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Le Haut-Doubs, un terroir de savoir-faire
(France)
Heure locale

Lundi 7 février 2022

Notre beau pays abrite de bien belles régions et le Haut-Doubs en fait partie. Région naturelle de France, celle-ci s'adosse sur la partie montagneuse du Doubs, en Bourgogne-Franche-Comté, dans le massif du Jura, le long de la frontière suisse. Faute d'avoir des limites précises, le Haut-Doubs se divise en deux parties : le Haut-Doubs forestier (au sud) aux alentours de Mouthe et de Pontarlier et le Haut-Doubs horloger (au nord) (près de Maîche et Morteau). Cette région recèle bien entendu un terroir et un savoir-faire d'exception que nous allons aborder dans cet article.

 

Les gastronomes et les gourmands trouveront de quoi se régaler lors de leur visite car les spécialités franc-comtoises sont nombreuses tant la nature est généreuse, entre élevage bovin, production laitière, fromages, salaisons fumées, eau claire des torrents, rivières, lacs, forêts, champignons et gibiers. C'est grâce à la richesse de cette terre bénie des dieux que vous dégusterez des produits uniques fabriqués par ces hommes (et femmes) passionnés que sont les fromagers, affineurs, charcutiers, distillateurs...Si, comme moi, vous êtes amateur de bonnes pâtes, trois appellations d'Origine Contrôlée AOC concentrent le meilleur des forêts, des pâturages et des vaches Montbéliardes : le Comté , le Mont d'Or, et le Morbier.

Le Comté est sans doute le roi des fromages. A base de lait cru à pâte cuite, il est fabriqué toute l'année et requiert un affinage de quatre mois minimum. Le lait est mis en commun au sein de coopératives surnommées fruitières (on entend par ce mot une fromagerie traditionnelle de montagne où est transformé le lait cru en fromage. Le terme fruitière aurait plusieurs sens, signifiant tout à la fois pâturage, prairie et lieu de fabrication). Si les villages du Haut-Doubs comptent aujourd'hui une trentaines de fruitières, le Comté est né d'une longue tradition millénaire et de la rudesse des longs hivers du Massif jurassien qui commanda aux hommes, dès le Moyen-Âge, de transformer le lait en fromage « de garde » appelé alors Vachelin. Seuls des fromages de grande taille et à pâte pressée cuite pouvaient se conserver et répondre aux besoins d'une famille entière durant la saison froide. Une meule de Comté pèse en effet près de 40 kg. Si la plus ancienne trace de l'histoire des fromages en Franche-Comté remonte en 58 avant J.C, à l'époque de la guerre des Gaules (le fromage de Séquanie, actuelle Franche-Comté, était très apprécié à Rome), la première trace écrite de « fructeries » (ancêtres des fruitières) date de 1264. Ces grandes meules qui nécessitaient 400 litres de lait en moyenne se nourrissaient des apports laitiers individuels des fermiers qui « fructifiaient » ainsi leur production (d'où le nom de fructerie). Entre solidarité et partage, le Comté sera l'un des premiers fromages à se voir attribuer, en 1958, une AOC, avant de décrocher une AOP en 1996. L'organisation en coopération, elle, remonte à 1380 tandis que le développement du marché du fromage dû à la croissance des villes, lui, attendra la fin du XVI ème siècle.

 

Et les Mont d'Or et Morbier dans tout çà ? A la fin de l'été, les vaches rentrent à l'étable. La production de lait est alors insuffisante pour produire du Comté. Les paysans inventent donc un fromage plus petit, « de bois », entouré d'une sangle d'épicéa qui lui donnera son goût boisé, de noisettes et de champignons. Le Mont d'Or, à la fois onctueux et fondant, est né et emprunte son nom au sommet le plus élevé du Haut-Doubs à 1463 mètres d'altitude. La sangle d'épicéa qui entoure le Mont d'Or prend forme grâce au talent du sanglier, un métier ancestral qu'exerce depuis trois générations la famille Salvi (voir infos pratiques) au côté de celui de bûcheron. Avant de rejoindre la scierie, les trons d'épicéa abattus passe entre les mains expertes du sanglier, lequel ôte l'écorce, prélève la sangle avant de la faire sécher pour ceinturer plus tard le fromage. Quant au Morbier, il répond à cette même tradition de fabriquer des fromages plus petits : le paysans prend la traite du matin qu'il recouvre de cendre ou de suie (aujourd'hui remplacée par du charbon végétal) en attendant la traite du soir pour assembler le fromage, d'où cette fine raie de charbon noir qui distingue le Morbier. Le Haut-Doubs offre aussi d'autres fromages comme la cancoillotte, la raclette ou l'Edel de Cléron.

 

Côté charcuteries, le Haut-Doubs offre là aussi de quoi affronter l'hiver, grâce aux salaisons fumées en tuyé. C'est au XVI ème siècle que les paysans (appelés Montagnons) partent à la conquête des plateaux et des montagnes du Jura. Tirant parti de ce que la nature leur offre, ils utilisent le bois des sapins et des épicéas pour se loger, se chauffer et confectionner meubles et outils. Ainsi construisent-ils des fermes à tuyé (thué ou tué), maisons massives abritant en leur cœur une immense hotte pyramidale (grande cheminée) dont le principal usage est le fumage des viandes (saucisse, jambon cru fumé, jambon à l'os et bresi ou bœuf fumé). C'est dans ce contexte que s'élabore la recette de la saucisse de Morteau. Le XVIII ème siècle voit le développement du commerce et l'accroissement de la notoriété d'une saucisse qui porte le nom d'une ville toute proche, Morteau, qui attire de nombreux marchands et voyageurs, lesquels se régalent de ce plat local. La Franche-Comté est propice à l'élevage de vaches. Disponible en grande quantité, le petit lait (ou lactosérum) issu de la fabrication fromagère, est à l'époque utilisé pour nourrir les porcs et les faire ainsi engraisser. C'est avec ce maigre et ce gras de porc, auxquels on ajoute sel, poivre et épices, que sera fabriquée la saucisse de Morteau avant d'être lentement fumée à froid au bois de résineux (de 24 heures à sept jours maximum). On la reconnaît à sa forme cylindrique et droite, et à sa teinte ambrée, oscillant entre le brun et le doré. Et le Haut-Doubs d'avoir ainsi donné naissance à une spécialité désormais connue bien au-delà de ses frontières. Quant au tuyé, il vous est possible de visiter l'un d'entre eux en vous rendant à Gilley, situé à 900 mètres d'altitude, dans la République du Saugeais, un territoire qui revendique depuis 1947 sa présidente, ses ministres son hymne et sa monnaie, son douanier, son laissez-passer et ses cérémonies. Là, le Tuyé de Papy Gaby (voir infos pratiques) vous invite à visiter et à déguster ses spécialités. Une chose est sûre, vous ne mourrez pas de faim en venant dans le Haut-Doubs, tant il y a des plats typiques : truite au bleu, croûte aux morilles, croûte aux champignons, potée comtoise, petits gris (escargots) aux morilles et jambon à l'échalote.

 

Les vaches font partie intégrante du paysage haut-doubien et rythment le temps au son de leurs cloches. Cette tradition ancestrale permettait de repérer les fuyardes et d'éloigner les prédateurs. Certaines croyances affirment que ces clarines (cloches) éloigneraient aussi l'orage et ...le mauvais sort. Autre détail, les tâches de couleur rouge dessinées sur la robe blanche du bovin vous permettent de reconnaître facilement une Montbéliarde.

Il n'y a pas de repas réussi sans une touche sucrée et, là encore, la région du Haut-Doubs ne fait pas exception : gâteaux de ménage et sèches raviront les gourmands. Les premiers , aussi appelés gâteaux de fête (ou toutché en franc-comtois) sont des gâteaux traditionnels de toutes sortes. Confectionné à base de pâte briochée sucrée plus ou moins riche en beurre, ce dessert est généralement nappé de goumeau (un mélange de crème fraiche, d'oeuf et de sucre). D'autres variantes existent aussi à base de fruits ou de pépites de chocolat. On pourra ainsi se régaler de gâteau au sucre, aux pommes, aux poires ou aux prunes...Quant aux sèches, ou langues de belle-mère, elles ont l'apparence d'un gâteau franc-comtois très savoureux. Avant une sieste salutaire, pourquoi ne pas terminer avec un pousse-café, une liqueur dont on a ici le secret. A vrai dire, le Haut-Doubs en offre plusieurs : le Pontarlier, la liqueur de sapin et l'absinthe. Le Pontarlier est un apéritif alcoolisé, à base d'anis vert (historiquement « Pontarlier-Anis), qui fut créé en 1921 par Armand Guy. La liqueur de sapin, elle, est une boisson alcoolisée à base de bourgeons ou d'aiguilles de sapins, obtenue par macération et distillation, là encore inventée par Armand Guy en 1902, distillateur d'absinthe à l'origine. Cette boisson, qui peut être servie comme apéritif et comme digestif, posséderait des vertus antitussives.

 

Reste l'absinthe, aussi appelée Fée verte ou Fée bleue, dont la fabrication, la vente et la consommation seront interdite dans notre pays de 1915 à 1988. Ce breuvage fera pourtant la grandeur économique de Pontarlier avant 1915 et est synonyme d'une longue histoire transfrontalière qui débuta au 19ème siècle entre cette ville et le Val de Travers. Depuis, cet alcool mythique a heureusement été réhabilité et un itinéraire touristique convie même les visiteurs à découvrir le berceau historique et industriel de la région. Des deux côtés de la frontière, des sites ouvrent leurs portes : distilleries, champs de culture, séchoir à absinthe, sites de contrebande, collections « absinthe » des musées, manifestations et activités dérivés (chocolats, pâtisseries, salaisons, restaurants et brasseries (apéritifs et menus absinthe), céramique, littérature...garantissent aux plus curieux une promenade à la fois culturelle et gustative. La couleur verte et trouble de l'absinthe fut source d'inspiration pour de nombreux artistes comme Baudelaire, Toulouse-Lautrec et Van Gogh...Cette plante au goût amer et aromatisée est cultivée dans la région de Pontarlier. En infusion, elle a plus d'une vertu puisqu'elle aide à la digestion, calme la fièvre, combat les maux intestinaux et éloigne mites et moustiques. Les plantes utilisées pour fabriquer de l'absinthe sont la petite et grande absinthe, l'anis vert, l'hysope, la mélisse, le fenouil et la badiane, de quoi donner du travail aux dernières distilleries artisanales (dont la liste figure dans les informations pratiques (en bas de cet article). Rappelons tout de même qu'aux grandes heures de l'absinthe, on compta jusqu'à 23 distilleries à Pontarlier qui employaient environ 3000 personnes, et 110 bistrots (ou boit debout) en ville.

 

INFOS PRATIQUES :

 









 



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