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Artigas
(Département d'Artigas, Uruguay)
Heure locale


Mercredi 10 mai 2017

 

Réveillé tôt, je me prépare dès six heures du matin pour prendre la route en direction d'Artigas. Ne pouvant pas emprunter la route brésilienne pour la raison invoquée lors de mon précédent article, je m'attends à un voyage plus long. Je mettrai près d'une demi-heure pour sortir du mini-parking de l'hôtel Petit Rivera, en marche arrière, faute de pouvoir manoeuvrer. Quelle plaie ! La journée s'annonce radieuse et je profiterai de paysages magnifiques émergeant de la brume et rougeoyant d'un soleil en train de se lever. Il me faudra reprendre la Ruta 5 en direction de Montevideo sur 25 kilomètres avant d'emprunter la Ruta 30 qui porte le nom du Brigadier General Eugenio Garzon, militaire uruguayen qui participa à la guerre d'indépendance et aux guerres civiles entre l'Argentine et l’Uruguay. Au début, cette route, qui traverse trois départements du nord du pays était convenable, mais, au niveau de la jonction pour Tranqueras (et ce, jusqu'à Masoller), la route nationale se transforma soudainement en une piste caillouteuse. Heureusement qu'il ne pleuvait pas...et que mes pneus ont tenu le coup ! Je ne croiserai que peu de véhicules en ce début de journée glaciale dans cette vallée de Lunarejo qui constitue par ailleurs un parc national du nord-est du département de Rivera, avec de très jolis paysages. Mon enfer s'achèvera au moins provisoirement en atteignant Masoller, petite localité qui a la particularité de se trouver à l'intersection des trois départements de Rivera, d'Artigas et de Salto. Une pierre marque d'ailleurs l'endroit. Toujours le long de la Ruta 30, s'élève un mausolée (ci-dessous) en souvenir de la bataille de Masoller, ultime bataille révolutionnaire d'Uruguay qui opposera les Colorados (parti républicain libéral) et les Blancos (parti de centre droit) et permettra la consolidation de la présidence de José Batlle y Ordonez. A noter que les blessés des deux camps de ce conflit seront à l'époque secourus par la famille Masoller, ce qui ne sera pas du goût de tout le monde.

 

Dès le premier coup d'oeil, Artigas me fait bonne impression. Pas par la qualité de la route qui y mène mais par l'apparence offerte par les équipements publics, mieux entretenus que dans les autres villes traversées jusqu'à présent. La Place José Batlle y Ordonez (ci-dessous) est justement selon moi la plus belle place de la ville, et la plus grande aussi avec ses deux hectares de superficie. Jadis Place de l'indépendance, elle fut rebaptisée du nom de José Batlle y Ordonez, homme politique et journaliste d'origine catalane espagnole, qui occupera à deux reprises la présidence de la république. Sur cette place se dresse l'obélisque célébrant la gloire des héros de 1825, ceux de la fameuse croisade de la liberté. Le monument, inauguré le 19 avril 1930, est constitué de 120 tonnes de granit qui furent offertes par l'entrepreneur Francisco Piria (à l'origine de la création de la station balnéaire de Piriapolis), blocs de pierre qui parvinrent à Artigas par train. C'est aussi de cette place que part le défilé du carnaval annuel de la cité. Non loin de là, j'observe le monument de La Madre (ci-dessous deuxième photo), en hommage aux mères uruguayennes, statue qui fut offerte à la ville par la communauté libanaise.


 

A l'autre extrémité de la Place José Batlle y Ordonez se trouve l'église consacrée au cœur sacré de Jésus (en photo ci-dessous) pour laquelle je ne dispose d'aucune autre information que 1880, sa date d'inauguration. Une autre église, celle de San Eugenio (deuxième photo), située Place Artigas, fut inaugurée le 23 juillet 1854 et reste la première église construite dans cette ville. Cet édifice abrite le musée ecclésiastique du Père Anselmo Espada. Je constate à regret qu'il m'est impossible d'entrer à l'intérieur de ce bâtiment qui est classé monument historique national.


 

Je pars maintenant, plan en main, en direction de la gare d'autobus, ancienne gare ferroviaire d'Artigas. L'avantage de cette ville est que tous les points d'intérêt sont localisés dans un mouchoir de poche et que deux heures suffisent pour parcourir l'ensemble à pied. La gare d'autobus, elle, fut inaugurée en 2001, et succéda à la station de chemin de fer qui resta en service jusqu'au 15 janvier 1986, date de départ du dernier train. Une vieille locomotive (ci-dessous) témoigne encore des heures glorieuses de ce moyen de transport local qui apparut un certain 17 avril 1891. Ici, la cloche qui annonçait jadis le départ des convois s'est tue une fois pour toutes. La gare, elle, a depuis longtemps, très longtemps, regardé pousser l'ibirapita, un arbre immense qui offre de belles fleurs jaunes en été et de l'ombre toute l'année. Cet arbre, rapporté du Paraguay (pays voisin) en 1915 par José de Brum fils, avait été d'abord planté à un autre endroit, avant d'être transféré ici en 1942, date de sa première floraison. Notre homme voulut offrir à Artigas ce plan d'arbre obtenu à partir de graines d'un autre ibirapita originaire, lui, du Paraguay, plus exactement de l'endroit même où le Général José Artigas, libérateur de la patrie uruguayenne, mourut en exil le 23 septembre 1850, dans la localité d'Ibiray (Paraguay).


 

Une autre place, la Place Artigas (ci-dessous), fait date dans la création de la ville le 12 septembre 1852. C'est en effet en septembre qu'avait eu lieu l'adjudication de terrains, suivie un mois plus tard de la construction des premiers ranchs dans la ville naissante. Et un plan routier d'être rapidement tracé dans le même temps. En 1885, on voulut offrir à la population un lieu de rencontre, où familles et chevaux pourraient trouver quelque détente à l'ombre des arbres qui y seraient plantés, et cette place, de recevoir d'abord le nom du 19 avril, puis, Place de la Constitution, avant de prendre son nom actuel. En 1914, le jardinier municipal Mangano agença l'endroit dans un style anglais, avec des diagonales délimitant des espaces de gazon et des zones arborées de platanes. L'ensemble fut entièrement revu en 2011 à l'occasion du bicentenaire. J'admire au passage la fontaine et la statue équestre en hommage au général José Artigas (deuxième photo). Cette statue entièrement en bronze, repose sur un socle constitué de 6000 agates qui furent polies par des artisans locaux. C'est sur cette place même que fut enterré en 1956 le coffre des souvenirs contenant photos et documents de l'époque, coffre qu'il est prévu de rouvrir seulement en ...2052.


 

Le long de la Place Artigas, non loin de l'église San Eugenio, se dresse le siège de la police (en photo ci-dessous), l'un des bâtiments les plus emblématiques de la ville d'Artigas. Inauguré le 21 mars 1896, après quatre années de travaux, cet édifice, qui ressemble étrangement à un château, est le fruit de la volonté du Colonel Carlos Lecueder, qui débuta sa carrière le 2 octobre 1884 comme premier responsable de la police d'Artigas, sous le grade de sergent. Et pour cause, cette construction s'est largement inspirée des architectures militaires européennes afin de reproduire justement un château médiéval. L'ensemble est flanqué de quatre tours, tandis que le toit est fait de bois et de tuiles à la française. Curieux, je me présente à l'entrée de l'édifice et une charmante jeune fille m'invite à visiter l'intérieur, qui abrite un superbe patio (deuxième photo). On me conduit d'abord au bureau des relations publiques et de la presse où je suis immédiatement pris en charge. Quelques minutes plus tard, le commissaire principal m'accueille à son tour dans un français admirable. Nous échangerons quelques instants, et en langue française, sur la France et sa culture. Je lui ferai part de ma grande satisfaction de pouvoir me trouver aujourd'hui en Uruguay et d'en découvrir son peuple et ses richesses. Autre curiosité de l'endroit : l'horloge, originaire de Paris (France), qui arriva par train à Artigas et en pièces détachées dans dix caisses, le 22 juin 1901, sera installée sur le fronton du siège de la police puis inaugurée en juillet de la même année. Cette horloge est couplée à trois cloches (d'un poids total de 300 kg) dont il était prévu qu'on puisse en percevoir le tintement cinq kilomètres à la ronde. La cloche qui indiquait l'heure pèse à elle seul 150 kg et correspond à la note ré tandis que les deux autres marquent les quart d'heures (des notes fa et do).


 

D'autres bâtiments offrent quelques belles façades, comme le centre Figari, autrefois marché municipal de la viande (ci-dessous) puis reconverti en centre de formation professionnelle pour jeunes, incluant un musée, une bibliothèque et une cafétéria. L'édifice, inauguré en 1919 est depuis classé comme monument historique.


 

Je me dirige enfin vers le pont international de la Concorde (ci-dessous) qui relie Artigas (Uruguay) à Quarai (Brésil) depuis 1968 en franchissant la rivière Cuareim. D'une longueur de 760 mètres, l'ouvrage est considéré comme celui offrant la plus longue courbe en Amérique du Sud. Avant la construction de ce pont, on traversait le cours d'eau sur un bac assez grand pour embarquer un attelage, puis on construisit une première chaussée dans les années 1930 mais celle-ci devenait impraticable lors des crues de la rivière. Envisagé dès 1950, il faudra attendre deux décennies avant que ne prenne forme le pont actuel. Je franchis librement le poste frontière sous l'oeil des policiers, puis m'arrête au milieu du pont pour photographier la rivière Cuareim (deuxième photo). Affluent de la rivière Uruguay, ce cours d'eau en est, par sa longueur, son troisième affluent, derrière le Rio Negro et la rivière Ibicui. Cuareim, dans la langue des Indiens guaranis signifie « la rivière qui coule à partir d'un trou ». Et est, pour les habitants d'Artigas, synonyme de détente. Un parc, celui du Paseo 7 de Setiembre, longe sa rive uruguayenne et offre un espace de loisirs et de promenade pour petits et grands, agrémenté d'un lac.


 

C'est Carlos Catala qui fonda la ville d'Artigas après la guerre qui opposa les Colorados aux Blancos dans la zone du Rio de La Plata, entre 1839 et 1851. La création de cette cité devant permettre à l'Uruguay de consolider ses frontières avec le Brésil. La ville, créée le 12 septembre 1852, s'appellera d'abord San Eugenio del Cuareim, et sera située juste en face d'un poste militaire brésilien qui deviendra plus tard l'actuelle ville de Quarai. L'endroit n'avait pas été choisi au hasard puisqu'à cet endroit, la rivière Cuareim offrait un rétrécissement de son lit. Le 5 septembre 1884, Artigas deviendra la capitale du département du même nom, mais cela est une autre histoire.

 

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