugués de la révolution industrielle, de l'apparition de la formation par alternance , des rivalités internes et de l'échec de l'unification du compagnonnage, et de l'arrivée du chemin de fer, finiront par imposer le déclin au compagnonnage.

A l'heure où le travail manuel est peu valorisé, le Tour de France et le compagnonnage sont porteurs de valeurs anciennes et de qualités nécessaires à un avenir motivant. Le musée a filmé six jeunes menuisiers à différentes étapes de leur parcours depuis la sortie du CAP jusqu'à leur réception comme Compagnon. Et l'exposition de se servir de ces films-étapes pour faire ressortir les qualités acquises tout au long du processus d'apprentissage, bien sûr accompagnés de maquettes des affiliés.D'autres corps de métiers organisés en sociétés compagnonniques sont également présentés avec des chefs-d'oeuvre des collections de la Fédération, des pièces historiques et des images rares prêtées par le musée du compagnonnage de Tours.

 

En quoi consiste le Tour de France des Compagnons ? Il s'agit d'un parcours qui va permettre à un jeune professionnel de devenir Compagnon. Après avoir obtenu son diplôme, le jeune itinérant va voyager plusieurs années durant, étape après étape, sur le réseau des sièges de la Fédération compagnonnique, à raison d'une à deux villes par an en tant que salarié. Le jeune découvrira ainsi les techniques, les matériaux, les méthodes et les différents moyens pour exercer son travail. Ce parcours de vie, d'une durée de sept années, constitue une expérience unique autour de laquelle le participant se construit au fur et à mesure des épreuves surmontées et des étapes franchies.

Compagnon n'est pas un titre mais un état professionnel et philosophique qui s'acquiert après avoir suivi un apprentissage, s'être perfectionné sur le Tour de France et avoir réalisé un travail (appelé chef-d'oeuvre). A l'issue de ce parcours, le jeune « aspirant » est élevé à l'état de compagnon lors d'une cérémonie appelée réception. Puis, le Compagnon poursuit sa formation auprès de divers patrons et pays (ou coteries) côtoyés sur le Tour de France. Au cours de son périple, il demeure dans des maisons de compagnons, où sont situées cayennes et chambres, maison gérée par une femme (ou « dame économe », « dame hôtesse » ou « mère »).

Nous l'avons vu plus haut, plusieurs chefs-d'oeuvre de compagnons sont présentés lors de l'exposition. Ces compositions n'ont rien à voir avec une œuvre d'artiste, mais se définissent plutôt comme des objets pédagogiques qui rassemblent la résolution de difficultés accumulées rencontrées dans le métier concerné. Il en existe plusieurs types :

  • la maquette d'affiliation et la maquette de réception

  • les chefs-d'oeuvre de compétition entre sociétés de compagnonnages

  • les chefs-d'oeuvre pour les titres de meilleurs ouvriers ou apprentis de France

  • Les chefs-d'oeuvre de prestige montrés lors des fêtes et processions

  • les chefs-d'oeuvre de reconnaissance pour remercier une personne qui a aidé le mouvement compagnonnique.

  • Les chefs-d'oeuvre d'amitié, de commémoration, de traités, et les enseignes.

 

A côté de l'exposition temporaire se trouve l'atelier, un espace conçu pour manipuler, expérimenter et jouer avec des dispositifs en lien avec le thème des métiers compagnonniques. On peut ainsi monter et démonter une ferme latine, ou reconstituer une voûte romane. On découvrira également différentes essences d'arbres et l'on regardera plusieurs extraits de films en relation avec le compagnonnage. Des photographies montrant la construction de la Tour Eiffel, fruit du travail des Compagnons, et une exposition sur l'histoire du compagnonnage depuis le 13ème siècle.

 

INFOS PRATIQUES :






 



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