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Exposition "Hina Matsuri"
(Meguro Gajoen, Tokyo, Japon)
Heure locale

 

Jeudi 9 février 2017

 

Quel bonheur de me retrouver aujourd'hui à Tokyo. Je suis cette fois accompagnée de ma cousine Véronique à qui je vais m'efforcer d'offrir un premier regard sur ce magnifique pays qu'est le Japon lors de notre courte escale. Outre le mois de la floraison des pruniers, février est également celui d'une magnifique exposition. Une exposition semblable avait déjà eu lieu l'an passé à la même époque, mais celle de cette année présente d'authentiques poupées traditionnelles originaires de Kyushu. Le Japon a pour réputation d'honorer, tout au long de l'année, diverses célébrations , qu'elles soient religieuses, rituelles ou commerciales.

Les petites filles japonaises ont la chance d'avoir deux fêtes dans l'année : la date de leur naissance (anniversaire) et la fête des filles qui a lieu le 3 mars. Ce jour-là, on célèbre la Hina Matsuri ou fête des Poupées, événement qui relève d'une coutume ancienne de l'époque Heian (794-1192), du temps où des poupées prenaient place à bord des embarcations afin de célébrer un rituel censé écarter l'infortune. Depuis, il est de coutume d'offrir aux petites filles ces fameuses poupées qui apportent bonheur et santé. A cette époque, la noblesse offrait ce jour-là au couple impérial des figurines qui représentaient la cour, et ces poupées miniatures étaient supposées éloigner les esprits malfaisants.

 

Aujourd'hui, cette coutume s'est transformée en fête pour petites filles et fait directement écho à celle des petits garçons. Chaque 3 mars, la Hina Matsuri est ainsi célébrée dans chaque foyer où il y a une petite fille à honorer. La demoiselle mise à l'honneur revêt alors son plus beau kimono et reçoit amis et membres de sa famille autour de pâtisseries (comme par exemple les hishi mochi, préparés à base de riz gluant en forme de losange). On boit également un verre de saké sucré (shirozake) afin d'aider à avaler cette friandise légèrement compacte. Le moment fort de cette journée reste toutefois l'instant où la famille offre une nouvelle poupée à la jeune élue. Poupée qui rejoindra bien souvent la collection familiale. Certains parents se contentent pour leur part de ressortir les poupées des années précédentes qui ont parfois été reçues en héritage. Celles-ci représentent l'empereur du Japon et son épouse, et, bien sûr, les musiciens traditionnels de la cour de la période Heian. Les poupées sont disposées dans un ordre précis, ordre variable selon les régions. La plate-forme qui reçoit les poupées est appelée Hina dan, et le tissu rouge qui la recouvre, dankake, ou hi-mosen. L'empereur et son épouse se trouveront toujours au sommet du présentoir, puis, les autres poupées (plus ou moins nombreuses et riches en fonction des moyens des familles) seront disposées tout autour. Une même collection comporte généralement quinze poupées.

 

Il existe plusieurs types de poupées japonaises :certaines représentent des enfants et des bébés, d'autres, nous l'avons vu, des membres de la cour impériale, d'autres des guerriers et des héros, ou bien des personnages de conte de fée ou de la mythologie japonaise (excepté des démons), ou même simplement de simples japonais. A l'origine, la destination de ces poupées étaient des cérémonies familiales. Elles étaient alors offertes comme cadeaux formels. Elles étaient aussi utilisées dans d'autres célébrations comme la fête des poupées, ou encore Kodomo no Hi (la journée des enfants), ou encore Tango no Sekku. D'autres poupées furent fabriquées pour être tout bonnement vendues comme souvenirs lors d'une visite d'un temple par exemple. Aux environs de l'an 1000, existaient déjà plusieurs types de poupées. Les filles jouaient avec des poupées et des maisons de poupées, tandis que les femmes fabriquaient des poupées afin de protéger leurs enfants et leurs petits-enfants. D'autres poupées étaient utilisées lors de cérémonies religieuses car elles prenaient sur elles les péchés des personnes qui les touchaient. On pense que les premiers fabricants de ces poupées étaient les sculpteurs des temples, lesquels concevaient les figurines de bois peint représentant des enfants (poupées Saga). Ces poupées-là étaient faites d'un bois recouvert d'une laque (gofun), avec de la colle et des coquilles d'huitres ainsi que des textiles. Leur utilisation était vaste comme, par exemple, ces figures de héros légendaires qu'on mettait à l'honneur lors des festivals. On les emportait alors dans les rues des villes, comme à la Fête de Gion de Kyoto. D'autres poupées servaient dans les théâtres, comme ces poupées bunraku, une forme de théâtre qui rivalisait avec le kabuki, et qui existe toujours de nos jours. Durant l'époque Edo, alors que le pays était replié sur lui-même, se développa une coutume : les riches payèrent des fabricants de poupées pour qu'on leur fabrique des poupées décoratives qui serviront à égayer leur intérieur. Mais aussi pour les offrir en cadeau. On vit alors apparaître de plus en plus de poupées raffinées et détaillées, à tel point que cette fabrication fut bientôt régulée par le gouvernement de l'époque. On arrêtait ainsi parfois des fabricants qui ne respectaient pas la hauteur réglementaire des poupées ou qui n'utilisaient pas les matériaux adéquats. Ce sont ces poupées « riches » qui sont cette fois encore exposées au Meguro Gajoen.

 

Le cadre dans lequel se déroule l'exposition des poupées Hina de Kyushu est aussi majestueux que l’exposition qui nous intéresse. Le Meguro Gajoen a longtemps été surnommé le magasin des ornements, ou encore « le conte féérique du Palais du dieu de la mer », sous la période Showa. Lorsque le bâtiment fut construit en 1931, la capitale nippone se remettait tout juste d'un grand tremblement de terre. Peu nombreuses étaient alors les maisons qui disposaient de l'eau courante et de l'électricité et les habitants vivaient chichement. Et le Meguro Gajoen d'apporter rêve et fantaisie compte tenu de la beauté de ses décors intérieurs, à une époque où les Tokyoites ne disposaient que de rares décorations intérieures à leurs domiciles. L'endroit servit d'abord de restaurant japonais. Puis une annexe fut bâtie avec salles de banquets, salons de réception, sanctuaire, église, salon d'habillage, salon de maquillage et un studio de photographie (afin de permettre à ceux qui le désiraient de se faire photographier lors des mariages ou autres cérémonies). Lors de la seconde guerre mondiale, les lieux seront toutefois évacués compte tenu du risque de bombardements dans cette partie de la ville. 1988 connut des transformations puisque de nombreux ornements furent transférés à l'intérieur d'un nouveau bâtiment (seul l'escalier aux cent marches et quelques salons anciens de l'ancienne structure furent conservés) tandis que les anciennes constructions préservées étaient classées comme biens culturels japonais. Lors ce cette visite, mon guide me conduit au restaurant Shun Yuki où nous pourrons admirer deux magnifiques salles, Gyokujo et Nanpu (en photos ci-dessous).


 

L'exposition à laquelle j'assiste aujourd'hui dans le hall Hyakudan Kaidan offre d'admirer plus de 800 poupées en provenance de la Préfecture de Fukuoka, tandis que le musée de Meguro Gajoen expose plus de mille poupées hina venues des sept préfectures de l'île de Kyushu, dont Kumamoto qui fut frappée l'an passé par un terrible tremblement de terre. Habituellement, les poupées représentent l'empereur et son épouse, les serviteurs et les musiciens, mais, dans le cas de la ville d'Iizuka, on peut apprécier une foule de personnages en train d'assister à des fêtes comme la fête de Gion à Kyoto ou bien le festival Nebuta dans la cité d'Aomori. D'autres scénographies proposent des vues uniques comme celle de la collection de la célèbre poétesse japonaise Byakuren Yanagiwara : notre héroïne fut la première cousine de l'empereur Taisho, et la fille d'une geisha inconnue et du Comte de Yanagihara. Elle fit non seulement de la poésie mais se battit également pour le droit des femmes. Elle se maria pour la première fois à l'âge de seize ans, après avoir été vendu à une famille d'aristocrates dont elle épousera le fils. C'est lors de son second mariage forcé qu'elle s'initiera à la poésie avant de publier ses œuvres, Fumie, pour la première fois en 1915. Fumie faisait alors référence aux sévices infligés à l'époque aux Chrétiens sous l'ère Tokugawa et durant l'époque Meiji.

 

D'autres poupées exposées constituèrent également le trousseau de la fille de Matsudaira Sadanobu, conseiller d'un roju supérieur sous l'ère Edo, alors que cette dame épousa Matsuura Hiromu, lord féodal de Hirado (Préfecture de Nagasaki). A noter que le roju, ou conseiller ancien, représentait une des plus hautes fonctions dans le gouvernement des Tokugawa. Ce titre désignait les anciens (à titre individuel) ou le conseil en tant qu'ensemble, conseil qui était alors dirigé par le premier roju, ou par le tairo (grand ancien). Quant à Matsudaira Sadanobu, il fut un daïmio du milieu de l'époque Edo, et fut renommé pour ses réformes financières qui sauveront de la faillite le domaine de Shirakawa. Notre homme appliquera enfin des réformes similaires au cours de son mandat de roju sous le règne des Tokugawa. Comme vous le voyez, la visite de cette exposition vous emporte dans le cours de l'histoire du Japon !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition de la fête des Poupées, jusqu'au 12 mars 2017, au Meguro Gajoen, 1-8-1 Simomeguro, Meguro-ku, à Tokyo. Tél : 03 5434 314O. Ouvert tous les jours, de 10h00 à 18h00. Entrée : 1500 yens. Prise de photos interdite. Boutique. Metro: Meguro. Site internet : http://www.megurogajoen.co.jp/event/hinamaturi/
  • Merci au service de Presse du musée pour son charmant accueil.

 

 




 



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