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Exposition "Aventuriers des Mers, de Sindbad à Marco Polo"
(Institut du Monde Arabe, Paris, France)
Heure locale


Lundi 16 janvier 2017

 

C'est à un superbe voyage que je vous invite cette fois, à travers l'exposition « Aventuriers des Mers, de Sindbad à Marco Polo », visible à l'Institut du Monde arabe jusqu'au 26 février prochain. C'est entre Méditerranée et Océan Indien que se déroulèrent jadis les grandes aventures fondatrices de notre monde, depuis l'Empire perse jusqu'aux conquêtes d'Alexandre, de l'expansion de l'islam aux explorations chinoises et des aventures portugaises aux navigations hollandaises et britanniques. Notre parcours s'ouvre sur la mise en place au VII ème siècle d'un empire des deux mers, celui des Ommeyades, qui ouvrira les voies d'un monde dont le destin sera scellé au XVI ème siècle dans l'Océan Indien.

De grandes figures apparaitront alors comme le géographe du XII ème siècle, Al-Idrisi, auteur du « Livre de divertissement pour celui qui désire parcourir le monde », Marco Polo et son Devisement du monde (Le Livre des merveilles) ou Ibn Battûta, qui parcourra près de 100 000 kilomètres au XIV ème siècle, afin de satisfaire sa curiosité. Et l'exposition de nous dévoiler une incroyable et inhabituelle liberté de circulation qu'il faut prendre le temps d'apprécier au travers de personnages mythiques. Partons donc aux côtés des Arabes, maîtres des mers, et des grands navigateurs européens qui empruntèrent leurs routes pour un merveilleux périple. Une aventure en mer à voir et à vivre, au fil d'un parcours immersif mêlant son, images et procédés optiques, avec les extraordinaires récits de voyages contés par des témoins-voyageurs. A nous l'or d'Afrique et l'argent d'Occident, les monnaies grecques et les diamants de Golconde, les verreries d'Alexandrie, de Venise ou de Bohême, les porcelaines, les soieries et les épices venues de Chine et des Moluques.


 

Ma visite commence avec la découverte d'une mer étrange et redoutable, sur laquelle plane l'inquiétant oiseau mythique Rukh. Celle-ci renferme aussi des monstres marins comme en témoignent statuettes, tableaux, ex-voto, miniatures latines et arabes présentées sur place, autant de preuves de dangerosité des océans que les hommes ont choisi de franchir, sans avoir forcément appris à les maitriser, d'où, parfois, des naufrages sur fond d'images de tempête car les craintes n'étaient pas uniquement mystiques. Le danger était bien réel entre tempêtes, récifs, pirates, mammifères marins et perte des repères. La première partie de l'exposition me permet de m'immerger dans la pénombre d'une coque d'un navire et d'y découvrir une vitrine centrale contenant des œuvres rares comme le Livre des sorts (Fal Nameh) du XIV ème siècle, décrivant la construction de l'arche de Noé. J'y aperçois aussi une enluminure représentant l'épisode de Jonas et la Baleine (ci-dessus). Une tête de requin Mako y est également exposée ainsi qu'une mâchoire de requin tigre. Le tout rythmé par une projection magistrale de mer déchainée, film intitulé Tempête, œuvre de Yann Arthus Bertrand. Peu à peu, les navigateurs apprendront les bons gestes pour faire face aux dangers maritimes, en utilisant de nouveaux instruments de navigation et en inventant des embarcations nouvelles et plus sûres. Les progrès de la cartographie permettront de mieux maitriser l'espace, comme en témoigne le géographe Al-Idrisi, auteur d'un célèbre atlas du monde. Et me voici plongé dans un univers de cosmographies médiévales latines et arabes, cartes et portulans, mappemondes et autres traités astronomiques.

C'est que la navigation est tout un art. Dans les temps anciens, celle-ci s'effectuait principalement à vue, en utilisant la technique du cabotage en longeant le rivage depuis le port d'attache. A force d'observations, les marins apprendront à connaître vents, récifs, cycles de moussons, et acquerront le moyen de se diriger grâce aux étoiles, aidés de quelques instruments simples. Plus tard dotés d'embarcations améliorées, ils raccourciront considérablement la durée des voyages lointains. Et ces savoirs empiriques de dialoguer bientôt avec la science, grâce aux progrès de l'astronomie et de la cartographie dès le XIII ème siècle. A ce titre, la Grèce antique sera le berceau de la cartographie : à partir du IX ème siècle, les géographes musulmans développeront cet héritage à l'aide des mathématiques et de l'astronomie et complèteront leurs cartes grâce aux informations fournies par les navigateurs. Et de situer le centre du monde entre Méditerranée et Océan Indien. Les premiers instruments de navigation, eux, se perfectionneront et permettront aux marins de mieux maitriser la géographie de la Terre. La seconde salle d'exposition est d'ailleurs organisée autour de la géométrie symbolique d'un compas ouvert, qui évoque la création de la cartographie. Je pourrai y voir des maquettes ainsi que plusieurs photographies de l'écrivain, aventurier et capitaine australien Alan Villiers (ci-dessous), mais aussi plusieurs types d'embarcations et de bateaux et leurs usages. Au centre de l'espace, une mappemonde (deuxième photo) situe géographiquement les grandes aires maritimes et propose un premier tracé des routes empruntées. Et le plafond de la salle de s'illuminer d'une grandiose reproduction animée de la sphère céleste.


 

Bientôt, je découvre Marco Polo, l'illustre marchand italien, puis Ibn Battûta, l'un des plus grands voyageurs du Moyen-Âge dont les aventures sont contées à travers un théâtre d'ombres. Avec Al-Idrisi, on se trouve en face de trois hommes qui feront prendre la mesure de l'incroyable épopée des échanges maritimes, depuis le temps des califes jusqu'au règne des cités marchandes. Dès le début de l'Islam, les Arabes prennent alors le contrôle des voies maritimes depuis le golfe arabo-persique jusqu'en Chine. Le matériel de l'épave du navire arabe de Belitung illustre ce pan d'histoire à travers des céramiques, des objets d'art, des manuscrits et des monnaies. Viendra ensuite le temps de l'expansion européenne et la naissance d'une première globalisation du monde, évoqués par les derniers guides de ce voyage, à savoir le marin et diplomate chinois Zheng He et la navigateur portugais Vasco de Gama (ci-dessous). J'achèverai ma visite avec l'apparition des grandes compagnies maritimes européennes qui bouleverseront durablement les territoires. La scénographie de l'exposition, elle, est construite en trois temps, et offre au visiteur un parcours visuel spectaculaire, ponctué de nombreux points de repères cartographiques. Les témoins-voyageurs, eux, tissent le fil rouge de l'évènement en incarnant cette grande épopée au fil des salles. Et Sindbad, Ibn Jubayr, Ibn Mâjid, Marco Polo, Ibn Battûta, Zheng He et Vasco de Gama de s'animer sous vos yeux grâce à la technologie.


 

Lors de cette visite, je ferai plus ample connaissance avec le légendaire Sindbad le marin : les histoires de ce personnage proviennent de contes persans et furent intégrées aux Mille et Une Nuits assez tardivement. En réalité, Sindbad n'était pas un marin, mais un marchand. Afin de faire fructifier sa fortune léguée par son père, il prendra régulièrement la mer et accostera en des lieux mystérieux. Les aventures de Sindbad peuvent ainsi être rattachées à des légendes très anciennes, que l'on retrouve chez plusieurs peuples marins, comme le mythe de l'île baleine présent dans le fond merveilleux scandinave.

Ibn Jubayr naquit quant à lui dans une famille de lettrés d'al-Andalus. En 1184, à l'âge de 39 ans, il décide de réaliser le pèlerinage de la Mecque. Après avoir visité la ville sainte, il se rend dans les grandes villes du Moyen-Orient pour parfaire sa connaissance du monde musulman Ce périple, qui durera plus d'une année, le conduira à rédiger une relation (Rihla) rigoureuse et fiable, dépourvue d'aspects merveilleux. On y lit son angoisse des voyages par mer, que seule sa foi lui permet d'entreprendre.

Le géographe musulman Al-Idrisi doit sa renommée à la Géographie qu'il écrivit pour le roi chrétien Roger II de Sicile. La majorité des historiens estime qu'il naquit à Ceuta en 1100, bien qu'une hypothèse plus récente évoque une naissance en Sicile. Roger II demandera ainsi à Al-Idrisi de réaliser un planisphère destiné à représenter la somme des connaissances géographiques de son temps et d'y apporter ses commentaires. Aujourd'hui disparu, l'existence même de ce planisphère est sujette à caution. Il reste Le Livre de Divertissement pour celui qui désire parcourir le monde, connu aussi sous le nom de Livre de Roger. Celui-ci reprend la conception Ptoléméenne du monde connu divisé en sept climats.

Considéré comme l'un des plus grands navigateurs du Moyen-Âge, Ibn Majib est né vers 1432 sur les côtes arabes du golfe arabo-persique, dans une illustre famille de marins. C'est très jeune qu'il apprendra à naviguer sur la mer Rouge. Il deviendra plus tard un expert incontesté de l'Océan Indien, et les ouvrages de navigation dont il sera l'auteur représentent un sommet de connaissances théoriques et pratiques pour cette époque, malgré le fait qu'il ait servi de pilote à Vasco de Gama, ce qui n'est pas accepté par tous les spécialistes.

Né à Venise en 1254, Marco Polo partit à l'âge de 17 ans avec son père Niccolo et son oncle Maffeo pour un immense périple à travers l'Asie, dont les trois hommes ne reviendront que...25 ans plus tard. Marco Polo explorera ainsi le continent asiatique pour le compte du Grand Khan mongol Kubilaï, qui régnait alors sur l'empire chinois. Et de décrire les contrées visitées dans Le Devisement du monde.

Ibn Battûta, lui, parcourra l'Ancien monde au XIV ème siècle et pendant 25 années, puis se rendra jusqu'à la Chine, en passant par la Syrie, la Perse, l'Anatolie et la Volga, mais aussi l'Afrique orientale, l'Inde occidentale, Ceylan, les Maldives, le Bengale et Sumatra. A peine rentré à Fès, il reprendra la route pour l'Andalousie et se rendra également au Mali. Né à Tanger en 1304, il appartenait à une famille cultivée. C'est seul qu'il prendra la route dès l'âge de 25 ans, pour visiter la Mecque et visiter le tombeau du prophète Muhammad. Et d'accomplir six fois le pèlerinage durant ses voyages. A cette époque ,notre homme traversera principalement des pays musulmans, voyageant à bord de plusieurs navires pour se rendre aux Maldives, du Bengale à Sumatra, puis jusqu'en Chine. Il prendra place à bord de navires de commerce coutumiers des routes maritimes et narrera à chaque fois ses traversées parfois risquées à cause des pirates ou des risques de collision avec d'autres embarcations sur ces axes fréquentés.

Zheng He est né en 1371 dans une famille musulmane du sud de la Chine d'origine mongole. Capturé à l'âge de dix ans, émasculé puis placé au service d'une famille princière de la dynastie des Ming, il finira par être nommé amiral de la flotte impériale sous le règne de l'empereur Yongle. Zheng He effectuera ainsi sept expéditions entre 1405 et 1433.

Quant à Vasco de Gama, il ouvrira une route maritime entre l'Europe occidentale et l'Orient en passant par le cap de Bonne-Espérance, lors du premier de ses voyages vers l'Inde. Lors de sa première expédition, il sera le premier navigateur à franchir une si grande distance en mer. A la tête de quatre navires et de 170 marins, il sera le premier Européen à parvenir aux Indes par mer. Son acharnement et son courage vaudront au Portugal de trouver une nouvelle routes des épices et d'établir son premier empire commercial au Moyen-Orient.


 

Fascinés par les richesses des terres lointaines, les hommes s'aventurèrent aux confins de la mer. On se battait déjà sur l'océan au premier siècle de notre ère pour les épices, les textiles et les matériaux précieux de l'Océan Indien. Les marchands organiseront ainsi très tôt des circuits commerciaux pour s'approvisionner toujours plus loin et toujours davantage. Et plus qu'une affaire de marchands, ces réseaux complexes et efficaces allaient se retrouver au cœur de l'histoire politique du monde médiéval. Compte tenu de sa situation géographique, la péninsule Arabique fut dès l'Antiquité au cœur des échanges entre l'Asie, l'Afrique et l'Europe. Et les marchands arabes de jouer un rôle central dans les relations commerciales entre la Méditerranée et l'Océan Indien, renforcé par la création d'un empire arabo-musulman vaste et puissant. En Méditerranée, on se disputait jalousement le contrôle des circuits commerciaux, et la dislocation des grands empires profitera aux républiques maritimes italiennes dont la fortune et la puissance reposeront sur leur rôle marchand stratégique. Des relations commerciales se développèrent alors, qui facilitèrent la production artisanale et la circulation des objets d'art entre les cours princières. La troisième salle de l'exposition me fait pénétrer dans un bazar traditionnel reconstitué. J'y découvre des pièces de vaisselles, des coupes, et un brûle-encens (ci-dessous) du XVI ème siècle, originaire de Syrie ou d'Egypte, en laiton et en argent.

 

Pendant des siècles, le commerce maritime entre Méditerranée et Océan Indien restera contrôlé par les musulmans, commerce que marchands et souverains chrétiens tenteront de contourner. A la fin du XV ème siècle, les Portugais pénétreront dans l'Océan Indien tandis que dans le même temps, Christophe Colomb découvrira l'Amérique alors qu'il cherchait une nouvelle route pour les Indes. Bientôt, de nouvelles routes maritimes vers l'Orient s'ouvriront toutes plus prometteuses les une que les autres.

En 1453, Byzance tombera aux mains des Ottomans qui régnaient alors en maitres sur le commerce maritime en Méditerranée. Et la flotte ottomane conduite par Barberousse de conquérir plusieurs ports et de menacer les Etats européens un siècle plus tard. Ces derniers formeront alors une coalition destinée à défaire l'escadre du sultan lors de la Bataille de Lépante (ci-dessous) et à mettre fin au monopole ottoman. Les Européens augmenteront par la suite de manière considérable leurs profits commerciaux issus de l'Océan Indien grâce aux routes commerciales ouvertes par les Portugais. Bientôt, les Etats d'Europe du Nord s'organiseront et prendront l'avantage sur les Méditerranéens. La création en 1602 de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales consacrera ainsi la mainmise sur l'organisation des échanges commerciaux.

Avant de rebrousser chemin, je m'attarderai quelques instants sur Nizwa (deuxième photo), un des derniers boutres traditionnels construits en 1992 dans les chantiers de Sur en Oman. L'embarcation tire son nom de la ville omanaise située dans les montagnes à seulement quelques kilomètres de Muscat. Racheté en 2004 par un couple de Français résidant à Dubaï, cet ancien bateau de pêche long de 24 mètres fut gréé et transformé en habitation.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Aventuriers des Mers, de Sindbad à Marco Polo », jusqu'au 26 février 2017, à l'Institut du Monde Arabe, 1 rue des Fossés Saint-Bernard, à Paris (5è). Tél : 01 40 51 38 38. Site internet : http://www.imarabe.org

    Ouvert du mardi au vendredi de 10h00 à 18h00, les samedi, dimanche et jours fériés de 10h00 à 19h00. Entrée : 13€

  • Le catalogue de l'exposition, Aventuriers des Mers, est en vente sur place (224 pages, 29€)

  • Merci au service presse de l'Institut du Monde Arabe, tout particulièrement à Madame Salwa Alneimi pour sa précieuse aide.

 

 

 

 









 



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